Nantes, Opéra Graslin. Korngold : Die Tote Stadt : 8<17 mars 2015. D’après l’adaptation (Le Mirage) que Georges Rodenbach conçoit d’après Bruges la morte, Korngold fait créer son opéra simultanément à Cologne et Hambourg, le 4 décembre 1920. Le chef d’oeuvre d’un compositeur de 23 ans. La brume vaporeuse de Bruges est le lieu où se réfugie Paul. Le jeune homme veuf y pleure en un rituel mortifère la perte de celle qu’il a aimée. Dans ce monde irréel, paraît soudain le fantasme de l’aimée, plus vivante que sa bien-aimée, plus fascinante que son souvenir. Au labyrinthe des apparences et des illusions, – vertiges qui précipitent la conscience déjà détruite de Paul, répond la riche et flamboyante texture de l’orchestre conçu par Korngold. Onirisme, cauchemar… trouble psychique ou quête spirituelle, l’itinéraire de Paul vacille constamment entre espoir et désillusion, passion ressuscitée et dépression… Dans La ville morte, le compositeur, d’un romantisme virtuose, interroge la forme même de l’opéra en tant que fabrique du rêve et de l’enchantement. Mais ici, l’illusion lyrique confine aux visions les plus envoûtantes voire déconcertantes. Proche du texte du poète symboliste belge, Georges Rodenbach, l’opéra Die Tote Stadt suit fidèlement l’ambiance évanescente de Bruges la morte (1892). En déplaçant le lieu des illusions, – d’un cerveau malade et inconsolable jusqu’à la célébration d’une ville entière, nouveau théâtre des apparitions, l’ouvrage atteint une nouvelle poétique, suggestive, allusive, propice à la surprise à à la révélation.
Avant de mourir, Rodenbach adapte son roman en pièce de théâtre dès 1900. C’est à partir de cette adaptation que les Korngold, père et fils, mettent en musique entre 1917 et 1920, la trame d’un drame psychologique et fantastique qui envoûte par sa finesse poétique, sa couleur surnaturelle et miroitante. Korngold est formé à la musique par son père Julius, critique musical. A Vienne, l’enfant prodige suscite l’admiration de Gustav Mahler alors directeur de l’Opéra. Fuyant le nazisme, Korngold compose ensuite pour Hollywood (à partir e 1936) les musiques de films de la Warner Bross où perce Errol Flynn (Les Aventures de Robin des Bois de 1938, Capitaine Blood, La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre, L’Aigle des mers de 1940…). Au total, 18 musiques de film verront le jour dont deux remporteront un oscar (Anthony Adverse et Robin des Bois).
Dans La Ville Morte, le jeune Erich Wolfgang approfondit encore sa sensibilité dramatique d’essence fantastique, amorcée avant dès 1914 dans son ouvrage Violanta. La Ville morte reste l’opéra le plus joué en Europe dans les années 1920 : tous les chefs d’envergure (Szell, Schalk, Klemperer, Knappertsbusch) souhaitent se confronter à un opéra intensément dramatique et onirique, qui exige surtout un orchestre spectaculaire citant Strauss, Mahler, Wagner… La Ville morte s’inscrit naturellement dans la programmation inaugurale du premier festival de Salzbourg de l’été 1922. De retour à Vienne en 1949, Korngold tente vainement de reprendre sa place comme compositeur adulé : l’échec de sa Symphonie en fa dièse (composée en Autriche : un autre chef d’oeuvre méconnu) refroidit ses ardeurs : le goût du public a changé et le compositeur regagne les States, à Hollywood, dès 1955, où il s’éteint en 1957 (Toluca Lake). LIRE notre présentation complète de La Ville Morte de Korngold présenté par ANGERS NANTES OPERA, du 8 au 17 mars 2015
Angers Nantes Opéra
Erich Wolfgang Korngold : Die Tote Stadt : La Ville Morte
Production créée à Nancy le 9 mai 2010
Thomas Rösner, direction
Philipp Himmelmann, mise en scène
Daniel Kirch, Paul
Helena Juntunen, Marietta
Allen Boxer, Frank
Maria Riccarda Wesseling, Brigitta
Elisa Cenni, Juliette
Albane Carrère, Lucienne
Alexander Sprague, Victorin et Gaston
John Chest, Fritz
Rémy Mathieu, Le Comte Albert
Nantes, Théâtre Graslin : les 8, 10, 13, 15 (14h30), 17 mars 2015 à 20h.