Anna Netrebko chante Aida dans les salles UGC

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Compte rendu critique opéra. Salles UGC, le 2 juillet 2020. VERDI : Aida. Netrebko, Meli, Semenchuk, MUTI (Salzbourg 2017).

 

 

EGYPTE PROCHE ORIENTALE

 

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Pas de statues pharaoniques ni de références visuelles au Nouvel Empire ou à Ramsès : la vision d’Aïda par la plasticienne et photographe iranienne Shirin Neshat écarte toute facilité hollywoodienne ; elle évoque plutôt un âge antique certes mais viscéralement proche oriental où domine dans le jeu des étoffes aériennes (superbe bleu gris pour les éthiopiens) une critique d’un pouvoir tyrannique et guerrier contre un peuple réduit en esclavage… épurée mais forte et claire, la mise en scène sait dévoiler la masse fracassante comme l’intensité des scènes intimistes.

SOLISTES CONVAINCANTS
D’emblée, le niveau du plateau vocal assure à la production salzbourgeoise, sa grande efficacité voire son mordant théâtral : Francesco Meli incarne un Radamès ivre d’amour, vaillant et viril : il est tendu comme un sabre, prêt à renoncer à la gloire et à l’honneur pour suivre dans la mort sa belle Aïda. D’ailleurs celle ci triomphe irrésistiblement grâce au diamant d’Anna Netrebko, féminité léonine jusque dans ses aigus voluptueux : le personnage titre irradie d’une intensité noire, dès son premier air, se vouant à la mort ; indiscutablement une Isolde verdienne aux accents fauves et crépusculaires, une actrice aussi, touchante par sa sincérité, qui demeure mémorable. Aux côtés de ses Lady Macbeth, Giovanna d’Arco ou Leonora (Trouvère), Netrebko affirme la justesse de ses choix verdiens. Ekaterina Semenchuk réalise elle aussi un somptueux parcours, alto rugissante et fauve, aimante jusqu’à la haine ; son Amnéris est finalement détruite par son désir vain pour Radamès : fine actrice, la chanteuse affirme une maîtrise théâtrale en particulier dans son grand duo au II avec Aïda qu’elle torture et manipule psychologiquement ; la cantatrice cisèle son personnage dont le regard devient clé dans les deux dernières scènes (condamnation de Radamès, puis tombeau des amants éperdus). Riccardo Muti en fosse, autre lion inflexible tient les Wiener Philharmoniker en tension et précision. On détecte toujours son goût déclamatoire dans les ensembles, littéralement colossaux aux tempis volontiers ralentis ; voilà une démesure qui colle bien aux monolithes sur scène, ces boîtes minérales gigantesques qui forment décor ; accueille l’assemblée des prêtres (ouvertement critiqués par Verdi; maudits surtout par Amnéris), et aussi le cortège triomphal de Radamès dont les fameuses trompettes offrent un luxe sonore évident (6 trompettistes en 2 petits groupes de part et d’autres de la foule assemblée). L’autorité de Pharaon s’exprime par l’orchestre.

 

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Diffusée dans l’écrin des salles UGC, ce 2 juillet 2020, l’expérience même s’il s’agissait d’une « ancienne production » de l’été 2017 à Salzbourg, accrédite le bien fondé du cycle « Viva l’Opéra! », excellente initiative qui mène le genre lyrique au cinéma ; le spectateur plonge au cœur du drame grâce à l’intelligence des plans rapprochés : les caméras mieux que l’oeil humain, focusent sur un regard, un mouvement du corps, révélant autrement l’acuité d’une situation ; de sorte que l’approche du lyrique ici en ressort régénérée. C’est une formule qui d’ordinaire, hors covid, diffuse des directs ; elle sait séduire manifestement un public très fidélisé. Ne manquait que la coupe de champagne qui à l’entracte selon l’usage, ajoute à la magie d’une grande soirée… La prochaine saison promet de nouveaux spectacles forts, à découvrir sur le site de Viva l’Opéra / UGC – saison 2020 – 2021 : https://www.vivalopera.fr/saison/annees/2020-2021. Parmi les temps forts, déjà incontournables, la Tosca de Netrebko les 17 et 24 sept depuis La Scala (la diva l’a déjà chanté au Met), puis sa Leonora de La Force du destin les 10 et 17 déc 2020 depuis la Royal Opera House de Londres / Covent Garden. A suivre.

 

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