jeudi 28 mars 2024

ADN BAROQUE, nov 2018. ENTRETIEN avec Théophile Alexandre (chant) et Guillaume Vincent (piano).

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ADN BAROQUE, nov 2018. ENTRETIEN avec Théophile Alexandre (chant) et Guillaume Vincent (piano). En une plongée inédite au cœur de la passion baroque, les deux interprètes du spectacle ADN BAROQUE offrent un dévoilement de l’intime, celui où règnent fragilité, désir, vertiges de l’âme humaine. L’approche est dépouillée, intimiste, … elle souhaite dévoiler comme une radiographie (chorégraphiée sur scène par JC Gallotta), les ressorts de la psyché baroque, itinéraires et passages entre ordre et désordre, équilibre et chaos, autant de dérèglements féconds et miraculeux qui ont inspiré les plus grands compositeurs… Pour classiquenews, après les premières dates de leur tournée et après la publication chez Klarthe records du cd qui en découle (distingué par un CLIC de CLASSIQUENEWS en octobre 2018), le chanteur Théophile Alexandre et le pianiste Guillaume Vincent reprécisent la genèse de ce programme en clair-obscur, en blanc et noir comme ils éclairent sa dramaturgie entre chant, musique et danse. Entretien croisé.

 
 
 

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Selon quels critères avez-vous sélectionné les extraits d’opéras et les pièces instrumentales ?

TA / Théophile Alexandre : Au coup de cœur, bien sûr, mais surtout avec la volonté de raconter une histoire, qui nous plonge au cœur des émotions humaines, chaque pièce incarnant un état d’âme particulier, décodé par notre musicologue Barbara Nestola (CNRS de Paris).
GV / Guillaume Vincent : Et nous n’avons choisi que des pièces courtes, ou raccourcies aux da capo, et uniquement en mode mineur, pour accentuer cette dramaturgie d’instantanés émotionnels, et créer du sens, une cohérence globale entre des compositeurs très différents (7 pour le disque, 9 pour le spectacle).
TA : Le tout en 21 pièces, comme les 21 grammes du poids de l’âme humaine, comme les légendes populaires aiment à le raconter… (sourire)

 
 
 

Comment s’articule chaque épisode afin de composer une dramaturgie cohérente ?

TA : Tout le propos d’ADN Baroque est une relecture intime et inédite du baroque en piano-voix, un peu comme des lieder, pour mieux faire ressortir sa radiographie émotionnelle de l’être humain : cette « perle irrégulière », en référence à son étymologie « Barocco », sans cesse tiraillée entre ses sentiments les plus nobles et ses instincts les plus primaires. Autant de facettes que le disque explore…
GV : Le fil conducteur était de créer un voyage dans les clairs-obscurs de l’âme humaine, que le spectacle décline en trois actes, dans un crescendo vers le plus intime de l’homme : la Lumière, les Ombres et la Nuit.

 
 
 

Comment avez-vous travaillé votre voix et le jeu pianistique pour ce programme ? Afin de préserver quels caractères en particulier ?

GV : Déjà, nous signons toutes les adaptations en piano-voix de ces arias, écrites à l’origine pour orchestre : transcriptions sur lesquelles nous avons travaillé pendant plus d’un an pour créer une relecture au plus proche des intentions des compositeurs, et en gardant les tonalités à 415, même avec piano. Mais dans certains cas, nous avons fait le choix de pousser plus loin la réinvention, par des accents jazzy dans le Strike The Viol de Purcell, ou en passant à l’octave l’instrumental du Eja Mater et la ligne de baryton des Sauvages, ou encore avec un piano préparé au cachemire pour le Cold Song et le Cum dederit.
TA : Après, vocalement, tout le travail s’est concentré sur l’expressivité, la juste théâtralité, pour faire ressentir la puissance émotionnelle de chaque morceau. L’enjeu était de privilégier le sens, d’incarner chaque état d’âme plus que de chercher la belle vocalité, en assumant ces fragilités qui servent l’émotion. Car c’est bien par nos failles que filtrent nos lumières, et qu’émerge ce petit supplément d’âme qui nous rend humains.
GV : J’ajouterai que pianistiquement comme vocalement, ADN Baroque est un programme d’une exigence redoutable, par la virtuosité technique qu’il impose, notamment dans les furioso d’Haendel ou Vivaldi, mais aussi par la nécessité paradoxale de s’en détacher pour explorer quelque chose de plus viscéral et d’instinctif, tout en restant impliqué dans l’esprit du compositeur.

 
 
 

Que signifie le Baroque pour chacun de vous ? Et de quelle façon cela est-il incarné dans le programme du disque, et le spectacle qui en découlent ?

TA : Emotivité, humanité, irrégularité. Malgré ses lourds habillages d‘époque, ses fastes ou ses ornements, le baroque n’a eu de cesse de nous déshabiller pour mieux sonder nos âmes et nous montrer sans fard, dans nos parfaites imperfections… C’est ce miroir trouble des clairs-obscurs de l’humain, cette empathie des fragiles que nous avons voulu incarner par la puissance de l’intime que permet le piano-voix.
GV : Pour moi le baroque c’est aussi un état d’esprit de liberté, que nous nous sommes autorisés dans cette relecture musicale inédite en désobéissant aux règles d’interprétations sur instruments anciens, mais aussi sur scène en cassant les codes du récital traditionnel.
TA : Et puis le baroque c’est le mouvement, ce que les changements d’humeur permanents du disque retranscrivent et que la danse de Jean-Claude Gallotta me permet d’incarner dans le spectacle, créant des va-et-vient incessants entre chant et danse, entre corps et âme.

 
 
 

Y a-t-il des éléments du programme que vous avez adaptés voire modifiés au cours du travail scénique ? Lesquels et pourquoi ?

TA : Sur scène, le programme s’enrichit d’instrumentaux que je danse, sur des chorégraphies créées sur-mesure par Jean-Claude Gallotta, en plus des mises en mouvement des piano-voix. Après, si le disque est construit comme une série d’instantanés, le spectacle raconte un crescendo vers l’intimité de l’humain : la setlist a donc été réorganisée pour créer cette dramaturgie, tout en prenant en compte la fatigue que la performance chant et danse convoque. Par exemple : finir exsangue sur le erbarme dich sert l’état de dépouillement total de la fin du spectacle… A l’inverse, les longues notes filées et tenues du Cum dederit n’étaient plus chantables pour moi après 1h de performance : la pièce n’a donc pas été retenue pour le spectacle.
GV : Le jeu des tonalités a également guidé l’ordre des pièces sur scène, pour créer des continuum entre elles et faire monter la tension émotionnelle de l’auditeur. Et puis nous nous amusons à rajouter des intro et des outro, variations libres sur les thèmes de certains morceaux, où là encore, l’enjeu n’est pas de restituer mais bien de faire vivre ces œuvres les unes par rapport aux autres et de raconter une histoire porteuse de sens.

 
 
 

Propos recueillis en novembre 2018.

 
 
 

 
 
 

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VIDEO ADN BAROQUE : piano, danse, chant / Haendel / Vivaldi:
http://smarturl.it/ADNBAROQUE?IQid=www.klarthe.com

 
 
 

LIRE aussi notre critique du cd ADN BAROQUE
ADN Baroque theophile alexandre guillaume vincent piano cd review critique cd par classiquenewsCD événement. ADN BAROQUE (Alexandre / Vincent, 1 cd Klarthe records). C’est une mise à nu, au sens propre comme au sens figuré : le chanteur pose nu sur le piano. Et délivre un chant brut mais millimétré comme un diseur dans le lied ou la mélodie française. En blanc et noir, en une approche « radiographique », les deux artistes régénèrent l’exercice du récital lyrique. Le travail se concentre sur le relief intime, le souffle, l’intonation et la projection du verbe… répond à ce souci du sens et de l’affect (un principe moteur dans l’esthétique baroque, en particulier à l’opéra dont sont extraits maintes séquences ici), le piano, complice privilégié pour cette exacerbation canalisée des passions humaines…
CLIC D'OR macaron 200Les titres de chaque extrait sont parlants, porteurs d’un imaginaire psychologique désormais essentiel car il est ici vécu et joué de façon viscérale : « l’oubli, la célébration, l’ambition… l’effroi, la colère, l’abandon, les larmes, la liberté »… La palette est aussi large que l’implication des deux interprètes profonde, parfois grave, toujours intense. LIRE notre critique complète ici :
https://www.classiquenews.com/cd-evenement-adn-baroque-alexandre-vincent-1-cd-klarthe-records/

 
 
 
 
 
 

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