Toulon, Opéra. Ariane à Naxos : 14, 16, 18 mars 2014. Sur son rocher (sur l’île de Naxos), la belle mais tragique Ariane, abandonnée par Thésée (qu’elle a pourtant sauvé du labyrinthe et des griffes du Minotaure) se lamente: coeur éperdu, trahi, sans espoir, sans avenir ; âme vouée à la mort.
Richard Strauss
Ariane à Naxos
Toulon, Opéra
Les 14, 16, 18 mars 2014
Direction musicale : Rani Calderon
Mise en scène : Mireille Larroche
Décors : Nicolas de Lajartre
Costumes : Danièle Barraud
Lumières : Jean-Yves Courcoux
Ariane, Jennifer Check
Zerbinetta, Julia Novikova
Le compositeur, Christina Carvin
Naïade, Léonie Renaud
Dryade, Charlotte Labaki
Echo, Marion Grange
Bacchus, Kor-Jan Dusseljee
Arlequin / Le maître de musique, Charles Rice
Truffaldino, Pierre Bessière
Le maître de ballet / Brighella, Cyrille Dubois
Scaramouche, Loïc Félix
Un laquais, Fabien Leriche
Un perruquier, Jacques Catalayud
Le majordome, Martin Turba
Amour tragique, amour comique
A ses côtés, Zerbinette sa suivante qui ne partage pas cette vision sombre et grave de la vie et s’amuse des peines amoureuses, préférant cultiver les aventures, collectionne amants et rencontres d’un jour, avec cette légèreté, bouclier et masque contre l’angoisse et la dépression… Strauss et Hoffmansthal mêlent les genres : sérieux, héroïque et comique badin. Heureusement, Ariane rencontre Bacchus qui l’invite à une ivresse salvatrice : la princesse affligée ressuscite enfin, illuminée par l’amour du jeune dieu du vin. Saine métamorphose d’une amoureuse régénérée.
Dans l’ouvrage, Strauss et son poète librettiste Hugo von Hoffmansthal, l’un des duos opératiques les plus miraculeux de l’histoire de l’opéra, comme l’incarnent aussi Mozart et Da Ponte, ou avant au XVIIè, Monteverdi et Busenello; pour l’heure, Strauss et Hofmannsthal imaginent la représentation dans la maison du plus riche parti de Vienne : c’est la première partie de l’ouvrage, un théâtre dans l’opéra où les tréteaux sont plantés pour que, auprès des héros antiques, s’aiment et rient les acteurs italiens de la Commedia dell’arte.
Jamais opéra ne fut plus subtil, plus riche, plus subtil et poétique: hommage aux comédies-ballets de Molière et de Lully, Ariane à Naxos (Ariadne auf Naxos) est révisée après sa création, recoupée, retravaillée : au prélude, le compositeur imagine la préparation des acteurs et chanteurs pour la représentation proprement dite (agitation, heurts entre artistes, délire et angoisse mais aussi manifeste esthétique du jeune compositeur sur la scène); puis, dans l’opéra proprement dit : action mythologique à laquelle Strauss et Hoffmannsthal associent le rire réenchanteur des comédiens comiques (Arlequin, Zerbinette, Truffaldino, Scaramuccio…) autant de gentils clowns dont le chant contraste avec le lamento d’une Ariane en crise dépressive… mais heureusement pas pour longtemps car Hofmannsthal sait cultiver un thème particulièrement cher : la salut des âmes douloureuses, la métamorphose qui peut encore sauver les hommes et le monde. Beau message humaniste. Le résultat est éclatant.