DVD, Blu ray. TURANDOT : Wilson / Luisotti (BelAir classiques)

TURANDOT-wilson-madrid-theorin-kunde-opera-critique-cd-blu-ray-vod-classiquenews-critique-operaDVD, Blu ray, critique. TURANDOT : Wilson / Luisotti (BelAir classiques). Gestuelle statique et frontale, pas mesurés et saccadés, lumière diffuse (lunaire pour le premier acte) : l’imaginaire visuel et cette apologie de mouvements épurés à l’économie, défendus depuis des lustres (souvent de façon systématique) par Bob Wilson fonctionnent indiscutablement ici : l’univers d’une Chine terrorisée par la princesse sanguinaire, où la foule malmenée par les guerriers impériaux s’ébranle au diapason de la meule qui aiguise la lame du bourreau… tout est magnifiquement dit dès le premier tableau : les êtres sont réduits à des mouvements d’automates, précisément muselés par un régime tyrannique.
Dans ce tableau létal et glaçant, morbide totalement déshumanisé, les 3 ministres des rites agissent comme des bouffons qui détendent singulièrement la tension ambiante : les 3 masques réalisent l’incursion de la commedia dell’arte dans cette barbarie collective où flotte comme une ombre la figure tutélaire de Turandot princesse hallucinante qui peut n’avoir jamais existé ! Ils tentent de déchirer la possession qui s’est saisie du cÅ“ur du prince Calaf après avoir vu la princesse inaccessible. Ainsi l’univers du conte de Goldoni, est il visuellement bien restitué, subtile équation entre exotisme, cruauté, onirisme.

Côté voix, qu’avons-nous ? Le prince Calaf, un rien sage mais de plus en plus crédible au fur et à mesure de l’action (Gregory Kunde) ; Liu, son amoureuse éconduite, vocalement assurée (beaux aigus filés finaux de Yolanda Auyanet) ; le tableau qui ouvre le II, assure idéalement les lamentations nostalgiques des 3 ministres usés (Ping, Pang, Pong) fatigués par l’application des rites imposés par l’impossible princesse vengeresse. Les 3 chanteurs composent un trio passionnant, belle et unique incursion de l’humain (avant le duo amoureux final) dans une fresque mécanique animée par des figurines statiques. Irene Theorin a longtemps chanté le rôle-titre, hélas ici dans une forme réduite ; souvent sans graves et aux lignes et phrases courtes. Le chant est tendu, sans guère de vertiges : pourtant Puccini a su exprimé la solitude d’une jeune femme qui venge sincèrement le viol de son ancêtre Lo U Ling et qui s’en pétrifiée en une asexualité monstrueuse. Puis, la même âme frigide s’ouvre enfin à l’amour, incarné par Calaf, le prince messianique qui délivre tous et toutes du poids des contraintes.

On regrette souvent la direction dure et parfois grandiloquente du chef Luisotti qui n’éclaire pas suffisamment ce colorisme génial d’un Puccini souvent ivre de timbres impressionnistes. Globalement malgré les quelques réserves émises, cette production reste un très bon spectacle.

 
 

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+ d’infos sur le site de l’éditeur BelAir classiques:
https://belairclassiques.com/
Page TURANDOT / Wilson / Luisotti – Teatro Real Madrid, 2018
https://belairclassiques.com/film/puccini-turandot-bob-wilson-nicola-luisotti-gregory-kunde-irene-theorin-teatro-real-madrid-dvd-blu-ray

 

 

 

Extrait vidéo :

RADIO. Sélection de la rentrée 2020 – sélection jusqu’au 10 janvier 2021

CONFINEMENT : quels spectacles et concerts ne pas manquer ?RADIO. Sélection de la rentrée 2020… Classiquenews sélectionne ici les programmes à ne pas manquer sur les ondes. Opéras, concerts symphoniques, plateaux éclectiques, retrouvez ci dessous les programmes incontournables à écouter dès la rentrée 2020 et bien après… Y figurent plusieurs concerts enregistrés en huis clos, dans un dispositif adapté au nouveau confinement imposé depuis le 29 octobre 2020.

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décembre 2020

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Dimanche 6 décembre 2020 / RADIO CLASSIQUE
21h : Orchestre national en région Hauts-de-France – Arie van Beek, direction.
Melody Louledjian, soprano
MAHLER, Symphonie n°4 en sol majeur

 

 

Samedi 5 décembre 2020 / RADIO CLASSIQUE
21h : Orchestre National Montpellier Occitanie
Karen Kamenseh, dir
Elza van den Heever, soprano
PEPIN Camille, Laniakea
WAGNER R, Wesendonck Lieder
STRAUSS R, Intermezzo-4 interludes symphoniques
WAGNER R, Tristan et Isolde -Prélude et Liebestod pour orchestre

 

 

 

novembre 2020

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Dimanche 29 novembre 2020 / RADIO CLASSIQUE
21h : Concert Ophélie Gaillard, violoncelle / Un violoncelle à l’opéra

 

p style=”text-align: right;”> Samedi 28 novembre 2020 / RADIO CLASSIQUE
21h : Concert de l’Orchestre de Paris
Enregistrement en huis clos. STRAUSS : Quatre derniers lieder / Vier Lietzer lieder
BRAHMS : Symphonie n°4
Orchestre de Paris / Simone Young, direction

 

p style=”text-align: right;”> Dimanche 22 novembre 2020 / RADIO CLASSIQUE
21h : BRUCKNER, Symphonie n°4 “Romantique” – Philharmonique de Munich, Valery Gergiev, direction.
Arhives de l’Orchestre Philharmonique de Munich,dir. Z.Mehta, S.Celibidache (Concerto piano n° 2 de Brahms avec D.Barenboim), J.Levine, E.Jochum (Lied de Reger, avec C.Ludwig)

 

p style=”text-align: right;”> Samedi 21 novembre 2020 / RADIO CLASSIQUE
21h : W.A. Mozart, Sonate K 304 – R. Strauss Sonate op. 18
WE Korngold : garden scene de la suite “much do about nothing”

 

 

 

 

septembre 2020

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 Dim 27 sept 2020, 16h – FRANCE MUSIQUE
Tribune des critiques de disques : STABAT MATER de POULENC
Quelle est la meilleure version enregistrée ? Ecoute comparative…

 

Ven 11 sept 2020, 21h.
Musiques en Fête ! en direct d’Orange sur France Musique et France 3

Malgré le contexte sanitaire, voici une soirée musicale inédite avec des artistes en live destinée au plus grand nombre. Présentée par Cyril Féraud (entre autres), cette 10e édition de « Musiques en fête » réunit un plateau de chanteurs pour un mixte de genres mêlés : airs d’opéra, d’opérette, de comédies musicales, ainsi que des musiques traditionnelles et des chansons françaises…
Les mélodies de Verdi, Donizetti, Bellini s’associent aux airs cultes : “Oh happy day !”, “Calling you”, “La Mélodie du bonheur”, interprétés en direct sur France 3 et sur France Musique, depuis la scène du théâtre antique d’Orange.
Se succédent ainsi sur scène Florian Sempey, Thomas Bettinger, Claudio Capeo, Sara Blanch Freixes, Jérôme Boutillier, Alexandre Duhamel, Julien Dran, Julie Fuchs, Thomas Bettinger, Mélodie Louledjian, Patrizia Ciofi, Fabienne Conrad, Marina Viotti, Florian Laconi, Amélie Robins, Béatrice Uria-Monzon, Marc Laho, Jeanne Gérard, Anandha Seethaneen, Jean Teitgen. Avec l’Orchestre national de Montpellier Occitanie. Le Chœur de l’Opéra de Monte Carlo, Chef de chœur : Stefano Visconti. La Maîtrise des Bouches-du-Rhône. Les élèves des classes CHAM du collège de Vaison la Romaine. Chorégraphies de Stéphane Jarny.
Puis les jeunes talents de Pop the Opera, réunissant une centaine de collégiens et de lycéens issus d’établissements scolaires de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, interprètent plusieurs chansons cultes.

 

 

PROGRAMME

Georges Bizet : Carmen
Giacomo Puccini : Nessun dorma, ext. de Turandot (Act.III)

Charles Trenet
Paul Misraki
Je chante

Charles Gounod
Je veux vivre – Ariette, ext. de Roméo et Juliette

Giuseppe Verdi
Di geloso amor sprezzato, ext. de Le Trouvère (Act.I, Sc.15)

Michel Polnareff
On ira tous au paradis
Hommage à Jean-Loup Dabadie, auteur

Gaetano Donizetti
Io son ricco e tu sei bella (Barcaruola), ext. de L’ Elisir d’amore (Act.II, Sc.3)
Una furtiva lagrima, ext. de L’ Elisir d’amore (Act.II, Sc.12)

Jules Massenet
Profitons bien de la jeunesse, ext. de Manon (Act.III, Sc.10)

Abba : Björn Ulvaeus, Benny Andersson, Stig Anderson Dancing Queen

Bella ciao (Hymne des Partisans italiens)

Anonyme
Paul Misraki

Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?
ext. de la BO du film Feux de joie de Jacques Houssin

Pop the Opera : collégiens et lycéens de la région académique Provence-Alpes-Côte-d’azur

Giacomo Puccini
E lucevan le stelle, romance – ext. de Tosca (Act.III, Sc.3)

Giuseppe Verdi
Carlo vive ? , ext. de I masnadieri (“Les Brigands”)
Mélody Louledjian, soprano, Amalia

Di provenza il mar il suol, ext. de La Traviata (Act.II, Sc.13)
Jérôme Boutillier, baryton

Lucio Battisti
E penso a te
Claudio Capeo, chant

Giuseppe Verdi
O Carlo ascolta, ext. de Don Carlo (Act.III, Sc.9)
Pace pace mio Dio, ext. de La forza del destino (“La force du Destin”) – Act.IV Sc.5

Richard Rodgers
Do-Re-Mi (Do le do), ext. de La Mélodie du bonheur
Elèves des classes CHAM du collège de Vaison la Romaine

Traditionnel Tsigane de Russie
Medley “Les trois ténors” : Les Yeux noirs (“Otchi tchornye”), Cielito lindo, O sole mio (“mon soleil »)

Gaetano Donizetti
Deh! tu di un umile preghiera, ext. de Maria Stuarda (Act.III, Sc.14)
Cruda funesta smania, ext. de Lucia di Lammermoor (Act.I, Sc.4)

John Kander
Cabaret
Isabelle Georges, chant

Gioacchino Rossini
La calunnia e un venticello, ext de Le barbier de Séville (” Il Barbiere di Siviglia”) – Act.I Sc.16 Non piu mesta, ext. de La Cenerentola
Marina Viotti, mezzo-soprano, Angelina dite La Cenerentola

The Edwin Hawkins Singers
Oh Happy Day
Choeur de Gospel

Pablo Sorozábal
No puede se, ext. de la zarzuela “La tabernera del puerto »

Vincenzo Bellini
La tremenda ultrice spada, ext. de
Les Capulets et les Montaigus (“I Capuleti e i Montecchi”) – Act.I
Héloïse Mas, mezzo-soprano

Gaetano Donizetti
O luce di quest’anima, ext. de Linda di Chamounix (Act.I, Sc.10)

Louis Ganne
C’est l’amour, ext. de Les Saltimbanques
Julie Fuchs, soprano, Suzanne
Florian Sempey, baryton, Grand-Pingouin

Bob Telson
Calling You
Ext. de la BO du film américano-allemand réalisé par Percy Adlon
Anandha Seethaneen, chant, membre du gospel “Oh happy day »

Vincenzo Bellini
Ah! non giunge uman pensiero, ext. de La Sonnambula (Act.II, Sc.14)
Amélie Robins, soprano, Amina

Deh! non volerli vittime, ext. de Norma (Act.II, Sc.18)
Fabienne Conrad, soprano, Norma
Marc Laho, ténor, Pollione

Franz Schubert
Ave Maria (Ellens Gesang III, Hymne an die Jungfrau D 839 op. 52 n°6)
Sara Blanch Freixes, soprano

Maîtrise des Bouches-du-Rhone
Ivan Petrovitch Larionov
Kalinka (“Petite baie”)
Florian Laconi, ténor
Direction : Didier Benetti

Giuseppe Verdi
Schiudi inferno inghiotti, ext. de Macbeth (Act.I, Sc.11)
Alexandre Duhamel, baryton
Béatrice Uria-Monzon, mezzo-soprano
Jean Teitgen, baryton
Thomas Bettinger, ténor
Jeanne Gérard, soprano

Libiamo nè lieti calici, ext. de La Traviata (Act.I, Sc.3)
Patrizia Ciofi, soprano, Violetta
Julien Dran, ténor, Alfredo Germont

Choeur de l’Opéra de Monte-Carlo dirigé par Stefano Visconti
Orchestre National de Montpellier Occitanie
Direction : Luciano Acocella

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Mardi 8 sept 2020, 20h. HAENDEL : Le Messie.
Concert donné le 10 juin 2019 en l’Abbaye de Melk dans le cadre du Festival International de Journées de musique baroque de Melk
Georg Friedrich Haendel
Le Messie HWV 56
Oratorio pour solistes, choeur et orchestre en trois parties sur un livret de Charles Jennens d’après des textes bibliques
Charles Jennens, librettiste
Giulia Semenzato, soprano
Terry Wey, contre-ténor
Michael Schade, ténor
Christopher Maltman, basse
Wiener Singakademie
Concentus Musicus de Vienne
Direction : Daniel Harding

 

 

 

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Dim 6 sept 2020, 16h. PUCCINI : TURANDOT.
Tribune des critiques de disques.Quelle meilleure version au disque de l’ultime opéra de Giacomo Puccini ? Quelle chanteuse a le mieux incarné la princesse frigide aux 3 énigmes ?…

 

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Sam 5 sept 2020, 20h. HAENDEL : Agrippina
20h – 23h Samedi à l’opéra / opéra donné le 11 octobre 2019 au Royal Opera House de Londres.

Georg Friedrich Haendel
Agrippina HWV 6
Opera seria en trois actes sur un livret de Vincenzo Grimani, crée le 26 décembre 1709 au Teatro San Giovanni Grisostomo de Venise.
Vincenzo Grimani, librettiste
Joyce Di Donato, mezzo-soprano, Agrippina
Franco Fagioli, contre-ténor, Néron, fils d’Agrippina
Lucy Crowe,soprano, Poppea
Iestyn Davies, contre-ténor, Ottone
Gianluca Buratto, basse, Claudio, Empereur romain
Andrea Mastroni, basse, Pallante
Eric Jurenas, contre-ténor, Narciso
José Coca Loza, basse, Lesbo
Orchestre du Siècle des Lumières
Direction : Maxim Emelyanychev
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opera-garnier-apollon-lyreLe 14 juillet 2020, 19h30 en direct : gala spécial. DUKAS, FAURE, SAINT-SAENS, R STRAUSS, MOZART. En hommage au dévouement et au courage du personnel soignant et de tous ceux qui ont œuvré en faveur de la collectivité au cours des derniers mois, l’Opéra national de Paris organise deux concerts exceptionnels au Palais Garnier, les 13 et 14 juillet 2020. France Musique diffuse en direct le programme du 14 juillet, fête nationale. Fanfares préliminaires, séquence chorale, enfin scène d’opéra (Mozart), puis conclusion symphonique (la Jupiter et sa rayonnante vitalité)… En direct les 13 et 14 juillet sur la page facebook et Youtube de l’Opéra national de Paris. 1h30 sans entracte

Paul Dukas : Fanfare
pour précéder “La Péri »

Richard Strauss : Feierlicher Einzug
(Einzug der Ritter des Jo-hanniterordens), TrV 224

Gabriel Fauré : Madrigal op. 35
Camille Saint-Saëns: Calme des nuits op. 68 n° 1

MOZART : Le Nozze di Figaro
Ouverture
Hai già vinta la causa »
“”Deh vieni non tardar »
Crudel ! Perché finora farmi languir così ?
Symphonie n° 41, “Jupiter” en ut majeur (K 551)

Avec Julie Fuchs, Stéphane Degout, aux côtés de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sous la direction de Philippe Jordan et des Chœurs de l’Opéra national de Paris sous la direction de José Luis Basso. Le 14 juillet en direct du Palais Garnier à PARIS.

CHAINE YOUTUBE de l’Opéra national de Paris
https://www.youtube.com/user/operanationaldeparis
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LILLE. TURANDOT au Nouveau Siècle

pucciniLILLE. PUCCINI : TURANDOT. 7, 8, 9 juillet 2020. Lille grâce à l’ONLILLE, Orchestre National de Lille poursuit en été son offre lyrique. Dans le cadre de son nouveau festival intitulé « Les Nuits d’été » (2è édition en juillet 2020), l’ONLILLE aborde TURANDOT de Puccini, les 7, 8 et 9 juillet 2020 (20h) dans son superbe auditorium du Nouveau Siècle. La partition est la dernière transmise par Puccini, qui hélas meurt avant d’avoir achever la totalité du IIIè acte : de fait si l’on respecte le manuscrit originel, Puccini a interrompu la composition après le suicide de Liu et le départ immédiat de Timur… ; c’est Toscanini, puccinien de la première heure, qui demande à Franco Alfano (l’auteur de Madonna Imperia d’après Balzac, 1921) de terminer l’ouvrage avec les lourdeurs parfois emphatiques que l’on sait (duo enfin amoureux entre Calaf et Turandot : « Mio fiore mattutino »), pour la création de l’œuvre à la Scala en avril 1926.

 

Les Nuits d’été à Lille
le nouveau rv lyrique estival
présenté par l’Orchestre National de Lille

 

 


turandot-lille-orchestre-national-de-lille-classiquenews-annonce-critique-opera-turandot

 

 

LA PRINCESSE AUX 3 ÉNIGMES… L’opéra est un mythe lyrique qui ne cesse de transporter grâce aux diaprures et vertiges de l’orchestre ; à travers la figure de la princesse chinoise, se fixe l’attrait pour les héroïnes inclassables, ici héritière des sorcières et enchanteresses baroques, devenue grâce à l‘imagination de Puccini, une divinité marmoréenne dont toute sensualité semble écartée : c’est une princesse, osons le dire, « frigide ». Dans certaine production, les metteurs en scène prennent acte de l’inachèvement du drame par Puccini qui n’a pas laissé de duo amoureux ; ainsi interdite de passion comme de toute tendresse, Turandot est-elle vouée à la mort et se suicide en fin d’action… Mais aujourd’hui, la fin imaginée par Alfano permet d’envisager un autre destin pour la chinoise, enfin initiée grâce à Calaf, aux délices d’un amour pur et sincère.

Après l’opéra tragique, Madama Butterfly (créé sans succès à la Scala en février 1904) où il convoque un Japon de pacotille, sublimé par l’opulence d’un orchestre à la fois flamboyant et dramatique, Puccini aborde à nouveau l’Asie, à travers le portrait de la princesse chinoise Turandot. La déité règne sur un royaume transi ; ayant promis à son aïeule martyrisée par un étranger de la venger, en imposant à chaque prince qui veut l ‘épouser, la résolution de 3 énigmes… Turandot paraît jusque là mort de Liu (au III), telle une femme glaciale, impérieuse, inflexible ; le prince Calaf qui au début de l’opéra, ose braver l’interdit et répondre aux 3 énigmes, affronte un roc, muré, et comme pétrifiée par sa haine et sa volonté de vengeance.

TURANDOT-orchestre-national-de-lille-juillet-2020-annonce-critique-classiquenewsLes pages symphoniques évoquant la Chine impériale et le faste parfois terrifiant et ennuyeux de la Cour (le trio des 3 ministres chargés des rites, PIM PAM POM), la terrifiante et solennelle confrontation de la princesse et du prince étranger au II où la jeune femme évoque le destin atroce de son aïeule (« Questa Reggia » : un Everest pour toute soprano dramatique qui doit posséder un instrument puissant, clair et agile, d’un format wagnérien…) ; l’aube au début du III, et le célèbre « Nessun dorma » qui a fait la légende des plus grands ténors (Pavarotti en tête) convoquent le meilleur orchestre puccinien, doué de chromatisme audacieux, de couleurs, d’envolées lyriques, proprement picturales. Rien de mieux pour l’Orchestre National de Lille prêt à relever tous les défis sous la direction de son directeur musical, le très impliqué Alexandre Bloch.

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Alexandre Bloch © Ugo Ponte

 

 

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Orchestre National de Lille / ONLILLE © Ugo Ponte

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PUCCINI : Turandotboutonreservation
Version de concert
Les Nuits d’été de l’Orchestre National de Lille

Mardi 7, mercredi 8, jeudi 9 juillet 2020, 20h
LILLE, Auditorium du Nouveau Siècle

 

RÉSERVEZ VOS PLACES
directement sur le site de l’ONLILLE Orchestre National de Lille
https://www.onlille.com/saison_19-20/concert/turandot/

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ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE
Alexandre Bloch, direction

Calaf : Jorge de León
David Pomeroy (concert du 8 juillet 2020)

Turandot : Ingela Brimberg
/ Miina-Liisa Värelä (concert du 8 juillet 2020)

Liu : Eri Nakamura
Timur : Nicolas Testé
Ping & le Mandarin : Philippe-Nicolas Martin
Pang : Sahy Ratia
Pang : Tividar Kiss
Altoum, empereur de Chine : Éric Huchet

Orchestre National de Lille
The Hungarian National Choir
Jeune Chœur Des Hauts-De-France

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APPROFONDIR

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netrebko-anna-verismo-turandot-vignette-250-250VENGER LO U LING… HAÃR LES HOMMES…  A l’exacte moitié de l’opéra, alors que l’on ne l’a pas encore écoutée (mais attendue : elle et ses 3 énigmes sanglantes), la princesse chinoise, fille du fils du Ciel, l’empereur Altoum, entonne enfin devant la foule, face au prince qui ose la défier (Calaf) et devant les spectateurs, son fameux grand air « In questa reggia »… récitatif halluciné, plein de tendresse blessée pour son aïeule, la princesse Lo u ling, sacrifiée, violée par le roi des Tartares (dont Calaf est un descendant). D’où le caractère de haine et de vengeance à l’égard des jeunes mâles venus la conquérir : elle vengera l’offense faite à son ancêtre… L’air de Turandot se hisse jusqu’en aigus stratosphériques, exprimant le refus d’une femme qui s’écarte sciemment du monde des hommes. Illustration : diva des divas actuelles, Anna Netrebko, si  elle n’a pas incarné sur scène le princesse vengeresse, a tenté non sans conviction de chanter le rôle (l’air “in Questa Reggia”) dans un récital discographique édité par DG Deutsche Grammophon : une révélation qui a confirmé l’évolution de sa voix vers un grand lyrique dramatique doté d’aigus puissants et charnels… (cd Verismo, 2016)

TRAGI-COMIQUE. Pour adoucir la tension tragique de cette figure plus céleste que mortelle, Puccini a pris soin d’accompagner le prince Calaf, sur le registre terrestre, des 3 ministres chargés des rites, les fameux masques Ping, Pang, Pong, trois forces divertissantes qui n’hésitent pas depuis l’arrivée du jeune homme, à le dissuader de défier Turandot ; celle ci est cruelle et terrifiante ; elle n’existe pas… Leur trio qui ouvre l’acte II indique la nostalgie de leur terre (Ping : « ho una casa nell ‘Honan »), loin des intrigues fatigantes de la cour impériale. L’imbrication des registres témoigne du génie dramatique de Puccini : tragique halluciné (Truandot), comique et autodérision (les masques), héroïque ardent (Calaf)…

 

 

ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE : TURANDOT

pucciniLILLE. PUCCINI : TURANDOT. 7, 8, 9 juillet 2020. Lille grâce à l’ONLILLE, Orchestre National de Lille poursuit en été son offre lyrique. Dans le cadre de son nouveau festival intitulé « Les Nuits d’été » (2è édition en juillet 2020), l’ONLILLE aborde TURANDOT de Puccini, les 7, 8 et 9 juillet 2020 (20h) dans son superbe auditorium du Nouveau Siècle. La partition est la dernière transmise par Puccini, qui hélas meurt avant d’avoir achever la totalité du IIIè acte : de fait si l’on respecte le manuscrit originel, Puccini a interrompu la composition après le suicide de Liu et le départ immédiat de Timur… ; c’est Toscanini, puccinien de la première heure, qui demande à Franco Alfano (l’auteur de Madonna Imperia d’après Balzac, 1921) de terminer l’ouvrage avec les lourdeurs parfois emphatiques que l’on sait (duo enfin amoureux entre Calaf et Turandot : « Mio fiore mattutino »), pour la création de l’œuvre à la Scala en avril 1926.

 

Les Nuits d’été à Lille
le nouveau rv lyrique estival
présenté par l’Orchestre National de Lille

 

 


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LA PRINCESSE AUX 3 ÉNIGMES… L’opéra est un mythe lyrique qui ne cesse de transporter grâce aux diaprures et vertiges de l’orchestre ; à travers la figure de la princesse chinoise, se fixe l’attrait pour les héroïnes inclassables, ici héritière des sorcières et enchanteresses baroques, devenue grâce à l‘imagination de Puccini, une divinité marmoréenne dont toute sensualité semble écartée : c’est une princesse, osons le dire, « frigide ». Dans certaine production, les metteurs en scène prennent acte de l’inachèvement du drame par Puccini qui n’a pas laissé de duo amoureux ; ainsi interdite de passion comme de toute tendresse, Turandot est-elle vouée à la mort et se suicide en fin d’action… Mais aujourd’hui, la fin imaginée par Alfano permet d’envisager un autre destin pour la chinoise, enfin initiée grâce à Calaf, aux délices d’un amour pur et sincère.

Après l’opéra tragique, Madama Butterfly (créé sans succès à la Scala en février 1904) où il convoque un Japon de pacotille, sublimé par l’opulence d’un orchestre à la fois flamboyant et dramatique, Puccini aborde à nouveau l’Asie, à travers le portrait de la princesse chinoise Turandot. La déité règne sur un royaume transi ; ayant promis à son aïeule martyrisée par un étranger de la venger, en imposant à chaque prince qui veut l ‘épouser, la résolution de 3 énigmes… Turandot paraît jusque là mort de Liu (au III), telle une femme glaciale, impérieuse, inflexible ; le prince Calaf qui au début de l’opéra, ose braver l’interdit et répondre aux 3 énigmes, affronte un roc, muré, et comme pétrifiée par sa haine et sa volonté de vengeance.

TURANDOT-orchestre-national-de-lille-juillet-2020-annonce-critique-classiquenewsLes pages symphoniques évoquant la Chine impériale et le faste parfois terrifiant et ennuyeux de la Cour (le trio des 3 ministres chargés des rites, PIM PAM POM), la terrifiante et solennelle confrontation de la princesse et du prince étranger au II où la jeune femme évoque le destin atroce de son aïeule (« Questa Reggia » : un Everest pour toute soprano dramatique qui doit posséder un instrument puissant, clair et agile, d’un format wagnérien…) ; l’aube au début du III, et le célèbre « Nessun dorma »  qui a fait la légende des plus grands ténors (Pavarotti en tête) convoquent le meilleur orchestre puccinien, doué de chromatisme audacieux, de couleurs, d’envolées lyriques, proprement picturales. Rien de mieux pour l’Orchestre National de Lille prêt à relever tous les défis sous la direction de son directeur musical, le très impliqué Alexandre Bloch.

 

 
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Alexandre Bloch © Ugo Ponte

 

 

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 Orchestre National de Lille / ONLILLE © Ugo Ponte

 
 

 
 

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PUCCINI : Turandotboutonreservation
Version de concert
Les Nuits d’été de l’Orchestre National de Lille

Mardi 7, mercredi 8, jeudi 9 juillet 2020, 20h
LILLE, Auditorium du Nouveau Siècle

 

RÉSERVEZ VOS PLACES
directement sur le site de l’ONLILLE Orchestre National de Lille
https://www.onlille.com/saison_19-20/concert/turandot/

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ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE
Alexandre Bloch, direction

Calaf : Jorge de León
David Pomeroy (concert du 8 juillet 2020)

Turandot : Ingela Brimberg
/ Miina-Liisa Värelä (concert du 8 juillet 2020)

Liu : Eri Nakamura
Timur : Nicolas Testé
Ping & le Mandarin : Philippe-Nicolas Martin
Pang : Sahy Ratia
Pang : Tividar Kiss
Altoum, empereur de Chine : Éric Huchet

Orchestre National de Lille
The Hungarian National Choir
Jeune Chœur Des Hauts-De-France

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TURANDOT en direct du Liceu

pucciniARTE.TV/opera Mardi 15 octobre 2019, 20h, en direct. PUCCINI : TURANDOT en direct du Liceu de Barcelone, mise en scène : Franck ALEU, vidéaste / direction musicale : Josep PONS. 3 énigmes sont révélées par le prince Calaf pour obtenir la main de la princesse vierge Turandot. 3 personnages sont clés au centre de ce drame oriental à la fois cruel, barbare et finalement transcendé par l’amour : Calaf donc, le prince étranger ; Turandot, la vierge hystérique et frigide ; Liu enfin, celle qui aime en secret Calaf mais se sacrifie volontiers… Elle meurt assassinée après avoir été torturée, inquiétée par les policiers de Turandot.

 

 

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Turandot au LICEU de Barcelona par Franc ALEU (DR)

 

 

20 ans après l’inauguration du Liceu (7 octobre 1999), voici le dernier opéra de Puccini, demeuré inachevé, ici dans l’incarnation de la soprano lyrique et dramatique (car il faut un volume sonore exceptionnel pour exprimer les affres émotionnels de la princesse chinoise) : Irène Theorin. Le dernier acte reprend les esquisses laissées fragmentaires par Puccini ; il est achevé sous la dictée tyrannique du chef Toscanini par Franco Alfano pour être créé à la Scala de Milan en 1926. Le Liceu a tout misé pour cette superproduction puccinienne sur les ressources créatives du vidéaste Franc ALEU : effet d’annonce, bluff médiatique ou réelle aptitude opératique ? A vous de juger ce 15 octobre 2019 sur ARTE.TV/opera  à 20h.

Avec Gregory Kunde (Calaf), Ermonela Jaho (Liù)
Orchestre et choeur du LICEU de Barcelone.

 

 

 

 

 

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INFOS
https://www.liceubarcelona.cat/es/temporada-2019-2020/opera/turandot

CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano (1 cd Deutsche Grammophon)

verismo-anna-netrebko-VIGNETTE-160-cd-presentation-review-cd-critique-cd-classiquenews-582-594-1CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano (1 cd Deutsche Grammophon). De La Wally à Gioconda, d’Adrienne Lecouvreur à Marguerite, sans omettre les pucciniennes Butterfly, Liù et Turandot, aux côtés de Manon Lescaut, Anna Netrebko confirme son immense talent d’actrice. En plus de l’intensité d’une voix de plus en plus large et charnelle (medium et graves sont faciles, amples et colorés), la soprano émerveille et enchante littéralement en alliant risque et subtilité. C’est à nouveau une réussite totale, et après son dernier album Iolanthe / Iolanta de Tchaikovsky et celui intitulé VERDI, la confirmation d’un tempérament irrésistible au service de l’élargissement de son répertoire… Au très large public, Anna Netrebko adresse son chant rayonnant et sûr ; aux connaisseurs qui la suivent depuis ses débuts, la Divina sait encore les surprendre, sans rien sacrifier à l’intelligence ni à la subtilité. Ses nouveaux moyens vocaux même la rendent davantage troublante. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016.

verismo-anna-netrebko-582-582-classiquenews-presentation-review-critique-cd-deutsche-grammophonDe Boito (né en 1842), le librettiste du dernier Verdi (Otello et Falstaff), Anna Netrebko chante Marguerite de Mefistofele (créé à La Scala en 1868), dont les éclats crépusculaires préfigurent les véristes près de 15 années avant l’essor de l’esthétique : au III, lugubre et tendre, elle reçoit la visite du diable et de Faust dans la prison où elle a été incarcérée après avoir assassiné son enfant. « L’altra notte in fondo al mare » exprime le désespoir d’une mère criminelle, amante maudite, âme déchue, espérant une hypothétique rémission. Même écriture visionnaire pour Ponchielli (né en 1834) qui compose La Gioconda / La Joyeuse sur un livret du même Boito : également créé à La Scala mais 8 ans plus tard, en 1876, l’ouvrage affirme une puissance dramatique première en particulier dans l’air de Gioconda au début du IV : embrasée et subtile, Netrebko revêt l’âme désespérée (encore) de l’héroïne qui dans sa grande scène tragique (« Suicidio ! ») se voue à la mort non sans avoir sauvé celui qu’elle aime, Enzo Grimaldi… l’espion de l’Inquisition Barnaba aura les faveurs de Gioconda s’il aide Enzo à s’enfuir de prison. En se donnant, Gioconda se voue au suicide.

JUSTESSE STYLISTIQUE. Une telle démesure émotionnelle, d’essence sacrificielle, se
retrouve aussi chez Flora dans La Tosca de Puccini (né en 1858), quand la cantatrice échange la vie de son aimée Mario contre sa pudeur : elle va se donner à l’infâme préfet Scarpia. Anna Netrebko éblouit par sa couleur doloriste et digne, dans sa prière à la Vierge qu’elle implore en fervente et fidèle adoratrice… (« Vissi d’arte » au II).
Mais Puccini semble susciter toutes les faveurs d’une Netrebko, inspirée et maîtresse de ses moyens. Sa Manon Lescaut, défendu aux côtés de son époux à la ville, – le ténor azerbaïdjanais Yusif Eyvazov-, se révèle évidente, naturelle, ardente, incandescente, … d’une candeur bouleversante au moment de mourir. Le velours de la voix fait merveille. Le chant séduit et bouleverse.
Même finesse d’intonation pour sa Butterfly : « Un bel dì vedremo », autre expression d’une candeur intacte celle de la jeune geisha qui demeure inflexible, plus amoureuse que jamais du lieutenant américain Pinkerton, affirmant au II à sa servante Suzuki, que son « époux » reviendra bientôt…

TURANDOT IRRADIANTE… Plus attendus car autrement périlleux, les deux rôles de Turandot (l’ouvrage laissé inachevé de Puccini) : deux risques pourtant pleinement assumés là encore qui révèlent (et confirment) l’intensité dramatique et la justesse expressive dont est capable la diva austro-russe. Pourtant rien de plus distincts que les deux profils féminins : d’un côté, la pure, angélique et bientôt suicidaire Liù ; de l’autre, l’impériale et arrogante princesse chinoise (elle paraît ainsi en tiare d’or en couverture du cd) : Turandot dont la diva, forte de ses nouveaux graves, d’un médium large et tendu à la fois, sait dévoiler sous l’écrasante pompe liée à sa naissance, le secret intime qui fonde sa fragilité… (premier air de Turandot: « In questa reggia »). Le souci du verbe, la tension de la ligne vocale, l’éclat du timbre, la couleur, surtout la finesse de l’implication imposent ce choix comme l’un des plus bouleversants, alors qu’il était d’autant plus risqué. « La Netrebko » sait ciseler l’hypersensibilité de la princesse, sa pudeur de vierge autoritaire sous le décorum (qu’elle sait plus à déployer dans le choix du visuel de couverture du programme ainsi que nous l’avons souligné précédemment). Est-ce à dire que demain, Anna Netrebko chantera le rôle dans son entier sur les planches ? La question reste posée : rares les cantatrices capables de porter un rôle aussi écrasant pendant tout l’opéra.


CLIC_macaron_2014SOIE CRISTALLINE POUR PURS VÉRISTES
. Aux côtés des précurseurs visionnaires, – ici Boito et Ponchielli, place aux véristes purs et durs, créateurs renommés, parfois hautains et exclusifs, au sein de la Jeune Ecole (la Giovane Scuola), ainsi qu’en avant-gardistes déclarés, il se nommaient ; paraissent ici Giordano (1867-1948), Leoncavallo (1857-1919), Cilea (1866-1950). Soit une décennie miraculeuse au carrefour des deux siècles (1892-1902) qui enchaîne les chefs d’oeuvres lyriques, vrais défis pour les divas prêtes à relever les obstacles imposés par des personnages tragiques (souvent sacrificiels), « impossibles ».
Pour chacun d’eux, Anna Netrebko offre la soie ardente de son timbre hyperféminin, sachant sculpter la matière vocale sur l’écrin orchestral que canalise idéalement Antonio Pappano. L’accord prévaut ici entre chant et instruments : tout concourt à cette « ivresse » (souvent extatique) des sentiments qui très contrastés, exige une tenue réfléchie de l’interprète : économie, intelligibilité, intelligence de la gestion dramatique autant qu’émotionnelle. La finesse de l’interprète éblouit pour chacune des séquences où perce l’enivrement radical de l’héroïne. Sa Nedda (Pagliacci de Leoncavallo, créé en 1892), exprime en une sorte de berceuse nocturne, toute l’ardente espérance pourtant si fébrile
de la jeune femme malheureuse avec son époux Canio, mais démunie, passionnée face à l’amour de son amant le beau Silvio. Plus mûre et marquée voire dépassée par les événements révolutionnaires, Madeleine de Coigny (André Chénier de Giordano, créé en 1896) impose l’autorité d’une âme amoureuse qui tout en dénonçant la barbarie environnante (incendie du château familial où meurt sa mère, fuite, errance, déchéance, misère…), s’ouvre à l’amour du poète Chénier, son unique salut.
Mais en plus de l’intensité dramatique – fureur et dépassement, Anna Netrebko sait aussi filer des sons intérieurs qui ciselés – c’est à dire d’une finesse bellinienne, donc très soucieux de l’articulation du texte, illuminent tout autant le relief des autres figures de la passion : La Wally (de Catalani, 1854-1893) et sa cantilène éthérée, comme l’admirable scène quasi théâtrale d’Adrienne Lecouvreur (de Cilea,), regardent plutôt du côté d’une candeur sentimentale, grâce et tendresse où là encore l’instinct, le style, l’intonation confirment l’immense actrice, l’interprète douée pour la sensibilité économe, l’intensité faite mesure et nuances, soit la résurgence d’un certain bel canto qui par sons sens des phrasés et d’une incarnation essentiellement subtile approche l’idéal bellinien. La diversité des portraits féminins ici abordés, incarnés, ciselés s’offre à la maîtrise d’une immense interprète. Chapeau bas. « La Netrebko » n’a jamais été aussi sûre, fine, rayonnante. Divina.

CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano. Orchestre de l’Accademia Santa Cecilia. Antonio Pappano, direction. Enregistrement réalisé à Rome, Auditorium Parco della Musica, Santa Cecilia Hall, 7 & 10/2015; 6/2016 — 1 cd Deutsche Grammophon 00289 479 5015. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016. Parution annoncée : le 2 septembre 2016.

 

 

 

Impériale diva

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Discographie précédente

 

 

Anna Netrebko chante Verdi chez Deutsche GrammophonCD. Anna Netrebko : Verdi  (2013)  …     Anna Netrebko signe un récital Verdi pour Deutsche Grammophon d’une haute tenue expressive. Soufflant le feu sur la glace, la soprano saisit par ses risques, son implication qui dans une telle sélection, s’il n’était sa musicalité, aurait été correct sans plus … voire tristement périlleuse. Le nouveau récital de la diva russo autrichienne marquera les esprits. Son engagement, sa musicalité gomment quelques imperfections tant la tragédienne hallucinée exprime une urgence expressive qui met dans l’ombre la mise en péril parfois de la technicienne : sa Lady Macbeth comme son Elisabeth (Don Carlo) et sa Leonora manifestent un tempérament vocal aujourd’hui hors du commun. Passer du studio comme ici à la scène, c’est tout ce que nous lui souhaitons, en particulier considérant l’impact émotionnel de sa Leonora … En LIRE +

 

 

 

 

iolanta anna netrebko tchaikovski cd deutesche grammophon clic de classiquenews janvier 2015CD. Simultanément à ses représentations new yorkaises (janvier et février 2015), Deutsche Grammophon publie l’opéra où rayonne le timbre embrasé, charnel et angélique d’Anna Netrebko, assurément avantagée par une langue qu’elle parle depuis l’enfance. Nuances, richesse dynamique, finesse de l’articulation, intonation juste et intérieure, celle d’une jeune âme ardente et implorante, pourtant pleine de détermination et passionnée, la diva austro-russe marque évidement l’interprétation du rôle de Iolanta : elle exprime chaque facette psychologique d’un personnage d’une constante sensibilité. De quoi favoriser la nouvelle estimation d’un opéra, le dernier de Tchaïkovski, trop rarement joué.  En jouant sur l’imbrication très raffinée de la voix de la soliste et des instruments surtout bois et vents (clarinette, hautbois, basson) et vents (cors), Tchaïkovski excelle dans l’expression profondes  des aspirations secrètes d’une âme sensible, fragile, déterminée : un profil d’héroïne idéal, qui répond totalement au caractère radical du compositeur. Toute la musique de Tchaïkovski (52 ans) exprime la volonté de se défaire d’un secret, de rompre une malédiction… La voix corsée, intensément colorée de la soprano, la richesse de ses harmoniques offrent l’épaisseur au rôle-titre, ses aspirations désirantes : un personnage conçu pour elle. Voilà qui renoue avec la réussite pleine et entière de ses récentes prises de rôles verdiennes (Leonora du trouvère, Lady Macbeth) et fait oublier son erreur straussienne (Quatre derniers lieder de Richard Strauss). LIRE notre dossier complet ” IOLANTA par Anna Netrebko “

 

CD. Anna Netrebko : Souvenirs (2008) …   Anna Netrebko n’est pas la plus belle diva actuelle, c’est aussi une interprète à l’exquise et suave musicalité. Ce quatrième opus solo est un magnifique album. L’un de ses plus bouleversants. Ne vous fiez pas au style sucré du visuel de couverture et des illustrations contenues dans le coffret (lequel comprend aussi un dvd bonus et des cartes postales!), un style maniériste à la Bouguereau, digne du style pompier pure origine… C’est que sur le plan musical, la diva, jeune maman en 2008, nous a concocté un voyage serti de plusieurs joyaux qui font d’elle, une ambassadrice de charme… et de chocs dont la tendresse lyrique et le choix réfléchi des mélodies ici regroupées affirment une maturité rayonnante, un style et un caractère,  indiscutables. EN LIRE +

 

 

 

 

Prochains rôles d’Anna Netrebko :

netrebko anna macbeth classiquenews review account ofLady Macbeth dans Macbeth de Verdi : 18,21, 27 décembre 2016 à l’Opéra de Munich
Leonora dans Il Trovatore de Verdi : 5-18 février 2017 à l’Opéra de Vienne
Violetta Valéry dans La Traviata de Verdi : 9-14 mars 2017, Scala de Milan
Tatiana dans Eugène Onéguine de Tchaikovski : 30 mars-22 avril 2017, Metropolitan Opera New York
puis à l’Opéra Bastille à Paris, du 16 au 31 mai 2017, rôle assuré en alternance avec Sonya Yoncheva (juin 2016)

 

 

LIEGE, La nouvelle Turandot de José Cura à l’Opéra royal de Wallonie

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)LIEGE, Opéra Royal de Wallonie. Puccini : Turandot. Du 23 au 29 septembre 2016. De la légende de Gozzi, d’un orientalisme fantasmé, Puccini fait une partition où règne d’abord, souveraine par ses audaces tonales et harmoniques, la divine musique. Le raffinement dramatique et psychologique de l’orchestre déployé pour exprimer la grandeur tragique de la petite geisha Cio Cio San dans Madama Butterfly (1904) se prolonge ici dans un travail inouï de raffinement et de complexe scintillement. Puccini creuse le mystère et l’énigme, données clés de sa Turandot, princesse chinoise dont tout prétendant doit résoudre les 3 énigmes sans quoi il est illico décapité. Rempart destiné à préserver la virginité de la jeune fille, comme le mur de feu pour Brünnhilde, dans La Walkyrie de Wagner, la question des énigmes cache en vérité la peur viscérale de l’homme ; une interdiction traumatique qui remonte à son ancêtre, elle même enlevée, violée, assassinée par un prince étranger. C’est l’antithèse du Tristan und Isolde de Wagner (1865) et ses riches chromatismes irrésolus qui à contrario de Turandot ne cesse d’exprimer la langueur de l’extase amoureuse accomplie. Jusqu’à l’arrivée du Prince Calaf, – le présent de l’opéra-, Truandât est une jeune vierge qui se refuse, définitivement. Mêlant tragique sanguinaire et comique délirant, Puccini n’oublie pas de brosser le portrait des 3 ministres de la Cour impériale, Ping, Pang, Pong (II) qui, personnel attaché aux rites des décapitations et des noces (dans le cas où le prince candidat découvre chaque énigme de Turandot), sont lassés des exécutions en série, ont la nostalgie de leur campagne plus paisible (sublime épisode, onirique et nostalgique qui ouvre l’acte II, juste avant les énigmes).

 

 

 

L’orchestre océan de Turandot

 

pucciniAu III, alors que Turandot désemparée veut obtenir le nom du prétendant, Liù, l’esclave qui accompagne Timur, le roi déchu de Tartarie, résiste à la torture et se suicide devant la foule… Puccini glisse deux airs époustouflant de souffle et d’intensité poétique : l’hymne à l’aurore de Calaf en début d’acte, et la dernière prière à l’amour de Liù. Tragique, comique certes, le compositeur est un fin psychologue qui sait le cÅ“ur et l’âme de chaque personnage, sans omettre le profil plus délicat et donc complexe, contradictoire de la princesse elle-même : cruelle en façade mais fragile et angoissée même en profondeur (c’est tout l’enjeu de son formidable air “In questa regagia” : où la vierge sublime avoue non sans déchirement personnel, sa fidélité à l’honneur de son aïeule torturé, violée : peu de cantatrices ont eu l’intelligence d’exprimer la fragilité et la solitude infinie sous le masque des apparences et du décorum)… Génie mélodiste, Puccini est aussi un formidable orchestrateur. Turandot et ses climats orchestraux somptueux et mystérieux se rapprochent de La ville morte de Korngold (1920) aux brumes symphoniques magistralement oniriques. Le genèse de Turandot est longue : commencée en 1921, reprise en 1922, puis presque achevée pour le III en 1923. Pour le final, le compositeur souhaitait une extase digne de Tristan, mais le texte ne lui fut adressé qu’en octobre 1924, au moment où les médecins diagnostiquèrent un cancer de la gorge. Puccini meurt à Bruxelles d’une crise cardiaque laissant inachevé ce duo tant espéré. C’est Alfano sous la dictée de Toscanini qui écrira la fin de Turandot. En 1926, Toscanini créée l’opéra tout en indiquant où Puccini avait cessé de composer. En dépit de son jose-cura-grl6continuum dramatique interrompu par le décès de l’auteur, l’ouvrage doit être saisi et estimé par la puissance de son architecture et le chant structurant de l’orchestre : vrai acteur protagoniste qui tisse et déroule, cultive et englobe un bain de sensations diffuses ORW_liege_logo_tete_201_fond_violetmais enveloppante. La musique orchestrale faite conscience et intelligence. En cela la modernité de Puccini est totale. Et l’Å“uvre qui en découle, dépasse indiscutablement le prétexte oriental qui l’a fait naître. A Liège, double emploi pour le ténor José Cura (un habitué de la maison liégeoise ; photo ci dessus) : le chanteur réalise le rôle du prince Calaf, – le conquérant de la princesse ; et l’artiste met en scène l’opéra… Vision d’artiste. Nouvelle production événement à Liège.

 

 

 

boutonreservationTurandot de Puccini à l’Opéra royal de Wallonie à Liège
les 23, 25, 27 et 29 septembre 2016.
Paolo Arrivabeni (direction) / José Cura, mise en scène
Avec Tiziana Caruso, José Cura, Heather Engebretson, Luca Dall’Amico, Delcour…

 

 

 

netrebko-anna-verismo-turandot-vignette-250-250Actualités de TURANDOT en septembre 2016 : Anna Netrebko bouleverse son image et ose encore et toujours… après avoir braver le sort en se confrontant à Lady Macbeth chez Verdi (un rôle qui d’après les détracteurs allait épuiser sa voix), ose Turandot dans son nouvel album “Verismo”, à paraître chez Deutsche Grammophon le 2 septembre 2016. Annonce, présentation, premières impression et avant-première (air “In Questa reggia” justement) : cliquez ici 

CD événement, annonce : Anna Netrebko ose Turandot dans son nouvel album VERISMO (1 cd Deutsche Grammophon).

verismo-anna-netrebko-582-582-classiquenews-presentation-review-critique-cd-deutsche-grammophonCD événement, annonce : Anna Netrebko ose Turandot dans son nouvel album VERISMO (1 cd Deutsche Grammophon). Que vaut la Turandot osée par Anna Netrebko dans son album Verismo ? On se souvient que dans son précédent récital monographique intitulé simplement « VERDI », la diva osait y chanter Lady Macbeth (qu’elle jouera ensuite sur scène à New York au Metropolitan en une saisissante incarnation car les personnages hallucinés lui vont à ravir) : véritable déclaration d’intention, à côté de sa Leonor du Trouvère, là encore une prise de rôle qui de Berlin, Salzbourg à Paris, allait affirmer (contre tous), sa fibre verdienne. Dépassée ? Sans moyens ? Que nenni : le soprano onctueux, sensuel d’une intensité frappante a convaincu.
S’agirait-il du même principe ici, dans son album à paraître début septembre 2016 : « Verismo », l’audacieuse et surprenante diva s’expose en princesse orientale, clin d’œil manifeste et direct à sa Turandot osée (plage 11 du récital) : « In questa reggia »…

 

 

 

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Déchirante Turandot d’Anna Netrebko

 

 

En avant-première, classiquenews vous livre les résultats de notre écoute du cd Vérisme : aux côtés du superbe scintillement tragique de sa Liù, courte et fulgurante immersion dans cette féminité fragile et loyale, Anna Netrebko aborde le personnage en titre : Turandot dont la soprano « ose » incarner avec de vrais moyens cependant, le grand air de la princesse chinoise cette fois, expression de sa dignité impériale de grande vierge intouchable qui sous le masque d’une cruauté déclarée, assumée, cultive en vérité une fragilité outragée qui entend venger la mort de son aïeule Lo-u-ling : son grand air de l’acte II, – celui qui précède l’épreuve des 3 énigmes : « In questa reggia » saisit par sa justesse expressive, la vérité qui se dégage d’un chant embrasé, qui est celui d’une âme prisonnière de sa propre position. Anna Netrebko exprime la sensibilité d’une âme déchirée que le sort de son aïeule touche infiniment et qui l’enchaîne aussi en une virginité donc une solitude, qui la dépassent. Déclaration et prière : la princesse est une femme qui assène et qui souffre : chair tiraillée que le timbre incandescent aux aigus assumés de la cantatrice sublime. La couleur de sa voix convient idéalement au profil féminin imaginé par Puccini. La découverte est prodigieuse et l’on aimerait tant l’entendre tout au long de la partition comme Butterfly….

 

 

 

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Suite de la critique complète de l’album VERISMO d’Anna Netrebko, à venir le jour de sa parution, le 2 septembre 2016. CLIC de CLASSIQUENEWS de la rentrée 2016.

 

 

FESTIVAL CASTELL PERALADA 2016

peralada-festival-castel-chateau-2015-festival-review-compte-rendu-opera-CLASSIQUENEWS-2015PERALADA, festival (Catalogne espagnole), 7 juillet – 16 août 2016. Au cÅ“ur de la Catalogne septentrional, à équidistance entre Perpignan et Gérone, au nord de Barcelone, le petit village de Peralada (à moins de 40 mn de la frontière française), l’enclave enchanteresse de Peralada fait son festival estival chaque été, cette année à partir du 7 juillet et jusqu’au 16 août 2016. Les têtes d’affiche invitées assurent un niveau musical souvent superlatif que le choix des Å“uvres et les répertoires programmés mettent en scène de façon parfois surprenante donc digne du plus grand intérêt. Fidèle à sa tradition artistique, chanteurs et musiciens sont d’habituels artistes présents pendant la saison du Liceu de Barcelone. L’offre musicale et lyrique de Peralada en fait une étape incontournable pour tous les amateurs et mélomanes curieux comme exigeants, heureux explorateurs sur le territoire qui pourront aussi découvrir ou retrouver en un même séjour, les superbes calanques et plages près de Cadaguès (sans omettre le musée Dali à Figueres). Peralada est un temple lyrique proche de la côte méditerranéenne, l’une des plus enchanteresses de la Catalogne ibérique.

ECLECTISME, SUBTILITE, VOCALITA… Ouverture du Festival Castell Peralada (Castell pour le château est ses deux tours désormais emblématiques) avec Lang Lang le 7 juillet 2016 (22h, Saisons de Tchaikovski, soit le programme présenté enregistré dans la Galerie des glaces de Versailles); Pink Martini (9 juillet, 22h); grand Gala lyrique des 30 ans du Festival, le 15 juillet à 22h (avec les sopranos Sondra Radvanovsky et Eva-Maria Westbroek, le ténor Marcelo Ãlvarez, les barytons Carlos Ãlvarez, les barytons légendaires Leo Nucci, Ruggero Raimondi, avec l’orchestre Simfònica de Barcelona i Nacional de Catalunya (OBC) dirigé par Daniele Rustioni. Peralada s’est taillé une réputation international de temple lyrique grâce à ses grands récitals, rvs incontournable pour les amateurs de voix à tempérament (récitals Olga Peretyatko, le 18 juillet ; Anita Rachvelishvili, le 3 août ; Bryan Hymel, le 5 août) ; la danse au plus haut niveau s’invite aussi : soirée Roberto Bolle et ses invités, le 29 juillet.

TurandotNOUVELLE PRODUCTION DE TURANDOT DANS LE PARC… Pour nous, le mois d’août est encore plus prometteur à Peralada : ne manquez pas la soirée baroque affichant le sublime Combattimento di Tancredi e Clorinda de Monteverdi dans le cloître / Claustro del Carmen (lundi 1er août, 22h, avec Sara Blanch, soprano en résidence et Fausto Nardi). Le temps fort du festival cet été 2016 reste la production de TURANDOT de Puccini, sommet orientaliste du naître italien : samedi 6 et lundi 8 août dans le vaste auditorium à ciel ouvert des jardins de Peralada (22h)… L’écriture dans le style chinois s’invite ainsi en Catalogne avec deux acteurs chanteurs prometteurs : la suédoise Irène Theorin dans le rôle-titre, et le ténor Roberto Aronica dans celui de Calaf, le prince étranger venu conquérir la vierge aux énigmes… Peralada affiche cette nouvelle production de Turandot dans la mise en scène de Mario Gas. avec l’Orchestre du Gran Teatre del Liceu / Giampaolo Bisanti, direction musicale.

Mais Peralada ce sont aussi d’autres volets artistiques et musicaux qui invitent le chanteur SEAL (23 juillet), ou Diana Krall (30 juillet), sans omettre Simply Red (16 août, en clôture), comme The Originals Blues brothers band (le 15 août)… éclectisme et finesse, au carrefour des genres lyriques et pop. En somme une sorte de déclinaison revivifiée du mariage électrisant des genres, amorcé à l’époque de Barcelone la sublime quand ses ambassadeurs les plus prestigieux, Montserrat Caballe et Freddy Mercury savaient se produite ensemble en un duo devenu mythique. L’édition 2016 du Festival Peralada est un must absolu.

 

 

 

 

INFOS, RESERVATIONS
www.festivalperalada.com
Tél.: +34 972 53 82 92

ORGANISEZ votre séjour en juillet et août 2016
www.festivalperalada.com/+peralada

 

 

Réservez pour le festival Castell PERALADA 2016 sur le site classictic

 

peralada-catsel-768-361.jpgPERALADA festival 2016 temps fort highlights classiquenews 582

 

 

 

 

 

TURANDOT, dossier : genèse du dernier opéra de Puccini (1926)

DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)On sait les difficultés avec lesquelles Puccini tenta d’achever une partition inégale, d’autant qu’il laissa après sa mort (Bruxelles, 1924) un ensemble de manuscrits autographes qui ne bénéficièrent d’aucune révision finale de la part de leur auteur. C’est finalement l’autoritaire Toscanini qui maltraitant le compositeur Franco Alfano désigné pour compléter et terminer l’ouvrage, décida d’en réaliser une version présentable.

Attraits d’une partition inachevée

L’idée d’un Puccini, faiseur de mélodies faciles et sirupeuses, dans la lignée des véristes larmoyants, a vécu. C’est le fruit d’une lecture superficielle. Il faut au contraire le tenir comme un concepteur d’avant-garde, soucieux certes d’airs clairement mémorisables mais aussi d’harmonies innovantes. Son opéra Turandot ne le montre pas: il affirme l’ouverture et la sensibilité d’un auteur visionnaire dont l’avancée du style voisine avec Berg (Wozzek) et Prokofiev (l’amour des trois oranges).

D’autant que Turandot est le dernier ouvrage sur lequel le compositeur s’obstine. Commencé en 1921, laissé inachevé –Puccini meurt à Bruxelles en 1924-, l’épopée chinoise, sentimentale et héroïque, mêle tous les genres d’une grande machine : sincérité émotionnelle (le personnage de Liù), saillie comique (les trois ministres Ping, Pang, Pong), fresque collective (chœurs omniprésents), trame tragico-amoureuse (le couple des protagoniste Turandot/Calaf)… L’œuvre est d’autant plus intéressante qu’elle est parvenue incomplète, donnant d’ailleurs crédit aux critiques injustes qui aiment souligner l’incapacité de l’auteur sur le plan de l’écriture, à vaincre une partition et un sujet dont la « sublimité » dépasserait ses possibilités musicales.

Le grand oeuvre
Gageons que, s’il avait disposé de plus de temps, l’auteur de Madame Butterfly, de La Bohême ou de Manon, aurait su trouver la juste conclusion à la partition qu’on a déclaré depuis, « impossible, infaisable, irréductible » à toute forme conclusive… Quoiqu’il en soit, Puccini souhaitait dans Turandot, mêler féérie exotique et action héroïque, fantastique et onirisme. Il donnait ainsi sa proposition du grand œuvre lyrique, à l’instar d’Aïda de Verdi, dont la découverte et l’écoute subjuguée, auraient décidé de sa vocation comme compositeur d’opéra. Des avatars et divers arrangements avec la partition léguée par Puccini, l’oreille avisée reconnaît in fine, l’assemblage maladroit. En particulier, à partir de l’ajout d’Alfano, après la dernière portée autographe du compositeur (la fin de l’air de Liù)… Tout cela s’entend et se voit aujourd’hui dans les productions de Turandot. Il n’empêche que la fresque exotique et ses superbes assauts orchestraux – d’une audace et d’une modernité sous-évaluées à notre sens – confirment la valeur d’une oeuvre à part. Inachevée mais puissante, plus moderniste qu’on l’a écrit, son déséquilibre structurel, en particulier dans la dernière partie, révèle une oeuvre à (re)connaître d’autant que sa popularité ne s’est jamais démentie.

Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Créé à Milan, Teatro alla Scala, le 25 avril 1926, drame lyrique en 3 actes, achevé par Franco Alfano (1876-1954) sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni.

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Montpellier, Opéra Berlioz, le 7 février 2016. Puccini : Turandot. Katrin Kapplusch, Rudy Park…

Après Nancy voilà un peu plus de deux ans, cette superbe production de l’ultime chef-d’œuvre de Puccini fait halte à Montpellier, comme apportée par Valérie Chevalier dans ses bagages. On retrouve ainsi avec bonheur la mise en scène de Yannis Kokkos, qui sert l’œuvre par son dépouillement et son esthétisme. Le rouge et le noir qui colorent tous les tableaux font toujours aussi durement sentir le poids de la fatalité et du destin façonnés par la terrible princesse ; et on demeure toujours aussi attendris par la scène ouvrant le deuxième acte, où les trois Ministres, enivrés par les vapeurs de l’opium, évoquent  chacun la maison où les porte leur fantaisie. Sans parler du silence absolu dans lequel le Prince inconnu dépose ses lèvres sur celles de la Princesse de glace, signant ainsi la fin de sa tyrannie et la naissance de leur amour.

Initialement créée à Nancy, cette Turandot où chaque personnage affirme sa propre intériorité, convainc à Montpellier…

La démesure faite voix

turandot katrin kapplusch montpellier opera critique review classiquenewsLa distribution, quasiment identique à celle de Nancy, appelle toujours les mêmes éloges, jusqu’aux plus petits rôles. Au Mandarin et Jeune Prince de Perse très bien chantant et percutant de Florian Cafiero répond l’Empereur Altoum émouvant et en belle forme vocale d’Eric Huchet, magnifiant un personnage souvent sacrifié sous le poids de l’âge. Aussi virevoltants qu’ambigus et étranges, les trois Ministres incarnés par Chan Hang Lim, Loïc Félix et Avi Klemberg raflent la mise grâce à la complémentarité de leurs voix, parfaitement appariées, et la précision avec laquelle ils exécutent la direction d’acteurs qui leur est dévolue, véritable chorégraphie tricéphale. Le Timur de Gianluca Burratto fait grande impression par son instrument ample et riche, à l’autorité percutante, rappelant comme rarement le souverain que fut le vieil aveugle. Il est accompagné par la délicieuse Liù de la jeune soprano italienne Mariangela Sicilia, saluée à l’issue du spectacle par une ovation si soudaine que la chanteuse en fut émue aux larmes. Si le timbre n’est pas d’une exceptionnelle beauté, la technicienne et surtout la musicienne savent illuminer la ligne de chant d’une façon simple et émouvante, que rehaussent de superbes pianissimi dans l’aigu, pour culminer dans une mort poignante. Endossant à nouveau le terrible rôle-titre, Katrin Kapplusch paraît moins à l’aise dans son entrée. Est-ce l’effectif orchestral, paraissant plus important ici qu’à Nancy, ou la fosse d’orchestre du Corum, plus vaste et plus ouverte que celle du théâtre de la place Stanislas ?  Toujours est-il que la chanteuse semble devoir lutter contre le torrent instrumental qui gronde sous ses pas, et ainsi pousser sa voix, notamment dans les extrêmes aigus, moins souples qu’avant. La soprano allemande excelle néanmoins comme peu d’autres à dévoiler les failles du personnage, moins féroce créature que femme dévorée par la peur. Une incarnation qui fait merveille dans le troisième acte, où se mettent à nu les sentiments contradictoires qui agitent la princesse, jusqu’à son éveil à l’amour, une humanisation rendue possible grâce à de magnifiques nuances, et qui lui permettent d’achever l’œuvre dans une grande émotion.
Face à elle se dresse une fois encore, aussi conquérant qu’inexorable, le Calaf d’airain de Rudy Park. Avouons notre admiration sans cesse renouvelée face à ce chant d’une solidité à toute épreuve, véritablement herculéen, à l’image de sa stature de géant. Si en cet après-midi, les notes situées dans le haut médium apparaissent un rien alourdies et raccourcies – une tentation souvent grande pour les instruments aussi larges, à surveiller de près afin de conserver dans la durée des moyens aussi phénoménaux –, l’aigu éclate admirablement, depuis des appels telluriques au premier acte, jusqu’à un « Nessun Dorma » renversant d’héroïsme, n’excluant pourtant aucune nuance, couronné par un si naturel parmi les plus exceptionnels qu’il nous ait été donné d’entendre. Le public ne s’y trompe pas et éclate de joie avant même la fin de l’air,… pour se lever comme un seul homme au moment des saluts lorsque le ténor coréen vient recueillir sa part d’applaudissements.

On ne manquera pas de féliciter les chœurs, celui de Nancy étant venu prêter main-forte à celui de Montpellier, magnifique préparés et généreusement sonores. A la tête des forces montpelliéraines, Michael Schønwandt, nouveau directeur principal de l’orchestre depuis septembre 2015, dirige cet après-midi son premier opéra in loco. Un véritable coup de maître, tant les musiciens paraissent heureux de jouer sous sa direction. La pâte sonore se déploie lentement, superbe d’unité et pourtant parfaitement définie pour chacun des pupitres, et c’est un vrai régal de se laisser emporter par les lames de fond montant de la fosse, faisant littéralement vibrer le plancher, des vagues savamment conduites et qui achèvent de soulever la salle toute entière. Un public en liesse, debout, heureux d’avoir pu goûter à l’art lyrique dans toute sa démesure, et ainsi perdre la tête. Et nous avec.

Montpellier. Opéra Berlioz-Le Corum, 7 février 2016. Giacomo Puccini : Turandot. Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni. Avec Turandot : Katrin Kapplusch ; Calaf : Rudy Park ; Liù : Mariangela Sicilia ; Timur : Gianluca Burratto ; Ping : Chan Hang Lim ; Pang : Loïc Félix ; Pong : Avi Klemberg ; Altoum : Eric Huchet ; Un Mandarin, le Jeune Prince de Perse : Florian Cafiero. ChÅ“ur d’Opéra Junior – Petit Opéra ; Chef  de chÅ“ur : Caroline Comola. ChÅ“urs de l’Opéra National Montpellier Languedoc-Roussillon et de l’Opéra National de Lorraine ; Chefs de chÅ“ur : Noëlle Gény et Merion Powell. Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. Michael Schønwandt, direction musicale. Mise en scène, décors et costumes : Yannis Kokkos ; Lumières : Patrice Trottier ; Dramaturgie : Anne Blancard ; Chorégraphie : Natalie Van Parys

Compte rendu, festival. Sanxay. Théâtre gallo-romain, le 10 août 2015. Giacomo Puccini : Turandot. Anna Shafajinskaia, Rudy Park, Tatiana Lisnic. Eric Hull, direction musicale. Agostino Taboga, mise en scène.

Pour ce cru 2015, les Soirées Lyriques de Sanxay se sont attaquées pour la première fois à l’ultime chef d’œuvre de Puccini. En ce soir de première, le théâtre bruisse des ombres qui occupent encore les lieux et qui chuchotent que la soirée sera à la mesure de la majesté de l’endroit. Après une surprenante introduction théâtrale, vrai-faux sketch politique aussi hilarant qu’inattendu, le soleil a enfin disparu, la nuit s’avance et la magie de la soirée peut commencer à faire son œuvre.

 

 

 

Turandot ou… Calaf ?

 

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La mise en scène imaginée par Agostino Taboga se révèle aussi simple et dépouillée que merveilleusement évocatrice, relevée par de somptueux costumes. Les mouvements de foule, si importants dans ce conte paradoxalement intime et pudique, sont réglés avec maestria, et on se souviendra longtemps de ces deux danseurs illustrant la célèbre scène des Enigmes, le double de Calaf terrassant par trois fois celui de Turandot. Réunir aujourd’hui une distribution solide pour servir cette œuvre relève de la gageur, mais le directeur du festival possède autant un carnet d’adresse foisonnant qu’une oreille affûtée, ce qui nous vaut de bien beaux moments. Après l’imposant mandarin de Nika Guliashvili, on apprécie sans réserve un excellent trio de ministres composé du baryton Armen Karapetyan et des deux ténors Xin Wang et Carlos Natale. Seul l’Altoum de Ronan Nédelec manque d’autorité.
Très convainquant dans le rôle de Timur, Wojtek Smilek fait admirer son beau timbre de basse, qu’on aimerait cependant parfois un rien plus mordant.
Inoubliable Liù, Tatiana Lisnic nous rappelle qu’elle fait partie des meilleures chanteuses de notre époque. Chaque note sonne librement, colorant un timbre d’une eau toujours aussi belle, et la musicienne s’avère bouleversante, osant des piani suspendus qui déchirent le cœur. Rarement l’amour de cette petite esclave pour Calaf aura été aussi palpable. En outre, Dame Nature s’improvise à son tour metteuse en scène : à l’issue de la mort de la jeune femme, proprement poignante, une étoile filante traverse le ciel au-dessus des spectateurs, hasard du plus bel effet.
Dans le rôle-titre, la russe Anna Shafaijinskaia se tire avec les honneurs d’une écriture redoutable et, si le médium apparaît par instants moins assuré dans son soutien, l’aigu se projette avec insolence, véritable javelot sonore.
Mais le grand triomphateur de la soirée, celui qui valait à lui seul le déplacement, n’est autre que le Calaf titanesque de Rudy Park, sans rival aujourd’hui. Dès qu’il ouvre la bouche, déployant son instrument large et tellurique, sans limites apparentes, on ne peut que penser aux grands ténors dramatiques de la moitié du XXe  siècle, Franco Corelli en tête.

 
 

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Sa compréhension du rôle est totale, et il se permet même de laisser apparaître les fêlures de l’homme sous l’épaisse cuirasse du guerrier.
Le sommet de la soirée est atteint avec un « Nessun dorma » d’anthologie, que nous sommes allés entendre depuis le promenoir, c’est-à-dire tout au fond du théâtre, assis sur l’herbe surplombant toutes les arènes. Que dire ? Sinon que la distance physique n’a plus aucune valeur, la voix immense du ténor coréen paraissant monter toute seule, plus sonore encore que depuis notre place au milieu des gradins. La montée dramatique de l’aria, aussi progressive que grandiose, donne le frisson, et l’aigu frappe haut et fort, solaire et triomphant, achevant de nous faire rendre les armes.
Excellents également, les chœurs et l’orchestre du festival, tous pleinement investis d’une même énergie, pour un très beau résultat musical.
Soutien sans faille pour cette superbe équipe, le chef canadien Eric Hull dompte avec succès l’acoustique, toujours périlleuse pour les instrumentistes, du plein air et sert Puccini avec les honneurs. Une grande soirée, de grandes voix, pour des Soirées Lyriques de Sanxay qui démontrent une fois de plus leur place parmi les grandes manifestations lyriques de l’été.

 

 

Compte rendu, festival. Sanxay. Théâtre gallo-romain, 10 août 2015. Giacomo Puccini : Turandot. Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni. Avec Turandot : Anna Shafajinskaia ; Calaf : Rudy Park ; Liù : Tatiana Lisnic ; Timur : Wojtek Smilek ; Ping : Armen Karapetyan ; Pang : Xin Wang ; Pong : Carlos Natale ; Altoum : Ronan Nédélec ; Un mandarin : Nika Guliashvili. Chœur des Soirées Lyriques de Sanxay ; Chef de chœur : Stefano Visconti. Orchestre des Soirées Lyriques de Sanxay. Eric Hull, direction musicale. Mise en scène : Agostino Taboga ; Scénographie et lumières : Andrea Tocchio et Maria Rossi Franchi ; Costumes : Shizuko Omachi ; Décors : Soirées Lyriques de Sanxay

 

 

CD, compte rendu. Puccini : Turandot (Bocelli, Wilson, Mehta, 2014)

TURANDOT-puccini-zubin-mehta-500-cd-decca-andrea-bocelli-Dans Turandot pour une fois, le titre de l’opéra indique clairement la prééminence du personnage féminin : si le premier acte la rend absente car il est conduit par le rappel des princes décapités et l’apparition sur scène du nouveau candidat aux épreuves :  Calaf (cet étranger dont l’identité véritable sera au III le prétexte d’une chasse répressive des plus terrifiante), la jeune femme concentre toute l’action aux actes II et III : de gardienne du temple refusant toute sexualité, la fille de l’empereur s’ouvre peu à peu à l’amour. .. de pétrifiée inhumaine, elle devient aimante et humaine : une métamorphose que seule peuvent dévoiler  la psychanalyse et bien sûr, l’opéra. Dans cette production discographique qui fait suite aux représentations ibériques (Valencia, printemps 2014), la maîtrise du conteur Mehta s’impose immédiatement, nimbant toutes les scènes d’un souffle souvent prenant. Car le maestro n’en est pas à sa première Turandot, loin s’en faut…

Zubin Mehta renouvelle avec panache et finesse sa vision de Turandot

Flamboyante Turandot flanquée de ses 3 ministres impétueux, nerveux, palpitants

CLIC_macaron_2014Jennifer Wilson, soprano américaine née en 1966 en Virginie  (Fairfax) affirme une langueur incandescente marquée par une blessure ancestrale, celle de la princesse qui la précédée, humiliée assassinée par un prince étranger, icône douloureuse à laquelle Turandot s’est dédiée en une dévotion exclusive. La cantatrice affirme un tempérament vocal affirmé et sauvage, entre puissance et tempérament de feu dotée d’aigus perçants et soutenus que Zubin Mehta connaît bien pour l’avoir dirigée en Brünnhilde dans son Ring de 2010. Aux 3 énigmes posées la soprano apporte une constance enflammée habitée par l’ombre de son aînée martyrisée.

D’autant que malgré le déséquilibre de la partition, – laissée inachevée apres la mort de Puccini (après la scène de torture de Liu au III), Zubin Mehta impose une baguette généreuse, souvent somptueusement narrative ciselant l’une des partitions les plus spectaculaires et modernes (harmonies et instrumentarium) de Puccini.  Le chef sait exprimer avec un réel souffle les miroitements de ce conte oriental pour lequel le compositeur a  façonné un imaginaire sonore captivant où les percussions sont souveraines (atmosphère létale du début du III comme un rêve qui s’étire et trouve sa résolution avec le fameux Nessun dorma du prince Calaf. …).

German Olvera baryton Pong PUCCINI TURANDOT zubin mehtaTemps  fort antérieur avec la scène des 3 énigmes, l’apparition des trois ministres, leur asujetissement au rituel épuisant de la cour impériale, aux préparatifs de la cérémonie des énigmes, leurs états d’âme portés par trois chanteurs très en verve et en finesse  (ce qui est rare) de surcroît excellemment enregistrés  (avec le Pong tout en finesse grave de German Olvera, un baryton mexicain timbré au phrasé passionnant et qui fait l’honneur du centre de perfectionnement Placido Domingo au Palau de les Arts Reina Sofia de Valencia : retenez ce nom, c’est l’une des révélations de la nouvelle Turandot). D’une constance juvénile à toute épreuve, le chant soutenu parfois dur du ténor vedette Andrea  Bocelli soutient tous les défis de sa partie. Mais à force d’être seulement vaillant en toute circonstance, le ténor manque de nuances et l’on se demande quand même comment à son contact,  la princesse frigide s’infléchit au désir suscité par cet étranger un rien raide.

L’argument principal de cette nouvelle version demeure les chatoiements sonores, le raffinement instrumental que parvient à obtenir Mehta et l’exceptionnelle incarnation des trois ministres impériaux Ping, Pang, Pong (German Olvera, Valentino Buzza, Pablo Garcia Lopez) qui ici gagnent une réelle vérité dramatique, intensifiée par la prise de son très équilibrée) : à chacune de leur intervention, en accord avec un orchestre nerveux et sensuel, la réalisation rend honneur à l’une des partitions les plus enchanteresses du grand Giacomo. Que du bonheur.

Les nouvelles productions sont rares et cette Turandot fait honneur au prestige de la marque jaune. Orchestrale ment intéressante car Mehta exploite très judicieusement l’orchestre espagnol, vocalement honorable voire prenante la version est une belle surprise de cet été 2015. (Parution : 31 juillet 2015).

 

CD. Giacomo Puccini : Turandot. Andrea Bocelli, Jennifer Wilson, German Olvera, Valentino Buzza, Pablo Garcia Lopez… Coro de la Generalitat Valenciana, Orquestra de la Comunitat Valenciana. Zubin Mehta, direction. 2 CDs 0289 478 82930.

CD, annonce. TURANDOT nouvelle avec le Calaf d’Andrea Bocelli (Decca, à paraître le 31 juillet 2015)

TURANDOT-puccini-zubin-mehta-500-cd-decca-andrea-bocelli-CD, annonce. TURANDOT nouvelle avec le Calaf d’Andrea Bocelli. Annoncé le 31 juillet 2015, un nouveau coffret Decca met à l’honneur le Calaf du ténor Andrea Bocelli (né en 1958) : voix franche, émission directe et musicalement assurée, le prince futur époux de la princesse frigide Turandot gagne ici après les Pavarotti, Carreras, Domingo, un ardent interprète soucieux d’exprimer la vaillance de celui qui au mépris des risques encourus, démêle les 3 énigmes énoncées par la fille de l’Empereur de Chine… Inspiré de Gozzi (Turandot, 1761), et enregistré dans la Valence ibérique, l’opéra de Puccini, laissé inachevé en 1924 par le compositeur italien, semble une énergie narrative intacte grâce à l’instinct électrique et fiévreux du chef requis pour conduire les troupes impressionnantes de la fresque orientale (Zubin Mehta, familier de la partition pour l’avoir entre autres dirigée à Pékin, à la Cité Interdite dans une production spectaculaire et féérique), d’autant que l’ouvrage à la fois féérie sentimentale et fresque grandiose, mêlant sentimental et terrifiant, nécessite un orchestre colossal et des choeurs au format hollywoodien. Face à Andrea Bocelli, la soprano américaine Jennifer Wilson, campe une femme déjà mûre mais vierge, aux aigus tranchants qui cependant sait infléchir sa dureté primitive et répondre à l’amour pur d’un Calaf compatissant… a presque 60 ans, le ténor Bocelli démontre qu’il peut tout chanter avec un aplomb et une musicalité toujours prêts à en découdre. Prochaine critique développée dans le mag cd, dvd, livres de classiquenews.com

 

CD, annonce. Une nouvelle TURANDOT avec le Calaf d’Andrea Bocelli. Annoncé le 31 juillet 2015. 2 cd Decca.

Opéra, compte rendu critique. Toulouse, Capitole le 30 juin 2015. Giacomo Puccini (1858-1924) : Turandot, Drame lyrique en trois actes sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni d’après la fable de Carlo Gozzi créé le 25 avril 1926 à Milan. Nouvelle production en coproduction avec le Staatstheater Nürnberg et le NI Opera (Belfast);Calixto Bieito, mise en scène ; Rebecca Ringst, décors ; Ingo Krügler, costumes ; Sarah Derendinger, vidéo ; Avec : Elisabete Matos ,Turandot ; Alfred Kim, Calaf ; Eri Nakamura, Liù ; Luca Lombardo , l’Empereur Altoum ; In Sung Sim Timur ; Gezim Myshketa, Ping ; Gregory Bonfatti, Pang ; Paul Kaufmann, Pong ; Dong-Hwan Lee, Un Mandarin ; Marion Carroué, Une Servante ; Argitxu Esain , Une Servante ; Dongjin Ahn, Le Prince de Perse ; Choeur et Maîtrise du Capitole : Alfonso Caiani, direction ; Orchestre national du Capitole ; direction musicale, Stefan Solyom.

turandot capitole toulouse juin 2015

 

 

 

Erare humanm est , sed persevare diabolicum (1). Quelle tristesse, quelle déception. La princesse Turandot, belle et cruelle, issue d’un conte irisé de couleurs, ravalée au fond d’un dépôt d’usine. Il en fallait de l’impudeur et de l’inculture pour mettre à mal ainsi l’ultime ouvrage de Puccini. ! On ne sait qui plaindre le plus les auteurs de la mise en scène sans poésie ni imagination ou les commanditaires irresponsables et dispendieux de l’argent public. Calixto Bieito est venu, il a sévi qu’ il ne revienne jamais ni à l’opéra, ni surtout à Toulouse avec un tel vide d’idées. La laideur absolue de la vue, sauf les lampions rouges, aura gâché la sublime partition de Puccini pour ceux qui n’ont pu regarder l’orchestre pour retrouver les couleurs et l’intensité musicale de la partition. Car heureusement l’orchestre a été merveilleux de précision, couleurs, nuances et phrasés. La direction de Stefan Solyom est souple, et développe avec efficacité l’éclat d’une partition fleuve à la riche orchestration. Le deuxième atout de cette production est le choeur et la maitrise, parfaits de présence vocale et de délicatesse de nuances. Le patient travail d’Alfonso Caiani porte les chœurs au sommet de l’opéra italien. La distribution est interdite de jouer et de montrer la moindre émotion ou le moindre sentiment. La performance d’ Alfred Kim en Calaf n’est que plus admirable. Voix belle, large et bien conduite mais impossible de déceler les capacités de l ‘acteur dans un tel marasme…

La Liu d’ Eri Nakamura a une voix corsée au large vibrato encore maitrisé, seule sa musicalité permet un peu d ‘émotion tant son jeux est bridé. Le minimum syndical pour la mort de Liu ! Il fallait imposer cela à une cantatrice trop docile.

Les autres acolytes, dont Ping, Pang, Pong, sont bons chanteurs mais tellement grotesques sur scène qu’ils ne peuvent rien offrir comme émotion même dans les évocations poétiques le la maison au bord du lac bleu… L’empereur Altoum, avec Luca Lombardo, est pour une fois une belle voix, avec l’autorité qui convient , mais sa mise en couches scénique signifie sa sénilité avec grossièreté…

Reste le cas d’ Elisabete Matos. Déjà dans Isolde sa placidité nous avait déconcerté, accablée d’une mise en scène ridicule , en blonde façon femme politique sur fond bleu marine, le ridicule la happe sans cesse. Et la voix immense et sans vie semble sans âme. Une machine à faire du son plus qu’une musicienne ne saurait rendre la complexité du personnage, la mise en scène détruit jusqu’à la crédibilité de la cantatrice…

Pour une fois il y a eu mauvais choix et injure au compositeur dans une production Capitoline. Avec beaucoup trop de politesse aux saluts, le public a vivement hué les responsables du massacre. Autrefois ils auraient eu droit aux plumes et au goudron.

ERRARE HUMANUM EST …

Oublions ce cauchemar de cartons, laideur et bêtise. C’est l’été, les festivals nous réconforterons et la rentrée ne peut être aussi moche, non, non , ce n’était qu’un très mauvais rêve….

SED PERSEVERARE DIABOLICUM ! Avis , avis aux décideurs.

(1) L’erreur est humaine si elle persévère, elle devient diabolique

 

 

Turandot de Puccini à La Scala de Milan

turandot-scala-de-milanMilan, Scala. Puccini : Turandot. Du 1er au 23 mai 2015. Ninna Stemme, ailleurs et jusque là wagnérienne enivrée, chante le rôle le plus écrasant de Puccini, Turandot. La Scala sous la direction de Riccardo Chailly en présente la version complétée par Luciano Berio (restitution du Finale qui voit les retrouvailles de la princesse chinoise avec son prétendant). Mise en scène : Nikolaus Lehnhoff. Avec Stefano La Colla / Aleksandrs Antonenko (Calaf), Maria Agresta (Liù)… De la légende de Gozzi, d’un orientalisme fantasmé, Puccini fait une partition où règne d’abord, souveraine par ses audaces tonales et harmoniques, la divine musique. Le raffinement dramatique et psychologique de l’orchestre déployé pour exprimer la grandeur tragique de la petite geisha Cio Cio San dans Madama Butterfly (1904) se prolonge ici dans un travail inouï de raffinement et de complexe scintillement. Puccini creuse le mystère et l’énigme, données clés de sa Turandot, princesse chinoise dont tout prétendant doit résoudre les 3 énigmes sans quoi il est illico décapité. Rempart destiné à préserver la virginité de la jeune fille, comme le mur de feu pour Brünnhilde, dans La Walkyrie de Wagner, la question des énigmes cache en vérité la peur viscérale de l’homme ; une interdiction traumatique qui remonte à son ancêtre, elle même enlevée, violée, assassinée par un prince étranger. C’est l’antithèse du Tristan und Isolde de Wagner (1865) et ses riches chromatismes irrésolus, exprimant le désir de fusion, qui à contrario de Turandot, princesse pétrifiée et frigide, ne cesse d’exprimer la langueur de l’extase amoureuse accomplie. Mêlant tragique sanguinaire et comique délirant, Puccini n’oublie pas de brosser le portrait des 3 ministres de la Cour impériale, Ping, Pang, Pong (II) qui, personnel attaché aux rites des décapitations et des noces (dans le cas où le prince candidat découvre chaque énigme de Turandot), sont lassés des exécutions en série, ont la nostalgie de leur campagne plus paisible.

 

 

 

L’orchestre océan de Turandot

 

Au III, alors que Turandot désemparée veut obtenir le nom du prétendant, Liù, l’esclave qui accompagne Timur, le roi déchu de Tartarie, résiste à la torture et se suicide devant la foule… Puccini glisse deux airs époustouflants de souffle et d’intensité poétique : l’hymne à l’aurore de Calaf en début d’acte, et la dernière prière à l’amour de Liù. Génie mélodiste, Puccini est aussi un formidable orchestrateur. Turandot et ses climats orchestraux somptueux et mystérieux se rapprochent de La ville morte de Korngold (1920) aux brumes symphoniques magistralement oniriques. Le genèse de Turandot est longue : commencée en 1921, reprise en 1922, puis presque achevée pour le III en 1923. Pour le final, le compositeur souhaitait une extase digne de Tristan, mais le texte ne lui fut adressé qu’en octobre 1924, au moment où les médecins diagnostiquèrent un cancer de la gorge. Puccini meurt à Bruxelles d’une crise cardiaque laissant inachevé ce duo tant espéré.

C’est Alfano sous la dictée de Toscanini qui écrira la fin de Turandot. En 1926, Toscanini créée l’opéra tout en indiquant où Puccini avait cessé de composer. En dépit de son continuum dramatique interrompu par le décès de l’auteur, l’ouvrage doit être saisi et estimé par la puissance de son architecture et le chant structurant de l’orchestre : vrai acteur protagoniste qui tisse et déroule, cultive et englobe un bain de sensations diffuses mais enveloppantes. La musique orchestrale faite conscience et intelligence. En cela la modernité de Puccini est totale. Et l’œuvre qui en découle, dépasse indiscutablement le prétexte oriental qui l’a fait naître.

 

 

Toutes les infos, les réservations sur le site du Teatro alla Scala de Milan

 

http://www.teatroallascala.org/en/season/opera-ballet/2014-2015/turandot.html

Naples, Turandot au San Carlo

turandot-puccini-san-carlo-napoli-classiquenews-annonce-mars-2015Naples, San Carlo. Puccini : Turandot. 21 mars>1er avril 2015. De la légende de Gozzi, d’un orientalisme fantasmé, Puccini fait une partition où règne d’abord, souveraine par ses audaces tonales et harmoniques, la divine musique. Le raffinement dramatique et psychologique de l’orchestre déployé pour exprimer la grandeur tragique de la petite geisha Cio Cio San dans Madama Butterfly (1904) se prolonge ici dans un travail inouï de raffinement et de complexe scintillement. Puccini creuse le mystère et l’énigme, données clés de sa Turandot, princesse chinoise dont tout prétendant doit résoudre les 3 énigmes sans quoi il est illico décapité. Rempart destiné à préserver la virginité de la jeune fille, comme le mur de feu pour Brünnhilde, dans La Walkyrie de Wagner, la question des énigmes cache en vérité la peur viscérale de l’homme ; une interdiction traumatique qui remonte à son ancêtre, elle même enlevée, violée, assassinée par un prince étranger. C’est l’antithèse du Tristan und Isolde de Wagner (1865) et ses riches chromatismes irrésolus qui à contrario de Turandot ne cesse d’exprimer la langueur de l’extase amoureuse accomplie. Mêlant tragique sanguinaire et comique délirant, Puccini n’oublie pas de brosser le portrait des 3 ministres de la Cour impériale, Ping, Pang, Pong (II) qui, personnel attaché aux rites des décapitations et des noces (dans le cas où le prince candidat découvre chaque énigme de Turandot), sont lassés des exécutions en série, ont la nostalgie de leur campagne plus paisible.

 

 

 

L’orchestre océan de Turandot

 

pucciniAu III, alors que Turandot désemparée veut obtenir le nom du prétendant, Liù, l’esclave qui accompagne Timur, le roi déchu de Tartarie, résiste à la torture et se suicide devant la foule… Puccini glisse deux airs époustouflant de souffle et d’intensité poétique : l’hymne à l’aurore de Calaf en début d’acte, et la dernière prière à l’amour de Liù. Génie mélodiste, Puccini est aussi un formidable orchestrateur. Turandot et ses climats orchestraux somptueux et mystérieux se rapprochent de La ville morte de Korngold (1920) aux brumes symphoniques magistralement oniriques. Le genèse de Turandot est longue : commencée en 1921, reprise en 1922, puis presque achevée pour le III en 1923. Pour le final, le compositeur souhaitait une extase digne de Tristan, mais le texte ne lui fut adressé qu’en octobre 1924, au moment où les médecins diagnostiquèrent un cancer de la gorge. Puccini meurt à Bruxelles d’une crise cardiaque laissant inachevé ce duo tant espéré. C’est Alfano sous la dictée de Toscanini qui écrira la fin de Turandot. En 1926, Toscanini créée l’opéra tout en indiquant où Puccini avait cessé de composer. En dépit de son continuum dramatique interrompu par le décès de l’auteur, l’ouvrage doit être saisi et estimé par la puissance de son architecture et le chant structurant de l’orchestre : vrai acteur protagoniste qui tisse et déroule, cultive et englobe un bain de sensations diffuses mais enveloppante. La musique orchestrale faite conscience et intelligence. En cela la modernité de Puccini est totale. Et l’Å“uvre qui en découle, dépasse indiscutablement le prétexte oriental qui l’a fait naître.

 

 

 

boutonreservationTurandot de Puccini au San Carlo de Naples
les 21,22,26,27,28,29 mars, et 1er avril 2015.
Valchuha / Agostini
De Simone
Avec Lise Lindstrom / Elena Pankratova (Turandot), Marcello Giordani (Calaf), Riccardo Zanellato (Timur), Eleonora Buratto (Liu)…

 

 

Compte-rendu : Nancy. Opéra National de Lorraine, le 4 octobre 2013. Giacomo Puccini : Turandot. Katrin Kapplusch, Rudy Park, Karah Son. Rani Calderon, direction musicale. Yannis Kokos, mise en scène.

Turandot Yannis KokosL’Opéra National de Lorraine nous a habitués à l’excellence, et la maison nancéenne ne déroge pas à la règle pour son premier spectacle de la saison 2013-2014, avec une Turandot de haut niveau.
Un ouvrage dramatiquement fort, une distribution choisie avec soin et une mise en scène de toute beauté, les ingrédients sont là pour une soirée mémorable. Le dernier ouvrage de Puccini, celui où le compositeur a déversé son âme – au point que la mort l’emporte avant qu’il ait pu l’achever –, offre une grande fresque musicale, épique autant qu’amoureuse, rappelant bien souvent Tristan. L’orchestration, dense et riche, tonnant aussi bien qu’elle murmure, et multiplie les effets de masses auxquels succèdent bien des scènes d’une tendre intimité.

 

 

Une princesse de glace en rouge et noir

 

L’Opéra de Nancy a eu le nez fin en confiant la direction musicale au chef iranien Rani Calderon, qui sculpte littéralement la sonorité de l’Orchestre Symphonique et Lyrique, multiplie les plans sonores, fait varier à l’infini les atmosphères et exécute les rubati voulus par le compositeur. Quelques décalages sont parfois à noter, mais gageons que tout rentrera dans l’ordre durant les représentations suivantes. En outre, le chef aime les voix, et cela se sent dans son geste, ménageant là un chanteur, portant ici au contraire un autre, lui offrant le socle instrumental nécessaire au déploiement de sa vocalité. Un vrai chef de théâtre, comme on aimerait en entendre plus souvent.
La mise en scène de Yannis Kokos sert l’œuvre par son dépouillement et son esthétisme, toute en rouge et noir, comme un grand tableau au sein duquel se fait durement sentir le poids de la fatalité et du destin façonnés par la terrible princesse. Seule concession au sourire, la virevoltante fantaisie tricéphale des Ministres, subtilement chorégraphiée, notamment dans leur superbe scène ouvrant le deuxième acte, où, enivrés par les vapeurs de la fumée, les trois hommes évoquent chacun la maison où les porte leur fantaisie. On n’oubliera pas de sitôt la place centrale occupée par le gong, qui celle le destin des prétendants, et qui se fait miroir, pour refléter la salle et ceux qui l’occupent.
Un très beau travail, sublimé par une direction d’acteurs sobre et précise, suivant de près la musique, et rehaussé par de magnifiques masques et costumes.
Grand succès également du côté des chanteurs. Dès les premières phrases du Mandarin, ici incarné in extremis par le ténor Florian Cafiero – alors que le rôle est d’ordinaire dévolu à un baryton, sinon une basse –, haut de place et bien chantant, on devine l’attention minutieuse apportée au choix des interprètes.
L’Empereur Altoum de John Pierce, au volume certes plus modeste, mérite également des éloges pour son émission claire et incisive, là où bien souvent on distribue des chanteurs à la voix fatiguée.
La basse hongroise Miklos Sebestyen incarne un Timur à l’humanité touchante, mais manquant parfois de profondeur dans le bas du registre, avec une voix un rien corsetée, se libérant étonnamment vers l’aigu.
Très belle réussite pour le trio épatant formé par Chang Han Lim, François Piolino et Avi Klemberg, respectivement Ping, Pang et Pong. Dotés de voix complémentaires et s’harmonisant parfaitement, les trois larrons composent des Ministres d’une justesse parfaite, tant dans l’ironie que dans le rêve. Chacun apporte sa pâte vocale, chaude et ductile pour le premier, ample et riche pour le second, percutant et bien projeté pour le troisième, formant ainsi une palette de couleurs inépuisable. Leur chorégraphie, parfaitement exécutée par tous les trois, participe de cette gémellité entre eux, d’une efficacité redoutable.
Arrivée au dernier moment pour remplacer la titulaire prévue, la jeune soprano coréenne Karah Son, ancienne élève de l’Académie de la Scala de Milan avec Mirella Freni, remporte tous les suffrages dans le magnifique rôle de Liù, notamment grâce à des aigus piano de superbe facture. La nuance forte paraît un peu indurée en début de représentation, mais l’instrument s’assouplit au court de la soirée, pour culminer dans un suicide poignant et lumineux d’amour vrai, servi par une grande musicalité à fleur de peau.
Révélation de la soirée, le Calaf ahurissant du coréen Rudy Park laisse sans voix. A un large médium rappelant un baryton, le ténor associe un aigu puissant et solide, comme s’il parvenait à monter avec la totalité de sa voix, dans un seul moule vocal qu’il paraît tenir du grave à l’aigu. Ses appels clôturant le premier acte laissent le public pantois, ainsi que ses adresses à l’Empereur où, même tournant le dos à la salle, sa voix semble presque aussi sonore que de face ! Son duo avec Turandot lui permet de déployer un contre-ut impressionnant, pour culminer dans un « Nessun dorma » de grande école, superbement phrasé, attentif aux mots et conquérant d’ampleur vocale. Au rideau final, il est salué par une grande ovation de toute la salle, en lisse devant un tel phénomène vocal, défiant les règles habituelles de l’art du chant.
Face à lui, la Turandot de l’allemande Katrin Kapplusch tient vaillamment sa partie, davantage soprano lirico-spinto que grand soprano dramatique, et vient à bout de ce rôle difficile sans encombre, grâce à une excellente maîtrise technique et une gestion intelligente de ses moyens. La voix, de belle étoffe, homogène sur toute la tessiture, offre des graves élégamment poitrinés et des aigus sonores, convaincante dans ses imprécations, ainsi qu’une véritable leçon de musique au dernier acte. L’humanisation de sa princesse de glace et son éveil à l’amour sont ainsi particulièrement sensibles, grâce à de magnifiques nuances, et lui permettent d’achever l’œuvre dans une grande émotion.
Les chœurs de l’Opéra-Théâtre de Metz et de l’Opéra National de Lorraine, nombreux et débordants d’enthousiasme, participent pour beaucoup à la réussite de cette soirée, masse sonore à la cruauté inflexible, et laissant tomber le rideau sur une apothéose enivrante de puissance et d’éclat. Conquis, les spectateurs n’ont pas ménagé leur plaisir devant tant de bonheurs musicaux, et ont bruyamment manifesté leur exaltation, remerciant ainsi Nancy pour une si belle ouverture de saison.

Nancy. Opéra National de Lorraine, 4 octobre 2013. Giacomo Puccini : Turandot. Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni. Avec Turandot : Katrin Kapplusch ; Calaf : Rudy Park ; Liù : Karah Son ; Timur : Miklos Sebestyen ; Ping : Chan Hang Lim ; Pang : François Piolino ; Pong : Avi Klemberg ; Altoum : John Pierce ; Un mandarin, le Jeune Prince de Perse : Florian Cafiero. Chœurs de l’Opéra National de Lorraine et de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole. Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy. Rani Calderon, direction musicale. Mise en scène, décors et costumes : Yannis Kokos ; Lumières : Patrice Trottier ; Dramaturgie : Anne Blancard ; Chorégraphie : Natalie Van Parys ; Perruques, maquillages, masques : Cécile Kretschmar.