COMPTE-RENDU, critique, opéra. MADRID, Teatro Real, 6 déc 2019. BELLINI : Il Pirata. Yoncheva / Camarena. Benini / Sagi

VENDÔME : CONCOURS BELLINI 2017Compte-rendu critique, opéra. Madrid. Teatro Real, le 6 décembre 2019. Vincenzo Bellini : Il Pirata. Sonya Yoncheva, Javier Camarena, George Petean. Maurizio Benini, direction musicale. Emilio Sagi, mise en scène. Et si le Teatro Real de Madrid était la première scène belcantiste du monde? Quelle autre maison sur la planète peut se targuer de parvenir à monter le terrible Pirata de Bellini avec trois distributions de haut vol? Nous n’avons hélas pu applaudir que la première, mais quel plateau ! Le théâtre madrilène ouvre grand ses portes à Javier Camarena pour devenir peu à peu le port d’attache du ténor mexicain. Plus encore, il offre au chanteur l’occasion d’aborder dans ses murs des rôles importants du répertoire romantique italien.

Après une Lucia historique voilà un an et demi, dans laquelle l’artiste étrennait – et de quelle façon – son premier Edgardo, le voilà de retour avec un autre rôle virtuose et terriblement exigeant : Gualtiero, … le Pirate en question.

Yoncheva / Camarena, duo saisissant

 
 

 
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Sans compter, pour profiter de la présence du chanteur pour le début des répétitions, un seul et unique Nemorino, couronné par une ovation à n’en plus finir après “Una furtiva lagrima”, triomphe récompensé par un bis somptueux.
Dès son entrée, le ténor subjugue une fois de plus par l’ardeur de ses accents, la délicatesse de sa ligne de chant aux mille nuances et son aigu rayonnant jusqu’au contre-ré, déconcertant de facilité comme d’impact. Fidèle à lui-même, le comédien n’est pas en reste, portant son personnage avec une sincérité de tous les instants et partageant pleinement les tourments qui l’agitent. Plus de deux heures durant, on reste suspendus aux lèvres de cet interprète d’exception, bouleversant et enthousiasmant de bout en bout, qui confirme, s’il en était besoin, sa place au firmament lyrique de notre époque.

Face à lui, il trouve une partenaire de choix avec Sonya Yoncheva qui, si elle ne se bat pas avec les mêmes armes, propose toutefois un portrait fascinant de la belle Imogene, déchirée entre son cÅ“ur et sa raison. Leurs duos sont à ce titre éloquents, chacun paraissant entrainer l’autre dans sa propre émotion, pour des moments pleins de communion musicale.
La soprano fait admirer la volupté de son timbre moiré, dans lequel l’oreille se roule avec délice, et qui n’est pas – coïncidence, inspiration ou mimétisme – sans rappeler parfois des sonorités propres à Maria Callas. A d’autres instants, notamment dans les agilités, assumées avec panache, c’est à June Anderson qu’on pense, les couleurs de ces traits évoquant furieusement la célèbre chanteuse américaine. Ainsi que nous l’écrivions déjà au sujet de sa Norma londonienne, la tessiture du rôle pousse l’artiste dans ses retranchements, l’aigu devenant de plus en plus tendu et métallique, mais c’est paradoxalement cette urgence, ce feu irrépressible, semblant consumer l’interprète autant que sa voix, qui émeut et trouve son apogée lors de la magnifique scène finale, où le personnage et la chanteuse se rejoignent, ne formant plus qu’un. La cantilène se déploie alors, pudique et poignant murmure, allant crescendo jusqu’à la flamboyante cabalette qui referme l’ouvrage, assumée avec un aplomb et un mordant impressionnants. La sublime musique de Bellini faisant le reste, c’est tout naturellement que le public salue cette performance par de vibrantes ovations.

 

 

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Le duo se fait trio de choc avec le touchant Ernesto de George Petean, le baryton roumain prêtant à l’époux d’Imogene des sentiments sincères envers sa femme. Plus encore, la rondeur vocale du chanteur correspond idéalement à cette conception, prouvant une fois de plus que cet artiste est à son meilleur dans les rôles auxquels il peut apporter sa tendresse et son humanité – plutôt que les méchants archétypaux, pour lesquels il manque parfois de noirceur et de violence -. Avec son émission haute et claire ainsi que son aigu facile et puissant mais toujours un peu ténorisant, l’artiste parait manquer parfois de force dans les notes inférieures, mais plie victorieusement son instrument à l’écriture fleurie du rôle, triomphant avec les honneurs des nombreuses vocalises qui parsèment sa partie.

Les autres personnages n’étant qu’esquissés, on saluera le Goffredo caverneux de Felipe Bou, l’Itulbo délicat de Marin Yonchev, avec une mention particulière pour la tendre Adele de Maria Miro, lumineuse et rassurante, véritable rayon de soleil au milieu du drame.

Peu de choses à dire sur la mise en scène d’Emilio Sagi, sinon qu’avec ses miroirs encadrant et surplombant le plateau, elle rappelle beaucoup celle de Lucrezia Borgia à Valencia. Toutefois, cette scénographie prend le parti d’une élégance jamais prise en défaut et laisse la musique faire son Å“uvre. On retiendra tout de même cet incroyable manteau noir dans lequel apparaît Imogene dans la scène finale et dont la traine se prolonge jusqu’aux cintres, avant de s’abattre tel un dais immense sur le cercueil d’Ernesto tué en duel. Ultime image, de celles qu’on n’oublie pas : la femme ayant perdu à la fois son mari et son amant, qui s’enroule dans cet océan de tissu et expire étendue sur le dos, la tête penchée dans la fosse d’orchestre.
Un orchestre en très belle forme et qui semble aimer servir ce répertoire, ainsi que le chÅ“ur, absolument superbe, tout deux galvanisés par la direction nerveuse et théâtrale de Maurizio Benini. On lui reprochera certes d’avoir coupé certaines reprises et écourté certaines codas – qui font pourtant partie de l’ADN de cette musique, d’autant plus avec pareils interprètes -, mais on saura gré au chef italien d’être extrêmement attentif aux chanteurs et de savoir tirer le meilleur de cette partition, notamment cet hypnotisant solo de cor anglais qui ouvre la scène finale, durant lequel le temps semble s’être arrêté dans la salle. Une grande soirée de bel canto donc, qui prouve que ce répertoire n’éblouit jamais tant que lorsqu’il est servi par les meilleurs interprètes.

 

   

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, opéra. MADRID, Teatro Real, 6 déc 2019. BELLINI : Il Pirata. Livret de Felice Romani. Avec Imogene : Sonya Yoncheva ; Gualtiero : Javier Camarena ; Ernesto : George Petean ; Goffredo : Felipe Bou ; Adele : Maria Miro ; Itulbo : Marin Yonchev. Choeur du Teatro Real ; Chef de chÅ“ur : Andrés Maspero. Orchestre du Teatro Real. Direction musicale : Maurizio Benini. Mise en scène : Emilio Sagi ; Décors : Daniel Bianco ; Costumes : Pepa Ojanguren ; Lumières : Albert Faura. Photos Javier del Real / Teatro real de Madrid, service de presse.  

   

 

Compte-rendu, opéra. Norma de Bellini au cinéma. Paris, le 26 septembre 2016. Sonya Yoncheva, Antonio Pappano…

yoncheva-sonya-norma-bellini-londres-roh-classiquenews-582-700-annonce-critiqueCompte-rendu, opéra. Norma de Bellini au cinéma. Paris, le 26 septembre 2016. Sonya Yoncheva, Antonio Pappano… Casta Diva à Covent Garden. Evènement au Covent Garden de Londres : Norma, le chef d’œuvre bellinien, revient à l’affiche après plus de trente ans d’absence. Pour célébrer dignement ce retour, la maison londonienne avait misé sur des premières fois, de celles qui comptent : sa première incarnation du rôle-titre pour Anna Netrebko, le premier Pollione de Joseph Calleja, et la première lecture de l’œuvre pour Antonio Pappano, le directeur musical de l’institution. Las, quatre mois avant la première, au moment de l’annonce de la nouvelle saison, la diva russe renonce, avançant étonnamment l’évolution de sa nature vocale comme argument. Branle-bas de combat au sein du théâtre, il s’agit, pour que l’évènement conserve son caractère exceptionnel, de trouver une remplaçante avec laquelle l’enjeu demeure similaire. C’est Sonya Yoncheva, toujours prête à de nouveaux défis, qui accepte courageusement de relever la gageure.

Nous étions donc curieux de suivre la retransmission que proposait la Royal Opera House à travers le monde depuis sa grande salle. Confortablement installés dans les larges fauteuils du cinéma Publicis sis sur les Champs-Elysées, nous avons pu goûter au superbe niveau de cette soirée.

Déjà, le spectaculaire dispositif scénique imaginé par le collectif espagnol La Fura dels Baus, composé de centaines de crucifix amoncelés pour former un espace à la fois grandiose et oppressant qui rappelle souvent une cathédrale. La scénographie place l’histoire de Norma au sein d’une secte d’inspiration catholique, multipliant les symboles et les rites. On se souviendra longtemps des aveux d’Adalgisa joués comme une véritable confession religieuse, Norma pouvant ainsi, cachée dans l’ombre, se laisser aller aux souvenirs de son amour alors naissant. On regrette seulement le décor lourdement raté représentant l’intimité de la prêtresse et de ses enfants cachés, mobilier moderne et froid d’un appartement moderne, avec télévision diffusant sans interruption un dessin animé, irruption brutale et désagréable d’une temporalité actuelle au sein d’une mise en scène qui cultive une intemporalité des plus appréciables. Les gros plans imposés par la caméra permettent en outre d’isoler le magnifique duo entre les deux femmes au deuxième acte, là où les plans larges nous révèlent, alors que la partition atteint son apogée dans la finesse, la fille de Norma qui parcourt la scène en rebondissant sur un ballon (!), détail pour le moins incongru et inutile qui doit, on l’imagine, tuer dans l’œuf toute émotion depuis la salle. Et pourquoi terminer l’œuvre sur l’image d’Oroveso abattant sa fille d’une balle dans la tête ? Des questions sans réponses, mais qui n’entachent pas une production qui reste en grande partie très belle.

La distribution réunie pour l’occasion se révèle globalement excellente. Aux côtés de très bons seconds rôles, comme toujours sur la première scène londonienne, on passera rapidement sur un Oroveso indigne, court de timbre comme d’aigus, n’ayant à faire valoir qu’un grave sonore.

Promenant son Adalgisa sur toutes les scènes du monde depuis plus de vingt ans, Sonia Ganassi fait montre d’un beau métier, mais la prise de son accentue l’usure de son timbre et étouffe ses aigus forte, qui doivent pleinement sonner en salle. Son jeu, parfois trop hystérique et agité à notre goût, pâtit de la proximité de la caméra, mais demeure toujours engagé et sincère.

Un peu à la peine dans ses premières interventions, Joseph Calleja se mesure à un rôle un peu trop lourd pour lui, mais il l’affronte avec ses moyens et fait bénéficier ce personnage souvent sacrifié de toute sa palette de nuances, jusqu’à des aigus piano superbes. Passée une cabalette à la vaillance un peu ardue, son art du chant réussit à rendre intéressant le proconsul romain et son duo avec Adalagisa, de toute beauté, demeure l’un des sommets de la soirée. La prise de son, en captant surtout son émission particulière, comme mixte sur toute la tessiture, au détriment de la projection en salle, accentue la singularité de son portrait vocal. Pleinement concerné scéniquement, le ténor maltais semble avoir beaucoup progressé dans la caractérisation théâtrale et on salue sa prestation.

Reste le rôle-titre, l’une des étapes majeures dans une carrière de soprano. On craignait un peu cette prise de rôle qui nous apparaissait prématurée dans le parcours de Sonya Yoncheva. La soprano bulgare a-t-elle eu raison de se mesurer à ce personnage mythique ? Assurément. Doit-t-elle persévérer dans cette voie ? Rien n’est moins sûr. Dès les premières notes, et jusqu’aux derniers accords, on demeure de bout en bout admiratifs du travail accompli par la chanteuse en à peine quatre mois.

Norma d’importance

yoncheva sonya norma au rohAdmiratifs et profondément touchés par sa compréhension du rôle, tellement juste et personnelle ; par son jeu habité de bout en bout jusqu’aux regards flamboyants ; par la splendeur de son médium encore davantage flatté par le micro ; par sa diction splendide, incisive et mordante, dont on ne perd pas une syllabe ; par son impeccable style belcantiste, jusqu’aux variations dans les reprises. A beaucoup d’égards déjà, Sonya Yoncheva signe ici une Norma d’importance. Et pourtant l’inquiétude n’est jamais très loin quant à l’évolution de sa voix. Les piani difficiles et souvent détimbrés lorsqu’ils sont tentés ; l’aigu forte attaqué soit de front et en force, soit marqué par un vibrato qui tend à s’élargir dangereusement et qui évoque parfois la Callas des dernières années ; la couleur aléatoire, parfois claire et naturelle, souvent assombrie et appuyée dans le médium, malgré la splendeur du timbre. Autant de détails qui semblent de mauvais augure pour l’avenir d’une chanteuse de seulement 34 ans, aussi douée soit-elle. Sa Leila flamboyante à l’Opéra Comique date d’il y a seulement quatre ans, la métamorphose rapide et radicale qui semble depuis avoir été la sienne nous contraint à former des vÅ“ux de prudence pour la suite de sa carrière, afin de pouvoir profiter encore longtemps des talents rares de cette artiste exceptionnelle à maints égards.

Couvant amoureusement tout ce petit monde, Antonio Pappano réalise un coup de maitre pour sa première Norma, et se positionne comme le véritable protagoniste de la soirée. Suivi comme un seul homme par tout un orchestre en état de grâce, il tisse un tapis sonore sous les pas des chanteurs, offrant à leurs voix un véritable écrin. Trouvant la juste pulsation de la phrase bellinienne, le chef américain déroule des trésors d’équilibre et de legato, tout en sachant déchaîner les tempêtes au bon moment, notamment dans le final du premier acte, tourbillon de rage et de colère. Une confirmation, s’il en était besoin, de son immense talent de chef d’opéra, qui le rend si précieux aujourd’hui.

Une très belle soirée, guidée par le maître-mot : émotion.

Compte-rendu, opéra. Norma de Bellini au cinéma. Paris, le 26 septembre 2016. Sonya Yoncheva, Antonio Pappano…

Cinéma : Sonya Yoncheva chante Norma

CINEMA. Sonya Yoncheva chante Norma, lundi 26 septembre 2016, 19h30. En direct du Royal Opera House de Covent Garden, les salles de cinéma diffusent la prise de rôle événement de cette rentrée lyrique européenne : Norma par la soprano vedette Sonya Yoncheva.

 

 

yoncheva-sonya-norma-bellini-londres-roh-classiquenews-582-700-annonce-critique A l’affiche du Royal Opera House de Covent Garden à Londres, le sommet belcantiste de Bellini, Norma de 1831, permet actuellement une prise de rôle proche du sublime par la soprano Sonya Yoncheva, – pour classiquenews, l’une des divas assolutas de l’heure, avec sa consoeur Anna Netrebko (dont le récent album discographique Verismo a obtenu le CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016) … Chanter Norma dans le sillon de la créatrice, Giuditta Pasta n’est pas chose aisée pour toutes les cantatrices lauréates à relever les défis de ce rôle de femme forte, tragique, toujours digne. Sa grandeur morale fait plier finalement tous ses ennemis, y compris l’indigne romain Pollione, qui l’a abandonnée pour une plus jeune (Adalgisa) et dont elle a eu deux enfants. Mère et femme trahie, Norma incarne un personnage mythique de l’opéra romantique italien auquel Sonya Yoncheva apporte sa couleur sensuelle et ses dons de tragédienne extatique, langoureuse, hallucinante (en particulier dans le fameux air à la lune, “Casta diva », air légendaire qui a fait le triomphe avant elle, de Maria Callas ou de Montserrat Caballe). Une prise de rôle événement qui explique pourquoi il ne faut manquer sous aucun prétexte cette production diffusée au cinéma, ce (lundi) 26 septembre 2016, à partir de 20h, dans les salles partenaires de l’événement.

royal opera house opera au cinemaAutres arguments de cette production londonienne de Norma… Dans la fosse, l’excellent Antonio Pappano (directeur musical du Royal Opera House / ROH) qui sait ciseler la tenue de l’orchestre dans son rapport aux voix (c’est lui qui dirige Puccini et les véristes italiens choisis par Anna Netrebko dans son récent recueil « verismo » édité chez Deutsche Grammophon. La réalisation scénique et visuelle est signée du truculent et parfois délirant Àlex Ollé, l’un des directeurs de la compagnie catalane La Fura dels Baus. Pour cette Norma, le metteur en scène inscrit l’action de la prêtresse gauloise dans un contexte de guerre menée par les extrêmes d’une société religieuse fanatique. Aux côtés de la soprano vedette, distinguons le ténor maltais riche en finesse et tension dramatique :  Joseph Calleja (Pollione), mais aussi Sonia Ganassi (la jeune prêtresse Adalgisa) et Brindley Sherratt (Oroveso, le père de Norma). Durée indicative : 3h, comprenant 1 entracte, une présentation de 15 minutes.

 

 

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Norma diffusée ainsi depuis Londres ouvre la nouvelle saison du ROH Live Cinema, diffusion dans les salles de cinéma en France des spectacles opéras et ballets de ROH / Royal Opera House de Londres (12 soirées sont annoncées pour cette saison, 6 opéras et 6 ballets).

 
LUNDI 26 SEPTEMBRE 2016, 19h30 : Norma de Bellini, en direct du Royal Opera House de Covent Garden, Londres
 / Chanté en italien avec des sous-titres en anglais

NORMA : SONYA YONCHEVA
POLLIONE : JOSEPH CALLEJA
ADALGISA : SONIA GANASSI
MUSIQUE – VINCENZO BELLINI
CHEF D’ORCHESTRE : ANTONIO PAPPANO
METTEUR EN SCENE : ÀLEX OLLÉ

 

 

 

+ D’INFOS: sur le site du ROH Royal Opera House de Londres / Norma de Bellini avec Sonya Yoncheva, à l’affiche du Royal Opera House de Covnent Garden Londres, du 23 septembre au 8 octobre 2016

 

Norma de Bellini par Sonya Yoncheva à Londres est diffusé aussi sur la radio BBC 3, le 5 novembre 2016 18h30

Norma de Bellini avec Sonya Yoncheva, à l’affiche du Royal Opera House de Covnent Garden Londres, du 23 septembre au 8 octobre 2016

 

 

+ D’INFOS sur le site du ROH Londres

 

 

LES SALLES EN FRANCE partenaires du ROH, qui diffusent NORMA, le 26 septembre 2016, 19h30 : consulter le site du ROH Live cinema 

 

 

LONDRES, ROH : Sonya Yoncheva chante Norma (12-26 septembre 2016)

Diva d'aujourd'hui : Sonya Yoncheva chante IrisLONDRES, ROH. Norma de Bellini : 12-26 septembre 2016. Sonya Yoncheva chante Norma. Elle a triomphé dans La Traviata de Verdi à l’Opéra Bastille (applaudie vécue en juin dernier, affirmant par son onctueuse féminité, l’une des Violettas les plus raffinées et convaincantes qui soient, avec sa consœur albanaise Ermolena Jaho, grande victorieuse des Chorégies d’Orange 2016), Sonya Yoncheva poursuit sa carrière de haut vol : après plus récemment une Iris de Mascagni, toute autant voluptueusement aboutie à Montpellier, voici à Londres, sa Norma de Bellini (1831), un rôle qui en plus de la beauté de son timbre de miel, devrait aussi confirmer son belcanto, avec phrasés et vocalises à l’envi… Le Royal Opera House présente ainsi sa nouvelle production de Norma, prêtresse à la lune et fille du druide Oroveso, mariée secrètement au Consul romain Pollione mais honteusement trahie par lui, alors qu’elle a eu deux fils du romain. Mais l’homme est faible et lui préfère à présent une jeunette plus adorable (Adalgisa, elle aussi prêtresse gauloise).
La tendresse du rôle, son caractère noble et énigmatique, sa moralité aussi font du personnage de Norma, sublime vertueuse, l’un des plus complexes et admirables du répertoire romantique italien. Bellini et son librettiste Romani excellent aussi à peindre l’amitié entre les deux femmes, toutes deux liées à Pollione, mais inspirées par un idéal de loyauté des plus respectables. Adalgisa jure d’infléchir le coeur de Pollione pour qu’il revienne auprès de Norma et ses deux garçons (duo magique Norma / Adalgisa : « Si, fino all’ore », acte II). Ainsi c’est dans la mort et les flammes, que Norma et Pollione se retrouvent unis pour l’éternité. Sur les traces de la créatrice de Norma, Giuditta Pasta, Sonya Yoncheva s’apprête à endosser l’un des rôles qui pourraient bien davantage affirmer sa grande suprématie vocale comme sa grâce dramatique. Avec Anna Netrebko son aînée, une diva d’une irrésistible vérité, doublée d’une hyperféminité particulièrement troublante. Aux côtés de Sonya Yoncheva, le ténor superstar maltais Joseph Calleja, au timbre délicat et au style raffiné, devrait lui aussi convaincre dans le rôle du romain d’abord traître honteux, puis touché par la noblesse de Norma, loyal à son premier amour et prêt à mourir avec elle… Nouvelle production londonienne incontournable. LIRE notre présentation de Norma par Sonya Yoncheva

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DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello (Yoncheva, Lucic, Nézet-Séguin, 2015)

sony88985308909DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello (Yoncheva, Lucic, Nézet-Séguin, 2015). Septembre 2015, la bulgare Sonya Yoncheva, voix carressante, timbre meliflu (bientôt sur les traces de la sublime et câline Fleming, qui chanta ici même avant Netrebko, Desdemona?), d’une hyperféminité qu’elle partage avec Anna Netrebko justement, cumule depuis quelques mois, comme sa consœur, capable de surperbes défis vocaux (chez Verdi et Puccini), s’affirme peu à peu comme la voix internationale que le milieu lyrique attendait : sa Desdemona au Metropolitan Opera de New York, saisit, captive, s’impose par une musicalité juvénile, d’une richesse expressive et poétique admirable. Fragilité et finesse, rondeur et puissance du chant. Ces qualités ont fait depuis, la grâce habitée de sa Traviata à l’Opéra Bastille, ou le cristal adolescent de sa comtesse des Noces de Figaro dans un récent enregistrement édité par Deutsche Grammophon, live de Baden Baden sous la direction du même chef, Nézet-Séguin (LIRE notre compte rendu des Noces de Figaro avec Sonya Yoncheva à Baden Baden 2015). Sous le conduite du même chef, « La Yoncheva » affirme un tempérament souverain : et hors de la tradition de ses grandes aînées (Tebaldi, Freni, Te Kanawa…), cisèle une grâce féminine (sa signature désormais), qui aux côtés de la sensibilité sacrificielle finale, s’accompagne d’une assurance féline dans ses confrontations avec l’infâme Iago.

Succédant à Fleming et Netrebko,

Yoncheva, nouvelle reine du Met

Sonya Yoncheva : la nouvelle diva 2015 !Mais le point fort de cette production revient aussi à celui justement qui tire les ficelles, le jaloux rongé par l’impuissance, ce Iago parfait démon cynique auquel le superbe Zeljko Lucic offre sa présence et une vérité prodigieuse. Seul il n’était rien. Manipulant un Otello trop carré, Iago triomphe indirectement. Car ici Otello, le maure complexé par sa couleur de peau (ici aspect écarté, à torts), est plus brute épaisse qu’amoureux en doute (le letton Aleksandrs Antonenko demeure bien instable, son personnage mal assumé, inabouti ou trop carré : un comble d’autant plus criant confronté aux deux portraits captivants de ses deux partenaires…), il conviendrait que le ténor qui ne manque pas de puissance, affine considérablement son approche pour éviter des attitudes ….souvent ridicules. Grâce à l’éclair expressif qu’apporte le baryton serbe en revanche, le couple Otello et Iago / Lucic forme un monstre à deux têtes qui dévore la finesse de Yoncheva pourtant lionne autant que gazelle; sa prière en fin d’action est déchirante : sobre, ténue, murmurée, au legato quasi bellinien.
otello desdemona sonya yoncheva metropolitan opera new york opera classiquenewsParmi les comprimari, -rôles « secondaires », saluons le très juste et séduisant Cassio du prometteur Dimitri Pittas. Futur directeur musical du Metropolitan, le maestro adulé actuellement Yannick Nézet-Séguin prête une attention continue pour les instruments, relief de chaque timbre dans une partition souvent cataclysmique, et aussi introspective : contrastes et vertiges dignes de Shakespeare… on guettera son prochain Otello, avec un fini orchestral cette fois totalement maîtrisé. De toute évidence, le dvd est plus que recommandable, pour entre autres les confrontations Yoncheva et Lucic, la direction efficace de Nézet-Séguin : un must contemporain made in New York.

DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Aleksandrs Antonenko (Otello), Sonya Yoncheva (Desdemona), Željko LuÄić (Iago), Chad Shelton (Roderigo), Dimitri Pittas (Cassio), Jennifer Johnson Cano (Emilia), Tyler Duncan (A herald), Günther Groissböck (Lodovico), Jeff Mattsey (Montano)… Metropolitan Opera & Chorus. Yannick Nézet-Séguin, direction. 1 dvd Sony classical 889853089093, enregistré en septembre 2015.

Iris de Mascagni à Montpellier

yoncheva_sonya_recital_parisMONTPELLIER. Mardi 26 juillet 2016, 20h. Mascagni : Iris. Sonya Yoncheva est Iris. En direct de Montpellier. Elle vient de triompher dans La Traviata à l’Opéra Bastille, puis sort victorieuse de la même façon dans l’enregistrement attendu des Noces de Figaro en provenance de Baden Baden été 2015 (parution de juillet 2016 chez Deutsche Grammophon). En 1898, soit huit ans après son premier chef d’Å“uvre, Cavaleria Rusticana (créé en mai 1890), Mascagni frappe un nouveau grand coup : comme Clétie (changée en tournesol, selon les Métamorphoses du magicien conteur Ovide), Iris, elle aussi ne révère que le soleil. L’auteur du chef d’oeuvre Cavalleria Rusticana, vrai manifeste du vérisme musical, saisissant par ses effluves lyriques comme ses atmosphères vaporeuses iridescentes à l’orchestre, se passionne pour l’épopée de la fille fleur, Iris, innocente victime de la barbarie des hommes. Comme ses confrères tentés par l’orientalisme, proche en cela des fantasmagories japonisantes de Madame Chrysanthème (André Messager), inspirée de Loti, et bientôt de la tragique Madame Butterfly (Puccini), Mascagni s’entiche lui aussi de la grâce extrême-orientale, matière à de riches évocations symphoniques dont la poésie instrumentale et mélodique renouvelle la réussite de Cavaleria. A l’heure de l’Art nouveau, Iris évoque immanquablement une rêverie voluptueuse porteuse d’un érotisme musical qui devrait se révéler idéal au timbre charnel et élégantissime de la diva du moment, la bulgare Sonya Yoncheva.

En créature du désir et de l’amour souverain, la soprano qui entretient une relation amoureuse avec la France et Paris : cf son premier cd événement édité par Sony « Paris mon amour », CLIC de CLASSIQUENEWS) devrait éblouir par son timbre velouté, naturel, d’une sensualité adolescente, d’une sincérité irrésistible (celle-là même qui fait le miracle de sa Comtesse mozartienne).
Iris est la proie de tous les désirs masculins, dévoilée telle Phryné, aux fantasmes masculins par le tenancier d’une maison de geishas au service du séducteur qui la courtise, maudite par son père, elle ne doit son salut qu’à l’astre des jours qui l’accueille en son ciel.
Mais humiliée, sacrifiée sur la terres des hommes indignes, Iris est sauvée par son adoration au soleil, et l’hymne qui en découle, l’Hymne au soleil, célèbre à juste titre, affirme l’ivresse raffinée du Mascagni orchestrateur, mélodie aguerri, toujours admiré pour son tempérament dramatique et poétique. C’est dire l’événement que constitue la recréation d’Iris de Mascagni au Festival Radio France et Montpellier ce 26 juillet 2016.

PIETRO MASCAGNI  1863-1945
Iris
Opéra en 3 actes (1898)
Livret de Luigi Illica
Version de concert

Sonya Yoncheva, soprano, Iris
Andrea Carè, ténor, Osaka
Gabriele Viviani, baryton, Kyoto
Nikolay Didenko, basse, Il Cieco
Paola Gardina,  mezzo-soprano, Una Guècha
Marin Yonchev, ténor, Il Cenciaiulo
Karlis Rutentals, ténor (soliste du chœur de la Radio Lettone), Un Merciaiuolo
Laurent Sérou, baryton (soliste du chœur de l’Opéra de Montpellier) : Un Cenciaiuolo

Chœur Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chœur  Noëlle Gény
Chœur de la Radio Lettone
Chef de chœur  Sigvards Klava
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chant  Anne Pagès-Boisset

Domingo Hindoyan, direction

Synopsis


Au Japon, XIXe siècle. Acte 1 : Encore pure et préservée, la jeune Iris qui s’occupe de son père aveugle est désirée par le jeune et riche Osaka. L’un de ses rêves est prémonitoire : sa poupée est violentée par des monstres… A la faveur d’une représentation de marionnettes sur le thème de l’amour et de la mort, Iris est enlevée par Osaka et son complice, Kyoto, proxénète, propriétaire d’une maison de geishas.

Acte 2. Iris se réveille captive dans la maison des plaisirs qui la comble de confort. Kyoto l’expose au désir des passants de plus en plus insistants ; survient son père qui croyant que sa fille a vendu son corps, la punit en la couvrant de boue.

Acte 3. A demi consciente, Iris reçoit alors la visite de trois allégories Veulerie, Luxure et Egoïsme et remet son sort au soleil en un hymne devenu culte.

VOIR la présentation d’Iris de Mascagni sur le site du Festival de Radio France et Montpellier 2016

CD, compte rendu critique. Mozart : Les Noces de Figaro / Le Nozze di Figaro. Sonya Yoncheva (Nézet-Séguin, 3 cd Deutsche Grammophon)

Le nozze di figaro mozart les noces de figaro deutsche grammophon 3 cd nezet-seguin_hampson_fauchecourt critique cd review classiquenews presentation annonce depeche clic de classiquenews juin 2016CD, compte rendu critique. Mozart : Les Noces de Figaro / Le Nozze di Figaro. Sonya Yoncheva (Nézet-Séguin, 3 cd Deutsche Grammophon). Voici donc la suite du cycle Mozart en provenance de Baden Baden 2015 et piloté par le chef Yannick Nézet-Séguin et le ténor Roland Villazon : ces Noces / Nozze marque le déjà quatrième opus sur les 7 ouvrages de maturité initialement choisis. Ce live confirme globalement les affinités mozartiennes du chef québécois né en 1975,et qui poursuit son irrépressible ascension : il vient d’être nommé directeur musical du Metropolitan Opera de New York. Hormis quelques réserves, la tenue générale, vivace, qui exprime et la vérité des profils et l’ivresse rythmée de cette journée étourdissante, convainc. Soulignons d’abord, la prestation superlative vocalement et dramatiquement de la soprano vedette de la production. Elle fut Marguerite du Faust de Gounod à Baden Baden (Festival de Pentecôte 2014) : la voici en Comtesse d’une ivresse juvénile et adolescente irrésistible, saisissant la couleur nostalgique d’une jeune épouse mariée trop tôt et qui a perdu trop vite sa fraicheur (quand elle n’était que Rosine….). Sonya Yoncheva renouvelle totalement l’esprit du personnage en en révélant l’essence adolescente avec une grâce et une finesse absolues : son « Porgi amor » ouvrant le II, est affirmation toute en délicatesse d’une aube tendre et angélique à jamais perdue : l’aveu d’un temps de bonheur irrémédiablement évanoui : déchirante prière d’une âme à la mélancolie remarquablement énoncée. Ce seul air mérite les meilleures appréciations. Car Sonya Yoncheva a contrairement à la plupart de ses consÅ“urs, le charme, la noblesse, la subtilité et… surtout le caractère et l’âge du personnage. Inoubliable incarnation (même charme à la langueur irrésistible dans le duo à la lettre du II : Canzonetta sull’aria).

 

 

 

Une Rosina nostalgique inoubliable
La comtesse blessée, adolescente de Sonya Yoncheva

 

 

EXCELLENCE FEMININE....A ses côtés, deux autres chanteuses sont du même niveau : incandescentes, naturelles, vibrantes : la Susanne (pourtant au timbre mûre) de Christiane Karg (de plus en plus naturelle et expressive : sensibilité de son ultime air avec récitatif au IV : « Giunse alfin il momento / Deh vient , non tardar, o gioia bella… »), et surtout l’épatante jeune soprano Angela Brower, vrai tempérament de feu dans le rôle travesti de Chérubin. Les 3 artistes éblouissent à chacune de leur intervention et dans les ensembles. Même Regula Mühlemann fait une Barberine touchante (cherchant son épingle dans le jardin : parabole du trouble et de l’oubli semés tout au long de l’action) au début du IV. Exhaustif et scrupuleux, Yannick Nézet Séguin respecte l’ordre originel des airs et séquences de l’acte III ; il dirige aussi tout l’acte IV avec l’air de Marceline (« il capo e la capretta » : épatante Anne-Sofie von Otter, plus fine actrice que chanteuse car

Diva d'aujourd'hui : Sonya Yoncheva chante Irisl’instrument vocal est éraillé), et le grand récit de Basilio (sur l’art bénéfique de se montrer transparent : « In quagli anni », chanté par un Rolando Villazon, malheureusement trop outré et maniéré, cherchant a contrario de tout naturel à trouver le détail original qui tue ; cette volonté de faire rire (ce que fait le public de bonne grâce) est étonnante puis déconcertante ; dommage (rien à voir avec son chant plus raffiné dans l’Enlèvement au sérail, précédemment édité). Face à lui, le Curzio de Jean-Paul Fauchécourt est mordant et vif à souhait, soulignant la verve de la comédie sous l’illusion et les faux semblants du drame domestique. Contre toute attente, le Comte Almaviva de Thomas Hampson montre de sérieuses usures dans la voix et un chant constamment en retrait, – ce malgré la justesse du style et l’aplomb des intentions, et pourtant d’une précision à peine audible (même si l’orchestre est placée derrière les chanteurs selon le dispositif du live à Baden Baden). Le Figaro un rien rustre et sanguin de Luca Pisaroni est percutant quant à lui, trop peut-être avec une couleur rustique qui contredit bien des Figaro plus policés, mieux nuancés (Hermann Prey).

 

 

seguin_yannick_nezet_chef_maetroSur instruments modernes, l’orchestre palpite et s’enivre au diapason de cette journée à perdre haleine avec la couleur trépidante, ronde du pianoforte dans récitatifs et airs ; pourtant jamais précipitée, ni en manque de profondeur, la baguette de Yannick Nézet-Séguin ne se dilue, toujours proche du texte, du sentiment, de la finesse : l’expressivité souple assure le liant de ce festival enfiévré qui marque en 1786 la première coopération entre Da Ponte et Mozart, inspirés par Beaumarchais (le mariage de Figaro, 1784). Pour l’excellence des parties féminines, – le sommet en étant la subtilité adolescente de la Comtesse de Sonya Yoncheva, pour l’allure palpitante de l’orchestre grâce à la vivacité nerveuse du chef, ce live de Baden Baden mérite tous les éloges. Au regard des accomplissements ainsi réalisés, les réserves émises ne sont que broutilles face à la cohérence d’ensemble. Saluons donc la réussite collective de ce 4è Mozart à ranger au mérite du duo d’initiateurs Nézet-Séguin et Villazon à Baden Baden.
CLIC de classiquenews de juillet 2016.

 

 

 

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. Mozart : Les Noces de Figaro / Le Nozze di Figaro. Sonya Yoncheva, Angela Brower, Christiane Karg, Anne Sofie von Ottter, Regula Mühlemann, Jean-Paul Fauchécourt, Luca Pisaroni, Thomas Hampson, Rolando Villazon… Vocalensemble Rastatt, Chamber orchestra of Europe. Yannick Nézet Séguin, direction — 3 cd Deutsche Grammophon 479 5945 / CLIC de classiquenews de juillet 2016

Recréation d’Iris de Mascagni à Montpellier

yoncheva_sonya_recital_parisFrance Musique. Mardi 26 juillet 2016, 20h. Mascagni : Iris. Sonya Yoncheva est Iris. En direct de Montpellier. Elle vient de triompher dans La Traviata à l’Opéra Bastille, puis sort victorieuse de la même façon dans l’enregistrement attendu des Noces de Figaro en provenance de Baden Baden été 2015 (parution de juillet 2016 chez Deutsche Grammophon). En 1898, soit huit ans après son premier chef d’Å“uvre, Cavaleria Rusticana (créé en mai 1890), Mascagni frappe un nouveau grand coup : comme Clétie (changée en tournesol, selon les Métamorphoses du magicien conteur Ovide), Iris, elle aussi ne révère que le soleil. L’auteur du chef d’oeuvre Cavalleria Rusticana, vrai manifeste du vérisme musical, saisissant par ses effluves lyriques comme ses atmosphères vaporeuses iridescentes à l’orchestre, se passionne pour l’épopée de la fille fleur, Iris, innocente victime de la barbarie des hommes. Comme ses confrères tentés par l’orientalisme, proche en cela des fantasmagories japonisantes de Madame Chrysanthème (André Messager), inspirée de Loti, et bientôt de la tragique Madame Butterfly (Puccini), Mascagni s’entiche lui aussi de la grâce extrême-orientale, matière à de riches évocations symphoniques dont la poésie instrumentale et mélodique renouvelle la réussite de Cavaleria. A l’heure de l’Art nouveau, Iris évoque immanquablement une rêverie voluptueuse porteuse d’un érotisme musical qui devrait se révéler idéal au timbre charnel et élégantissime de la diva du moment, la bulgare Sonya Yoncheva.

En créature du désir et de l’amour souverain, la soprano qui entretient une relation amoureuse avec la France et Paris : cf son premier cd événement édité par Sony « Paris mon amour », CLIC de CLASSIQUENEWS) devrait éblouir par son timbre velouté, naturel, d’une sensualité adolescente, d’une sincérité irrésistible (celle-là même qui fait le miracle de sa Comtesse mozartienne).
Iris est la proie de tous les désirs masculins, dévoilée telle Phryné, aux fantasmes masculins par le tenancier d’une maison de geishas au service du séducteur qui la courtise, maudite par son père, elle ne doit son salut qu’à l’astre des jours qui l’accueille en son ciel.
Mais humiliée, sacrifiée sur la terres des hommes indignes, Iris est sauvée par son adoration au soleil, et l’hymne qui en découle, l’Hymne au soleil, célèbre à juste titre, affirme l’ivresse raffinée du Mascagni orchestrateur, mélodie aguerri, toujours admiré pour son tempérament dramatique et poétique. C’est dire l’événement que constitue la recréation d’Iris de Mascagni au Festival Radio France et Montpellier ce 26 juillet 2016.

PIETRO MASCAGNI  1863-1945
Iris
Opéra en 3 actes (1898)
Livret de Luigi Illica
Version de concert

Sonya Yoncheva, soprano, Iris
Andrea Carè, ténor, Osaka
Gabriele Viviani, baryton, Kyoto
Nikolay Didenko, basse, Il Cieco
Paola Gardina,  mezzo-soprano, Una Guècha
Marin Yonchev, ténor, Il Cenciaiulo
Karlis Rutentals, ténor (soliste du chœur de la Radio Lettone), Un Merciaiuolo
Laurent Sérou, baryton (soliste du chœur de l’Opéra de Montpellier) : Un Cenciaiuolo

Chœur Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chœur  Noëlle Gény
Chœur de la Radio Lettone
Chef de chœur  Sigvards Klava
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chef de chant  Anne Pagès-Boisset

Domingo Hindoyan, direction

Synopsis


Au Japon, XIXe siècle. Acte 1 : Encore pure et préservée, la jeune Iris qui s’occupe de son père aveugle est désirée par le jeune et riche Osaka. L’un de ses rêves est prémonitoire : sa poupée est violentée par des monstres… A la faveur d’une représentation de marionnettes sur le thème de l’amour et de la mort, Iris est enlevée par Osaka et son complice, Kyoto, proxénète, propriétaire d’une maison de geishas.

Acte 2. Iris se réveille captive dans la maison des plaisirs qui la comble de confort. Kyoto l’expose au désir des passants de plus en plus insistants ; survient son père qui croyant que sa fille a vendu son corps, la punit en la couvrant de boue.

Acte 3. A demi consciente, Iris reçoit alors la visite de trois allégories Veulerie, Luxure et Egoïsme et remet son sort au soleil en un hymne devenu culte.

VOIR la présentation d’Iris de Mascagni sur le site du Festival de Radio France et Montpellier 2016

Stabat Mater de Pergolesi

pergolesi-portrait-pergolese-PERGOLESI-giovanni-battista-Ubaldi-Giovanni-Battista-PergolesiPARIS. Lundi 27 juin 2016, 20h. Stabat Mater de Pergolesi. Duo de rêve probablement au TCE pour l’un des sommets de la ferveur du Baroque italien, en particulier napolitain : Sonya Yoncheva (qui vient de chanter Traviata à Paris et incarne La Comtesse des Noces de Mozart dans l’enregistrement piloté par Yannick Séguin, à paraître ce 8 juillet 2016), et Karine Deshayes, soit la soprano et la mezzo parmi les chanteuses les plus convaincantes de l’heure. La partition est datée de 1736 soit quelques jours avant la mort de son auteur (à 26 ans), ce qui en fait une sorte de testament et de Requiem personnel… L’ensemble Amarillis complète le programme en jouant des œuvres instrumentales de Scarlatti, Mancini, Durante, soit quelques perles de l’essor de l’école napolitaine au dbut du XVIIIème, celle en France des Campra et Couperin mûrs, des Rameau naissant (création d’Hippolyte et Aricie en 1733).

Stabat Mater de PergolesiDOULEUR DE LA MERE… Divin poème de la douleur, selon Bellini, le Stabat mater de Pergolèsi est son chant du cygne, tout juste achevé en 1736, à Pozzuoli dans le monastère des pauvres Capucins, (et légué à son maître Francesco Feo) avant qu’il ne meurt de tuberculose ou de la  maladie pulmonaire qui le rongeait depuis son enfance … à 26 ans. La partition est une commande de la Confraternité de Saint-Louis du Palais. Le duo initial en fa mineur impose la profonde et grave prière à deux voix : c’est ensuite une alternance entre solos (Quae maerebat, Eja mater, Fac ut portem, pour contralto ; Vidit suum pour soprano), et duos plus ou moins développés dont l’ample et long Fac ut ardent cor meum, la séquence la plus brillante. D’une durée de 25 mn, les deux solistes vocalisent, se répondent, fusionnent, témoins de la douleur de la Mère accablée au pied de la croix sur laquelle meurt le Fils crucifié. Déploration, prière d’une ineffable douleur, deuil inconsolable et aussi élan vers la grâce et l’éblouissement grâce à la suavité à deux voix de la musique du divin Pergolèse.

 

 

Paris, TCE, Théâtre des Champs Elysées
Lundi 27 juin 2016, 20h
RÉSERVER

Sonya Yoncheva,  soprano
Karine Deshayes,  mezzo-soprano
Ensemble Amarillis
Scarlatti : Concerto grosso n°3 en fa Majeur (extrait des six concertos à sept parties)
Mancini : Sonata n° 14 en sol mineur
Durante : Concerto grosso en fa mineur
Entracte
Pergolesi : Stabat mater

Durée du concert
1ère partie : 35 mn environ – Entracte : 20 mn – 2e partie : 40 mn environ

 

CD, coffret événement, annonce. Mozart : Les Noces de Figaro par Yannick Nézet Séguin (3 cd Deutsche Grammophon)

Le nozze di figaro mozart les noces de figaro deutsche grammophon 3 cd nezet-seguin_hampson_fauchecourt critique cd review classiquenews presentation annonce depeche clic de classiquenews juin 2016CD, annonce. Mozart : Les Noces de Figaro par Yannick Nézet Séguin. Alors que Sony classical poursuit sa trilogie sous la conduite de l’espiègle et pétaradant Teodor Currentzis (1), Deutsche Grammophon achève la sienne sous le pilotage du Montréalais Yannick-Nézet Séguin récemment nommé directeur musical au Metropolitan Opera de New York. Après Don Giovanni, puis Cosi, les Nozze di Figaro sont annoncées ce 8 juillet 2016. A l’affiche de ce live en provenance comme pour chaque ouvrage enregistré de Baden Baden (festival estival 2015), des vedettes bien connues dont surtout le ténor franco mexicain Rolando Villazon avec lequel le chef a entrepris ce cycle mozartien qui devrait compter au total 7 opéras de la maturité. Villazon on l’a vu, se refait une santé vocale au cours de ce voyage mozartien, réapprenant non sans convaincre le délicat et subtil legato mozartien, la douceur et l’expressivité des inflexions, l’art des nuances et des phrasés souverains… une autre écoute aussi avec l’orchestre (les instrumentistes à Baden Baden sont placés derrière les chanteurs…) Leur dernier enregistrement, L’Enlèvement au sérail (qui a révélé le chant millimétré du jeune ténor Paul Schweinestet dans le rôle clé de Pedrillo) excellait dans ce sens dans la restitution de ce chant intérieur et suave porté par la finesse des intentions. Qu’en sera-t-il pour ce nouveau Da Ponte qui clôt ainsi la trilogie des opéras que Mozart a composé avec l’écrivain poète ?
La distribution regroupe des tempéraments prêts à exprimer l’esprit de comédie et ce réalisme juste et sincère qui font aussi des Nozze, l’opéra des femmes : Sonya Yoncheva chante la Comtesse, Anne Sofie von Otter, Marcellina, la moins connue Christiane Karg dans le rôle clé de Susanna… les rôles masculins promettent d’autres prises de rôles passionnants à suivre : Luca Pisaroni en Figaro ; Thomas Hampson pour le Comte Almaviva ; Rolando Villazon incarne Basilio le maître de musique, et Jean-Paul Fouchécourt, Don Curzio (soit pour ces deux derniers personnages, deux sensibilités invitées à sublimer l’expressivité de deux rôles moins secondaires qu’on l’a dit…).
Quelle cohérence vocale ? Quelle réalisation des situations psychologiques à travers les 4 actes ? Quelle conception à l’orchestre ? On sait combien l’opéra de Mozart et da Ponte a transfiguré la pièce de Beaumarchais dans le sens d’une libération des individualités, dans l’esprit d’une comédie réaliste parfois délirante où perce la vérité des caractères. Yannick Nézet-Séguin et son complice Rolando Villazon sont-ils au rendez vous de tous ces défis ? Réponse dans notre grande critique des Noces de Figaro par Nézet-Séguin et Villazon, à paraître dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS, le jour de la sortie du coffret, le 8 juillet 2016.

 

CD, annonce. Mozart : Les Noces de Figaro par Yannick Nézet Séguin, 3 cd Deutsche Grammophon — 479 5945. Parution annoncée le 8 juillet 2016.

 

 

 

LE CYCLE MOZART de Yannick Nézet-Séguin et Rolando Villazon. LIRE aussi nos critiques complètes CLASSIQUENEWS des opéras précédemment enregistrés par Yannick Nézet-Séguin :

Don-Giovanni.cd_.01DON GIOVANNI. Entrée réussie pour le chef canadien Yannick Nézet-Séguin qui emporte haut la main les suffrages pour son premier défi chez Deutsche Grammophon: enregistrer Don Giovanni de Mozart. Après les mythiques Boehm, Furtwängler, et tant de chefs qui en ont fait un accomplissement longuement médité, l’opéra Don Giovanni version Nézet-Séguin regarderait plutôt du coté de son maître, très scrupuleusement étudié, observé, suivi, le défunt Carlo Maria Giulini: souffle, sincérité cosmique, vérité surtout restituant au giocoso de Mozart, sa sincérité première, son urgence théâtrale, en une liberté de tempi régénérés, libres et souvent pertinents, qui accusent le souffle universel des situations et des tempéraments mis en mouvement. Immédiatement ce qui saisit l’audition c’est la vitalité très fluide, le raffinement naturel du chant orchestral; un sens des climats et de la continuité dramatique qui impose des l’ouverture une imagination fertile… Les chanteurs sont naturellement portés par la sureté de la baguette, l’écoute fraternelle du chef, toujours en symbiose avec les voix.

Cosi_Mozart-Nezet_seguin_cd_DG_villazonCOSI FAN TUTTE. Voici un Cosi fan tutte (Vienne, 1790) de belle allure, surtout orchestrale, qui vaut aussi pour la performance des deux soeurs, victimes de la machination machiste ourdie par le misogyne Alfonso … D’abord il y a l’élégance mordante souvent très engageante de l’orchestre auquel Yannick Nézet-Séguin, coordonnateur de cette intégrale Mozart pour DG, insuffle le nerf, la palpitation de l’instant : une exaltation souvent irrésistible. Le directeur musical du Philharmonique de Rotterdam n’a pas son pareil pour varier les milles intentions d’une partition qui frétille en tendresse et clins d’oeil pour ses personnages, surtout féminins. Comme Les Noces de Figaro, Mozart semble développer une sensibilité proche du coeur féminin : comme on le lira plus loin, ce ne sont pas Dorabella ni Fiodiligi, d’une présence absolue ici, qui démentiront notre analyse.

 

mozart-2-cd-deutsche-grammophon-die-entfurhung-aus-dem-serail-enlevement-au-serail-yannick-nezet-seguin-villazon-prohaska-paul-schweinester-rolando-villazonL’ENLEVEMENT AU SERAIL. CD, compte rendu critique. Mozart : L’Enlèvement au sérail, Die Entfhürung aus dem serail. Schweinester, Prohaska, Damrau, Villazon, Nézet-Séguin (2 cd Deutsche Grammophon). Après Don Giovanni et Cosi fan tutte, que vaut la brillante turquerie composée par Mozart en 1782, au coeur des Lumières défendue à Baden Baden par Nézet-Séguin et son équipe ? Évidemment avec son léger accent mexicain le non germanophone Rolando Villazon peine à convaincre dans le rôle de Belmonte;  outre l’articulation contournée de l’allemand, c’est surtout un style qui reste pas assez sobre, trop maniéré à notre goût, autant de petites anomalies qui malgré l’intensité du chant placent le chanteur en dehors du rôle.

 

 

(1) Sony classical a publié Cosi fan tutee,  Le Nozze di Figaro… reste Don Giovanni, annoncé courant dernier quadrimestre 2016

Doublé Tchaikovski : Iolanta et Casse-Noisette à Paris

tchaikovski piotr-Tchaikovsky-530-855Paris, Opéra Garnier, jusqu’au 1er avril 2016. Doublé Tchaikovski : Casse noisette et Yolanta. Le dernier opus lyrique de Piotr Illiytch, Iolantha occupe l’affiche de l’Opéra de Paris, nouvelle production signée Dmitri Tcherniakov – provocateur qui sait cependant sonder et exprimer les passions de l’âme-, et nouveau jalon d’un ouvrage passionnant qui se déroule dans la France médiévale di Bon Roi René. On se souvient avec quelle finesse angélique et ardente la soprano vedette Anna Netrebko avait enregistré ce rôle : jeune aveugle séquestrée, trop attachée à son père, Iolantha / Iolanta gagnait une incarnation éblouissante de justesse et d’ardeur, projetant enfin le désir vers la lumière… Sur les planches parisiennes, c’est une autre soprano voluptueuse, – autre Traviata fameuse, la bulgare Sonya Yoncheva (qui chantera l’héroïne verdienne à Bastille à partir du 20 mai prochain) , laquelle relève les défis multiples d’un personnage moins creux et compassé qu’il n’y paraît. Sensible, affûté, Tchaikovski sait portraiturer une jeune femme attachante, éprise d’absolu comme d’émancipation… et qui doit définitivement couper le cordon avec la figure paternelle. Pour l’aider un médecin arabe (le maure Ebn Hakia, baryton) , érudit humaniste et complice habile, l’aide à trouver la voie de la guérison morale et physique. Attention chef d’oeuvre irrésistible.

yoncheva_sonya_recital_parisCouplé à cet opéra court, le ballet Casse-Noisette en un doublé qui fut historiquement présenté tel quel et validé par le compositeur à la création de l’opéra au Mariinski de Saint-Pétersbourg, en décembre 1892. La maison parisienne entend aussi souligner avec force, la dualité artistiquement féconde, de l’opéra et du ballet, deux orientations magiciennes qui avec la saison musicale – chambrsite et symphonique, cultive le feu musical à Garnier et à Bastille. Le metteur en scène Tcherniakov en terres natales d’élection, entend réaliser l’unité et la cohérence entre les deux productions : un même cadre, et un glissement riche en continuité entre les deux volets ainsi présentés la même soirée. Comme Capriccio de Strauss, sublime ouverture de chambre, sans ampleur ou débordement des cordes, l’ouverture de Iolanta commence par une non moins irrésistible entrée des vents et bois, harmonie prodigieusement moderne, portant toute l’expressivité lyrique d’un Tchaikovski au crépuscule/sommet de sa carrière. Les divas ne sont pas rancunières… “La Yoncheva” avait quitté Aix en Provence où elle devait chanter Elvira dans Don Giovanni de Mozart parce qu’elle ne s’entendait pas avec le truculent et délirant Tcherniakov, c’était en 2013. Trois ans plus tard, l’eau a coulé, les tensions aussi et la soprano a accepté de travailler avec l’homme de théâtre pour cette Iolanta de 2016 à Paris…

Paris, Opéra Garnier. Tchaikovski : Iolantha, Casse-Noisette. Jusqu’au 1er avril 2016

LIRE aussi notre dossier spécial Anna netrebko chante Iolanta de Tchaikovski

Opéra magazine n°103. Février 2015. A la Une : la soprano Sonya Yoncheva

opera-magazine-103-sonya-yoncheva-diva-2015-sommaire-compte-rendu-classiquenewsOpéra magazine n°103. Février 2015. A la Une : la soprano Sonya Yoncheva. Parution le mercredi 4 février 2015. Grand Entretien, à la Une : Sonya  Yoncheva. Mère d’un petit garçon depuis l’automne, la soprano bulgare a repris sa carrière fortissimo. Alors que son premier album d’airs d’opéras, ” Paris, mon amour ” (airs d’opéras romantiques français : Gounod, Massenet, Lecocq, Messager… CLIC de classiquenews de janvier et février 2015), sort chez Sony Classical, elle enchaîne un récital à la Salle Gaveau, le 6 février, Fiordiligi à Munich, à partir du 16, puis Donna Elvira à Monte-Carlo, en mars, Lucia à Zurich, en avril et Violetta à Londres, en mai-juin 2015.

Rencontres. Dai Fujikura : avant Lille, le 24 mars, et Lausanne, le 24 avril, le Théâtre des Champs-Élysées accueille Solaris, le 5 mars, le premier opéra du compositeur japonais, sur un livret en langue anglaise et dans une mise en scène de Saburo Teshigawara.
Maria José Siri : Le 19 février, la soprano uruguayenne chante à Monte-Carlo Nedda dans Pagliacci, face au premier Canio de Marcelo Alvarez, avant de retrouver, en mai, Amelia d’Un ballo in maschera, à la Monnaie de Bruxelles, dans une nouvelle production de La Fura dels Baus.

​En coulisse : Le Covent Garden de Londres
Malgré la crise financière qui a touché l’ensemble des théâtres lyriques à travers le monde, le Royal Opera House, Covent Garden reste une étape incontournable pour les mélomanes, « le » lieu où l’on peut applaudir les plus grandes vedettes du moment, dans des productions alternant habilement tradition et modernisme. Jonas Kaufmann vient d’y faire ses débuts dans Andrea Chénier, Bryn Terfel y reprend Der fliegende Holländer, en ce mois de février 2015… Depuis quelques années, le Covent Garden est aussi devenu un foyer de création musicale particulièrement actif, entre autres grâce à la construction du Linbury Studio Theatre. Alex Beard, directeur général de l’institution, et Kasper Holten, directeur de l’opéra en son sein, font le point sur la situation actuelle de la maison, en expliquant comment, chacun à son niveau, ils entendent la développer.

Anniversaire : Marilyn Horne
Opéra Magazine a profité de la présence à Paris de la légendaire mezzo-soprano américaine pour lui demander, entre deux master classes au Studio Bastille, d’ouvrir son album de souvenirs. L’opportunité aussi de lui souhaiter, avec un peu de retard puisqu’elle est née en 1934, un joyeux 80ème anniversaire !

In memoriam – Ils nous ont quittés
Irene Dalis, Christopher Hogwood, Berislav Klobucar, Iouri Lioubimov, Janis Martin, Ana Raquel Satre, Elena Obraztsova.

Comptes rendus
Les scènes et récitals.

Guide pratique
La sélection CD, DVD, livres et l’agenda international des spectacles.

Opéra magazine n °103. Février 2015. A la Une : la soprano Sonya Yonchev.  Parution le mercredi 4 février 2015.

CD, événement. Sonya Yoncheva, soprano : Paris mon amour (1 cd Sony classical)

Yoncheva-Sonya-paris-mon-amour-cd-sony-classical-critique-compte-rendu-CLIC-de-classiquenews-fevrier-2015CD, événement. Sonya Yoncheva, soprano : Paris mon amour (1 cd Sony classical). La pulpeuse et sensuelle soprano bulgare Sonya Yoncheva est née en 1981 et assure la trentaine rayonnante, une maturité vocale éblouissante dans ce premier récital discographique au programme choisi, riches en références féminines nuancées raffinées avec un clin d’œil au romantisme immortel inusable du Paris XIXème. Songez qu’ici, Massenet, Gounod, Offenbach éclaire cette magie lyrique parisienne dont les héroïnes depuis lors, légendaires : Sapho, Hérodiade et Thaïs, sans omettre la Chrysanthème de Messager (inédite et succulente), ou l’une des 100 Vierges de Lecocq… incarnent cet éternel féminin à l’opéra: tour à tour, séductrices, maudites, amoureuses, ténébreuses… que Puccini aussi et Verdi (Violetta Valéry parisienne incontournable évidemment) ont tenté d’immortaliser à leur compte.  A ce jeu des facettes multiples d’un idéal féminin insaisissable mais inoubliable et irrépressible, répond le tempérament tout en finesse de la sensuelle et hyperféminine Yoncheva : un soprano lyrique et dramatique d’une tendresse éperdue souvent irrésistible.

 

Celle que l’on avait découvert dans des territoires baroques (n’a t elle pas été lauréate distinguée du Jardin des Voix de William Christie ?), entre autres dans le Couronnement de Poppée de Monteverdi où elle incarnait avec une féminité ardente et blessée la sublime sensualité de la souveraine enfin couronnée par Néron, ose ici de nouveaux champs, romantiques et parisiens, français et italiens. Premier prix d’Operalia en 2010, la jeune cantatrice fait actuellement une percée remarquée dans La Traviata sur les planches du Metropolitan Opera de New York en janvier 2015 (précisément les 14, 17, 21 et 24 janvier, réalisant ainsi son retour après sa maternité) ; elle vient d’être l’égérie d’une séance photo pour le magazine Vogue : assisterions-nous à l’éclosion d’une nouvelle star de l’opéra ? Assurément. Car en plus de sa plasticité rayonnante, la diva étonne par un chant d’une simplicité et d’une intelligence dramatique que seules les grandes avant elles savaient préserver : écoutez sa Violetta : incandescente parce que simple et pure. Sobre. D’une irrésistible tendresse, à la fois puissante et ciselée. L’interprète est époustouflante : technicienne et justement inspirée.

 

 

 

Nouvelle diva

Sonya Yoncheva : la grâce et l’intelligence

 

 

CLIC D'OR macaron 200Certes l’orchestre sous la direction assez fade voire parfois épaisse de Frédéric Chaslin manque de subtilité comme de transparence : or d’Hérodiade à Anna de Le Villi, de Thaïs au Lecocq dévoilé, -nostalgie enivrée de Gabrielle des Cent Vierges…. les climats symphoniques sont d’une somptuosité atmosphérique et très suggestive. Heureusement le timbre fragile et clair à la fois (noblesse tragique de l’air Où suis je de Sapho, succédant au Se come voi piccina de La Villi, réellement enivré, enchanté) de la soprano bulgare captive par son intelligence dramatique, son économie, sa volonté d’en faire le moins pour exprimer le plus. Conception vocale et interprétative qui nous paraissent réussir mille fois mieux que nombre de ses consÅ“urs, l’incarnation des héroïnes de La Belle Epoque.

yoncheva-sonya-sphynge-fond-lilasDans le chant tout en legato emperlé, soucieux aussi d’intelligibilité (sa formation avec les chefs baroques pèse ici de tout son poids) brille dans Sapho : travail sur la ligne d’un bel canto à la française, à la suspension bellinienne si opposée au sprachgesang wagnérien. Ô ma lyre immortelle se consume ainsi dans de sublimes couleurs vocales (y compris dans le bas medium), celle d’un prophétesse qui est avant tout une femme blessée, reniée; répudiée. Pour laquelle la mort est aussi un abandon croissant jusqu’à l’anéantissement dans la mer / tombeau. Eperdue et tendre, son Antonia (des Contes d’Hoffmann d’Offenbach où l’orchestre là encore en fait trop) : ensorcèle, s’épuise par sa constance qui est aussi embrasement fatal de la jeune femme… grâce à des aigus d’une rondeur angélique irrésistible. Sa Mimi sans affèteries saisit par sa précision, son évidence, sa simplicité et son naturel. On aime ce style économe jamais minaudant ; l’intelligence de l’interprète qui recherche avant tout par la voix, ses couleurs, sa connotations expressives (phrasés subtils), sa pureté d’émission, la juste expression poétique.

 
sonya-yoncheva-pour-vogue-2015Sa chair trouble celle des femmes capables de transfiguration, offre ses aigus superbement couverts à Thaïs (confrontation antagoniste avec Athanaël) et précédemment à la tempête panique de Chimène, fille accablée et aussi amoureuse transie déjà vaincue face au beau Cid. Suggestive, sobre là encore, la soprano excelle dans l’expression ambivalente du cÅ“ur de la jeune femme. Aux déjà connus et très exigeants Massenet et Puccini, la diva ajoute l’aube solaire de Chrysanthème (Le jour sous le soleil… porté par le chant des cigales…) d’un Messager aussi inspiré que Puccini : aux aigus diamantins, prometteurs d’une aurore inespérée ; mais aussi l’air de Gabrielle des 100 Vierges de Lecocq : une valse nostalgique (évoquant un Paris vécu et é/perdu), référence à Gounod évidente… dont la sincérité de l’approche nous rappelle une certaine Netrebko. Rien de moins.
Ce récital discographique est une confirmation et une bouleversante révélation. Voici une grande diva sans démonstration ni effet artificiel dont l’intensité et la justesse des intentions, révélant une précieuse richesse agogique, suivent les pas des divines légendaires Freni, Cotrubus, Gheorghiu… Sonya Yoncheva confirme une sensibilité et une intelligence admirables. Une nouvelle diva est née. Talent à suivre.

 

 

Pour les fans, ou ceux qui ne le sont pas encore, visiter le site officiel de la soprano Soya Yoncheva

 

 

CD, événement. Sonya Yoncheva, soprano : Paris mon amour (1 cd Sony classical). Tracklisting :

Massenet – Hérodiade, Act I, Scene 1: « Celui dont la parole…Il est doux, il est bon »
Puccini – Le Villi, Act I: « Se come voi piccina io fossi »
Gounod – Sapho, Act III, No. 19: « Où suis-je?…O ma lyre immortelle »
Massenet – Le Cid, Act III, Tableau 5: « De cet affreux combat….Pleurez, pleurez, mes yeux! »
Offenbach – Les Contes d’Hoffmann, Act III, Scene 1: « Elle a fui, la torterelle »
Puccini – La Bohème, Act III: « Donde lieta usci »
Massenet – Thais, Act III, Tableau 3: « C’est toi, mon père »
Verdi – La Traviata, Act I, Scene 5: « È strano!.è strano!…Sempre libera »
Messager – Madame Chrysanthème, Act III, Scene 8: « Le jour sous le soleil béni »
Lecocq – Les Cent Vierges, Act III, No.10: « Je soupire et maudis le destin…O Paris, gai séjour de plaisir »

 

 

 

Compte rendu, récital lyrique. Paris. Salle Pleyel, 28 janvier 2014. Récital Sonya Yoncheva, soprano. Nathalie Stutzmann, direction musicale

Les Grandes Voix continuent leur feu d’artifice de ce début d’année – initié par Edita Gruberova il y a quatre jours à peine – avec l’étoile montante du monde lyrique actuel : la soprano bulgare Sonya Yoncheva, Leila dans les Pêcheurs de perles à Favart en juin 2012 et surtout Lucia di Lammermoor à l’Opéra Bastille pour l’ouverture de la présente saison.

Voilà donc, Salle Pleyel, son premier récital parisien, consacré au « caro Sassone », le surnom donné à Haendel. Elle partage l’affiche avec un autre grand nom du chant, la contralto Nathalie Stutzmann, mais ce soir la française ne chante pas, préférant diriger son ensemble fondé récemment, Orfeo 55.

Haendel et ses drôles de dames

Deux femmes pour un seul compositeur, deux musiciennes aux goûts éclectiques, pour un résultat généreux et électrisant. Sonya Yoncheva, lauréate du Jardin des Voix de William Christie, a servi avec autant de bonheur Monteverdi que Rameau, Bizet, Donizetti et Verdi, tandis que Nathalie Stutzmann, artiste complète, s’est illustrée aussi bien dans la musique baroque que chez Gluck et Mahler. Ce qui nous vaut une interprétation vocale et instrumentale d’un rare équilibre entre style baroque et ampleur sonore, deux notions n’allant pas toujours de pair dans ce répertoire.

 

 

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L’ensemble Orfeo 55 enchante par la rondeur de sa sonorité et la précision de ses traits, ainsi que par des soli de belle facture. Les différents extraits de Concerti grossi émaillant la soirée s’en trouvent ainsi magnifiés, grâce à un sens évident des nuances et une énergie communicative qui ne devient jamais sécheresse de jeu. Les instrumentistes se trouvent en outre galvanisés par la direction aussi sensible et vivante que claire et détaillée de Nathalie Stutzmann, qui défend sa place au sein du métier de chef d’orchestre.

C’est donc un tapis sonore qui se voit tissé sous les pas de Sonya Yoncheva qui n’a plus qu’à y déposer sa voix et la laisser se déployer. On reste ainsi pantois devant la facilité avec laquelle la jeune soprano paraît chanter, évitant toute crispation, cultivant au contraire une détente absolue de la mâchoire, laissant simplement monter la voix. Ce qui donne à entendre une émission vocale évidente de naturel, au legato qui semble couler de source, un vrai bonheur. Le grave apparaît en outre sonore et corsé, poitriné sans excès, et l’aigu éblouit par sa puissance et sa richesse harmonique, bourdonnant aux oreilles et entrant littéralement en résonance avec la salle.

Et tant de qualités purement techniques s’avèrent au seul service de la musique, grâce à une sensibilité à fleur de peau et une imagination dans les coloris qui paraît sans limites. Ainsi la tristesse de Cléopâtre et Alcina va droit au cœur, décuplée qu’elle est par la pudeur et l’intériorité de la chanteuse, osant le murmure – pourtant sonore – et l’éclat soudain – pourtant rond et moelleux jusque dans la fureur –. Deux rôles dans lesquels on espère retrouver un jour la magnifique Yoncheva.

Le public a bien compris qu’il se trouve face à une très grande artiste, une immense cantatrice en devenir, et la fête avec enthousiasme. Devant une telle ferveur, les deux femmes consentent un premier bis, le poignant « Lascia ch’io pianga » tiré de Rinaldo, rendu de façon déchirante par la soprano aidée en cela par l’orchestre tout entier. Puis, un second rappel, une reprise du premier air de la soirée ; et un troisième bis pour contenter l’assistance, un extrait de l’air d’Agrippina, qui clôt la soirée sur une note malicieuse.

Il est toujours beau de voir s’épanouir et mûrir un grand talent, c’était le cas ce soir.

Paris. Salle Pleyel, 28 janvier 2014. Georg Friedrich Haendel : Giulio Cesare, Ouverture ; Concerto grosso en mi mineur op. 6 n°3 HWV 321, Larghetto ; Giulio Cesare, “Non disperar, chi sa?” ; Concerto grosso en mi mineur op. 6 n°3 HWV 321, Allegro ; Atalanta, “Care selve” ; Concerto grosso en ré mineur op. 3 n°5 HWV 316, Allegro, Allegro ma non troppo, Allegro ; Concerto grosso en la mineur op. 6 n°4 HWV 322, Larghetto affetuoso ; Giulio Cesare, “Se pietà di me non senti” ; Salomon, Arrivée de la Reine de Saba ; Concerto grosso en sol mineur op. 6 n°6, HWV 316, Allegro ; Agrippina, “È un fuoco quel d’amore” ; Alcina, “Ah mio cor” ; Concerto grosso en ré mineur op. 3 n°5 HWV 316, Adagio ; Concerto grosso en ré majeur op. 3 n°6 HWV 317, Vivace ; Alcina, “Ah Ruggiero crudel… Ombre pallide”. Sonya Yoncheva. Orfeo 55. Nathalie Stutzmann, direction musicale

Illustration : Sonya Yoncheva (DR)