CD événement, critique. Benjamin GROSVENOR : LISZT, Sonate en si mineur (1 cd DECCA, 2020)

grosvenor benjamin liszt decca cd review critique piano cd clic de classiquenewsCD événement, critique. Benjamin GROSVENOR : LISZT (1 cd DECCA, 2020)La Sonate en si mineur S178 est un cheminement intérieur qui crépite en ses écarts contrastés et vertigineux, du doute au don, de la question de Dieu à la foi qui se fait révélation et plénitude intime, après bien des péripéties déchirées, des interrogations intimes, sidérantes. L’éloquence et la clarté, le jeu au toucher caressant et toujours extrêmement détaché, articulé sans artifices distinguent nettement Benjamin Grosvenor des autres compétiteurs. Après la Sonate en si mineur, l’intériorité mesurée, retenue de la berceuse pourtant très inquiète voire agitée, exprime cette compréhension profonde et urgente d’un Liszt qui doute toujours et croit toujours.

Aucun doute ce disque est celui de la pleine maturité : celui d’un interprète qui allie discours, intention et suprême musicalité. La forme et le fond étant fusionnés avec une élégance so british continue réalise ici un sans faute, qui touche par son éloquence. Le mot est essentiel chez Grosvenor : éloquence.

 

 

 

Liszt par Grosvenor
Eloquence / Elégance de l’intime

 

 

 

Extraits des Années de Pèlerinage II, les 3 sonnets de Pétrarque associent idéalement le chant de la confession, l’abandon de la nostalgie… On distingue d’abord cet écoulement mais aussi un questionnement permanent qui restitue à la forme souple, sa tension sous jacente (plage 6).
Construit comme une exploration dans le souvenir, flux rétrospectif de la plage 7 dont le pianiste exprime et ressuscite chaque sensation vécue avec une nostalgie distanciée, riche en vertiges intimes. C’est un appel à la sérénité ultime. Là encore, la ductilité du jeu, aussi articulé que caressant, convainc.
Le Sonnet 123 (plage 8) cherche plus loin encore et trouve, dans la résonance et l’énoncé de phrasés ciselés, la sincérité de la foi entre rêverie extatique et renoncement ultime.

A l’inverse d’une méditation concentrée et nuancée, « Réminiscences de Norma » fait moins entendre la vocalità tragique et sussurée de la suicidée que l’ampleur orchestrale de la fosse au clavier, sa flamboyance mélodique, avec une tendance rossinienne aux élans et vertiges amusées presque satiriques ; c’est un teaser frénétique qui enchâsse et superpose les airs à succès avec un sens grandiose de l’annonce et du résumé… grâce à une digitalité éperdue, aérienne et crépitante.
CLIC D'OR macaron 200Le geste s’apaise enfin dans l’Ave Maria d’après Schubert ; un sentiment d’absolue plénitude et de renoncement là encore s’accomplit dans des étirements de tempo enivrés, extatiques. La distance est consommée avec le Liszt fougueux, fiévreux, crépusculaire et viscéralement romantique de son contemporain, autre jeune tempérament incontournable, Daniil Trifonov ; Grosvenor quant à lui emprunte et triomphe sur la voie de l’élégance intérieure. Irrésistible.

 

 

 
 

 

 

________________________________________________________________________________________________

CD événement. Benjamin GROSVENOR : LISZT (Sonate en si mineur, Sonates des Années de Pèlerinage, 2è année : Italie S161, 3 Sonetti de Petrarca / Norma : grande fantaisie S394 (1 cd DECCA, 2020). Enregistré en oct 2020 à Londres. CLIC de classiquenews, printemps 2021.

________________________________________________________________________________________________

 

 

 

Tracklisting / Programme :

Piano Sonata in B Minor / Sonate en si mineur, S. 178

Berceuse, S. 174

Années de pèlerinage II, S. 161 :
Années de pèlerinage II, S. 161: Petrarca Sonnets Nos. 47, 104 & 123

Réminiscences de Norma, S. 394 (after Bellini)

Ave Maria, S. 558 (after Schubert, D. 839)

 

 

 
 

 

 

CD Ă©vĂ©nement. MOZART : La FlĂ»te enchantĂ©e / Die Zauberflöte (Lombard – 1978 – 2 cd Decca)

mozart cd lombard kanawa gruberova van dam cd critique cd review cd decca classiquenews critique decca operaCD Ă©vĂ©nement. MOZART : La FlĂ»te enchantĂ©e / Die Zauberflöte (Lombard – 1978 – 2 cd Decca). Incroyable inĂ©dit, jamais Ă©ditĂ© par Decca et qui pourtant en rĂ©unissant un cast assez ahurissant Ă  la fin des annĂ©es 1970 Ă  Strasbourg, a fait de l’Orchestre Philharmonique local, – de l’OpĂ©ra du Rhin, sous la fĂ©rule de son chef Alain Lombard, une scène lyrique de premier plan. En tĂ©moigne cette version de la FlĂ»te mozartienne consistante, enregistrĂ©e alors pour Barclay, avec excusez du peu : Kiri Te Kanawa en Pamina (certes un peu mĂ»re pour le rĂ´le mais quel instrument et quelle fine mozartienne) ; Edita Gruberova en Reine de la nuit… sidĂ©rale, stratosphĂ©rique, d’une agilitĂ© lumineuse (vĂ©ritable alternative convaincante Ă  Edda Moser) ; Peter Hofmann (Tamino) ; Kurt Moll (Sarastro)… ou la très agile Kathleen Battle en Papagena (pĂ©tillante, piquante…). Guidant ce brillant arĂ©opage, la baguette de Lombard affirme un tempo soutenu, une fermetĂ© très emblĂ©matique des annĂ©es 1970 / 1980, une intensitĂ© qui parfois sacrifie dĂ©tail et nuance. Mais l’implication de ce plateau de stars, composantes du beau chant mozartien de l’époque, dĂ©fend une lecture habitĂ©e de cette FlĂ»te que l’on attendait pas, rĂ©vĂ©latrice de l’activitĂ© artistique de l’OpĂ©ra du Rhin. A connaĂ®tre Ă©videmment.

Contre le covid19. POUR LES SOIGNANTS. MELODY GARDOT : From Paris With Love

melody gardel appel classiquenews deccaContre le covid19. POUR LES SOIGNANTS. MELODY GARDOT : From Paris With Love – Global Orchestra  /  Sur les rĂ©seaux sociaux, Melody Gardot invite tous les musiciens Ă  la rejoindre, via un casting digital mondial, pour enregistrer un single exceptionnel « From Paris with Love » au profit des soignants. ConfinĂ©e Ă  Paris la chanteuse de jazz amĂ©ricaine Melody Gardot a lancĂ© hier son appel, après avoir du mettre entre parenthèses l’enregistrement de son nouvel album entre Los Angeles et Londres. La chanteuse propose ainsi un « live casting » digital mondial via les rĂ©seaux sociaux pour rassembler un orchestre international de cordes et instruments Ă  vent et enregistrer un des titres phare de son futur album – From Paris with Love-.

Continuer de produire malgré le confinement
« Il y a tant d’artistes, de musiciens, magnifiques dans le monde qui ne peuvent plus vivre leur art, exercer leur mĂ©tier, se retrouver au studio. Moi je suis Ă  Paris, chez moi et je me suis dit que l’on ne pouvait pas juste subir, que l’on pouvait essayer de faire quelque chose de beau tous ensemble et sortir « virtuellement » de nos confinements pour continuer Ă  produire… j’espère que ce projet va donner de l’amour et de l’espoir…» explique la chanteuse dont les albums se sont vendus Ă  des millions d’exemplaires dans le monde et qui reversera les droits de ce titre Ă  une association d’aide aux personnels soignants.

Chaque candidat recevra ainsi une partition et les instructions pour envoyer une vidéo d’interprétation instrumentale via e-mail ou sur le site internet www.melodygardot.com

melody gardot from paris with love contre le covid19 classiquenews deccaMelody et son Ă©quipe studio, Larry Klein, son producteur (multi-laurĂ©at des Grammies ; il a collaborĂ© avec Herbie Hancock, Joni Mitchell…), Vince Mendoza, son arrangeur et compositeur (Bjork, Robbie Williams, Elvis Costello) et bien sĂ»r Al Schmitt, star des studios Capitol, choisiront, en fonction des images et des performances, les musiciens qui seront contractualisĂ©s par sa maison de disque DECCA – filiale d’Universal Music- pour cette collaboration exceptionnelle. Les droits eux seront ainsi reversĂ©s Ă  l’association «Aide ton Soignant» pour soutenir les personnels des hĂ´pitaux.

Ce single sera accompagnĂ© d’un clip, offert sur les rĂ©seaux sociaux. Il intègrera en images, outre les musiciens, un kaleidoscope des fans que la chanteuse a appelĂ©s hier Ă  lui envoyer des images d’eux arborant un message de l’endroit du monde oĂą ils sont confinĂ©s, sur le thème de « FROM (Paris) WITH LOVE »…
A SUIVRE…

VOIR la vidéo l’appel de Mélody GARDOT sur Facebook watch / vidéo :
https://www.facebook.com/watch/?v=841585879686327

+ d’infos : https://melodygardot.co.uk/

CD, coffret Ă©vĂ©nement. KARAJAN: The complete DECCA recordings (33 cd, DECCA / 1957 – 1978)

karajan-the-complete-decca-recordings-wiener-philh-review-cd-critique-opera-concert-classiquenewsCD, coffret Ă©vĂ©nement. KARAJAN: The complete DECCA recordings (33 cd, DECCA / 1957 – 1978) – Voici un coffret miraculeux qui tĂ©moigne du travail de Herbert Von Karajan (HVK) de la fin des annĂ©es 1950 (1959 quand il devient directeur de l’OpĂ©ra de Vienne) jusqu’à 1978 (enregistrement des Nozze di Figaro en mai 1978 avec un plateau rĂ©jouissant : Krause, Cotrubas, Van Dam, Von Stade… on reste plus rĂ©servĂ© sur la Comtesse de Tomowa-Sintov). Ainsi est rĂ©capitulĂ©e deux dĂ©cennies de direction artistique oĂą Karajan peaufine la sonoritĂ© orchestrale idĂ©ale, entre tension et dĂ©tail, architecture et Ă©loquence expressive. Toutes les rĂ©alisations orchestrales concernent ici les Wiener Philharmoniker, idoines, si naturels chez Strauss (Richard et Johann dont la version de Die Fledermaus de 1960, est avec celle de Kleiber, anthologique, jubilatoire, vrai joyau comique et théâtral, avec cerise sur le gâteau, le fameux gala oĂą vĂ©ritable rĂ©cital lyrique dans l’opĂ©ra, les invitĂ©s du prince Orlowsky / Resnik, en son salon, se succèdent, offrant une synthèse des belles voix des sixties : Tebaldi, un rien fatiguĂ©e ; Corena en français ; Nilsson ; del Monaco ; Berganza, Sutherland, Björling, Price, Simionato… excusez du peu, autant de solistes que l’on retrouve par ailleurs dans les productions lyriques intĂ©grales qui composent aussi le coffrer). Il est vrai que Karajan autour de la cinquantaine, est le chef Ă©mergeant, surtout avec le dĂ©cès des maestros Klemperer, Böhm, Fricsay… en très peu de temps, le chef salzbourgeois impose sa pâte Ă  la fois hĂ©doniste quand aux Ă©quilibres sonores, et toujours en quĂŞte de profondeur, ce supplĂ©ment d’âme dont a parlĂ© Pavarotti (dans La Bohème avec la Mimi lĂ©gendaire de Mirella Freni, seul enregistrement du coffret rĂ©alisĂ© avec les « autres » instrumentistes choisis par HVK : les Berliner Philharmoniker, en 1972).

CLIC D'OR macaron 200Il est vrai que l’époque est celle des enregistrements mythiques de Decca en studio, spatialisé, avec un nombre suffisant de micros pour créer l’illusion des déplacements et des situations (une conception poussée encore plus loin, pour les enregistrements simultanés de Solti en particulier chez Wagner : premier Ring stéréo, réalisé aussi à Vienne dès 1958 et jusqu’en 1964)… Pour se faire Karajan a trouvé son producteur / ingénieur idéal en la personne de John Culshaw, partenaire d’une sensibilité musicale au moins égale à celle du chef : le duo produira des chefs d’oeuvres studio aussi bien lyriques que symphoniques… dont témoignent le présent coffret : Aida de 1959 avec Tebaldi, Bergonzi, Simoniato… Les Planètes de Holst, Peer Gynt de Grieg (1961, cd7) ; remarquable KARAJAN-1960Bundesarchiv_Bild_183-S47421,_Herbert_von_Karajan-classiquenews-critique-cd-concerts-opera-classiquenewsd’articulation et de vitalité aérée, Giselle d’Adam (sept 1961, 10) ; Otello de Verdi (Tebadlo, Del Monaco… mai 1961) ; Tosca (Price, Di Stefano, Taddei (sept 1962) ; enfin Carmen (Price, Corelli, Freni, Merrill…, nov 1963) ; les dernières productions à partir des années 1970 ne concernent plus Culshaw (Boris, 1970 ; La Bohème déjà citée de 1972 ; Butterfly avec Freni, Pavarotti, Ludwig Kerns, 1974 ; enfin les Nozze de 1978). L’apport est majeur, et déjà connu car il a été intégré dans de précédentes intégrales Karajan (éditées par DG). La quintessence du son Karajan se dévoile ici dans son sens du détail, de l’intériorité ; dans la caractérisation psychologique de sa conception des rôles à l’opéra ; dans la plénitude sonore, ronde et ciselée que seul les Wiener Philharmoniker ont su lui proposer. Coffret événement. CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2020.

________________________________________________________________________________________________

LIRE aussi le RING de WAGNER par Solti et John Culshaw (1958-1964)
https://www.classiquenews.com/cd-coffret-evenement-wagner-der-ring-des-nibelungen-georg-solti-1958-1964-cd-decca/

CD, critique. CHOPIN / Benjamin GROSVENOR : Concertos pour piano n°1 et n°2 (1 cd Decca – 2019)

grosvenor-piano-chopin-concertos-decca-cd-review-critique-classiquenewsCD, critique. CHOPIN / Benjamin GROSVENOR : Concertos pour piano n°1 et n°2 (1 cd Decca – 2019)  -  Benjamin Grosvenor, Ă©toile du piano britannique, soit le plus jeune laurĂ©at du Concours BBC Young Musician of the Year, catĂ©gorie piano 2004, confirme une sensibilitĂ© majeure que l’on trouve osons l’avouer, quelque peu « gâchĂ©e » par la tenue de l’orchestre Ă©cossais, pas vraiment Ă  la hauteur : direction confuse et peu nuancĂ©e d’Elim Chan dont la conception reste schĂ©matique sans rĂ©elle subtilitĂ© onirique. Dommage. Dommage car le pianiste adolescent avait dĂ©jĂ  ressenti une fusion totale avec les 2 concertos de Chopin : il y dĂ©ploie une superbe Ă©loquence intĂ©rieure en partie dans les deux mouvements lents, centraux, les plus intimes, en cela rĂ©vĂ©lateurs de la pensĂ©e combattive et tendre Ă  la fois du Chopin nostalgique. Le jeune apatride polonais (Ă  21 ans) en route pour Vienne dĂ©but nov 1830, emporte avec lui la partition des deux Concertos, amorcĂ©es, avancĂ©es, l’opus 21 (n°2) dès 1829 ; l’opus 11 (n°1) quelques mois avant… On rĂŞve avec Grosvenor de la beautĂ© de la soprano Konstance Gladkowska qui l’a ensorcelĂ© et dont l’image inspire tout le Larghetto, ample, suspendu du n°2, Ă©crit comme un nocturne avec un Ă©pisode mĂ©dian rĂ©voltĂ© qui montre aussi, comme chaque premier mouvement, la puissance prĂ©brahmsienne de Chopin amoureux.

Des deux Concertos, c’est surtout le n°1 qui nous époustoufle à chaque audition : son premier mouvement Allegro maestoso ne manque ni de passion fièvreuse, de secousses telluriques qui ébranle jusqu’au fond de l’âme, et aussi une ivresse lyrique éperdue, toujours admirablement articulée. Le Concerto en fa mineur s’impose par le songe lui aussi enivré du Larghetto que Chopin appelle Romance : une véritable déclaration d’amour (en mi majeur) qui ressuscite des sentiments voire une expérience personnelle proche de la sidération sereine : « une rêverie au clair de lune. » ; propre au fantasme de Chopin, il y est question de souvenir, de nuit, d’amour… Benjamin Grosvenor inspiré exprime toutes les perspectives de cette immersion intime, sommet de l’inspiration chopinienne qui annonce l’ultime accomplissement concertant de l’auteur : l’Andante spianato et Grande Polonaise brillante opus 22 (1836). L’œuvre est bien ancrée dans sa terre polonaise, créée au Théâtre de Varsovie le 11 oct 1830. Au mérite de Benjamin Grosvenor revient cette explicitation de l’épanchement nostalgique, déjà présent dans son mouvement central : la remémoration est au cœur de la nostalgie de Chopin et le pianiste nous la rend palpable. Le Mi mineur atteste d’une maturité romantique inouïe où se joue déjà la singularité du maître polonais : une passion qui s’épanche mais subtilement grâce au filtre du souvenir. Rien de direct. Tout y est allusif. Comme le jeu du pianiste britannique.

________________________________________________________________________________________________

grosvenor-piano-chopin-concertos-decca-cd-review-critique-classiquenewsCD, critique. CHOPIN / Benjamin GROSVENOR : Concertos pour piano n°1 et n°2 (opus 11 en mi mineur et opus 21 en fa mineur). Royal Scottish Nat Orch. Elim Chan (1 cd Decca – enregistrĂ© Ă  Glasgow, aoĂ»t 2019)

 

 

 

 

 

Précédentes critiques de cd de Benjamin Grosvenor

________________________________________________________________________________________________

homages benjamin grosvenor cd homages decca review classiquenews clic de classiquenews septembre 2016 573757_383e801f550a4543a1523b9e4ec3a169~mv2_d_1984_1984_s_2CD événement, compte rendu critique. HOMAGES : Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca). Les Liszt et Franck sublimés du pianiste Benjamin Grosvenor. D’emblée, nous savions qu’à la seule lecture du programme et la très subtile articulation des enchaînements comme des compositeurs ainsi sélectionnés, nous tenions là mieux qu’une confirmation artistique … : un accomplissement majeur s’agissant du pianiste britannique le plus exceptionnel qui soit actuellement et qui en est déjà à son 4è récital discographique pour Decca. Benjamin Grosvenor, parmi la jeune colonie de pianistes élus par Deutsche Grammophon et Decca (Daniil Trifonov, Alice Sara Ott, Yuja Wang… sans omettre les plus fugaces ou plus récents: Elizabeth Joy-Roe, ambassadrice de rêve pour Field chez Decca, ou surtout Seong Jin Cho, dernier lauréat du Concours Chopin de Varsovie…), fait figure à part d’une somptueuse maturité interprétative qui illumine de l’intérieur en particulier ses Liszt et ses Franck.

grosvenor decca cd piano benjamin grosvenor nouveau cd deccaCD. Dances. Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca, juillet 2013).  En évoquant cette lettre adressée par Scriabine à son élève Egon Petri en 1909 qui lui proposait de construire son prochain récital à partir de transcriptions et de compositions originales de danses,  le jeune pianiste britannique désormais champion de l’écurie Decca, Benjamin Grosvenor (né en 1992 : 22 ans en 2014,  a conçu le programme de ce nouveau disque – le 3 ème déjà chez Universal (son 2ème récital soliste). Vitalité, humeurs finement caractérisées et même ductilité introspective qui soigne toujours la clarté polyphonique autant que l’élégance de la ligne mélodique (volutes idéalement tracées de l’ultime Gigue), Benjamin Grosvenor affirme après ses précédentes gravures, une très solide personnalité qui se glisse dans chacune des séquences d’esprit résolument chorégraphique.  Son Bach affirme ainsi un tempérament à la fois racé et subtil. Les Partitas d’ouverture sont d’un galbe assuré, d’une versatilité aimable, parfois facétieuse révélant sous les exercices brillantissimes toute la grâce aérienne des danses françaises du premier baroque (17ème siècle). L’aimable doit y épouser le nerf et la vélocité avec le muscle et le rebond propre aux danses baroques telles que filtrées par Jean-Sébastien Bach au XVIIIème. Sans omettre, le climat de suspension d’une rêverie ou d’une profondeur nostalgique résolument distantes de toute démonstration.

CD, critique. SHEKU : ELGAR : Concerto pour violoncelle (LSO, Rattle – 1 cd DECCA 2019)

sheku-violoncelle-review-critique-cd-classiquenews-decca-clic-de-classiquenews-ELGAR-london-symph-orchestraCD, critique. SHEKU : ELGAR : Concerto pour violoncelle (LSO, Rattle – 1 cd DECCA 2019). DECCA a bien raison de dĂ©velopper un marketing de personnalitĂ©, s’agissant du violoncelliste Sheku (Kanneh-Mason, de son nom en dĂ©veloppĂ©), le concept est direct et immĂ©diatement porteur : SHEKU, cinq lettres qui composent une très forte individualitĂ© dont on apprĂ©cie le sens de la mesure comme de la finesse. Rattle parle mĂŞme d’un « poète »… on aimerait bue le chef suive ici le soliste sur les ailes nuancĂ©es de la musique… Car le violoncelliste britannique est bien une sensibilitĂ© affirmĂ©e, au chant intĂ©rieur indiscutable. Cela s’entend d’emblĂ©e Ă  travers les 10 pièces de ce programme plutĂ´t variĂ© et consistant, et parfois singulièrement intimes. Le Concerto d’Elgar (opus 85) est dense, entièrement dĂ©volu au chant solo du violoncelle, ce dès l’Adagio d’ouverture. L’écriture est serrĂ©e, faire valoir de l’expressivitĂ© parfois âpre de l’orchestre ; un peu trop Ă©pais dans la lecture de Rattle avec le LSO (London Symph Orchestra). L’agilitĂ© et la prĂ©cision du soliste exprime son jeu Ă©loquent et habitĂ©, qui contraste souvent avec le bloc, dur et « pompier » de l’orchestre ; distinguons de fait, l’agilitĂ© aĂ©rienne et pleine de subtilitĂ© qui rĂ©vèle chez Sheku, un talent pour une volubilitĂ© arachnĂ©enne.

Ayant jouĂ© par le royal wedding en 2018 (le mariage de Harry et Meghan), Sheku a gagnĂ© en peu de temps un surcroĂ®t de cĂ©lĂ©britĂ©, comme en son temps une certaine soprano australienne Kiri te Kanawa pour le mariage de Lady Diana. Le jeune violoncelliste britannique nĂ© en avril 1999, Ă  peine âgĂ© de 20 ans donc, fait montre d’une troublante maturitĂ© qui s’affirme dans la profondeur d’un jeu discret, direct, volubile et très articulĂ©, sans fard ni effets. Cet Ă©quilibre et cet esprit de la mesure intĂ©riorisĂ©e, ce son enfin, souverain par sa sincĂ©ritĂ©, se dĂ©ploient vĂ©ritablement dans l’Adagio d’Elgar, dont les qualitĂ©s sont mĂ©lodiques et introspectives. Le tact, la pudeur Ă©cartent – très heureusement -, tout affèterie, ailleurs souvent automatique, soulignant chez Elgar sa solennitĂ© plutĂ´t que ses brĂ»lures mĂ©ditatives (dĂ©veloppĂ©es jusqu’à la fin du dernier mouvement Allegro, presque bavard oĂą l’on sent chez le violoncelle l’envie d’en dĂ©coudre sans conclure vraiment). Sheku se montre souple, fin, et presque racĂ©, d’une sonoritĂ© de fait filigranĂ©e, Ă©largie qui semble Ă©tendre et dĂ©tendre le temps avec une clartĂ© dans le geste, captivante.

CLIC D'OR macaron 200L’interprète sait varier son jeu : tout en souplesse, rondeur, vibration, introspection dans la Romance de ce volet majeur Elgar. Même souplesse et finesse de son vibrato, doué de phrasés intérieurs dans Nimrod des Enigma varations d’ELGAR : la pudeur du geste, l’éloquence rentrée et pourtant très intense font mouche. Sheku convainc, car Elgar lui va comme un gant sur une main preste.

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

VIDEO PEOPLE / SHEKU joue au mariage royal de 2018 (Harry & Meghan) :

 

 

 

Commentaire : The footage was taken from St George’s Chapel, Windsor for the wedding of the Duke and Duchess of Sussex. Sheku Kanneh-Mason performs von Paradis’ ‘Sicilienne in E Flat Major’, FaurĂ©’s ‘Après Un RĂŞve’ and Schubert’s ‘Ave Maria’.

________________________________________________________________________________________________

VIDEO

 

 

 

Music video by Sheku Kanneh-Mason performing Traditional: Blow The Wind Southerly (Arr. Kanneh-Mason). © 2020 Decca Music Group Limited

 

 

 

 

CD, événement, premières impressions. FARINELLI : CECILIA BARTOLI (1 cd DECCA)

farinelli cecilia bartoli fall septembre 2019 annonce cd review critique classiquenews DECCA cd critiqueCD, Ă©vĂ©nement, premières impressions. FARINELLI : CECILIA BARTOLI (1 cd DECCA). AnnoncĂ© dĂ©but novembre 2019, c’est le cd de tous les dĂ©fis pour la mezzo italienne qui s’affiche en double de Conchita Wurst, ou du Christ barbu … accusant le travestissement que suppose son emploi comme ses nouveaux « exploits » : retrouver la couleur vocale des castrats du XVIIIè, ces chanteurs castrĂ©s Ă  Naples dont les effets de gorges ont Ă©bloui les opĂ©ras baroques signĂ©s Porpora, Broschi, Haendel et autres… Sur les traces du castrat Carlo Broschi dit Farinelli (1705 – 1782), la diva Bartoli met l’accent sur la virtuositĂ©, le timbre spĂ©cifique – ambivalent et droit-, la facultĂ© Ă  incarner un personnage… Ici, avec des moyens plus rĂ©duits, une Ă©mission moins brillante (et des aigus plus tendus), la diva romaine, Cecilia Bartoli rĂ©ussit nĂ©anmoins Ă  convaincre grâce Ă  la justesse de l’intonation, la profondeur convaincante de ses incarnations, une fragilitĂ© dans la tenue du timbre. Son chant intense et sombre brille en particulier dans les emplois tragiques (ClĂ©opâtre…). Un air nous semble se distinguer par sa force dramatique et la coloration tragique infinie que l’interprète est capable d’y dĂ©ployer (« Lontan… Lusingato dalla speme », extrait du Poliphemo de Porpora : sorte de lamento de 8mn au coeur du programme) : la coloratoura se pare de mille nuances expressives qui colorent avec finesse, une incarnation qui soupire et sombre dans la mort et le renoncement. Un absolu irrĂ©sistible et l’un des joyaux de ce nouveau rĂ©cital lyrique Ă©ditĂ© par DECCA.

 

 

premières impressions

divine CECILIA BARTOLI …
sur les traces de l’ange Farinelli

 

 

 

 

Bartolomeo Nazarie - Portrait of Farinelli 1734 - Royal College of Music LondonAinsi ressuscite le chant de Farinelli, ce maĂ®tre chanteur qui jusqu’à la fin de sa vie sut envoĂ»ter les grands de son Ă©poque dont les souverains espagnols Ă  Madrid alors que Domenico Scarlatti Ă©tait le maĂ®tre de clavecin atitrĂ©. Un âge d’or du beau chant permis aussi par l’inspiration d’un compositeur napolitain de première valeur, Nicola Porpora, -nĂ© en 1686, vrai rival de Handel Ă  Londres dans les annĂ©es 1730, et qui dans ce rĂ©cital très attendu a la part belle : pas moins de 5 airs ici sur les 11, dont 3 sont extraits de Poliphemo ; n’est-il pas avec le frère du chanteur vedette – Riccardo Broschi, le compositeur prĂ©fĂ©rĂ© de Farinelli ? De toute Ă©vidence fidèle Ă  son travail de dĂ©frichement, Ceilia Bartoli pousruit l’exhumation de signatures virtuoses pour l’opĂ©ra ; hier, il s’agissait de Steffani. Aujourd’hui, jaillit le diamant expressif et dramatique de Porpora, professeur de chant Ă  Naples des castrats Farinelli, Senesino, Porporino…, adulĂ© Ă  Londres, maĂ®tre de Haydn, mort oubliĂ© en 1768 (Ă  81 ans). La diva romaine sait rendre hommage Ă  travers ce portrait vocal de Farinelli Ă  Porpora, gĂ©nie napolitain dans le genre seria.

Voici nos premières impressions avant la grande critique du cd FARINELLI à paraître le 8 novembre 2019.

1 – Porpora / Polifemo : air d’exaltation et de jubilation comme d’espĂ©rance amoureuse (Ă©clairĂ© par les trompettes victorieuses) oĂą s’affirme l’agilitĂ© acrobatique de la voix coloratoure.

2 – Porpora / La Festa d’Imeneo : plus intĂ©rieur, comme enivrĂ© par un rĂŞve amoureux, l’air rappelle la maĂ®trise du souffle et la lisibilitĂ© comme la tenue de la ligne vocale, aux couleurs d’une tendresse extatique / expression d’un ravissement (« Vaghi amori, grazie amate »), dĂ©jĂ  entendue dans le film Farinelli.

3 – Hasse : Marc’Antonio e Cleopatra. La mezzo exprime les vertiges d’une amoureuse trahie, en fureur, prĂŞte Ă  mourir sur le trĂ´ne. Le portrait d’une ClĂ©opâtre qui assène par vocalises et coloratoure ascensionnels, l’intensitĂ© de sa colère et l’ampleur de sa dĂ©termination,Ă  la fois hĂ©roĂŻque et dĂ©jĂ  fatale. Dans cet emploi de femme forte, passionnelle, exacerbĂ©e, radicale, « La Bartoli » captive par son chien et son abattage dramatique. La justesse de sa couleur et du caractère vocal s’imposent naturellement.

FARINELLI-cecilia-bartoli-classiquenews-cd-critique-review-farinelli-cecilia-bartoli-fall-septembre-2019-annonce-cd-review-critique-classiquenews-DECCA-cd-critique4 – Porpora / Polifemo : « Lontan… lusingato dalla speme ». VoilĂ  assurĂ©ment comme on l’a dit prĂ©cĂ©demment, le joyau du programme (et qui nuance l’image d’un Porpora uniquement virtuose et acrobatique). Contraste oblige, Ă  la fureur de ClĂ©opâtre (de Hasse qui prĂ©cède) rĂ©pond la tendresse de cet air plus intĂ©rieur, dont la couleur est celle d’une âme touchĂ©e au cĹ“ur… tel un rossignol qui soupire. Ce positionnement vocal dans le medium grave et sombre s’amplifie encore dans l’air, long lui aussi plus de 8 mn de Giacomelli : « Mancare o Dio mi sento » (Adriano in Siria, plage 7).

….
Notons parmi les autres perles de ce récital événement : La morte d’Abel de Caldara : « Questi al cor finora ignoti » / Ces cœurs inconnus jusqu’à présent… prière épurée comme une extase dans la mort et d’une couleur elle aussi sombre qui fait surgir le relief du texte.

HASSE : Marc Antonio e Cleopatra : « A Dio trono, impero a Dio » (plage 10). Le relief du recitatif et l’ampleur dramatique, la couleur tragique de l’air qui suit, exprime cette échelle des passions d’une irrépressible intensité qui va crescendo et qui s’accomplit, entre imprécation et combat, rage et ardeur hallucinée, dans l’architecture des vocalises, portées par la coloratoure de la mezzo romaine. Un parlé chanté : « Addio trono… » qui témoigne de la résistance de la reine à renoncer. Bartoli ne chante pas, elle incarne et exprime avec une intelligence du texte (ce que ne font pas la majorité de ses consœurs)

et la fin : Porpora : Polifemo : « Alto Giove », rendu célèbre par le même film Farinelli. Parce qu’il y faut maîtriser l’intensité et la longueur du souffle, une spécialité de Farinelli, outre sa couleur étonnamment sombre pour un castrat soprano). Sans omettre l’ambitus de la tessiture (jusqu’à 3 octaves et demi) et qui dans la bande originale du film cité, exigeait deux chanteurs (soprano et contre ténor). Cecilia Bartoli personnifie l’épaisseur du personnage ; creuse l’interrogation en suspension de la souveraine atteinte.

Un nouveau programme qui s’annonce d’autant plus réussi que support idéal aux lignes tragiques de la diva diseuse, si proche du texte, les instrumentistes d’Il Giardino Armonico, sous la direction de leur fondateur et directeur musical Giovanni Antonini, suivent les pas de la tragédienne qui articule, nuance en mille demi teintes graves, hallucinées, la charge émotionnelle de chaque texte. Un continuo essentiellement composé de cordes, où les cuivres et les bois sont rares. A suivre. Grande critique le jour de la parution du cd FARINELLI par CECILIA BARTOLI, annoncé le 8 nov 2019.

 

 

 

farinelli cecilia bartoli fall septembre 2019 annonce cd review critique classiquenews DECCA cd critique

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

LIRE aussi notre annonce du cd FARINELLI par CECILIA BARTOLI

 

farinelli-1735-cecilia-bartoli-portrait-dossier-special-farinelli-classiquenews

 

 Farinelli jeune (DR)

________________________________________________________________________________________________

CD, coffret, événement, critique. BERLIOZ rediscovered / JE Gardiner (8 cd, 1 dvd Decca)

BERLIOZ-rediscovered-john-eliot-gardiner-8-cd-1-dvd-DECCA-review-critique-cd-classiquenews-dossier-BERLIOZ-2019-hector-berlioz-2019-dossier-berlioz-2019-classique-news-classiquenewsCD, coffret, événement, critique. BERLIOZ rediscovered (8 cd, 1 dvd Decca). Pour les 150 ans du grand Berlioz, Decca exhume les enregistrements historiques réalisés par Gardiner pour Philips. Le chef a dirigé Les Troyens au Châtelet, fait marquant de l’histoire du Théâtre parisien : Gardiner comme ses compatriotes et prédécesseurs Thomas Beecham ou Colin Davis, perpétue la flamme berliozienne depuis l’Angleterre. La noblesse nerveuse néoantique, néogluckiste ici, d’Hector continue de fasciner nos voisins abonnés au Brexit. Leur culte de Berlioz (né le 11 décembre 1803 à la Côte-Saint-André en Isère ; et mort à Paris le 8 mars 1869) prend une consistance particulière grâce à ce coffret événement, regroupant 8 cd et 1 dvd. Berlioz redécouvert désigne l’apport des instruments historiques, ceux de l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique sous la baguette fièvreuse du Britannique John Eliot Gardiner. Depuis l’Opéra de Lyon aussi, où avec l’orchestre maison, il enregistre la Damnation de Faust, en un geste aussi concis, affûté qu’intense.
Les couleurs sont contrastĂ©es, vives, fouettĂ©es, mais mieux Ă©quilibrĂ©es qu’au concert, belle dynamique optimisĂ©e que permet l’enregistrement studio. Fougueux, Gardiner « ose » Berlioz davantage comme un rĂ©volutionnaire que comme un Romantique. Le compositeur qui se disait surtout « classique », dans l’adoration de Gluck, n’aurait peut-ĂŞtre pas adhĂ©rer Ă  tant de violents accents et de trĂ©pidante sensibilitĂ© musicale : n’empĂŞche, voici l’éloquente Messe Solennelle, première partition d’envergure d’un compositeur de 22 ans (créée en 1825), restituĂ©e dans ses Ă©quilibres spatialisĂ©s d’origine, avec ce tranchant vif et ses couleurs fauves. Voici la Fantastique (la transe volcanique et bacchique de ses Ă©pisodes finaux : la Marche au supplice et du Songe d’une nuit de sabbat), Harold en Italie et Tristia, la sublime fresque shakespearienne de RomĂ©o et Juliette, enfin La Damnation de Faust, sommet de son inspiration lyrique et dramatique. Ici Berlioz Ă©ructe et colore, intensifie et enrichit le paysage sonore et orchestral : il rĂ©invente l’orchestre comme Turner rĂ©invente la peinture. En Berlioz, Gardiner voit Goya et Tintoret ; il fusionne dans le corps et l’âme du Français, le fantastique chromatique du premier, l’élan, la construction du colossal du second. Avec Gardiner, Berlioz rime avec tempĂŞte et ouragan. Chez tous les pupitres.

Même si l’on trouve d’un certain côté, l’approche de un rien trop échevelée, moins équilibrée et raffinée qu’un Davis, sa compréhension du berlioz réformateur, affûté, vindicatif grâce au relief et au timbre des instruments d’époque, demeure indiscutablement passionnant. Gardiner reste donc la valeur sûre pour cette année 2019, côté instruments anciens. Bonus complémentaire et éloquent sur la direction minutieuse et engagée de Gardiner, le DVD qui agrémente les 8 cd de ce cycle Berlioz sur instruments d’époque : à l’image, sont rétablies ainsi la Fantastique et la fameuse Messe Solennelle du « gamin » génial de 22 ans, dont certains thèmes mélodiques seront ensuite recyclés dans les œuvres dramatiques et symphonique de la maturité.

_____________________________________

CD coffret, Ă©vĂ©nement, critique. BERLIOZ rediscovered – John Eliot Gardiner joue Berlioz – 8 cd, 1 dvd (DECCA)

Symphony fantastique op. 14
Symphony “Harold en Italie”
Tristia op. 18
Romeo et Juliette op. 17
La Damnation de Faust
Irlande op. 2
Le Trebuchet op. 13 No. 3
La Mort d’Ophélie
8 Scenes de Faust
Messe solennelle
DVD “Berlioz Rediscovered”

GĂ©rard CaussĂ©, Catherine Robbin, Jean-Paul Fouchecourt, Gilles Cachemaille, Anne Sofie von Otter, Jean-Philippe Lafont, Fiona Wright, Robert Tear, Helen Watts, Viola Tunnard, Monteverdi Choir, Edinburgh Festival Chorus, Orchestre RĂ©volutionnaire et Romantique, Orchestre de l’OpĂ©ra National de Lyon, John Eliot Gardiner.

CD critique. RENEE FLEMING : LIEDER. Brahms, Schumann, Mahler (Thielemann, Höll – 1 cd DECCA, 2010, 2017)


fleming renee voice diva critique review cd classiquenews opera chant lyrique critique classiquenews 4832335CD critique. RENEE FLEMING : LIEDER. Brahms, Schumann, Mahler (1 cd DECCA 2010, 2017).
Comtesse Madeleine de rĂŞve, ou MarĂ©chale extatique, enivrante, RenĂ©e Fleming, « double crĂŞme » n’a cessĂ© de captiver chez Richard Strauss. Alors qu’on la croyait silencieuse, depuis ses adieux Ă  la scène lyrique, – quoiqu’encore active dans le registre du cross over et de la comĂ©die musicale…, la revoici… en cantatrice classique et en diseuse, dans le lied germanique, celui de Brahms et surtout Mahler.
Les lieder ici résument le geste actuel, l’état de la voix d’une superdiva propre aux années 2000. Brahms – Schumann – Mahler sont astucieusement abordés et dans le bon ordre, avec un tact et une élégance, faite sobriété et nuances. Le jeu du pianiste Hartmut Höll, accompagnateur reconnu de son épouse diseuse Mitsuko Shirai accrédite la valeur et la réussite du récital de dame Renée. Voix lyrique, l’américaine aborde Brahms et Schumann avec une classe et une intensité d’opéra, sans pourtant lisser ou atténuer l’impact du texte.
La justesse de l’intonation, le style toujours aussi raffiné et nuancé (même si la voix n’a plus ni l’aisance ni le mordant d’antan), cette maîtrise des couleurs et de la ligne, ce goût de la caractérisation hyperféminine (une qualité qu’elle partage avec les plus grandes : Callas, Norman, et actuellement Netrebko) font le prix de ce programme pas si intimiste que cela. S’il n’était le murmure ciselé et sobre du piano… qui équilibre ainsi la prestation théâtrale de la diva. L’ambivalence des pièces pseudo populaires et simples de Brahms est comprise : celle qui fut les plus grandes héroïnes de Strauss ou Massenet (l’angélique mais tendre Manon et surtout Thaïs la transfigurée) caractérise, habite, éclaire de l’intérieur, chaque séquence ; par sa fragilité sirupeuse, par son mordant facétieux aussi. Voilà qui casse la sophistication parfois maniériste d’une Schwarzkopf (qui a chanté les mêmes héroïnes straussiennes). Le velouté et la chair de Fleming contre la musicalité abstraite de son aînée.
Belle réalisation au piano donc, mais aussi à l’orchestre pour les Rückert lieder de Mahler, ici restitués comme à leur création en 1905, avec l’orchestre (Philharmonique de Munich) sous la direction de Christian Thielemann : gorge en extase et souverainement colorée, chaude, ronde, voluptueuse, aux couleurs félines voire crépusculaires, « La » Fleming enivre et envoûte, dans les 5 lieder d’un Mahler plus sensualisés que jamais… straussiens. Pas sûr que le contemporain de Strauss aurait ainsi apprécié une telle « contamination / recoloration » ; mais l’expertise et l’éloquence de la diva assure la pleine cohérence poétique de l’opération. Convaincants défis d’une fin de carrière décidément surprenante.

________________________________________________________________________________________________

CLIC D'OR macaron 200CD critique. RENEE FLEMING : LIEDER. Brahms, Schumann, Mahler / Hartmut Höll (piano), Orchestre philharmonique de Munich, dir. Christian Thielemann (RĂĽckert-Lieder) – Decca 2010, 2017 – 483 23357. 1h

Johannes Brahms
Wiegenlied, op. 49, n° 4
Ständchen, op. 106, n° 1
Lechengesang, op. 70, n° 2
Mondnacht, WoO 21
Des Liebsten Schwur, op. 69, n° 4
Die Mainacht, op. 43, n° 2
Du unten im Tale, WoO 33, n° 6
Vergebliches Ständchen, op. 84, n° 4

Robert Schumann
Frauenliebe und leben, op. 42

Hartmut Höll, piano

Gustav Mahler
RĂĽckert-Lieder

Renée Fleming, soprano
Orchestre philharmonique de Munich
Christian Thielemann, direction

CD, annonce. LISE DAVIDSEN, soprano (Wagner, R. Strauss – 1 cd Decca)

davidsen-lise-soprano-cd-wagner-strauss-review-cd-critique-cd-classiquenews-annonce-Decca-critique-operaCD, annonce. LISE DAVIDSEN, soprano (Wagner, R. Strauss – 1 cd Decca). NĂ©e en 1987, la soprano dramatique norvĂ©gienne Lise Davidsen dĂ©ploie un timbre mĂ©tallique et corsĂ© somptueusement ourlĂ©, taillĂ© comme un diamant prĂŞt Ă  Ă©blouir dans la prière d’Elisabeth (TannhaĂĽser de Wagner, un rĂ´le qu’elle chante sur scène) ; son Ă©mission franche, directe, Ă  peine vibrĂ©e (ce qui est mieux) saisit immĂ©diatement l’écoute. Ses Strauss (Ariadne ivre et passionnelle, au bord de la panique Ă©motionnelle), les lieder avec orchestre (« Ruhe, meine Seele ») imposent un sens dramatique impĂ©rieux, affirmĂ© grâce Ă  un legato solide et tenu jusqu’à la fin des phrases. Il y a du mĂ©tal et de l’incandescence dans son timbre, et une belle intelligence tendue dans l’émission et l’intonation. LaurĂ©ate du Prix Birgit Nilson et du Prix du public Operalia en 2015, Lise Davidsen sĂ©duit irrĂ©sistiblement car elle chante droit, douĂ©e d’aigus clairs et puissants, comme un instrument. Tandis que pour son premier cd chez Decca, les Quatre derniers lieder confirment son tempĂ©rament et sa grande assurance vocale : un vrai talent dramatique, sĂ»r et franc, doublĂ© d’une technique saine (elle les chantera Ă  la Philharmonie de Paris les 16 et 17 oct 2019). A suivre. Prochaine grande critique du cd Lise Davidsen Ă©ditĂ© par Decca, dans le mag cd dvd livres de classiquenews

 

 

CD, annonce. LISE DAVIDSEN, soprano (Wagner, R. Strauss – 1 cd Decca) – Philharmonia Orchestra / Esa-Pekka Salonen – Parution : 31 mai 2019.

________________________________________________________________________________________________

PLUS d’infos sur le site de Lise Davidsen
https://lisedavidsen.com

Prochains rĂ´les
Leonora (FIDELIO de Beethoven), Montréal
25, 27 oct 2019
puis, 1er – 17 mars 2020, Londres, Royal Opera House

Lisa (Dame de Pique de Tchaikovski), New York, MET
2 – 21 dĂ©c 2019

Sieglinde (Walkyrie, acte I) DR Koncerthuset (Danemark)
16 et 17 janvier 2020

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

VIDEO de Lise Davidsen dans les 4 derniers lieder de STRAUSS
https://www.youtube.com/watch?v=PZB7E7IQhcA#action=share

CD, Ă©vĂ©nement, critique. SEIJI OZAWA : BEETHOVEN 9 – Mito Chamber Orchestra (1 cd Decca)

OZAWA SEIJI BEETHOVEN 9 MITO chamber orchestra concert cd critique cd review classiquenews 4832566_SO_B9_A_FC-240x240CD, Ă©vĂ©nement, critique. SEIJI OZAWA : BEETHOVEN 9 – Mito Chamber Orchestra (1 cd Decca). 45 ans après son tout premier enregistrement pour Philips, le vĂ©tĂ©ran lĂ©gendaire, maestro Seiji Ozawa relit le sommet des symphonies romantiques germaniques : la 9è de Beethoven; Ă  l’âge de 83 ans, Ă  la tĂŞte du Mito Chamber Orchestra (fondĂ© en 1990), le chef – directeur musical de l’orchestre nippon Ă  partir de 2012-, montre en dĂ©pit d’une longue maladie dont il sort petit Ă  petit, une Ă©nergie nerveuse prĂŞte Ă  dĂ©coudre avec le massif beethovĂ©nien.

Le premier mouvement, frémissant, tendu, incandescent reconnecte le sentiment tragique à l’univers ; on y lit dans cette lecture nerveuse, mordante, éruptive, acérée et incisive, la volonté d’en découdre ou de faire surgir coûte que coûte, et en urgence, une résolution au conflit. C’est la réitération de plus en plus précise, claire d’une phrase qui récapitule toutes les guerres et leur essence tragique, extinction, barbarie, enfin reformulée de façon définitive et enfin claire à 16mn : Ozawa, pilotant un effectif chambriste, sculpte la matière orchestrale avec une précision de fauve, de loup en panique, pressé par l’obligation et l’urgence de résolution. L’engagement des instrumentistes produit une tension d’ensemble, une motricité collective qui fait feu de tout bois. Quand enfin dans les dernières mesures, s’énonce l’équation réponse qui est une déclaration affirmée, le sentiment de résolution peut s’accomplir. Tout est dit : tout est clair.

Le 2è mouvement est d’une énergie primitive, épurée, sautillante, vrai ballet, à la fois pulsation pure, et ciselure cristalline, vif-argent, enfin sans contrainte ; une nouvel élan, celui d’un espoir neuf… Si dans le premier mouvement il s’agissait de regretter et pleurer les morts et les victimes colatérales des batailles, ici, le courage recouvré, et l’espoir revivifié, transcendé (cor, basson…), la volonté de victoire, irrépressible et comme électrisée, animent toutes les troupes pour un nouveau combat (le dernier?)/ timbales, piccolos indiquent la marche heureuse (inconsciente ?), énivrée, éperdue. Ozawa redouble de nervosité détaillée, d’une frénésie primitive, énoncée avec l’urgence d’une force juvénile. Le travail du chef dans les nuances, l’élan, la clarté de l’architecture y paraît le plus manifeste et intelligible. C’est un concert parfaitement équilibré qui gagne un relief décuplé dans cette version recentrée sur un effectif essentiel (chambriste). La motricité et le souci de détail sont superlatifs.
Voyez comme à 7:51 : une étape est franchie soudainement, dans le sens d’une organisation et d’un objectif nouveau, plus trépidant encore qui reprend la frénésie du départ, une armée se met en mouvement.

Dans l’Adagio, sans s’alanguir vraiment, Ozawa fait chanter cordes et bois, en un énoncé plus feutré, rentré, prière fraternelle qui devient appel au renoncement accompagné des pleurs aux violons, un rien maniéré (8:40) ; Beethoven après l’évocation de la barbarie en un souffle tragique, ayant repris possession d’un espoir inespéré, exprime ici une confession intime qui dans le sens de la fraternité, indique clairement l’espoir d’un monde nouveau. Il y manque certainement l’ampleur d’enivrement d’autres versions ; Ozawa semble demeuré dans les instruments, à hauteur de pupitre, dans les cordes spécifiquement. Il lui manque un soupçon de distance réconciliatrice, de souffle poétique.

 
 
 

Du chant des armes
à la prière des cœurs
OZAWA plus fraternel que jamais

 
 
 

OZAWA maestro felin CLASSIQUENEWS portrait juillet août 2015 Le-chef-d-orchestre-Seiji-Ozawa-de-retour_article_landscape_pm_v8

 
 
 

Le destin frappe alors dans le 4è mouvement « Presto »: urgence nouvelle qui est très ralentie, exposée avec lenteur par les contrebasses.

On comprend bien la construction de ce massif ultime du génie beethovénien : conscience foudroyée d’abord, puis reconstruction humaniste.

En passant par le chant du chœur des homms d’abord puis des femmes, en s’incarnant par la voix des solistes, baryton qui exhorte, puis ténor qui invoque et prie, la parole de l’orchestre, s’apparentait à celle des armes (premier mouvement) ; désormais s’il y a levée de boucliers et chant de guerre, ils ne peuvent se réaliser que dans le sens d’une humanisation générale. Quelle vision prophétique qui vaut pour notre siècle (XXIè) celui ultime et décisif de tous les défis : climatique et écologique, sociétal et politique… Quelles valeurs voulons nous défendre ? C’est bien ce rapport désormais vital et dernier auquel nous invite Beethoven. Voilà qui fait sa modernité et ses vertus cathartiques aussi. Car à défaut d’en retrouver traces dans la réalité sociétale actuelle, le spectateur vit déjà dans l’écoulement de la symphone, cette expérience salutaire et clairvoyante qui lui restitue ce qui n’a aucun prix et vaut d’être défendu : le combat de l’homme pour l’homme.

Ozawa comprend les enjeux et la situation : c’est un cataclysme organisé, un nouveau chaos produisant une ère nouvelle qui s’accomplit alors, illuminé par l’humanisme fraternel du chant des solistes et du choeur.
CLIC_macaron_2014L’appel à l’amour universel et l’étreinte pacifique unit orchestre, chef et solistes en une course effrénée portée par l’urgence et la volonté de l’esprit initial. Ivre de son exaltation, le compositeur démiurge s’adresse dès lors au Créateur divin, dans l’espoir de toucher sa miséricorde car il aurait démontrer que sa créature (humaine) s’est enfin montrée digne de son créateur. Dans ce sens, l’ultime électrisation de tout l’orchestre, véritable orgie et transe collective saisit par sa justesse, sa vérité. A 80 ans, Ozawa se montre d’une sincérité désarmante ; son appétit, sa gourmandise affûtée (quitte à forcer parfois le trait, dans les tutti de la dernière séquence chorale), son intelligence féline font le miel et le nerf de cette lecture en tout point captivante.

 
 
 

________________________________________________________________________________________________

CD, critique. SEIJI OZAWA : Symphonie n°9 de BEETHOVEN. Mito chamber Orchestra – Rie Miyake (soprano), Mihoko Fujimura (mezzo-soprano), Kei Fukui (tenor), Markus Eiche (baritone) – 1 cd Decca

 
 
 

Approfondir
En savoir plus sur http://www.clubdeutschegrammophon.com/albums/beethoven-9/#M1JfhPiFJeRPb6QQ.99

 
 
 

CD événement, critique. CECILIA BARTOLI / VIVALDI II (Decca)

bartoli-cecilia-cd-vivaldi-II-decca-concert-anniersary-30-decca-cecilia-bartoli-critique-cd-cd-reviewCD événement, critique. CECILIA BARTOLI / VIVALDI II (Decca). 20 ans après son premier album, légendaire, historique, dédié à la furià du Pretre Rosso, Antonio Vivaldi le Vénitien (maître de choeur à l’Ospedale de la Pietà), « La » Bartoli, mezzo romaine à l’agilité expressive irrésistible, récidive et publie en novembre 2018, un second opus VIVALDI, avec ensemble sur instruments d’époque. En 2018, ce nouveau cycle d’inédits et de perles lyriques oubliées, accomplit-il un second prodige ? Va-t-il susciter le même engouement (et les mêmes ventes, historiques en 1999 : 700 000 exemplaires alors achetés) ?

 
 
 

LIRE notre dépêche annonçant les projets cd de Cecilia Bartoli dont ce nouvel album VIVALDI 2018
http://www.classiquenews.com/cd-decca-news-les-3-nouveaux-cd-de-cecilia-bartoli-rossini-camarena-vivaldi-ii/

En moins d’une heure, le nouveau cd collectionne les arias vivaldiens, avec fureur et virtuosité, ou intériorité et pudeur, selon la règle souveraine des contrastes. On note moins d’airs de pure bravoura, démontrant l’énergique coloratoura dont Bartoli est devenue un emblème contemporain en particulier dans le répertoire baroque… et jusqu’au bel canto bellinien.

 
 
 

LIRE notre article «  premières impressions du cd VIVALDI / BARTOLI 2018 » (6 nov 2018)
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-premieres-impressions-bartoli-vivaldi-ii-decca/

vivaldi opera giustinoLa diva en 2018 prolonge les qualités de 1999 : une sorte de souplesse surexpressive qui par la force des choses est devenue naturelle, tel un ruban vocal à la fois martelé et suave. Ainsi comme nous l’avions déjà observé dès début novembre (premières impressions du cd VIVALDI / BARTOLI 2018), la mezzo déploie une belle diversité de nuances propres à l’articulation et à la caractérisation de chaque : comme l’écrivait le 6 novembre 2018 notre rédacteur Lucas Irom : « D’emblée, en ouverture l’air agité du début de ce programme proclame sans fioritures ni hésitation la furià assumée de la partition, – cordes fouettées comme une crême liquide et souple ; voix très incarnée et engagée, laquelle a certes perdu de son élasticité comparée à 1999, avec des aigus parfois courts, mais dont l’économie des moyens (intelligence expressive) et la gestion de la ligne expressive architecturent le premier air de Zanaida (Argippo : « Selento ancora il fulmine ») avec un brio franc, naturel, contrasté et vivace, riche en vertiges et accents mordants dans la première section ; alanguis et murmurés dans la centrale, exprimant jusqu’à la hargne voire la frénésie hallucinée de cet appel à la vengeance. Plus loin, l’air de Caio d’Ottone in villa (1713 : un ouvrage traversé par un souffle pastorale inédit) qui exprime la blessure d’un coeur trahi face à la cruauté de son aimée, est abordé avec une infinie tendresse, aux lignes amples et fluides ; la couleur vocale d’une torpeur triste mais ardente est idéalement soutenue, avec un éclairage intérieur qui renseigne tout à fait la douleur presque lacrymale du cœur en souffrance. Qui a dit que Vivaldi n’était que virtuosité mécanique ? C’est un peintre du coeur humain parmi le splus inspirés… autant que BACH ou Haendel. Cecilia Bartoli enflamme les esprits dans le registre cantabile, ici suivant les pas du castrat créateur Bartolomeo Bartoli.

 
 
   
 
 

BARTOLI 2018
Une voix qui s’est durcie et resserrée, avec des aigus durs, mais…

Des phrasés toujours aussi magiciens

 
 
   
 
 

Parmi les arias les plus longs sélectionnés par Cecilia Bartoli, celui avec violon solo obligé, l’air de Persée : « Sovente il sole » (Andromeda liberata) demeure le clou de ce programme riche en contrastes et ferveur dramatique. La mezzo démontre sa maîtrise du cantabile rond et sombre, capable aussi d’une puissance émotionnelle inouïe, car Vivaldi, invente ici un chant traversé par le souffle de la nature, évoquant orage et tumulte mais aussi célébrant le mystère du sublime naturel. Dans cette analogie entre le cœur qui désire et se passionne, et la contemplation de la nature changeante, miroitante, naît un sentiment déjà … romantique. La justesse de l’écriture vivaldienne, ses accents et mélodies proche du caractère à la fois contemplatif et tendre du texte, ont un impact singulier. D’autant que soucieuse de l’énoncé du verbe, dont elle fait une véritable poésie chantante, la diva éclaire chaque section de la partition avec une sensibilité là encore introspective qui convainc totalement.
Dommage à notre avis que les instrumentistes autour d’elle ne partagent pas telle vision de l’implication et des couleurs du sentiment. Seule réserve dans cette collection d’incarnations très réussies. Car ce que Bartoli sait exprimer est moins l’éclatante et mécanique technicité virtuose, que l’introspection d’un Vivaldi… préromantique ? Voilà qui ne manque pas de saveur… »

Nous n’en dirons pas davantage, sauf évidemment, une maîtrise intacte malgré l’oeuvre des années (20 ans ont passé) dans l’émission des phrasés (toujours très convaincants) révélant un souci délectable du texte. La couleur et le caractère de chaque situation sont idéalement compris et magnifiquement incarnés. Brava signora Bartoli.

 
 
   
 
 

________________________________________________________________________________________________

CD Ă©vĂ©nement, critique. CECILIA BARTOLI / VIVALDI II (1 cd Decca – 58 mn).

 
 
 
bartoli-cecilia-cd-vivaldi-II-decca-concert-anniersary-30-decca-cecilia-bartoli-critique-cd-cd-review

 
 
   
 
 

Détail du programme :

 
 
 

Argippo, RV 697
1 « Se lento ancora il fulmine », Zanaida

Orlando furioso, RV 728
2 « Sol da te, mio dolce amore », Ruggiero

Orlando furioso RV Anh. 84 (version 1713-1714, attribuée à Ristori)
3 « Ah fuggi rapido », Astolfo

Il Giustino, RV 717
4 « Vedrò con mio diletto », Anastasio

La Silvia, RV 734
5 « Quell’augellin che canta », Silvia

Ottone in villa, RV 729
6 « Leggi almeno, tiranna infedele », Caio

La VeritĂ  in cimento, RV 739
7 « Solo quella guancia bella », Rosane

Andromeda liberata, RV Anh. 117
8 « Sovvente il sole », Perseo

Tito Manlio, RV 738
9 « Combatta un gentil cor », Lucio

Catone in Utica, RV 705
10 « Se mai senti spirarti sul volto », Cesare

Cecilia Bartoli, mezzo-soprano
Ensemble Matheus / Jean-Christophe Spinosi, direction musicale

1 CD Decca 2018
58mn

 
 
 

CD événement, premières impressions. BARTOLI / VIVALDI II (Decca)

bartoli-cecilia-30-ans-decca-3-nouveaux-cd-cd-news-review-on-classiquenews-ROSSINI-box-Vivaldi-2-camarenaCD événement, premières impressions. BARTOLI / VIVALDI II (1 cd Decca). Presque 20 ans après son premier opus événement dédié à Vivaldi (1999), la mezzo romaine Cecilia Bartoli revient à ses premières amours et déclare à nouveau sa flamme baroque pour le génie dramatique et lyrique d’Antonio Vivaldi. Annoncé le 23 novembre prochain, l’album a séduit manifestement notre équipe de rédacteurs qui ont déjà pu écouter le programme dans sa totalité… Il en ressort que la diva confirme son excellent tempérament dramatique chez celui qui peine à convaincre encore les directeurs d’opéras : bien rares sont à présent les opéras de Vivaldi ou les festivals qui « osent » programmer ses ouvrages lyriques. Une situation qui est difficile à expliquer sinon par le manque d’audace des programmateurs, et aussi le manque de chanteurs capables comme « La Bartoli » de réussir en virtuosité, comme en intonations ciselées. Car il ne suffit pas de savoir techniquement bien chanter… il faut encore exprimer et transmettre ce supplément d’âme qui confère à chaque aria, son épaisseur voire son mystère émotionnel. De toute évidence, même accompagnée par un continuo et un chef parfois trop durs ou trop lisses, Cecilia Bartoli, 30 ans après, affirme toujours une étonnante santé vivaldienne… En témoignent ces 3 airs qui selon notre rédacteur Lucas Irom, demeurent emblématiques d’un programme ambitieux, très demandeur vocalement… qui en compte 10. Voici en avant première, un extrait de la critique complète qui sera éditée le jour de la parution de l’album BARTOLI / VIVLADI II :

bartoli-cecilia-cd-vivaldi-II-decca-concert-anniersary-30-decca-cecilia-bartoli-critique-cd-cd-review… « D’emblĂ©e, en ouverture l’air agitĂ© du dĂ©but de ce programme proclame sans fioritures ni hĂ©sitation la furiĂ  assumĂ©e de la partition, – cordes fouettĂ©es comme une crĂŞme liquide et souple ; voix très incarnĂ©e et engagĂ©e, laquelle a certes perdu de son Ă©lasticitĂ© comparĂ©e Ă  1999, avec des aigus parfois courts, mais dont l’économie des moyens (intelligence expressive) et la gestion de la ligne expressive architecturent le premier air de Zanaida (Argippo : « Selento ancora il fulmine ») avec un brio franc, naturel, contrastĂ© et vivace, riche en vertiges et accents mordants dans la première section ; alanguis et murmurĂ©s dans la centrale, exprimant jusqu’à la hargne voire la frĂ©nĂ©sie hallucinĂ©e de cet appel Ă  la vengeance. Plus loin, l’air de Caio d’Ottone in Villa (un ouvrage traversĂ© par un souffle pastorale inĂ©dit) qui exprime la blessure d’un coeur trahi face Ă  la cruautĂ© de son aimĂ©e, est abordĂ© avec une infinie tendresse, aux lignes amples et fluides ; la couleur vocale d’une torpeur triste mais ardente est idĂ©alement soutenue, avec un Ă©clairage intĂ©rieur qui renseigne tout Ă  fait la douleur presque lacrymale du cĹ“ur en souffrance. Qui a dit que Vivaldi n’était que virtuositĂ© mĂ©canique ?

Parmi les arias les plus longs sélectionnés par Cecilia Bartoli, celui avec violon solo obligé, l’air de Persée : « Sovente il sole » (Andromeda liberata) demeure le clou de ce programme riche en contrastes et ferveur dramatique. La mezzo démontre sa maîtrise du cantabile rond et sombre, capable aussi d’une puissance émotionnelle inouïe, car Vivaldi, invente ici un chant traversé par le souffle de la nature, évoquant orage et tumulte mais aussi célébrant le mystère du sublime naturel. Dans cette analogie entre le cœur qui désire et se passionne, et la contemplation de la nature changeante, miroitante, naît un sentiment déjà … romantique. La justesse de l’écriture vivaldienne, ses accents et mélodies proche du caractère à la fois contemplatif et tendre du texte, ont un impact singulier. D’autant que soucieuse de l’énoncé du verbe, dont elle fait une véritable poésie chantante, la diva éclaire chaque section de la partition avec une sensibilité là encore introspective qui convainc totalement.
bartoli-cecilia-vivaldi-edition-rossini-box-edition-critique-cd-cd-review-by-classiquenews-oct-2018Dommage Ă  notre avis que les instrumentistes autour d’elle ne partagent pas telle vision de l’implication et des couleurs du sentiment. Seule rĂ©serve dans cette collection d’incarnations très rĂ©ussies. Car ce que Bartoli sait exprimer est moins l’éclatante et mĂ©canique technicitĂ© virtuose, que l’introspection d’un Vivaldi… prĂ©romantique ? VoilĂ  qui ne manque pas de saveur….” A suivre.

Prochaine critique complète le jour de la sortie de l’album le 23 novembre 2018. 

CD, compte rendu critique. DVORAK : STABAT MATER (Belohlavek, Prague mars 2016, 1 cd Decca)

dvorak stabat mater jiri belohlavek decca cd spyres kulman park cd review critique cd classiquenews CLIC de classiquenews decca cd review Titelive_0028948315109_D_0028948315109

CD, compte rendu critique. DVORAK : STABAT MATER (Belohlavek, Prague mars 2016, 1 cd Decca). Etrangement la Philharmonie Tchèque / Czech Philharmonic sonne démesurée dans une prise de son à la réverbération couvrante qui tant à diluer et à noyer le détail des timbres, comme le relief des parties : orchestre, solistes, choeur (Prague Philharmonic Choir). Heureusement, la direction tendre du chef Jiri Belohlavek (récemment décédé : il s’est éteint le 31 mai 2017) évite d’écraser et d’épaissir, malgré l’importance des effectifs et le traitement sonore plutôt rond et indistinct. C’est presque un contresens pour une partition qui plonge dans l’affliction la plus déchirante, celle d’un père (Dvorak) encore saisi par la perte de ses enfants Josefa en septembre 1875, puis ses ainées : Ruzenka et Ottokar.

 

Fini en 1877, créé à Prague en 1880, le Stabat Mater imposa un tempérament puissant, à la fois naïf et grandiose, qui alors, confirmait l’enthousiasme de Brahms (très admiratif la Symphonie n°3 de Dvorak). L’étonnante franchise et sincérité de la paritition valurent partout où elle fut créée, un triomphe à son auteur (dont à Londres où il dirigea lui-même la fresque bouleversante en 1884). Comme le Requiem de Verdi, aux dimensions elles aussi colossales, le Stabat Mater de Dovrak n’en oublie pas l’humanité et l’intimité de son sujet : la ferveur à la Vierge de compassion et de douleur ne pourrait s’exprimer sans pudeur et délicatesse.

C’est pourquoi l’oeuvre alterne constamment entre le dĂ©sir de paix et d’acceptation, et la profonde dĂ©chirure de la douleur et du sentiment immense, irrĂ©pressible d’impuissance comme d’injustice.  Très libre quant Ă  la liturgie, – comme Brahms et l’élaboration de son Requiem Allemand, Dvorak façonne son Stabat Mater comme un hymne personnel Ă  la Vierge douloureuse, rĂ©confortante, admirable.

 

L’Ampleur et l’épaisseur brahmsienne s’invitent ainsi dans la tenue de l’orchestre du cd2 – parfois trop solennelle, Ă©crasante mĂŞme, particulièrement dans l’intro pour l’air de tĂ©nor (avec choeur) : « Fac me vere tecum flere », d’une attĂ©nuation plus tendre grâce au timbre hĂ©roĂŻque et très rond du tĂ©nor amĂ©ricain Michael Spyres ; air de compassion, aux cĂ´tĂ©s  de la mère endeuillĂ©e, face au Fils crucifiĂ©, rempli de recueillement et aussi de volontĂ© parfois colĂ©reuse… LĂ  encore, le chanteur amĂ©ricain soigne sa ligne, arrondit les angles, caresse et rassĂ©rène…

 

Après la sĂ©quence purement chorale (tendresse souple du choeur Ă©voquant Marie / plage 2, cd2), le duo soprano et tĂ©nor (VIII. Fac ut portem Christi mortem / Fais que supporte la mort du Christ) affirme la très forte caractĂ©risation des parties solistes (lumineuse et fragile vorie sĂ©raphique Eri Nakamura) ; leur duo exprime le dĂ©sir des solistes : supporter l’affliction nĂ©e du deuil et de la perte, emportant tout l â€effectif. Les deux voix s’engouffrent dans la peine divine et la souffrance du Fils.  Soprano et tĂ©nor trouvent l’intonation juste, entre dĂ©ploration et pudique exhortation, mais elles sont souvent noyĂ©es dans le magma orchestral (la prise de son est vraiment indigne).

 

Plus énergique et presque conquérant, l’air de l’alto Elisabeth Kulman (Inflammatus), prenant à témoin aussi la Vierge courageuse et compatissante affirme le beau tempérament de la chanteuse au timbre noble et rond, très respectueuse de l’intériorité mesurée de cet andante maestoso : la voix écarte toute solennité, elle intensifie la prière individuelle d’une fervente « réchauffée par la grâce », adoratrice apaisée de Marie, dans l’atténuation finale d’une douleur enfin mieux vécue.

 

Le chef trouve des accents plus pointillistes à l’orchestre et idéalement accordés au quatuor vocal, à la fois attendri et sincère dans des accents plus francs et directs ; toujours, le geste semble mesurer l’ampleur du dolorisme que la mort implacable et injuste suscite (vague du collectif renforcé par le choeur grandiose), alterné par une prière fervente très incarnée, soudainement lumineuse à l’énoncé du Paradis promis à l’âme éplorée.

Jiri Belohlavek force le trait dans la solennité, conférant à la fresque de Dvorak, une épaisseur majestueuse, quasi beethovénienne (Missa Solemnis) et une très forte charge introspective (Brahmsienne).

 

Le finale est une arche plus impressionnante et spectaculaire (de surcroît dans un espace très réverbéré) que retenue ; et le chef joue sur le grandiose des effectifs en nombre. Malgré la spatialisation large et la prise de son diluée, Belholavek trouve l’intonation juste dans les dernières mesures aux cordes qui dessinent l’espoir d’une aube nouvelle, résolvant la charge de tant de ferveur antérieure.

Dans la salle Dvorak au Rudolfinum de Prague, le cérémoniel l’emporte sur la véritable intimité de la ferveur. La fresque parfois démesurée, déborde du sentiment individuel pourtant contenu dans une partition à la très forte coloration autobiographique. Autour du maestro, les équipes réunies : chœur (rendu ainsi confus par la prise de son indistincte et pâteuse), orchestre, solistes… célèbrent surtout un monument national, et aussi assurément l’engagement d’un chef alors âgé, reconnu pour sa défense du répertoire national. Pour les versions alternatives, avec solistes aussi impliqués et sobres, et surtout choeur enfin détaillé, voyez du côté des chefs Herreweghe, Kubelik et Sinopoli (les deux derniers chez DG). Réalisé quelques semaines avant sa mort, ce Stabat Mater prend des allures de testament artistique du chef principal, détenteur de toute une tradition esthétique que l’on ne peut désormais ignorer.

 

 

——————–

CD, compte rendu critique. DVORAK : STABAT MATER (Belohlavek, Prague mars 2016, 1 cd Decca)

CD événement, compte rendu critique. HOMAGES : Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca)

homages benjamin grosvenor cd homages decca review classiquenews clic de classiquenews septembre 2016 573757_383e801f550a4543a1523b9e4ec3a169~mv2_d_1984_1984_s_2CD événement, compte rendu critique. HOMAGES : Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca). Les Liszt et Franck sublimés du pianiste Benjamin Grosvenor. D’emblée, nous savions qu’à la seule lecture du programme et la très subtile articulation des enchaînements comme des compositeurs ainsi sélectionnés, nous tenions là mieux qu’une confirmation artistique … : un accomplissement majeur s’agissant du pianiste britannique le plus exceptionnel qui soit actuellement et qui en est déjà à son 4è récital discographique pour Decca. Benjamin Grosvenor, parmi la jeune colonie de pianistes élus par Deutsche Grammophon et Decca (Daniil Trifonov, Alice Sara Ott, Yuja Wang… sans omettre les plus fugaces ou plus récents: Elizabeth Joy-Roe, ambassadrice de rêve pour Field chez Decca, ou surtout Seong Jin Cho, dernier lauréat du Concours Chopin de Varsovie…), fait figure à part d’une somptueuse maturité interprétative qui illumine de l’intérieur en particulier ses Liszt et ses Franck.


HOMAGES, le programme d’un immense nouveau génie du piano

Benjamin Grosvenor sublime Liszt et Franck

grosvenor Benjamin Grosvenor-7333-Edit-EditLe pianiste est nĂ© dans le comtĂ© d’Essex en 1992. L’album « HOMAGES » est un chapelet de compositeurs aussi virtuoses que profonds, constituant – emblème des rĂ©flexions artistiques exigeantes, un programme magnifiquement conçu, entre Ă©clats et murmures, dĂ©monstration Ă©chevelĂ©e et surgissements de la psychĂ©. De fait dans le cas des Liszt qu’il a choisis : Venezia e Napoli, S 162 (AnnĂ©es de pèlerinage II : Italie, 1839-1840), comme dans celui des non moins sublimes CĂ©sar Franck, magicien harmoniste, narrateur des mondes poĂ©tiques (trilogie synthĂ©tique et orchestrale de PrĂ©lude, Choral et fugue FWV 21, sommet esthĂ©tique de 1884), le jeune britannique affirme une sensibilitĂ© tissĂ©e dans la pudeur et l’intĂ©rioritĂ© ; la constance douceur opĂ©rante du toucher qui s’autorise aussi de somptueuses affirmations frĂ©nĂ©tiques, exprime l’éloquence d’une intelligence musicale d’une exceptionnelle justesse : c’est un Ă©quilibre très subtile entre une virtuositĂ© vĂ©loce et facile, voire dĂ©concertante (crĂ©pitement crĂ©pusculaire et suspensions enivrĂ©es de son JS BACH d’ouverture (la Chaconne BWV 1004, arrangĂ©e par Busoni Ă  partir de la pièce originelle pour violon), et une profondeur poĂ©tique spectaculaire Ă  laquelle le première qualitĂ© est Ă©troitement et constamment infĂ©odĂ©e. Maitre des filiations, poète des correspondances secrets et intimes, ses PrĂ©ludes et Fugues de Mendelssohn, d’un surgissement juvĂ©nile d’une incroyable tendresse rĂ©pondent en cela idĂ©alement aux mĂŞmes formes (augmentĂ©es du Chorale), de Franck. La vision en perspective subjugue.

Le programme dévoile un aperçu de son immense talent qui ne s’autorise aucun effet, mais recherche essentiellement la plénitude et l’allusion. Un poète du clavier en somme intiment doué et certainement l’un des plus passionnants à suivre aujourd’hui. Pour tous ses récitals discographiques, le pianiste sait construire un programme, agencer, combiner, associer … pour un périple musical d’une très grande force poétique.

HOMAGES est donc le déjà 4ème recueil réalisé par Benjamin Grosvenor chez Decca : après ses programmes / récitals : Chopin / Liszt / Ravel en 2011, date de sa signature avec le label d’Universal ; Saint-Saëns, Ravel, gershwin en 2012 ; « Dances » enregistré en 2013…).

CLIC_macaron_2014Le programme est ciselĂ© et enchanteur Ă  plus d’un titre : comment ne pas ĂŞtre littĂ©ralement envoĂ»tĂ© par le chant de la Barcarolle de Chopin ? L’extase des profondeurs mystiques et dĂ©moniaques simultanĂ©ment des Liszt ? Mais c’est certainement l’intelligence des Franck qui surclasse ses confrères : mobile, ductile, versatile, et pourtant douĂ© d’une Ă©tonnante profondeur – qui assure et prĂ©serve la couleur tragique de chaque pièce, le jeu du jeune Grosvenor chez le vieux Franck dĂ©passe tout ce que nous espĂ©rions Ă  l’endroit de ses pièces formant un triptyque essentiel Ă  toute vie de mĂ©lomane. Merci Ă  Benjamin Grosvenor de nous ouvrir de telles portes oniriques, de permette que soient audibles et perceptibles de tels mondes sonores. La sensibilitĂ© du pianiste est somptueuse et fraternelle : un immense gĂ©nie du clavier se rĂ©vèle dans ce programme, CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre et octobre 2016. Et si le magicien nĂ© dans l’Essex donne une rĂ©cital dans votre ville, n’hĂ©sitez pas une seconde pour courir aller l’écouter. Un miracle de musicalitĂ© transcendante est au bout du chemin.

CD événement. Compte rendu critique. « HOMAGES » (JS Bach arrangé par Ferruccio Busoni, Mendelssohn, César Franck, Franz Liszt). Benjamin Grosvenor, piano. 1cd Decca. Enregistré à Wyastone concert Hall, du 10 au 13 décembre 2015. CLIC de CLASSIQUENEWS de la rentrée : septembre et octobre 2016.

CD événement, annonce. HOMAGES : Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca, à paraître le 9 septembre 2016)

grosvenor benjamin cd decca homage liszt cesar franck cd review announce annonce compte rendu classiquenewsCD Ă©vĂ©nement, annonce. HOMAGES : Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca, Ă  paraĂ®tre le 9 septembre 2016). Les Liszt et Franck sublimĂ©s du pianiste Benjamin Grosvenor. Benjamin Grosvenor, parmi la jeune colonie de pianistes Ă©lus par Deutsche Grammophon et Decca (Daniil Trifonov, Alice Sara Ott, Yuja Wang… sans omettre les plus fugaces ou plus rĂ©cents : Elizabeth Joy-Roe, ambassadrice de rĂŞve pour Field chez Decca, ou surtout Seong Jin Cho, dernier laurĂ©at du Concours Chopin de Varsovie 2015…), fait figure Ă  part, d’emblĂ©e, d’une somptueuse maturitĂ© interprĂ©tative qui illumine de l’intĂ©rieur ses Liszt et ses Franck. Le pianiste est nĂ© dans le comtĂ© d’Essex en 1992. Decca annonce son nouvel album intitulĂ© « HOMAGES », chapelet de compositeurs aussi virtuoses que profonds, constituant – emblème des rĂ©flexions artistiques exigeantes, un programme magnifiquement conçu, entre Ă©clats et murmures, dĂ©monstration Ă©chevelĂ©e et surgissements de la psychĂ©. De fait dans le cas des Liszt qu’il a choisis : Venezia e Napoli, S 162 (AnnĂ©es de pèlerinage II : Italie, 1839-1840), comme dans celui des non moins sublimes CĂ©sar Franck, magicien harmoniste, narrateur des mondes poĂ©tiques (trilogie synthĂ©tique et orchestrale de PrĂ©lude, Choral et fugue FWV 21, sommet esthĂ©tique de 1884), le jeune pianiste britannique affirme une sensibilitĂ© tissĂ©e dans la pudeur et l’intĂ©rioritĂ© ; un aperçu de son immense talent qui ne s’autorise aucun effet, mais recherche essentiellement la plĂ©nitude et l’allusion. Un poète du clavier en somme infiniment douĂ© et certainement l’un des interprètes les plus passionnants Ă  suivre aujourd’hui. Pour tous ses rĂ©citals discographiques, le pianiste sait construire un programme, agencer, combiner, associer … pour un pĂ©riple musical d’une très grande force poĂ©tique.

HOMAGES est le dĂ©jĂ  4ème recueil rĂ©alisĂ© par Benjamin Grosvenor chez Decca : après ses programmes / rĂ©citals : Chopin / Liszt / Ravel en 2011, date de sa signature avec le label d’Universal ; “RHAPSODIE”, Saint-SaĂ«ns, Ravel, Gershwin en 2012 ; « Dances » enregistrĂ© en 2013 / CLIC de CLASSIQUENEWS d’aoĂ»t 2014…).

Grosvenor benjamin piano classiquenews 573757_a36fbf021e6a409ebc126e8442d0e554~mv1Programme enchanteur : prochaine grande critique et compte rendu complet de l’album 1cd Decca de Benjamin Grosvenor, « HOMAGES » (JS Bach arrangé par Ferruccio Busoni, Mendelssohn, César Franck, Franz Liszt, Maurice Ravel), à venir dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS, à la date de parution annoncée par Decca, soit le 9 septembre 2016. CLIC de CLASSIQUENEWS de la rentrée 2016.

Coffret cd événement, annonce : HANDEL, The great oratorios (Decca 41 cd)

oratorios the great oratorios coffret beox review critique cd classiquenews 41 cd deccaCvr-00028948301423Coffret cd Ă©vĂ©nement, annonce : HANDEL, The great oratorios (Decca 41 cd). Decca cĂ©lèbre le gĂ©nie du Haendel londonien qui après avoir tentĂ© (vainement) d’affirmer l’opĂ©ra seria italien, invente l’oratorio en langue anglaise. Sobre (en rouge avec fine quadrature jaune/or), le coffret de 41 cd regroupe 16 opus ou oratorios qui retracent chacun les jalons de la formidable aventure de l’opĂ©ra anglais version Handel : le Saxon en devenant plus britannique que les londoniens, abandonne toute ambition lyrique en italien, et invente un nouveau genre, l’oratorio anglais. Pour dĂ©fendre son Ă©criture, les chefs Sir John Eliot Gardiner, Trevor Pinnock, Christopher Hogwood, Marc Minkowski et Harry Christophers. Avec entre autres les oratorios :  La Resurrezione, La Messe du Couronnement, Acis et GalatĂ©e, Judas MacchabĂ©e, Salomon, Saul, Israel en Egypte, incarnĂ©s par les solistes Emma Kirkby, Joan Sutherland, Anne Sofie von Otter, Andreas Scholl, Anthony Rolfe Johnson, Arleen Auger. Soit plusieurs gĂ©nĂ©rations d’interprètes, relevant ou non de la pratique baroqueuse, historiquement informĂ©e. Mais jouer des instruments d’Ă©poque ne fait pas tout : car comme Ă ’opĂ©ra, l’Ă©criture handĂ©lienne, parmi les plus dramatiques qui soient, exige des voix Ă  tempĂ©raments, de vĂ©ritables personnalitĂ©s vocales…

haendel handel georg-friedrich-haendel_1_jpg_240x240_crop_upscale_q9530 ANS D’INTERPRETATION BAROQUE… L’éventail interprĂ©tatif est vaste et rend compte de plusieurs dĂ©cennies de styles variĂ©s selon les nationalitĂ©s du chef et des musiciens. Judas Maccabaeus est le plus ancien enregistrement : 1977, -sous la direction de Charles Mackerras (avec la crème du chant anglais dont Felicity Palmer, Janet Baker, John Shirley Quirck) et l’ECO English Chamber Orchestra, sur instruments modernes. Lui succèdent par ordre chronologique de rĂ©alisation : Acis et GalatĂ©e (1978); La Resurrezione (1982), Esther (1985), Athalia (1986), le Messie et Alexander’s Feast (1988), Jephtha (1989), Saul et Belshazzar (1991), Semele (1993), Israel in Egypt, Coronation Anthems (1995), Solomon (1999), Theodora (2000), enfin Hercules (2002), donc le plus rĂ©cent, par Les Musiciens du Louvre et Marc Minkowski (avec Paul Groves, Anne Sofie von Otter…). Pour chacun, le style oratorien ne doit rien sacrifier Ă  l’éloquence du drame, ni Ă  la fièvre Ă©pique, sans omettre Ă©videmment le souffle de la prière spirituelle voire mystique.  Les plus engagĂ©s en nombre de rĂ©alisations sont ici Hogwood, Pinnock et surtout Gardiner.

 

 

Parution : début juillet 2016. Prochaine critique complète du coffret HANDEL / The great oratorios 41 cd Decca, à venir dans le mag cd de classiquenews.com

En savoir plus sur http://www.clubdeutschegrammophon.com/albums/handel-the-great-oratorios/#DiPUlsYVkgjVIRWQ.99

CD, compte rendu critique, coffret événement. HAYDN : intégrale des 107 Symphonies sur instruments anciens : Brüggen, Hogwood, Dantone (35 cd DECCA).

HAYDN 107 symphonies period instruments hogwood bruggen dantone 36 cd decca mai 2016 accademia bizantina ottavio dantone review critique classiquenewsCD, compte rendu critique, coffret Ă©vĂ©nement. HAYDN : intĂ©grale des 107 Symphonies sur instruments anciens : BrĂĽggen, Hogwood, Dantone (35 cd DECCA). COFFRET SUPERLATIF. Le coffret de cette intĂ©grale du Haydn symphoniste est tout simplement superlatif. Le corpus rĂ©capitule l’apport grandiose et incontournable de Joseph Haydn (1732-1809), père gĂ©nial du Quatuor et surtout de la Symphonie, dont il fait des standards, emblèmes de la sociĂ©tĂ© civilisĂ©e et philosophique Ă  l’Ă©poque de la RĂ©volution française. PĂ©nĂ©trĂ©e par l’esprit des Lumières, la centaine de Symphonies ainsi rĂ©estimĂ©es, – corpus dont nous suivons l’Ă©volution majeure, depuis les annĂ©es 1750, jusqu’aux accomplissements des annĂ©es 1790, quand Joseph compose des partitions applaudies et vĂ©nĂ©rĂ©es Ă  Londres et Ă  Paris, dans toute l’Europe-, est une somme orchestrale qui permet d’atteindre un âge d’or formel, copiĂ© après lui par tous les grands romantiques, y compris Beethoven… et Mozart, le premier d’entre tous.

Soit une intĂ©grale en 107 symphonies ; le sujet intĂ©resse les tenants de la rĂ©volution musicale sur instruments anciens ; l’Ă©quivalent de ce que fait aujourd’hui un JĂ©rĂ©mie Rhorer pour les opĂ©ras de Mozart (comme le dĂ©montre et le confirme son rĂ©cent live parisien de l’Enlèvement au SĂ©rail, Ă©ditĂ© chez Alpha, ce mois ci : lire la critique de l’Enlèvement au SĂ©rail de Mozart par JĂ©rĂ©mie Rhorer et Le Cercle de l’Harmonie… Des anciens, Hogwood et BrĂĽggen Ă  prĂ©sent dĂ©cĂ©dĂ©s, Ă  aujourd’hui Dantone et donc Rhorer, la vitalitĂ© expressive des instruments d’Ă©poque retrouve le format et l’esthĂ©tique original, pas encore (et jamais originelle : qui peut savoir ? Et techniquement cela reste impossible…), mais un nouveau spectre sonore, une nouvelle palette de couleurs et d’accents rĂ©volutionnent totalement notre comprĂ©hension profonde des oeuvres.

Ainsi s’agissant des Symphonies de Haydn, les grands chefs se retrouvent, confrontĂ©s chacun Ă  la fantaisie souvent ahurissante, voire expĂ©rimentale de Joseph Haydn, depuis son service chez le Comte Morzin puis pour les princes Esterhazy Ă  Esterhaza… Une matière complexe, exigeant un savoir faire, un lacher prise, une inventivitĂ© exceptionnellement dĂ©veloppĂ©e et une souplesse de ton qui rĂ©vèlent ainsi les meilleurs interprètes… A Hogwood et son Academy of Ancient Music revient dès le dĂ©but des annĂ©es 1980 (1984 prĂ©cisĂ©ment pour les 100 et 104, puis 1985 pour le 96, soit les plus rĂ©centes dans le catalogue mais les anciennes quant aux dates d’enregistrement), pour le label l’Oiseau Lyre / Decca Ă  l’Ă©poque, – plus proches de nous, au cours des annĂ©es 1990: les Symphonies A, B, 1 Ă  25, 27-34, 36, 17, 40, 53-57 ; en 2000 et 2005, 60-64, 66-77 ;

BruggenA l’immense Frans BrĂĽggen revient deux cycles : l’un avec l’Orchestra of the Age of Enlightenment : soit les 19 “Sturm und Drang” (jalon primordial pour l’expression emblĂ©matique de ce courant esthĂ©tique entre Baroque et Romantisme), 26, 35, 38, 39, 41-52, 58, 59 et 65 ; le second avec l’Orchestra of the Eighteenth Century pour les Symphonies au style europĂ©en, emblĂ©matique de ce goĂ»t des Lumières : et qui tĂ©moignent surtout de la diffusion exceptionnelle voire inĂ©dite d’un Symphoniste en Europe : les 6 “Paris” 82-87 ; les 88-92; La concertante London n°12, enfin les dernières : 93-104. Le chef enregistre ses premières Symphonies Ă  Utrecht (n°90, live) dès 1984), puis Ă  1986 (93) et 1987 (103); puis complète son cycle Ă  Londres, Paris (Symphonies parisiennes, citĂ© de la musique, 1996)… de 1994 Ă  1997.

En fin au plus jeune, cadet des deux précédents : Ottavio Dantone, dont le tempérament latin apporte une conception renouvelée de la ciselure expressive et poétique : Symphonies 78-81, particulièrement appréciée par la Rédaction cd de classiquenews, enregistrées en juin, juillet et septembre 2015 en Italie (Bagnacavallo).

Le projet Decca marque l’Ă©coute en ce qu’il rĂ©unit 3 tempĂ©raments d’exception, 3 chefs de première importance qui composent aussi les jalons de l’interprĂ©tation des orchestres sur instruments d’Ă©poque : oĂą l’Ă©loquence nouvelle des couleurs d’Ă©poque dans leur format d’origine redĂ©finit l’Ă©quilibre global, l’esthĂ©tique expressive et poĂ©tique, dĂ©voile surtout sur le plan du style et des idĂ©es, la vision du chef. Solaire, ou Apollinien, parfois distanciĂ© et comme en dehors de la matière palpitante et humaine du chant haydnien, le Britannique Christopher Hogwood dont le geste a marquĂ© avant tous les autres, l’approche historiquement informĂ©e des Symphonies de Haydn, avec un orchestre au format idĂ©al, en impose par son souverain Ă©quilibre, une Ă©loquence lisse, parfaite, sans aspĂ©ritĂ©s ni tensions contradictoires… pour autant captivante sur le long terme ?
De leurs cĂ´tĂ©s, et finalement de la mĂŞme Ă©cole, – alliant la souplesse et la vivacitĂ© coĂ»te que coĂ»te, les frĂ©missants Hans BrĂĽggen et l’espiègle, très imaginatif et plus rĂ©cent, cadet des trois, Ottavio Dantone, saisit par leur subtilitĂ© expressive, un travail remarquablement caractĂ©risĂ©, qui n’hĂ©site pas Ă  rapprocher toutes les symphonies dans chacune de leur sĂ©quence, … de l’opĂ©ra. OpĂ©ras pour instruments, voilĂ  une conception qui prĂ©vaut chez chacun d’eux. Que vaut l’Ă©coute de quelques cd Ă©talons, pris Ă  la volĂ©e et presque en aveugle ? Que rĂ©vèlent-ils de chacun des maestros ?

Hogwood, BrĂĽggen, Dantone… 3 chefs viscĂ©ralement haydniens

bruggen CLASSIQUENEWS presentation review Frans-Bruggen-Annelies-van-der-VegtHANS BRĂśGGEN, le poète vif-argent. Noblesse passionnante, et triomphe sous jacente des idĂ©es des Lumières, les Symphonies 90, 91 et 92 de 1788 et 1789 illuminent par l’effet d’une puissante certitude qui s’exprime essentiellement par le feu d’un orchestre suractif et aussi instrumentalement caractĂ©risĂ© : ce triplet, dont le finale est l’Ă©loquence vive et loquace de la Symphonie “Oxford” est l’une des plus mozartiennes de Haydn : une jubilation permanente qui est portĂ©e par un sourire lumineux, crĂ©pitant, d’une justesse humaine, souvent enthousiasmante. Ne serait-ce que pour ce seul cd, le geste vif, souple d’un BrĂĽggen admirable de vivacitĂ© convainc et surprend par son allure tendre et dĂ©terminĂ© : du nerf et de la douceur tour Ă  tour. Un modèle d’Ă©quilibre et une claire conscience des couleurs de chaque instruments d’Ă©poque.
MĂŞme aboutissement avec le cd 33 : la n°96 Ă  juste titre intitulĂ©e “Miracle” : grandeur solaire et pourtant très expressive, en particulier dans le sens de l’articulation instrumentale (hautbois dans le Menuetto) ; flĂ»te mordante incisive du Finale notĂ© Vivace assai : vitalitĂ© malicieuse, grandeur nimbĂ© de lueurs prĂ©romantiques propres au dĂ©but des annĂ©es 1790 (1791) ; facĂ©tie “Militaire” qui devient feu crĂ©pitant et ronde urbaine civilisĂ©e pour la n°100 en sol majeur : au dessin instrumental virevoltant : BrĂĽggen s’y montre fabuleusement espiègle, totalement convaincant avec son orchestre du XVIIIè siècle.

CHRISTOPHER HOGWOOD, solaire et apollinien,… trop parfait ? La mĂ©canique Hogwood est d’un Ă©quilibre parfait, parfois trop distanciĂ©e, et donc un rien trop huilĂ©e, sans vrai nĂ©cessitĂ©.
hogwood-christopher-582-594-une-actualite-classiquenews-coffret-oiseau-lyre-bach-vivaldi-mozart-haydnPropre aux annĂ©es dorĂ©es du support cd, soit les annĂ©es 1980, le geste, s’il tourne parfois Ă  l’exercice systĂ©matisĂ© (excès de la demande marketing?), d’une rare exigence philologique du chef britannique fouille le legs haydnien dans ses moindres dĂ©tails : au point de prĂ©senter par exemple : la Symphonie n°54 dans ses deux versions (cd 16) : c’est un travail exigeant et jusqu’au boutiste qui souhaite comprendre de l’intĂ©rieur la fabrique du Haydn symphoniste. Versions diverses oĂą le magicien sorcier de la matière symphonique rĂ©gorganise l’ordre des mouvements, cherchant dans une expĂ©rimentation continuelle la meilleure formule : bousculant les premiers standards pour choisir en dĂ©finitive, deux adagios tout d’abord, auxquels succèdent le Menuet et le Presto final. Peu Ă  peu les idĂ©es se prĂ©cisent et s’organisent; de l’Ă©mergence première Ă  l’organisation du discours : l’acuitĂ© et la probitĂ© de l’entreprise convainquent tout Ă  fait ; et l’on comprend que pour permettre aux BrĂĽggen et Dantone de poursuivre dans cette voie dĂ©cisive, en provenance d’Angleterre, il a fallu qu’un Hogwood ouvre la voie et prĂ©pare aux audaces suivantes. Ce cd 16 rĂ©sume Ă  lui seul toute la pertinence de la vision Hogwood. De sĂ©quence en Ă©pisode, chacun idĂ©alement caractĂ©risĂ©, se dessine et la justesse de l’interprète, et la bouillonnante activitĂ© crĂ©atrice du compositeur (ici, en 1774 : au carrefour du baroque et du prĂ©romantisme…).
Dans une autre acoustique, plus proche, chambriste et mordante par son acuitĂ© instrumentale, la transposition des Symphonies 94 ” “, 100 “Militaire”, 104 “Londres”, signĂ©e Salomon, transcripteur et agent Ă  Londres de Haydn, toujours soucieux de diffuser sa musique, y compris dans des arrangements pour quelques instruments (pianoforte, flĂ»te et quatuor Ă  cordes ; ultime avatar du rayonnement des Ĺ“uvres de Haydn ainsi diffusĂ©es Ă  Londres en 1791, 1793, 94 et 95. LĂ  aussi la curiositĂ© de Hogwood et ses solistes de l’Academy of Ancient Music.

dantone ottavio-dantoneLE MIRACLE DANTONE. Quel sens du contraste chez Ottavio Dantone dont l’allegro spirituoso de la Symphonie 80, pleine de rebondissements et contrastes dramatiques, dĂ©voile cette fièvre et ce dĂ©bridĂ© Ă©lĂ©gantissime si absent chez les Britaniques. L’Accademia Bizantina fait miracle de chaque trait instrumental, chaque pause, nĂ©gociant aussi les silences, restituant Ă  une musique courtoise et civilisĂ©e, prise de façon trop artificielle ou donc mĂ©canique ailleurs, regorge de vitalitĂ© simple, de nerf franc, de santĂ© première : un miracle de jaillissement impĂ©tueux, cependant idĂ©alement canalisĂ© par ses intentions, son style, sa claire Ă©locution. De toute Ă©vidence, Dantone a clairement choisi le feu scintillant d’un BrĂĽggen plutĂ´t que la Rolls routinière Hogwood. Le sens des dynamiques, la balance sonore globale, l’Ă©quilibre des couleurs et des timbres par pupitre relèvent d’une direction miraculeuse. Jamais ici le chambrisme des cordes, propre Ă  l’orchestre de chambre ne sacrifie l’Ă©clat millimĂ©trĂ© des accents de chaque instruments. C’est bien le propre des instruments d’Ă©poque que d’affirmer une carte des identitĂ©s sonores nouvelles, plus intenses, pleine de caractère, certes moins globalement puissante, mais plus finement caractĂ©risĂ©e. Ce dosage, cette alchimie sont parfaitement comprises et exploitĂ©s par Dantone (la ligne de la flĂ»te au dessus de cordes dans l’Adagio de la mĂŞme n°80 de 1784) : miracle d’inventivitĂ©, d’un nerf pulsionnel Strum und Drang ; mais aussi d’un raffinement de teintes et de couleurs d’une perfection allusive phĂ©nomĂ©nale. Ottavio Dantone relève haut la main par sa très grande sensibilitĂ© : chaque Ă©clair dramatique est revitalisĂ©, dans une vision globale Ă©nergique qui saisit chaque contraste sans en gommer un seul : une dĂ©licatesse jamais maniĂ©rĂ©e qui enchante et s’enivre dans la nervositĂ© sanguine Sturm und Drang de l’Allegro ; la suprĂŞme lumière intĂ©rieure de l’Adagio, le movement le plus long, rĂ©solument par ses teintes et son caractère plus introspectif, moins noble que nostalgique : Empfindsamkeit. Armida de Haydn en tournĂ©eCe dont le chef et son orchestre sont capables d’un Ă©pisode Ă  l’autre est stupĂ©fiant de vitalitĂ©, d’expressivitĂ© fine et ciselĂ©e, de couleurs… L’on avait jamais Ă©coutĂ© avant lui tant d’arguments, de rĂ©cits opposĂ©s, associĂ©s, accordĂ©s : l’imagination du maestro inspirĂ© (magicien par ses idĂ©es innombrables) rend le plus hommage Ă  Haydn. C’est fluide, allant, naturel et aussi d’une fantaisie espiègle souvent absente de ses prĂ©dĂ©cesseurs. Alors oui, la comprĂ©hension de l’Accademia Bizantina affirme aujourd’hui, ce miracle sonore et expressif que seul apporte un orchestre d’instruments anciens. Comme affĂ»tĂ©es, mordantes, presque acides mais d’une ductilitĂ© lĂ  encore frĂ©missante (parfaitement accordĂ©es Ă  l’esthĂ©tique scintillante et surexpressive, très empfindsamkeit, les Symphonies du cd 24, plus tardives (n°78 et 79), harmoniquement plus tendue s’imposent tout autant, avec une gestion dramatique saisissante (tension/dĂ©tente du Vivace introductif de la 78), d’autant que Dantone semble ciseler le moindre accent, dĂ©voilant la subtile et souvent imprĂ©visible texture, souvent rugueuse et mĂ©tallique aux couleurs particulièrement changeantes : vĂ©ritables Ă©clairs aux cors, caquetage des bois, permanente fantaisie, et parfois dĂ©lirante ivresse (excellent Menuetto de la 78). Trois maĂ®tres de la baguette pour une intĂ©grale musicalement irrĂ©sistible et très Ă©loquente se rĂ©vèlent dans ce coffret majeur. CLIC de CLASSIQUENEWS de l’Ă©tĂ© 2016.

CLIC D'OR macaron 200CD, compte rendu critique, coffret événement. HAYDN : intégrale des 107 Symphonies sur instruments anciens : Brüggen, Hogwood, Dantone (35 cd DECCA

CD, coffret, annonce. DECCA SOUND 55 great vocal recitals

DECCA SOUND couverture classiquenews 55 great vocal recitals opera classiquenews clic de classiquenews juin 2016 MI0004055710CD, coffret, annonce. DECCA SOUND 55 great vocal recitals. Une affiche à faire pâlir toutes les maisons d’opéra : le coffret DECCA SOUND 55 great vocal recitals offre une récapitulation des plus grandes voix du siècle dernier et de celui commençant, synthèse entre les XXè et XXIè, qui place de fait Decca parmi les labels qui ont le plus compté dans l’émergence et la diffusion des tempéraments vocaux et lyriques les plus sidérants. Ce sont les archives du label d’Universal music, un filon inestimable qui retrace les gloires passées des années 1950, 1960, 1970, 1980, 1990… jusqu’aux étoiles contemporaines : Kaufmann ou Calleja, deux ténors en or. Dans les domaines enviables et impressionnants tant ils exigent profondeur, finesse, agilité ou legato, soit opéra italien et français, Wagner et les lieder et mélodies, voici les grandes voix admirables qui nous ont bercé, qui ont façonné aussi notre goût, touts et toutes uniques dans leur spécificité incarnée, parfois d’une vérité criante ou d’une blessure envoûtante à jamais mémorable. Decca ne fait que livrer une partie infime de son immense catalogue vocal. Ce premier volet en appelé d’autres : nous en sommes déjà impatients.

55 récitals, 55 voix légendaires

Ici, chaque chanteur, tempérament singulier, révélant sa propre identité sonore, sa marque artistique forte dans un répertoire désormais bien délimité, enregistre chez Decca relève d’un accomplissement et d’une reconnaissance semblable aux pianistes qui donnent un récital à Carnegie Hall : un tremplin formidable et déjà, un statut à part. De là à passer au statut de légende vivante, le pas est souvent vite franchi. Voyez ainsi dans les oeuvres qu’ils ont profondément marqué par la justesse de leur incarnation : pour les années 1950 : Ferrier, Corena…; pour les 60’s : Berganza, Nilson, Crespin… ; pour les 70’s : Pavarotti, Södeström…; pour les 80’s : Kanawa, Bartoli… pour les 90’s : Gheorghiu, Fleming, …

DECCA SOUND 55 great recital singers for Decca coffret box cd review critique cd CLASSIQUENEWSChanteurs par date d’enregistrement de leur rĂ©cital titre : Suzanne Danco (1950-1956), Kathleen Ferrier (1950-1952), Cesare Siepi (1954-1958), Fernando Corena (1952-1956), Mario del Monaco (1952-1956), Kirsten Flagstad (1956-1958), Lisa della Casa (1952-1956), Giuletta Simionato (1955-1961), GĂ©rard Souzay (1950-1956), Carlo Bergonzi (1957-1965), Giuseppe di Stefano (1958), John Sutherland (1959-1962), Regina Resnik (1960-1967), Hilde Gueden (1951-1969), Teresa Berganza (1959-1962), Tom Krause (1965-1967), Peter Pears (WIntereise de Schubert avec au piano Benjamin Britten, 1963), Birgitt Nilson (1962-1963), Marilyn Horne (1964-1966), Renata Tebaldi (1958-1972), Hermann Prey (Schwanengesang de Schubert de 1963 avec Gerald Moore au piano), Elena Souliotis (1965-1967), RĂ©gine Crespin (1963-1967), Gwyneth Jones (1966-1968), Luciano Pavarotti (1964-1976), Nicolai Ghiaurov (1962-1974), Sherill Milnes (1971-1978), Hans Hotter (lieder et mĂ©lodies, 1973), Sylvia Sass (1977-1978), Pilar Lorengar (1966-1978), Elisabeth Söderström (mĂ©lodies russes avec Vladimir Ashkenzay au piano 1974-1977), Mirella Freni et Renata Scotto en duo (1978), Martti Talvela (1969, 1980), Paata Burchuladze (1984), Leo Nucci (1986), Susan Dunn (1987), Cecilia Bartoli (1988), Kiri Te Kanawa (1989), Brigitte Fassbaender (1990), Sumi Jo (1993), Angela Gheorghiu (1995), Andreas Scholl (1998), RenĂ© Fleming (Mozart, Tchaikovski, Strauss… avec Solti, 1996), Barabara Bonney (1999), Matthias Goerne (2000), Juan Diego Florez (2002), Jonas Kaufmann (avec Claudio Abbado en 2008), Joseph Calleja (2010).

CLIC_macaron_2014Sans omettre les moins connus Virginia Zeani, Jennifer Vyvyan, Robert Merril et James McCracken (duo, 1963-1965), Huguette Tourangeau (1970-1975), Maria Chiara (1971-1977), Josephine Barstow (1989), Kiri Te Kanawa (1989)… CD, coffret, annonce. DECCA SOUND 55 great vocal recitals. Prochaine grande critique dans le mag cd dvd livres de classiquenews. CLIC de CLASSIQUENEWS de juin 2016.

Cd, compte rendu critique. ELGAR : SYMPHONIE N1, 1908. Staatskappelle de Dresde, Daniel Barenboim  (1 cd Decca 2014). CLIC de classiquenews de mai et juin 2016.

Elgar-Barenboim-Stastskapelle-BerlinCd, compte rendu critique. ELGAR : SYMPHONIE N°1, 1908. Staatskappelle de Dresde, Daniel Barenboim  (1 cd Decca 2014). CLIC de classiquenews de mai et juin 2016. La symphonie nÂş 1 en la bĂ©mol majeur op. 55 a Ă©tĂ© Ă©crite par Edward Elgar en 1907. Le compositeur projetait dès 1898 d’Ă©crire une symphonie à programme sur la vie du gĂ©nĂ©ral victorien Charles Gordon, mais il en abandonna peu Ă  peu l’idĂ©e pour Ă©crire une partition purement musicale. Il s’agit de la première de ses trois symphonies (la troisième n’existe qu’Ă  l’Ă©tat d’amorce et laissĂ©e Ă  l’Ă©tat de fragments). La puissance et le souffle n’Ă©cartent pas un rĂ©el sens du raffinement en particulier orchestral. Créée le 3 dĂ©cembre 1908 sous la direction de Hans Richter, avec le HallĂ© Orchestra à Manchester, la première symphonie de Elgar fut immĂ©diatement applaudie triomphalement, totalisant près de 80 rĂ©alisations des la première annĂ©e. Pour Nikkish,  il s’agissait de la 5ème symphonie de Brahms. A l’Ă©poque oĂą règne la sensibilitĂ© Belle Époque d’un Proust, qui vient de commencer l’Ă©criture de sa Recherche  (1906…), Elgar exprime simultanĂ©ment une vision tout autant raffinĂ©e, aux resonances multiples, d’une profondeur qui saisit malgrĂ© la langue des plus classiques, nĂ©o brahmsienne du musicien de l’Empire.

CLIC_macaron_2014La marche d’ouverture du premier mouvement indique clairement l’appartenance d’Elgar Ă  la grande tradition qui le lie Ă  Beethoven et Ă  Brahms mais aussi Ă  une certaine pompe cĂ©rĂ©monielle, majestueuse et noble  propre Ă  la grandeur de l’Empire britannique. La langue très classique et instrumentalement, extrĂŞmement raffinĂ©e d’Elgar montre combien le compositeur s’inscrit dans la grande Ă©criture philharmonique celle du post wagnĂ©rien et si original Franck, du flamboyant Richard Strauss dont l’excellente instrumentation et la grande sĂ©duction mĂ©lodique ont Ă©tĂ© idĂ©alement assimilĂ©s (la suavite mĂ©lodique d’un Puccini est aussi très prĂ©sente ). Elgar mĂŞle avec une fluiditĂ© pleine d’Ă©lĂ©gance, une prĂ©cision portĂ©e par une belle Ă©nergie, et la quĂŞte permanente d’une innocence (pourtant Ă  jamais perdue). MaĂ®tre incomparable des alliages de timbres comme de l’Ă©quilibre gĂ©nĂ©ral, Daniel Barenboim soigne cette alliance subtile de sentiments et d’atmosphères en apparence contradictoires : certitude majestueuse, tendresse nostalgique, entre pompe, circonstance et pudeur plus intime. ..

La rondeur impressionnante des cuivres somptueux, – d’une portĂ©e wagnĂ©rienne, et l’Ă©mergence des mĂ©lodies plus lĂ©gères sont remarquables d’Ă©loquence et d’ intonation car la baguette n’est jamais Ă©paisse mais au contraire dĂ©taillĂ©e, analytique et finement dramatique, d’une expressivitĂ© intĂ©rieure et fluide.

Le chef sait aussi mette en lumière l’unitĂ© prĂ©servĂ©e du cycle dans son entier grâce Ă  la rĂ©itĂ©ration cyclique de la mĂ©lodie Ă  la flĂ»te dont il sait exprimer cette insouciance enchanteresse spĂ©cifique.

Le 2ème mouvement convainc idĂ©alement grâce Ă  l’Ă©quilibre souverain des pupitres lĂ  encore ; Barenboim convainc par la motricitĂ© exemplaire, prĂ©cise, nuancĂ©e, par un allant gĂ©nĂ©ral jamais lourd, trĂ©pidant qui Ă©lectrise tout le grand corps orchestral mis en dialogue avec des Ă©clats tendres au bois et vents d’une douceur rĂ©ellement  ineffable; sa direction tĂ©moigne d’un art de la direction qui sait cultiver les effets et tout le potentiel d’un grand orchestre pourtant Ă©tonnement ciselĂ© et poĂ©tique,   avec un sens inouĂŻ des dĂ©tails de la fluiditĂ© dramatique (violon solo, harpe, cordes gorgĂ©es d’exaltante vitalitĂ©); c’est assurĂ©ment ce mouvement qui combine le mieux allusivement la pompe du dĂ©but, une innocence mĂ©lodieuse, cultivant aussi un souffle irrĂ©pressible, avant l’Ă©mergence  du superbe Adagio que le chef choisit de dĂ©ployer dans la continuitĂ© enchaĂ®nĂ©e avec une pudeur et une profondeur impressionnante voire le sentiment d’une  grandeur impĂ©riale  (superbes cors). Le chef exprime tout ce que le mouvement contient de la blessure coupable (wagnĂ©rienne : alliance cors / timbales, rĂ©fĂ©rence Ă  Tristan), – sublime fusion de la noblesse et de la nostalgie.

Daniel Barenboim excelle dans la richesse de ton obtenue avec une prĂ©cision admirablement sculptĂ©e  (sens Ă©tonnant du dĂ©tail : chant des clarinettes, vibrato filigranĂ© des cordes) diffusant un sentiment de dĂ©tente, de suspension, de plĂ©nitude, alors dans la continuitĂ© de la Symphonie. En en rĂ©vĂ©lant comme peu avant lui, la profonde unitĂ© souterraine qui solidifie sa puissante structure, en sachant ciseler toute la somptueuse parure instrumentale, pointilliste et scintillante, le chef signe une lecture superlative, l’une de ses meilleures rĂ©alisations symphoniques de surcroĂ®t au service d’un compositeur mĂ©connu, rĂ©gulièrement absent des salles de concerts. Clic de classiquenews de mai et juin 2016.

Cd, compte rendu critique. ELGAR : SYMPHONIE N°1, 1908. Staatskappelle de Dresde, Daniel Barenboim  (1 cd Decca 2014). CLIC de classiquenews de mai et juin 2016.

 

Barenboim-elgar-symphonie-1-decca-staatkapelle-dresden-critique-presentation-critique-cd-582

 

CD, compte rendu critique. John Field : intrégrale des Nocturnes. Elizabeth Joy-Roe, piano (1 cd Decca 2015)

ROE JOY Elizabeth nocturnes complete john field review cd critiques de cd presetnation CLASSIQUENEWS mai juin 2016 piano CLASSIQUENEWS -john-field-complete-nocturnes-2016CD, compte rendu critique. John Field : intrĂ©grale des Nocturnes. Elizabeth Joy-Roe, piano (1 cd Decca). L’Ă‚ME IRLANDAISE AVANT CHOPIN : les CHAMPS ENCHANTEURS DE FIELD. On aurait tort de considĂ©rer l’anglo-saxon John Field (1782-1837) tel le prĂ©curseur inabouti de Chopin. L’irlandais, voyageur impressionnant, a certes inventĂ© la forme Ă©minemment romantique du Nocturne pour piano seul; il en a, avant Chopin, sculpter les mĂ©andres les plus tĂ©nues sur le plan expressif, trouvant une langue mĂ»re, sĂ»re et profonde assimilant avec un gĂ©nie crĂ©atif rare, et la bagatelle (hĂ©ritĂ©e de Beethoven) et la Fantaisie… La jeune pianiste Elizabeth Joy Roe trouve un dĂ©licat Ă©quilibre entre intĂ©rioritĂ©, fougue et pudeur dans un univers personnel et puissamment original qui verse constamment – avant Wagner et son Tristan empoisonnĂ© mais inoubliable, vers les enchantements visionnaires de la nuit ; nuits plus rĂ©confortantes et intimes, plutĂ´t vrais miroirs personnels et introspectifs que miroitements inquiĂ©tants ; la rĂŞverie qui s’en dĂ©gage invite peu Ă  peu Ă  un questionnement sur l’identitĂ© profonde. Une interrogation souvent Ă©noncĂ©e sur le mode suspendu, Ă©perdu, enivrĂ© : ans un style rarement rageur et violent comme peut l’ĂŞtre et de façon si gĂ©niale, Chopin, d’une toute autre mais Ă©gale maturitĂ©. Voici donc 18 Nocturnes (l’intĂ©grale de cette forme dans le catalogue de Field) sous les doigts d’une musicienne qui les a très longtemps et patiemment traversĂ©s, explorĂ©s, mesurĂ©s ; un Ă  un, quitte Ă  en rĂ©aliser comme ici, une Ă©dition critique inĂ©dite (Ă  partir du fonds Schirmer).

 

 

Dédiée au rêve nocturne de Field, la jeune pianiste américaine Elizabeth Joy Roe nous permet de poser la question :

Et si Field était plus bellinien que Chopin ?

 

field piano john field nocturnes review presentation critique cd CLASSIQUENEWS John_fieldLa souplesse du jeu caressant montre la filiation avec le songe mĂ©lancolique de Schubert (n°1 en mi bĂ©mol majeur h24) et aussi le rĂŞve tendre de Mozart. Le n°6 (“Cradle Song” en fa majeur h40) montre combien la source de Chopin fut et demeure Field dans cette formulationsecrètement et viscĂ©ralement inscrite dans les replis les plus secrets et imperceptibles de l’âme. Songes enfouis, blessures tĂ©nue, silencieuses, Ă©blouissements scintillants… tout tend et se rĂ©sout dans l’apaisement et le sentiment d’un renoncement suprĂŞme : on est loin des tensions antagonistes qui font aussi le miel d’une certaine sauvagerie et rĂ©sistance chopiniennes; Ă  l’inverse de ce qui paraĂ®t tel un dĂ©voilement explicitĂ©, la tension chez Field, infiniment pudique, vient de la construction harmonique au parcours sinueux, jamais prĂ©visible.
Field sait aussi ĂŞtre taquin, chaloupĂ© et d’un caractère plus vif argent : n°12 “Nocturne caractĂ©ristique” h13… avec sa batterie rĂ©pĂ©tĂ©e (main droite) qui passe de l’espièglerie insouciante au climat d’un pur enchantement Ă©vanescent, plus distanciĂ© et poĂ©tique.
La mĂ©lodie sans paroles (“song without words”) n°15 en rĂ© mineur exprime un cheminement plus aventureux, d’une mĂ©lancolie moins contrĂ´lĂ©e c’est Ă  dire plus inquiète, mais d’une tension très mesurĂ©e cependant. La pudeur de Field reste extrĂŞme. Le n°16 en ut majeur (comme le n°17) h60 est le plus dĂ©veloppĂ© soit plus de 9 mn : d’une Ă©locution riche et harmoniquement captivante, d’une finesse suggestive qui annonce lĂ  encore directement Chopin.

CLIC_macaron_2014L’expressivitĂ© filigranĂ©e de la pianiste amĂ©ricaine nĂ©e Ă  Chicago, Ă©lève de la Juilliard School, dĂ©tentrice d’un mĂ©moire sur le rĂ´le de la musique dans l’oeuvre de Thomas Mann et Marcel Proust, cible les mondes souterrains dont la nature foisonnante se dĂ©voile dans ce programme d’une activitĂ© secrète et souterraine irrĂ©sistible. Au carrefour des esthĂ©tiques et des disciplines, le goĂ»t de la jeune pianiste, dĂ©jĂ  très cultivĂ©e, enchante littĂ©ralement chez Field dont elle sait Ă©clairer toute l’ombre propice et allusive : ne prenez que ce n°16, certes le plus long, mais en vĂ©ritĂ© volubile et contrastĂ©, vĂ©ritable compilation de trouvailles mĂ©lodiques et harmoniques comme s’il s’agissait d’un opĂ©ra bellinien mais sans parole. Au mĂ©rite de la pianiste revient cette coloration permanente qui l’inscrit dans l’accomplissement d’un rĂŞve Ă©veillĂ©, d’une nuit Ă©toilĂ©e et magicienne Ă  l’inĂ©narrable sĂ©duction. RĂ©cital très convaincant. D’auant plus recommandable qu’il rĂ©vèle et confirme la sensibilitĂ© poĂ©tique et profonde du compositeur pianiste irlandais. Et si Field se montrait plus Bellinien que Chopin ? L’Ă©coute de ce disque habitĂ©, cohĂ©rent nous permet de poser la question. CLIC de CLASSIQUENEWS de mai et juin 2016.

 

 

 

CD, compte rendu critique. John Field : intégrale des Nocturnes (1-18). Elizabeth Joy Roe, piano (enregistrement réalisé dans le Suffolk, en septembre 2015). CLIC de CLASSIQUENEWS de mai et juin 2016. 1 cd DECCA 478 8189.

 

 

 

CD, compte rendu critique, opĂ©ra. Honegger, Ibert : L’Aiglon (2 cd, Nagano, 2015)

aiglon-honegger-ibert-kent-nagano-decca-clic-de-classiquenews-reportage-video-lausanne-tours-ossonceCD, compte rendu critique, opĂ©ra. Honegger, Ibert : L’Aiglon (2 cd, Nagano, 2015). RĂ©cemment exhumĂ© sur les scènes francophones, Lausanne puis Tours, sous la direction de Jean-Yves Ossonce, en mai 2013, – et plus rĂ©cemment encore Ă  Marseille (avec D’Oustrac dans le rĂ´le-titre, fĂ©vrier 2016) l’opĂ©ra Ă  deux tĂŞtes, L’Aiglon de Arthur Honegger et Jacques Ibert, sort en disque, mais Ă  l’initiative de nos confrères quĂ©bĂ©cois, depuis MontrĂ©al, prolongement d’une sĂ©rie de recrĂ©ations très applaudies (en mars 2015) sous la direction de Kent Nagano, ardent dĂ©fricheur Ă  la posture globale, impliquĂ©e donc convaincante.

Kent Nagano rend justice au drame lyrique de 1937, signĂ© par Jacques Ibert et Arthur Honegger…

Deux plumes inspirées pour un Aiglon sacrifié

Aux cĂ´tĂ©s de Cyrano, Rostand laisse avec L’Aiglon créé en 1900 avec la coopĂ©ration lĂ©gendaire de Sara Bernhardt, un drame historique glaçant, qui retrace Ă  travers la relation sadique Metternich et le jeune prince impĂ©rial et Duc de Reichstag, l’Ă©popĂ©e malheureuse et tragique d’une destinĂ©e avortĂ©e. La partition datĂ©e de 193è (créée Ă  Monte Carlo) s’empare en pleine Europe insouciante et dĂ©jĂ  terre de tensions exacerbĂ©e, de la figure du fils unique de NapolĂ©on Ier, otage odieusement traitĂ© Ă  Vienne, Prince de papier, vraie victime sacrifiĂ©e, dont le sort le destinait directement Ă  l’opĂ©ra. Evidemment, c’est un drame rĂ©trospectif, dont la couleur nostalgique, ressuscite l’ancien lustre impĂ©rial, alors dĂ©finitivement effacĂ© : c’est tout le jeu et le charme de la relation de Flambeau (superbe Marc Barrard qui profite de sa connaissance antĂ©rieure du personnage Ă  Tours et Ă  Lausanne justement : son aisance, le souffle du chant, l’intelligence expressive s’en ressentent Ă©videmment) et du Prince, jouant aux soldats sur une carte, convoquant l’ivresse conquĂ©rante de son père… (fin du II) ; mĂŞme Ă©vocation subtilement conduite pour la bataille victorieuse de Wagram. Le souci prosodique des deux auteurs contemporains construit cependant un opĂ©ra français d’une rĂ©elle force Ă©pique, oĂą le portrait d’un jeune homme trop frĂŞle Ă  porter le costume lĂ©guĂ© par son père demeure fin et d’une belle intelligence : sa faiblesse par nature Ă©tant parfaitement exprimĂ©e dans le fameux duo, implacable et terrible oĂą il trouve son geĂ´lier Ă  peine dĂ©guisĂ©, en la personne du ministre Metternich, d’une glaciale et cynique froideur dominatrice.
kent nagano l aiglon honegger ibert cd decca montrealJustement, le choix des solistes Ă©taye globalement la rĂ©ussite de l’interprĂ©tation oĂą rayonne la clartĂ© d’un français toujours audible : Anne-Catherine Gillet, qui chante Juliette chez Gounod, Ă©blouit dans le rĂ´le-titre, en souligne l’angĂ©lisme enivrĂ©, la droiture morale, l’esprit d’espĂ©rance… d’autant plus flamboyant qu’elle est “cassĂ©e” minutieusement par le chant ombrĂ©, sarcastique, souterrain du tĂ©nĂ©breux Prince de Metternich (excellent Etienne Dupuy dont on avait pu il y a quelques annĂ©es mesurer le beau chant français romantique chez Massenet dans une lecture de ThĂ©rèse, singulière et imprĂ©vue et caractĂ©risation ciselĂ©e aux cĂ´tĂ©s de Charles Castronovo). Seule rĂ©serve, le manque d’ampleur de Gillet qui la trouve dans les aigus Ă  soutenir dans la hauteur comme l’intensitĂ©, parfois Ă  la limite de ses justes possibilitĂ©s (il est vrai que le rĂ´le de l’Aiglon, rĂ´le travesti, est chantĂ© par des mezzos Ă  Lausanne comme Ă  Tours : Carine SĂ©chay avait relevĂ© les defis d’une partition redoutable pour la voix avec constance et finesse ; repris aussi Ă  Marseille avec D’Oustrac…). La crĂ©atrice du rĂ´le central Ă©tait Fanny Heldy, cantatrice aux tempĂ©rament explosif et aux ressources phĂ©nomĂ©nales, car elle chantait ThaĂŻs de Massenet, entre autres… c’est dire.

Ici même sens du verbe, même approche dramatique nuancée : Honegger et Ibert sont deux contemporains nés dans les années 1890, qui quarantenaires en 1935, signent une parfaite compréhension du souffle théâtral chez Rostand, lui-même respecté par Henri Cain qui signe le livret.
Au mĂ©rite de Kent Nagano, revient tout l’art de rendre une partition Belle Epoque et Modern style, expressive et palpitante sans affectation (parfois idĂ©alement suave : la valse du III). Très belle rĂ©ussite globale, et belle redĂ©couverte d’un opĂ©ra très peu jouĂ©.

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique, opĂ©ra. Ibert, Honegger : L’Aiglon (1935) d’après Rostand. Anne-Catherine Gillet (L’Aiglon, Duc de Reichstag), Etienne Dupuis (Meternich), Marc Barrard( SĂ©raphin, Flambeau), Marie-Nicole Lemieux (Marie-Louise), … Choeur et Orchestre Symphonique de MontrĂ©al. Kent Nagano, direction (2 cd Decca 478 9502, enregistrĂ© en mars 2015)

 

LIRE aussi notre DOSSIER L’AIGLON d’Ibert et Honnegger

CD, compte rendu critique : Arminio de Haendel par Max Emanuel Cencic et George Petrou (2 cd Decca, septembre 2015)

ARMINIO Decca max emanuel cencic haendel handel annonce announce classiquenews review critique cd 61TCPTYOKYL._SL1400_CD, compte rendu critique : Arminio de Haendel par Max Emanuel Cencic et George Petrou (2 cd Decca, septembre 2015). C’est le dernier des opĂ©ras baroques ressuscitĂ©s par le contre-tĂ©nor entrepreneur Max Emanuel Cencic, et sa fidèle troupe de chanteurs rĂ©unie / recomposĂ©e pour chaque projet / ouvrage lyrique : collectif toujours investi Ă  exprimer en une caractĂ©risation affĂ»tĂ©e, jamais neutre, les passions dramatiques ici du gĂ©nie haendĂ©lien. En couverture, alors que sa consĹ“ur romaine Cecilia Bartoli, elle aussi inspirĂ©e par des programmes insolites ou des rĂ©surrections captivantes, s’affichait en prĂŞtre exorciste (pour ses relectures dĂ©fricheuses de Steffani : en un album choc intitulĂ© non sans esprit de provoc “Mission”), voici Cencic, tel un acteur de cinĂ©ma sur un visuel sensĂ© nous sĂ©duire pour susciter le dĂ©sir d’en Ă©couter davantage : voyageur emperruquĂ© pistolet (encore fumant) Ă  la main, tel un espion en pleine mission…

ARMINIO… L’AVENTURE DU SERIA HAENDELIEN A LONDRES. Créé en 6 reprĂ©sentations au Covent Garden de Londres en janvier et fĂ©vrier 1737, Arminio a visiblement marquĂ© les esprits de l’Ă©poque, certains tĂ©moins commentateurs n’hĂ©sitant pas Ă  parler de “miracle”… La partition n’a jamais pu depuis, Ă©tĂ© remontĂ©e jusqu’Ă  ce que Cencic s’y intĂ©resse. Le sujet emprunte Ă  l’histoire romaine (Tacite) : c’est mĂŞme un Ă©pisode peu glorieux pour les lĂ©gions de Rome confrontĂ©es en 49 avant JC, aux Germains, dans la forĂŞt de Teutoburg. Le gĂ©nĂ©ral Varus est fait prisonnier par le prince barbare prince Hermann Arminius, commandant des 7 valeureuses tribus germaines. La dĂ©faite des Romains enterre toute vellĂ©itĂ© de Rome Ă  assoir sa puissance sur une vaste zone au-delĂ  du Rhin.
L’opera seria s’attache Ă  ciseler chaque profil psychologique, (selon le livret signĂ© Antonio Salvi) chaque intention, chaque espoir silencieux, chaque noeud d’une situation conflictuelle (chère Ă  Racine au siècle prĂ©cĂ©dent, entre amour, dĂ©sir et jalousie) que l’action contredit ou prĂ©cipite, souvent de façon artificielle : ainsi la mort de Varus/Varo, le romain dĂ©fait, est-elle Ă©vacuĂ© en quelques mots Ă  la fin de l’ouvrage dans un rĂ©citatif lapidaire qui vaut dĂ©nouement. Auparavant, Arminio est capturĂ© par Varo qui a des vues sur l’Ă©pouse de son ennemi captif… Pour captiver l’audience londonienne qui n’entend pas l’italien pour la majoritĂ©, Haendel n’hĂ©site pas Ă  rĂ©duire le texte de Salvi, en particulier ses rĂ©citatifs, vĂ©ritables tunnels d’ennui pour qui peine Ă  goĂ»ter les subtilitĂ©s de l’italien.
Parmi les chanteurs vedettes, les castrats sont toujurs Ă  l’honneur ; après la trahison du contralto Senesino, son chanteur contralto fĂ©tiche, rival de Farinelli, qui finalement quitte Haendel pour un troupe rivale en 1733, c’est dans le rĂ´le-titre, l’alto aigu Domenico Annibali qui relève les dĂ©fis d’un personnage exigeant ; le castrat Sigismondo lui emboĂ®te le pas, l’Ă©galant mĂŞme par sa partie non moins audacieuse : Ă  la crĂ©ation, rĂ´le tenu par le sopraniste Domenico Conti, surnommĂ© Gizziello, probablement le plus connu des solistes rĂ©unis par Haendel en 1737 : c’est le seul castrat soprano (en dehors des mezzos et contraltos) pour lequel le compositeur Ă©crira des rĂ´les Ă  Londres. CĂ´tĂ© chanteuses, la prima donna demeure dans le rĂ´le de Tusnelda, la soprano cĂ©lĂ©brĂ©e alors, Anna  Maria Strada del Pò, partenaire et interprète familière de Haendel depuis le dĂ©but des annĂ©es 1730 dont la laideur lĂ©gendaire Ă©galait la finesse dramatique et l’engagement vocal. Le tĂ©nor anglais John Beard chante le commandant Vero. Le chanteur deviendra directeur du Covent Garden, et continuera de se produire comme chanteur pour Haendel dans de nombreux autres ouvrages lyriques et aussi dans ses futurs oratorios.

Le synopsis veille Ă  prĂ©senter de superbes profils psychologiques, tous impressionnĂ©s (les Romains), stimulĂ©s (les Germains) par l’hĂ©roĂŻsme stoĂŻcien du captif Arminio, prisonnier du gĂ©nĂ©ral romain Vero… Au dĂ©but, le Germain SĂ©geste livre le chef germain Arminio au gĂ©nĂ©ral romain Vero. La fille et le fils de SĂ©geste, Tusnelda (Ă©pouse d’Arminio) et Sigismondo payent très cher, la trahison de leur père : Tusnelda en l’absence d’Arminio, doit affronter les avances de Vero ; Sigismondo ne peut rien faire quand sa fiancĂ©e Ramise, la soeur d’Arminio, rompt leur vĹ“u… Pour augmenter les chances d’une paix avec Rome, SĂ©geste souhaite l’exĂ©cution d’Arminio pour que sa fille Tusnelda Ă©pouse Vero ; d’autant que Sigismondo a rejoint le parti de son père et accepte de pactiser avec les Romains. Figure hĂ©roĂŻque prĂŞte Ă  mourir, Arminio dans sa prison dĂ©clare qu’il ne cèdera pas quitte Ă  mourir. Son Ă©pouse Tusnelda lui reste fidèle.
A l’acte III, tout semble ĂŞtre jouĂ© : Arminio est conduit Ă  l’Ă©chafaud : mais Vero impressionnĂ© par la noblesse du prisonnier, reporte l’exĂ©cution quand on apprend que des Germains rebelles ont soumis les lĂ©gions de Rome. Les femmes Tusnelda et Ramise libèrent Arminio avec la complicitĂ© de Sigismondo ; Arminio prend la tĂŞte de la rĂ©bellion contre les Romains et tue Vero. SĂ©geste est soumis ; par clĂ©mence et grandeur morale, Arminio pardonne Ă  SĂ©geste en l’Ă©pargnant.
Arminio de 1737 incarne un jalon majeur de l’expĂ©rience de Haendel Ă  Londres ; l’ouvrage par son sujet Ă©difiant et moral contient aussi l’objectif finalement non exhaucĂ© : fidĂ©liser les spectateurs londoniens Ă  l’opera seria italien. MalgrĂ© toutes ses tentatives, Haendel Ă©chouera en y perdant des fortunes. Il se refera grâce au nouveau genre de l’oratorio anglais (en anglais Ă©videmment et non plus en italien), format inĂ©dit, promis Ă  de nombreux triomphes.

cencic Arminio-Cencic-1024x680LA CRITIQUE DU CD ARMINIO DE HAENDEL PAR MAX EMANUEL CENCIC. InterprĂ©tation d’Arminio. Ecartons d’emblĂ©e le maillon faible du plateau vocal globalement Ă©quilibrĂ© et homogène : le Sigismondo de la haute-contre Vince Yi : timbre clair certes mais le plus souvent aigre et trop mĂ©tallisĂ©, avec une rĂ©gulière et persistante incomprĂ©henion au texte italien, dĂ©duite de ses respirations instables, des ses phrasĂ©s discutables (comprend-t-il rĂ©ellement ce qu’il chante?).
D’autant que le sopraniste faiblit sur la durĂ©e et dans le dĂ©roulement de l’action, sans aucune nuance dans l’Ă©mission ; il claironne rĂ©vĂ©lant de grandes failles dans ses rĂ©citatifs si peu colorĂ©s, comme expĂ©diĂ©s avec toujours la mĂŞme intonation, projetant avec intensitĂ© mais artifice tous ses airs, tel un instrument sans âme. Tout cela contredit le travail des autres chanteurs dans le sens de la caractĂ©risation des passions.

En Arminio, rĂ©flĂ©chi, intĂ©rieur et souvent profond, Ă©videmment Max Emanuel Cencic se taille la part du lion, incarnant idĂ©alement la figure de l’hĂ©roĂŻsme et du stoicisme, prĂŞt Ă  se sacrifier pour la cause morale dont il est serviteur jusqu’au dĂ©nouement du drame. L’alto sĂ©duit toujours par la justesse de son intonation, mĂŞlant idĂ©alement tendresse grave, contredite ensuite par un indĂ©fectible esprit de revanche et de fière dĂ©termination (“Ritorno alle ritorte” qui ouvre le III).

MĂŞme sur un bon niveau vocal, la voix parfois poussĂ©e de la soprano Layla Claire (Tusnelda, Ă©pouse d’Arminio et fille de SĂ©geste) peine Ă  trouver une teinte affirmĂ©e dans le personnage tout autant loyal que celui de son Ă©poux Arminio. De toute Ă©vidence l’opĂ©ra de Haendel prend parti pour les Barbares… qui n’ont de barbare que leur (fausse) rĂ©putation, tant les Germains ici surclassent en grandeur morale leur rivaux romains.

Plus convaincant le Varo du tĂ©nor hĂ©roĂŻque Juan Sancho : il campe un romain colonisateur et conquĂ©rant par une voix claire et mĂ©tallique, idĂ©ale dans son air avec cor : “Mira il ciel”  (au III) ; la Ramise de l’alto fĂ©minin, cuivrĂ©e, incarnĂ©e de Ruxandra Donose s’affirme nettement (Voglio seguir) mĂŞme si l’on eĂ»t prĂ©fĂ©rĂ© articulation plus prĂ©cise et percutante.
De toute Ă©vidence, l’ouvrage fait l’apothĂ©ose des Germains, outrageusement dĂ©nigrĂ©s et finalement consolidĂ©s dans leur indĂ©fectible sens de l’honneur ; tout converge et prĂ©pare au duo final des Ă©poux enfin libĂ©rĂ©s, rĂ©confortĂ©s (après la mort expĂ©diĂ©e de Vero) : duetto final d’Arminio et Tusnelda qui rĂ©alise le lieto finale, dĂ©nouement heureux de mise dans tout seria. Le tenue orchestrale d’Armonia Atenea, conduit par George Petrou confirme sa rĂ©putation : alliant nervositĂ© et fluiditĂ©, acuitĂ© et accent d’un continuo, vĂ©ritable acteur plutĂ´t qui suiveur. Belle rĂ©alisation rĂ©vĂ©lant un inĂ©dit de Haendel. La production Ă©tait l’Ă©vĂ©nement du dernier festival Haendel de Karlsruhe (fĂ©vrier 2016) : on souhaite Ă  l’Ă©vĂ©nement allemand bien d’autres rĂ©surrections dĂ©fendues par un engagement aussi partagĂ© (hormis les solistes nettement moins convaincants que leur partenaires). MalgrĂ© ces (petites) rĂ©serves, la prĂ©sente rĂ©surrection mĂ©rite le meilleur accueil.

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. Haendel : Arminio HWV 36, recrĂ©ation. Max Emanuel Cencic (Arminio), Juan Sancho (Varo), Ruxandra Donose (Ramise), Layla Claire (Tusnelda), Xavier Sabata (Tullio)… Armonia Atenea. George Petrou, direction; EnregistrĂ© en septembre 2015 Ă  Athènes — 2 cd Decca 478 8764. CLIC de CLASSIQUENEWS avril 2016.

CD, annonce. Eward Elgar : Symphonie n°2. Daniel Barenboim (2015, 1 cd Decca)

elgar symphony 1 daniel barenboim cd decca review compter endu critique classiquenews mars march 2016 cd review critique cd 4786677CD, annonce. Eward Elgar : Symphonie n°2. Daniel Barenboim (2015, 1 cd Decca). DĂ©but mars 2016, Daniel Barenboim publie un nouvel enregistrement symphonique avec la Staatskapelle Berlin, dĂ©fendant une partition rare en France : la Symphonie n°2 du britannique Edward Elgar. Grâce Ă  l’acuitĂ© instrumentale du chef comme Ă  son souci de la tension dramatique, la Symphonie créée au dĂ©but du siècle, en mai 1911 Ă  Londres, Ă©blouit littĂ©ralement parce que le chef sait dĂ©celer sous la solennitĂ© impĂ©rialiste “totally British” (l’ouvrage est dĂ©diĂ© au roi Edouard VII qui vient de s’Ă©teindre), la finesse de l’Ă©criture, en particulier dans le mouvement lent, le Larghetto en ut mineur (dont l’esprit est directement dĂ©diĂ© au roi Edouard VII). En avant première, voici un extrait de la critique de notre rĂ©dactrice Elvire James, qui en distinguant ce nouvel enregistrement, dĂ©cerne un CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2016.

ELGAR symphony symphonie 2 review account of CLASSIQUENEWS Edward_Elgar_head2_copy2Extrait de la critique de notre consĹ“ur Elvire James :  ”Bavarde ou d’une solennitĂ© raffinĂ©e, la Symphonie n°2 touche diversement, chacun selon sa sensibilitĂ©. La partition est créée en mai 1911 Ă  Londres sous la direction du compositeur. L’esprit de marche, l’ampleur majestueuse qui ouvre  tel un vaste portique, tout le cycle symphonique (en cela emblĂ©matique de l’adhĂ©sion d’Elgar Ă  l’idĂ©al impĂ©rial britannique) est conduit avec une ivresse dĂ©taillĂ©e instrumentale qui laisse la place Ă  de subtiles respirations, le chef sachant Ă©viter la lourdeur comme la grandiloquence : entre majestĂ© et sĂ©rĂ©nitĂ©, Barenboim insuffle une vraie tension, se gardant bien de rĂ©duire l’Ă©criture Ă  une seule dĂ©monstration de grandeur superphĂ©tatoire. Après l’Allegro initial dont la direction restitue la pulsion Ă©lectrique, c’est l’irrĂ©sistible Larghetto en ut mineur d’une plĂ©nitude enivrĂ©e, enchantĂ©e – autre rĂ©flexion sur l’esprit de la grandeur funèbre mais abordĂ©e dans l’esprit d’une musique de chambre oĂą règnent la clartĂ© et la transparence (superbes couleurs tristanesques aux cors et Ă  la magistrale harmonie des bois), comme la couleur sombre et de recueillement en conformitĂ© avec la dĂ©dicace de l’opus….

 

Prochaine critique complète du cd Symphonie n°2 d’Elgar (1911) par Daniel Barenboim dans le mag cd, dvd, livres de classiquenews d’ici le 20 mars 2016. CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2016

CD, opéra baroque. ANNONCE : Arminio de Haendel par Max Emanuel Cencic et George Petrou (2 cd Decca)

ARMINIO Decca max emanuel cencic haendel handel annonce announce classiquenews review critique cd 61TCPTYOKYL._SL1400_CD, opĂ©ra baroque. ANNONCE : Arminio de Haendel par Max Emanuel Cencic et George Petrou (2 cd Decca). C’est le dernier des opĂ©ras baroques ressuscitĂ© par le contre-tĂ©nor entrepreneur Max Emanuel Cencic, et sa fidèle troupe de chanteurs : collectif toujours investi Ă  exprimer en une caractĂ©risation affĂ»tĂ©e, jamais neutre, les passions dramatiques ici du gĂ©nie haendĂ©lien. En couverture, alors que sa consĹ“ur romaine Cecilia Bartoli, elle aussi inspirĂ©e par des programmes insolites ou des rĂ©surrections captivantes, s’affichait en prĂŞtre exorciste (pour ses relectures dĂ©fricheuses de Steffani), voici Cencic, tel un acteur de cinĂ©ma sur un visuel sensĂ© nous sĂ©duire pour susciter le dĂ©sir d’en Ă©couter davantage : voyageur emperruquĂ© pistolet (encore fumant)Ă  la main, tel un espion en pleine mission…

ARMINIO… L’AVENTURE DU SERIA HAENDELIEN A LONDRES. Créé en 6 reprĂ©sentations au Covent Garden de Londres en janvier et fĂ©vrier 1737, Arminio a visiblement marquĂ© les esprits de l’Ă©poque, certains tĂ©moins commentateurs n’hĂ©sitant pas Ă  parler de “miracle”… La partition n’a jamais plu depuis Ă©tĂ© remontĂ©e jusqu’Ă  ce que Cencic s’y intĂ©resse. Le sujet emprunte Ă  l’histoire romaine (Tacite) : c’est mĂŞme un Ă©pisode peu glorieux pour les lĂ©gions de Rome confrontĂ©es en 49 avant JC, aux Germains, dans la forĂŞt de Teutoburg. Le gĂ©nĂ©ral Varus est fait prisonnier du prince Hermann Arminius, commandant de 7 valeureuses tribus germaines. La dĂ©faite des Romains enterre toute vellĂ©itĂ© de Rome Ă  assoir sa puissance sur une vaste zone au delĂ  du Rhin. L’opera seria s’attache Ă  ciseler chaque profil psychologique, (selon le livret signĂ© Antonio Salvi) chaque intention, chaque espoir silencieux, chaque noeud d’une situation conflictuelle (chère Ă  Racine au siècle prĂ©cĂ©dent, entre amour, dĂ©sir et jalousie) que l’action contredit ou prĂ©cipite, souvent de façon artificielle : ainsi la mort de Varus/Varo le romain dĂ©fait est-elle Ă©vacuĂ© en quelques mots Ă  la fin de l’ouvrage dans un rĂ©citatif lapidaire qui vaut dĂ©nouement. Auparavant, Arminio est capturĂ© par Varo qui a des vues sur l’Ă©pouse de son ennemi captif… Pour captiver l’audience londonienne qui n’entend pas l’italien pour la majoritĂ©, Haendel n’hĂ©site pas Ă  rĂ©duire le texte de Salvi, en particulier ses rĂ©citatifs, vĂ©ritables tunnels d’ennui pour qui ce peut goĂ»ter les subtilitĂ©s de l’italien.

Parmi les chanteurs vedettes, les castrats sont toujurs Ă  l’honneur ; après la trahison du contralto Senesino, son chanteur contralto fĂ©tiche, rival de Farinelli, qui finalement quitte Haendel pour un troupe rivale en 1733, c’est dans le rĂ´le-titre, l’alto aigu Domenico Annibali qui relève les dĂ©fis d’un personnage exigeant ; le castrat Sigismondo lui emboĂ®te le pas, l’Ă©galant mĂŞme par sa partie non moins audacieuse : Ă  la crĂ©ation, rĂ´le tenu par le sopraniste Domenico Conti, surnommĂ© Gizziello, probablement le plus connu des solistes rĂ©unis par Haendel en 1737 : c’est le seul castrat soprano (en dehors des mezzos et contraltos) pour lequel le compositeur Ă©crira des rĂ´les Ă  Londres. CĂ´tĂ© chanteuses, la prima donna demeure dans le rĂ´le de Tusnelda, la soprano : Anna  Maria Strada del Pò, partenaire et interprète familière de Haendel depuis le dĂ©but des annĂ©es 1730 dont la laideur lĂ©gendaire Ă©galait la finesse dramatique et l’engagement vocal. Le tĂ©nor anglais John Beard chante le commandant Vero. Le chanteur deviendra directeur du Covent Garden, et continuera de chanter pour Haendel dans de nombreux autres ouvrages lyriques et aussi ses futurs oratorios.

 

 

CENCIC-ARMINIO-HANDEL-HAENDEL-OPERA-BAROQUE-582-390

 

 

Le synopsis veille Ă  prĂ©senter de superbes profils psychologiques, tous impressionnĂ©s (les Romains), stimulĂ©s (les Germains) par l’hĂ©roĂŻsme stoĂŻcien du captif Arminio, prisonnier du gĂ©nĂ©ral romain Vero…  Au dĂ©but, le Germain SĂ©geste livre le chef germain Arminio au gĂ©nĂ©ral romain Vero. La fille et le fils de SĂ©geste, Tusnelda (Ă©pouse d’Arminio) et Sigismondo payent très cher, la trahison de leur père : Tusnelda en l’absence d’Arminio, doit affronter les avances de Vero ; Sigismondo ne peut rien faire quand sa fiancĂ©e Ramise, la soeur d’Arminio, rompt leur vĹ“u…  Pour augmenter les chances d’une paix avec Rome, SĂ©geste souhaite l’exĂ©cution d’Arminio pour que sa fille Tusnelda Ă©pouse Vero ; d’autant que Sigismondo a rejoint le parti de son père et accepte de pactiser avec les Romains. Figure hĂ©roĂŻque prĂŞte Ă  mourir, Arminio dans sa prison dĂ©clare qu’il ne cèdera pas quitte Ă  mourir. Son Ă©pouse Tusnelda lui reste fidèle. A l’acte III, tout semble ĂŞtre jouĂ© : Arminio est conduit Ă  l’Ă©chafaud : mais Vero impressionnĂ© par la noblesse du prisonnier, reporte l’exĂ©cution quand on apprend que des Germains rebelles ont soumis les lĂ©gions de Rome. Les femmes Tusnelda et Ramise libĂ©rent Arminio avec la complicitĂ© de Sigismondo ; Arminio prend la tĂŞte de la rĂ©bellion contre les Romains et tue Vero. SĂ©geste est soumis ; par clĂ©mence et grandeur morale, Arminio pardonne Ă  SĂ©geste en l’Ă©pargnant. Toutes les sĂ©quences pointent finalement vers le duo des Ă©poux germains qui se retrouvent en fin d’action : duetto final qui souligne les vertus de la fidĂ©litĂ© et de la constance de l’amour entre Arminio et Tusnelda).

Arminio de 1737 incarne un jalon majeur de l’expĂ©rience de Haendel Ă  Londres ; l’ouvrage par son sujet Ă©difiant et moral contient aussi l’objectif finalement non exhaucĂ© : fidĂ©liser les spectateurs londoniens Ă  l’opera seria italien. MalgrĂ© toutes ses tentatives, Haendel Ă©chouera en y perdant des fortunes. Il se refera grâce au nouveau de l’oratorio anglais promis Ă  de nombreux triomphes.

 

 

CD, annonce. Haendel : Arminio par Max Emanuel Cencic (2 cd Decca). Prochaine critique complete dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS.COM. Parution : le 25 mars 2016. La production d’Arminio ressuscitĂ© par Max Emanuel Cencic fait l’ouverture du festival Handel Ă  Karlsruhe, le 13 fĂ©vrier 2016. Le haute-contre, devenu metteur en scène transpose l’intrigue romaine dans l’Europe de la RĂ©volution et de l’Ă©poque nĂ©opolĂ©onienne, tout en s’inspirant du film de Milos Forman “Les Ombres de Goya”… ambitieux projet.

 

 

 

CD, coffret événement, annonce. THE DECCA SOUND (50 cd Decca)

THE DECCA SOUND box coffret decca 50 cd cover review announce classiquenews CLIC de CLASSIQUENEWS classicalite-recording-news-the-decca-sound-dead-in-the-u-s-as-universal-music-classics-is-bornCD, coffret Ă©vĂ©nement, annonce. THE DECCA SOUND (50 cd Decca)... L’heure est au bilan rĂ©trospectif et Decca réédite en un coffret de 50 cd, autant de joyaux et perles discographiques, illustrant des dĂ©cades de perfection discographiques, soit les meilleures rĂ©alisations musicales sur 50 ans de politique d’enregistrement, bĂ©nĂ©ficiant de la meilleure prise de son de l’Ă©poque (avec Philips s’entend). Outre la qualitĂ© de chaque interprĂ©tation sĂ©lectionnĂ©e, l’Ă©diteur met en avant la qualitĂ© Ă©ditoriale du coffret (chaque album a sa couverture d’origine, un livret explicatif -sa couverture en papier glacĂ©e-, de 200 pages prĂ©sente l’intĂ©rĂŞt de la collection comprenant surtout deux chapitres dĂ©diĂ©s au “son Decca” et Ă  “50 ans d’excellence Decca”…). L’orchestre en vedette ici demeure le LSO (London Symphony Orchestra), le Wiener Philharmoniker (dont l’intĂ©grale du Ring de Wagner initiĂ© dès 1958 – la première intĂ©grale enregistrĂ©e en stĂ©rĂ©o par Solti, ici en extraits, finalement achevĂ©e en 1965 avec La Walkyrie) ; mais aussi les grands AmĂ©ricains (San Francisco, Cleveland, Detroit, Los Angeles…). Parmi les must Ă  Ă©couter, que tout mĂ©lomane qui se respecte se doit de connaĂ®tre :
Parmi les plus anciennes bandes ici prĂ©sentĂ©es (Ă  juste titre) chacun pourra tirer bĂ©nĂ©fice de l’Ă©coute assidue de la baguette du chef Ataulfo Argenta, sensibilitĂ© latine pionnière annonçant dès 1956-1957, la fièvre communicative d’un Dudamel aujourd’hui… ; The Planets / Les Planètes de Holst par Karajan et le Wiener Philharmoniker, septembre 1961 ; War Requiem de et par Britten (Londres, 1963 comptant Vishnevskaya, Pears, Fischer-Dieskau), Istvan Kertesz (Symphonies de Dvorak, Bartok et Ravel en 1961-1963 et 1965-1968 avec le pianiste Julius Katchen) ; l’imagination théâtrale de Peter Maag dans Le songe d’une nuit d’Ă©tĂ© de Mendelssohn (Londres, 1957) ; le Borodin de martinon en 1958 ; Daphnis et ChloĂ© de Ravel par Pierre Monteux et le London SYmphony orchestra en avril 1959 ; … CĂ´tĂ©s voix lĂ©gendaires dans des prises lives ou chaleureuses : distinguons, La Fanciulla del West de Puccini avec en 1958, Mario del Monaco et Renata Tebaldi ; le concert romain des 3 tĂ©nors (1990 : Pavarotti, Domingo, Carreras : coup mĂ©diatique, coĂ»t artistique…) ; le rĂ©cital new yorkais de Pavarotti, Horne, Sutherland de 1981 ; le programme de mĂ©lodies italiennes par Beethoven, Schubert et Haydn (cantate Arianna) par la jeune Bartoli en 1992 …
DECCA SOUND presentation cd details review compte rendu critique classiquenews EnsemblePic2-1024x682CĂ´tĂ©s “grands chefs” et directions inspirĂ©es / habitĂ©es, vous vous dĂ©lecterez bien d’Une Symphonie alpestre de R. Strauss par Herbert Blomstedt (San Francisco Symphony, 1989), Riccardo Chailly (avec Jean-Yves Thibaudet au piano) dans la spectaculaire – vrai dĂ©fi spatial-, TurangalĂ®la-symphonie (Amsterdam, 1992), Christoph von Dohnanyi (Erwartung de Schoenberg avec Anja Silja (1979), Antal Dorati (L’Oiseau de feu, Le Sacre du printemps, 1981-1982 avec le Detroit Symphony Orchestra) ; Ă©videmment Sir Georg Solti ne saurait ĂŞtre omis de l’âge d’or du son Decca (rĂ©cital lyrique avec RenĂ©e Fleming : Mozart, Dvorak, Verdi et surtout la scène finale de DaphnĂ© de Richard Strauss avec le LSO en 1996, claire rĂ©fĂ©rence aux prises de son hĂ©donistes d’un Karajan mais en peut-ĂŞtre moins clair et transparent…), Symphonies n°5 et 9 de Chostakovitch par Bernard Haitink (1980-1981)… comme Zubin Mehta (Symphonie n°2 de Charles Ives, Los Angeles Philharmonic Orchestra, mai 1975)
Parmi les pianistes, retrouvons avec plaisir Nelson Freire (l’incontournable, Alicia de Larrocha (Falla : Nuits dans les jardins d’Espagne sous la direction de Rafael FrĂĽbeck de Burgos, 1983), Radu Lupu (Sonates de Beethoven dont Clair de lune, PathĂ©tique, Waldstein, 1972), Clifford Curzon (Concertos pour piano n°20 et 27 de Mozart sous la direction de Britten en 1970!) ;
CLIC_macaron_2014Mention spĂ©ciale pour Vladimir Ashkenazy, le pianiste (Concertos 3 et 2 de Rachmaninov en 1963 sous la direction de Fistoulari) et presque 20 ans plus tard (1982-1984), le chef 1ère de Sibelius et Tableaux d’une exposition de Moussorsgki ; mĂŞme le baroque n’est pas oubliĂ© grâce au Didon et EnĂ©e de Purcell par Christopher Hogwood et ses Ă©quipes (dont complice familière du chef, Emma Kirkby, 1992) ; ce qui rend quand mĂŞme accessoire le son dĂ©passĂ© de Karl MĂĽnchinger et ses troupes de Stuttgart, dans le Magnificat de JS Bach (1968). Critique complète du coffret THE DECCA SOUND Ă  venir dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

CD, coffret événement, annonce. THE DECCA SOUND, édition limitée (50 cd Decca). CLIC de CLASSIQUENEWS de février et mars 2016.

CD, coffret. Compte rendu critique. Charles Dutoit – The MontrĂ©al Years / Decca sound (35 cd Decca).

Dutoit charles decca montreal coffret box 35 cd review compte rendu critique classiquenews fevrier mars 2016CD, coffret. Compte rendu critique. Charles Dutoit – The MontrĂ©al Years / Decca sound (35 cd Decca). Symphonisme canadien des 80′s. Quelle tradition symphonique au Canada dans les annĂ©es 1980-2000 ? Ce coffret compose un legs symphonique de premier plan : le suisse Charles Dutoit nĂ© Ă  Lausanne en octobre 1936 (80 ans en 2016) cultive une connaissance spĂ©cifique de l’orchestre, ayant Ă©tĂ© avant la direction, passionnĂ© par le violon… qu’il joue excellement. Il a toujours et de façon pionnière dĂ©fendu le rĂ©pertoire romantique et post romantique français : Ă  l’Ă©poque oĂą le bĂ©nĂ©fice des instruments d’Ă©poque n’Ă©tait pas encore aussi reconnu et lĂ©gitimement sollicitĂ©, le chef a ciselĂ© un travail particulier sur l’Ă©quilibre des pupitres, jusqu’Ă  un hĂ©donisme sonore alliant sensualitĂ© et dĂ©tail, – mais aussi plaidĂ© pour une architecture explicite, analytique et dramatique dans les Symphonies de Berlioz, Bizet et Franck, surtout plĂ©nitude sonore pour Saint-SaĂ«ns (Symphonie avec orgue). Pas moins de 4 cd Ravel (Daphnis et ChloĂ© – partition cĂ©lĂ©brĂ©e qui marque aussi le dĂ©but de la collaboration…, BolĂ©ro, Alborada del Gracioso, La Valse, Rhapsodie espagnole, Concertos pour piano avec Pascal RogĂ©, Menuet antique, Ma Mère l’Oye, Valses nobles et sentimentales….), 3 cd Debussy (Images, Nocturnes, La mer, Jeux, Le martyre de saint-SĂ©bastien, PrĂ©lude Ă  l’après midi d’un Faune, Children’s corner, La BoĂ®te Ă  joujoux…) ; l’Ă©lĂ©gance de Dutoit se dĂ©voile chez SuppĂ© (ouvertures), FaurĂ© (Requiem avec les solistes, Kiri Te Kanawa et Sheril Milnes) ; symphoniste dans l’âme, artisan de la texture orchestrale Ă  MontrĂ©al, Charles Dutoit se dĂ©die aussi pour les russes : Moussorgski et Rimsky, Stravinsky (le Chant du Rossignol, L’Oiseau de feu, Scherzo fantastique…), sans omettre Respighi (Pins et Fontaines de Rome…), Mendelssohn, mais aussi Bartok (Concerto pour orchestre), Orff (Carmina Burana), Holst (The Planets). Pour saisir le soin du dĂ©tail et du flux organique global, il faut se reporter Ă  son album Ibert (Escales…). Les choix de rĂ©pertoire sont finalement Ă©tendus mais cohĂ©rents. 

 

 

dutoit charles chef maestro classiquenews DECCA montreal years coffret box 35 cd review critique cdCollaboration chef/orchestre/label… Le coffret 35 cd illustre de façon exhaustive une collaboration chef/orchestre/label, amorcĂ©e au dĂ©but des annĂ©es 80, entre Charles Dutoit, l’Orchestre Symphonique de MontrĂ©al et Decca. Soit près de 25 annĂ©es d’une entente artistique semĂ©e de rĂ©alisations comme d’accomplissements. A mesure que les jalons de cette sensibilitĂ© surtout française romantique s’est prĂ©cisĂ©e et nuancĂ©e, Decca ciselait aussi ses modes d’enregistrement (le fameux son Decca des annĂ©es 1980, prenant naissance en particulier Ă  Paris, lors de sessions mĂ©morables Ă  l’Ă©glise Saint-Eustache). NommĂ© premier chef d’orchestre du Symphonique de MontrĂ©al en 1977, Charles Dutoit devait ainsi marquer en profondeur l’histoire de l’orchestre canadien jusqu’en 2002, soit 25 ans d’une coopĂ©ration passionnante, qui connaĂ®t alors ses heures de gloire Ă  partir de 1980, quand le maestro signe un contrat exclusif avec Decca Londres. Amorçant un cycle discographique universellement saluĂ© (comme Karajan chez Deutsche Grammophon), avec Daphnis et ChloĂ© de Ravel (1981), le chef dirige son orchestre dans le monde entier, lors d’une tournĂ©e mondiale (Japon, Hong Kong, CorĂ©e du nord, AmĂ©rique du Sud, Europe…) assurant au duo maestro/orchestre, une notoriĂ©tĂ© international et une très solide rĂ©putation. Le coffret Decca sound regroupe les meilleures rĂ©alisations symphoniques, hors les deux intĂ©grales lyriques qui ont connu elles aussi un très grand succès (PellĂ©as et MĂ©lisande, 1991 ; et Les Troyens de Berlioz, 1994, Ă©galement enregistrĂ©es par Decca).

Boulimie fatale… Le chef accepte en parallèle, la direction du Symphonique du Minnesota (1983), la direction estivale du Philhadelphia Orchestra (1990), mais aussi plusieurs engagements comme premier chef invitĂ© du National de France (1991-2001), et aussi la direction du NHK Symphony (1998-2003)… mais trop de fonctions ici et lĂ  prises au sacrifice d’une intĂ©gritĂ© artistique rĂ©ellement sereine et dĂ©diĂ©e, l’obligent Ă  remettre sa dĂ©mission auprès du OSM (Orchestre Symphonique de MontrĂ©al), le 11 avril 2002 : ainsi se clĂ´turait une entente qui Ă©tait arrivĂ©e au bout de ses possibilitĂ©s au dĂ©but du XXè. Les relations d’un chef et des musiciens qui composent “son” orchestre, relèvent le plus souvent d’une histoire de couple : les enregistrements Decca Ă©voquent deux dĂ©cennies de travail oĂą le chef et le Symphonique de MontrĂ©al ont donnĂ© leur maximum, rĂ©alisant des enregistrements devenus des classiques du genre (Ravel, Stravinsky…). 35 cd d’une odyssĂ©e orchestrale passionnante.

 

CD, coffret. Compte rendu critique. Charles Dutoit – The MontrĂ©al Years / Decca sound (35 cd Decca). Sortie le 5 fĂ©vrier 2016.

 

CD, coffret. Alfred Brendel, The complete Philips recordings (114 cd Decca)

brendel-alfred-coffret-the-complete-philips-recordings-114-cd-review-critique-cd-classiquenews_deccaCD, coffret. Compte rendu critique: ALFRED BRENDEL, the complete Philips recordings (478 8827 edition limitée). Actualité hautement pianistique en ce mois de janvier 2016. Après un somptueux coffret Radu Lupu, et à quelques jours de la parution très attendue du dernier album (Water) de la pianiste Hélène Grimaud (chez Deutsche Grammophon), Decca édite un exceptionnel coffret regroupant tous les enregistrements Philips du pianiste Alfred Brendel, ce pour ces 85 ans en 2016. The complete Philips recordings totalise ainsi 114 cd, réorganisant l’intégrale des enregistrements réalisés de la fin des années 1960 au cycle des adieux, ceux de sa dernière tournée en décembre 2008. En plus d’un ouche feutré sobre et sensible, Brendel est un rare pianiste sachant mesurer la subtilité et l’humour. Un facétieux, à la fois intellectuel et aussi, pour ceux qui l’ont connu personnellement doué pour l’autodérision. Le legs de Bredenl est ici organisé en 4 parties :

 

1- Mozart, Bach et surtout Haydn, avec en bonus le cycle complet des Concertos pour piano et orchestre de Mozart réalisé avec Neville Marriner

2- Beethoven : d’abord les 3 intégrales des Concertos pour piano et orchestre (réalisées avec Rattle, Levine et Haitink) ; mais aussi les 2 cycles des Sonates pour piano (1970-1977 et 1992-1996).

3- Les Romantiques : les 2 cycles regroupant les oeuvres tardives pour piano de Schubert ; les Concertos pour piano et Totentanz de Liszt ; Tableaux d’une exposition de Moussorgski ; oeuvres de Berg, Busoni, Schoenberg.

4- enfin, le dernier volet comprend la musique de chambre, les lieder et les prises live : lieder de Schumann et Schubert avec l’immense baryton légendaire Dietrich Fischer Dieskau, Matthais Goerne ; les Sonates pour violoncelle et piano de Beethoven avec son fils violoncelliste Adrian. Enfin l’intégralité de son dernier récital, celui des adieux, donné à Vienne le 18 décembre 2018.

brendel_coffret_alfred brendel critique review piano clic de classiquenews janvier 2016 CLASSIQUENEWS review critique compte rendu inside

 

 

CLIC D'OR macaron 200Outre le soin apporté à cette intégrale discographique de premier plan, saluons le superbe livre, véritable mine et écrin de clichés photographiques représentant l’interprète en situation, concerts et hors concert délivrant la photogénie du passeur, à la fois poète, artiste habité par l’idéal artistique et une pensée toujours à l’affût (diversité des clichés provenant de fonds déjà connus mais aussi des archives personnelles de la famille Brendel). L’homme au parapluie semble bien conserver intacte l’intensité d’une sensibilité qui s’est toujours préservée des contingences extérieures : un artiste qui nous a régalé par cette capacité à s’immerger dans chaque oeuvre qu’il a jouée, surtout Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert.  Coffret exceptionnel, incontournable. Donc CLIC de classiquenews de janvier 2016.

 

 

CD, coffret. ALFRED BRENDEL, the complete Philips recordings (478 8827 edition limitée) 114 cd + 1 Beaux-livre (richement illustré de photographies 114 cd Decca).

 

 

 

 

tracklisting :

 

 

 

BACH · HAYDN · MOZART

CD1:              Bach, J.S.: Italian Concerto; Chromatic Fantasia & Fugue

CD2:              Haydn: Piano Sonatas Nos. 20 & 49

CD3:              Haydn: Piano Sonatas Nos. 32, 34 & 42; Fantasia in C

CD4:              Haydn: Piano Sonatas Nos. 48, 50 & 51

CD5:              Haydn: Piano Sonatas Nos. 37, 40 & 52; Andante con variazioni

CD6:              Mozart: Piano Sonatas Nos. 8, 13 & 14

CD7:              Mozart: Piano Sonata No.11; Adagio in B Minor; Duport Variations K.573

CD8:              Mozart: Piano Sonatas Nos. 3, 4 & 18

CD9:              Mozart: Piano Sonatas Nos. 8, 9 & 15

CD10:            Mozart: Piano Sonatas Nos. 10, 11 & 17

CD11:            Mozart: Piano Sonatas Nos. 12, 13 & 14

CD12:            Mozart: Piano Sonatas Nos. 4 & 15

CD13:            Mozart: Piano Concertos Nos. 5, 6 & 10

CD14:            Mozart: Piano Concertos Nos. 7, 8 & 11

CD15:            Mozart: Piano Concertos Nos. 9 & 12; Rondo, K.386

CD16:            Mozart: Piano Concertos Nos. 13 & 17; Concert Rondo, K.382

CD17:            Mozart: Piano Concertos Nos. 14, 15 & 16

CD18:            Mozart: Piano Concertos Nos. 18 & 19

CD19:            Mozart: Piano Concertos Nos. 20 & 21

CD20:            Mozart: Piano Concertos Nos. 22 & 23

CD21:            Mozart: Piano Concertos Nos. 24 & 25

CD22:            Mozart: Piano Concertos Nos. 26 & 27

                       Academy of St. Martin in the Fields, Sir Neville Marriner

CD23:            Mozart: Piano Concertos Nos.20 & 24

CD24:            Mozart: Piano Concertos Nos. 22 & 27

CD25:            Mozart: Piano Concertos Nos. 9 & 25

CD26:            Mozart: Piano Concertos Nos. 12 & 17

                      Scottish Chamber Orchestra, Sir Charles Mackerras

CD27:            Mozart: Piano Quartet in E flat Major & Piano Concerto No.12 (arr. for piano & string quartet) with Alban Berg Quartet

CD28:            Mozart: Ch’io mi scordi di te - Jessye Norman, Sylvia McNair, Academy of St. Martin-in-the-Fields under Sir Neville Marriner

                      BEETHOVEN

CD29:            Beethoven: Piano Sonatas Nos.1, 2 & 3 [Analogue cycle]

CD30:            Beethoven: Piano Sonatas Nos.4, 15 & 20

CD31:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 5, 6 & 7

CD32:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 8, 9, 10 & 11

CD33:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 12, 13, 14 & 19

CD34:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 16, 17 & 18

CD35:            Beethoven: Piano Spnatas Nos. 21, 22 & 23

CD36:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 25, 24, 27 & 23

CD37:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 29 & 26

CD38:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 30, 31 & 32

CD39:            Beethoven: Pano Sonatas Nos. 1, 2 & 4 [digital cycle]

CD40:            Beethoven: Piano Sonatas Nos.3, 5, 6 & 8

CD41:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 7, 9, 10 & 11

CD42:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 12, 13, 14 & 15

CD43:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 16, 17, 18 & 19

CD44:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 20, 21, 22 & 23

CD45:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 24, 25, 26, 27 & 28

CD46:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 29 & 30

CD47:            Beethoven: Piano Sonatas Nos. 31 & 32

CD48:            Beethoven: Eroica Variations; Bagatelles Op.126, 6 Ecossaises WoO 83, 6 Piano Variations in F Op.34, etc.

CD49:            Beethoven: Bagatelles Op.33, 119 & 126

CD50:            Beethoven: Diabelli Variations (1988)

CD51:            Beethoven: Piano Concertos Nos. 1 & 2

CD52:            Beethoven: Piano Concertos Nos. 3 & 4

CD53:            Beethoven: Piano Concerto No.5 – Emperor”; Fantasia, Op.80 - London Philharmonic Orchestra, Bernard Haitink

CD54:            Beethoven: Piano Concertos Nos. 1 & 4

CD55:            Beethoven: Piano Concertos Nos. 2 & 3

CD56:            Beethoven: Piano Concerto No.5 – “Emperor”

                      Wiener Philharmoniker, Sir Simon Rattle

                      SCHUBERT · SCHUMANN · LISZT · BRAHMS

 

CD57:            Schubert: Piano Sonatas Nos. 4, 9 & 13 (analogue)

CD58:           Schubert: Piano Sonatas Nos. 14 & 16; Piano Sonata in C, D.840 (analogue)

CD59:            Schubert: Piano Sonatas Nos. 17 & 18 (analogue)

CD60:            Schubert: Piano Sonatas Nos. 19 & 20 (analogue)

CD61:            Schubert: Piano Sonata No.21; 3 Klavierstüke, D.946 (analogue)

CD62:            Schubert: 4 Impromptus, D.899; 4 Impromptus, D.935 (analogue)

CD63:            Schubert: Wanderer Fantasy; 6 Moments Musicaux, D.780 (analogue)

CD64:            Schubert: Piano Sonatas Nos. 17 & 14 (digital)

CD65:            Schubert: Piano Sonata No.20 in A Major, D.959 (digital)

CD66:            Schubert: Piano Sonata No.19; 6 Moments Musicaux (digital)

CD67:            Schubert: Piano Sonata No.16; Klavierstücke, D.946 (digital)

CD68:            Schubert: Four Impromptus, D.90; Four Impromptus, D.935 (digital)

CD69:            Schubert: Piano Sonata No.18; Piano Sonata in C, D.840 (digital)

CD70:            Schubert: Piano Sonata No.21; Wanderer Fantasy (digital)

CD71:            Weber: Konzertstück in F Minor; Piano Sonata No.2

CD72:            Schumann: Piano Concerto; Fantasie

                       London Symphony Orchestra, Claudio Abbado

CD73:            Schumann: Piano Concerto, Fantasie

                       Philharmonia Orchestra, Kurt Sanderling

CD74:            Schumann: Kreisleriana; Kinderszenen

CD75:            Schumann: Symphonic Studies; Mussorgsky: Pictures at an Exhibition..

CD76:            Liszt: Piano Concertos Nos. 1 & 2 + Totentanz, etc.

CD77-78:      Liszt: Sonata; Années:Italie

CD79:            Liszt: AnnĂ©es de pĂ©lerinage – Suisse

CD80:            Liszt: Années de pèlerinage

CD81:            Liszt: Harmonies poétiques et religieuses

CD82:            Brahms: Piano Concerto No.1 in D Minor

                       Royal Concertgebouw Orchestra, Hans Schmidt-Isserstedt

CD83:          Brahms: Piano Concerto No.1 in D Minor, Theme and Variations in D minor from String Sextet, Op. 18

                       Berliner Philharmoniker, Claudio Abbado

CD84:            Brahms: Piano Concerto No.2 in B Flat Major

                       Royal Concertgebouw Orchestra, Bernard Haitink

CD85:            Brahms: Piano Concerto No.2 in B Flat Major

                       Berliner Philharmoniker, Claudio Abbado

CD86:        Schoenberg: Piano Concerto; Busoni: Toccata; Berg: Piano Sonata, Op.1; Schoenberg: Piano Concerto* - Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Rafael Kubelik - *SWF Sinfonie Orchester Baden-Baden, Michael Gielen      

                      CHAMBER MUSIC & LIVE RECORDINGS

CD87:           Mozart Quintet in E-flat major K452 & Beethoven Quintet in E-flat major, Op.16 with Heinz Holliger, Eduard Brunner, Hermann Baumann, Klaus Thunemann

CD88-89:     Beethoven: Complete Works for Piano & Cello | with Adrian Brendel (violoncelle)

CD90:           Schubert: Trout Quintet | with Cleveland Quartet

CD91:     Schubert: Trout quintet & Mozart: Piano Quartet In G Minor – Thomas Zehetmair, Tabea Zimmermann, Richard Duven, Peter Riegelbauer

CD92:           Schumann: Works for Oboe and Piano | with Heinz Holliger

CD93:           Schubert: Lieder | with Dietrich Fischer-Dieskau

CD94:            Schubert: Schwanengesang | with Dietrich Fischer-Dieskau

CD95:            Beethoven: An die ferne Geliebte & Schubert: Schwanengesang | with Matthias Goerne

CD96             Schubert: Winterreise | with Dietrich Fischer-Dieskau

CD97             Schubert: Winterreise | with Matthias Goerne

CD98:            Schumann: Dichterliebe (Waechter) | with Eberhard Wachter

CD99:            Schumann: Dichterliebe & Liederkreis | With Dietrich Fischer-Dieskau

CD100:          Beethoven: Diabelli Variations (1976 Live)

CD101:          Beethoven: Diabelli Variations (2001 Live)

CD102:          Beethoven: Piano Sonatas opp.106 & 78

CD103:          Bach, Haydn & Beethoven Recital

CD104-105:  Schubert: Piano Sonata No. 18; Piano Sonata no. 9; Piano Sonata No. 20; Piano Sonata No. 21 (Live)

CD106:

Live in Salzburg: Haydn: Variations in F Minor; Piano Sonata in C H.XVI no. 50, Schubert: Piano Sonata No. 14 in A Minor;

Piano Sonata in C, D.840, Wagner/Liszt: Isoldes Liebstod (piano transcription)

CD107:

Chopin Andante Spianato and Grand Polonaise in E flat op.22/ Mendelssohn:  Variations sérieuses op.54 / Busoni: Seven Elegies / Beethoven: Piano Sonata No.28 op.101 [BBC]

CD108-110:  Beethoven Piano Concertos Nos. 1-5

                       Chicago Symphony Orchestra, James Levine

CD111:          Birthday Tribute Disc 1: Brahms: Piano Concerto no. 1,Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Colin Davis

CD112:

Birthday Tribute Disc 2: Mozart: Piano Concerto No. 25 K.503*;Beethoven: Piano Sonata No. 31; Schubert: Impromptu No. 1 in F Minor (from 4 Impromputs Op. 142)

*SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, Hans Zender

CD113-114:   Farewell Concerts: Mozart: Piano Concerto no. 9*; Haydn: Variations in F Minor; Mozart: Piano Sonata no. 15;  Beethoven: Piano Sonata no. 13; Schubert: Piano Sonata no. 21; Beethoven: 4. Andante (from 7 Bagatelles op. 33); Schubert: No. 3 in G Flat Major (from 4 Impromptus op. 90); Bach: Nun komm, der Heiden Heiland BWV 659

*Wiener Philharmoniker, Sir Charles Mackerras

CD, compte rendu critique. Coffret Brahms : complete orchestral music. Integrale de la musique pour orchestre. Riccardo Chailly, direction. Gewandhaus Orchester Leipzig. 7 cd Decca (2006-2014)

brahms complete orchestral music coffret box Decca review compte rendu critique cd classiquenews Freire kavakos repin mork disques cd review compte rendu critique de disque, coffret Chailly classiquenewsCD, compte rendu critique. Coffret Brahms : complete orchestral music. Integrale de la musique pour orchestre. Riccardo Chailly, direction. Gewandhaus Orchester Leipzig. 7 cd Decca (2006-2014). EnregistrĂ©e en plusieurs coffrets sĂ©parĂ©s selon le calendrier des enregistrements rĂ©alisĂ©s, cette intĂ©grale Brahms par Riccardo Chailly prend forme en un coffret unique Ă©ditĂ© par Decca (7 cd). Avec sa rĂ©cente intĂ©grale Beethoven, Chailly impressionne par une ampleur du son, une puissance qui sait aussi prĂ©server le dĂ©tail et une certaine clartĂ© ; tout est canalisĂ© pour l’opulence d’un dramatisme brĂ»lĂ© qui compose dans une discographie une voie mediane, Ă©quilibrĂ©e qui s’affirme comme une rĂ©fĂ©rence jamais dĂ©cevante. Soucieux de clartĂ© et de lisibilitĂ©, le Brahms de Chailly sait trancher, caractĂ©riser sans Ă©paisseur et cette surenchère produisant bien souvent une pâte dĂ©clamĂ©e, ampoulĂ©e, finalement indigeste. Chailly revient Ă  l’architecture primitive et originelle du Brahms bâtisseur, prolongeant comme personne l’invention des formes depuis Beethoven. ComparĂ© Ă  ses premières lectures des Symphonies avec l’autre Gewandhaus (d’Amsterdam), le geste forgĂ© et peu Ă  peu sculpter Ă  Leipzig, comme profitant de la rĂ©volution interprĂ©tative opĂ©rĂ©e sur Bach, a conçu une direction plus lĂ©gère et transparente dont la sensibilitĂ© instrumentale rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e, exalte les sens et fait la rĂ©ussite par exemple du mouvement lent (Andante) du Concerto pour piano n°2 (1881, cd 7), de loin la lecture la plus intĂ©ressante, profitant aussi il est vrai de l’exceptionnelle Nelson Freire (Live de 2005).

brahms serenades chailly gewandhaus de leipzig orchestra classiquenews compte rendu critique cd decca mai 2015Directeur musical du Gewandhaus de Leipzig depuis 2005, Riccardo Chailly signe donc une intĂ©grale qui malgrĂ© certains passages Ă  vide, comporte des instants de grâce, comme suspendus, portĂ©s par cet idĂ©al personnel de la lisibilitĂ© et de la clartĂ© qui n’empĂŞche ce que nous aimons tant chez Brahms, l’ivresse et l’extase tendre, jaillissement Ă©perdu d’une innocence prĂ©servĂ©e, intacte malgrĂ© les blessures tues, les traumatismes (Ă©couter ce mĂŞme Andante et la place accordĂ©e au chant du violoncelle : un instant de grâce).

L’intĂ©grale Brahms de Chailly demeure une leçon de musicalitĂ© respectueuse, soucieuse d’articulation et de lisibilitĂ©…

Vertus de la clarté allégée

C’est un Brahms plus nerveux, et osons dire mĂŞme audacieux au sens d’un Beethoven : les coups de timbales qui ouvrent la Première Symphonie ne signifient-ils pas voici l’aube d’un monde nouveau comme Beethoven le dit lui-mĂŞme au terme de son propre cycle symphonique dans sa 9ème ? Chailly retrouve ainsi le Brahms moderne et on pas classique, celui expurgĂ© de la tradition fin XIXè et mi XXème, hĂ©ritĂ© de ses meilleurs dĂ©fenseurs Toscanini, FĂ©lix Weingartner. Brahms l’inventeur de formes nouvelles, capable de surprendre par un itinĂ©raire harmonique et rythmique neuf, rĂ©solument improbable, Brahms le rĂ©formiste ; voilĂ  le visage qui s’inscrit en lettres d’or sur le coffret Chailly : n’Ă©coutez que le dĂ©but et son dĂ©veloppement de la Symphonie n°1 (vrai poco sostenuto des cordes et transparence lĂ©gère pour plus de mordant et d’âpretĂ© voire de lumière dans cet irrĂ©pressible allant tragique initial) pour comprendre les apports du geste dĂ©poussiĂ©rĂ©, allĂ©gĂ©, nerveux, jamais surexpressif du chef italien. Sans perdre la puissance et le sentiment de la carrure colossale, le chef ajoute et soigne de bout en bout, le relief d’une lisibilitĂ© entre les pupitres qui reprĂ©cise la direction de l’architecture, les justes proportions entre les pupitres. La Symphonie n°3 dès le dĂ©but peut ainsi compter sur une parfaite prĂ©cision lisible des bois qui citent avec d’autant plus de vitalitĂ©, la rĂ©fĂ©rence aux motifs folkloriques si prĂ©sents dans le tissu brahmsien. La construction globale, l’Ă©difice de Symphonies en Symphonies dĂ©voilent par un geste prĂ©cis, affinĂ©, des arĂŞtes vives, des passages et des modĂ©natures insoupçonnĂ©es (lissĂ©es ou expĂ©diĂ©es par les chefs moins scrupuleux).  ComplĂ©ment exaltants Ă  la clartĂ© architecturale des 4 Symphonies, les Ĺ“uvres concertantes, pour violon ; pour violon et violoncelle, Ă©clairent Ă©galement un mĂŞme souci d’Ă©locution : le Concerto en rĂ© (1879) s’impose Ă©videmment parmi les meilleures rĂ©ussites du coffret. C’est peu dire que le violon de Kavakos transcende le Concerto en rĂ© (prise de 2013) par la finesse sans aucune emphase de son instrument. C’est droit, vif, prĂ©cis, allĂ©gĂ© lui aussi, dans la lumière et d’une clartĂ© absolu (trilles aiguĂ«s inouies, d’une ciselure arachnĂ©enne), exprimant la fusion, cet esprit d’effusion souple et tendre unissant orchestre et violon dans une seule et mĂŞme caresse amoureuse : Leonidas Kavakos est Brahmsien comme Chailly : jamais dans la dĂ©monstration et la pure virtuositĂ©, rĂ©vĂ©lant des couleurs intĂ©rieures enfouies, intimes, pudiques d’une infinie douceur.

MĂŞme incandescence et mĂŞme entente partagĂ©es par les deux solistes du Double Concerto (live de 2008) : le violoncelle de Truls Mork et le violon de Vadim Repin, vif argents, d’une sobriĂ©tĂ© Ă©prise d’Ă©lĂ©gance chambriste, toujours articulĂ©e et d’une subtilitĂ© d’accents… Les nouveaux rĂ©glages de Chailly se ressentent d’autant mieux dans une Ĺ“uvre qui alterne de façon souvent vertigineuse les parties dĂ©volues Ă  tout l’orchestre et l’incise murmurĂ©e et plus ciselĂ©e du chant Ă  deux voix. Chambriste et concertant, comme un Concerto grosso, la partition semble diffĂ©rente Ă  tout ce qui fut jouĂ© jusque lĂ .

Riccardo Chailly dirigeantEn s’appuyant sur la tradition brahmsienne de l’orchestre de Leipzig, songeons que l’orchestre a créé en 1859 le Premier Concerto pour piano,  Riccardo Chailly peut sculpter une sonoritĂ© qui a sa base romantique des plus lĂ©gitimes. En apportant un regard scrupuleux, veillant Ă  la lisibilitĂ© des timbres comme des pupitres, le chef rĂ©ussit son objectif : retrouver un Brahms plus incisif, plus transparent dont le souci de l’architecture et de la couleur se dĂ©voilent magistralement. En somme Brahms Ă©tait un moderne. Loin des clichĂ©s qui en font le suiveur conservateur et orthodoxe de Beethoven, rĂ©solument rival de Mahler Ă  Vienne. L’histoire d’un Brahms dĂ©poussiĂ©rĂ© s’Ă©crit maintenant grâce Ă  son pionnier dĂ©sormais incontournable, Riccardo Chailly.

 

 

 

Tracklisting Intégrale pour orchestre de Brahms :

 

CD1: Symphonie no. 1  op.68; Symphonie no. 3  op.90

CD2: Symphonie no. 2 op.73; Symphonie no. 4  op.98; version alternative du début de la Symphonie n°4

CD3:  Ouverture tragique op.81; Intermezzo op.116 no. 4 (arr. Paul Klengel); Intermezzo op.117 no.1 (arr. Paul Klengel); Variations sur un Thème de Haydn op.56a; Liebeslieder-Walzer op.52; Andante, Symphonie no. 1 – première de la version originale; Academic Festival Overture op.80;  Danses hongroises nos. 1, 3 & 10

CD4: Serenade no. 1 op.11; Serenade no. 2 op.16

CD5: Concerto pour violon op.77 [Leonidas Kavikos]; Concerto for Violin & Violoncelle op.102 [Vadim Repin, Truls Mörk]

CD6: Concerto pour piano no. 1  op.15 [Nelson Freire]

CD7: Concerto pour piano no.2 in B flat op.83 [Nelson Freire]

Orchestre du Concertgebouw de Leipzig

Leipzig Gewandhausorchester
Riccardo Chailly, direction

 

 

 

CD, compte rendu critique. Coffret Brahms : complete orchestral music. Integrale de la musique pour orchestre. Riccardo Chailly, direction. Gewandhaus Orchester Leipzig. 7 cd Decca 4788994 (2006-2014). Parution : mi octobre 2015.

 

 

CD, coffret. Sibelius great performances : Collins, Gibson, Rosbaud, Beinoum, Tuxen, Monteux… (11 cd)

CLIC_macaron_2014Le Concerto pour violon de SibeliusCD, coffret. Compte rendu critique. Sibelius great performances : Collins, Gibson, Rosbaud, Beinoum, Tuxen, Monteux… (11 cd). D’emblĂ©e l’affiche promet le meilleur en effet : complĂ©ment au rĂ©cent coffret Warner regroupant les versions historiques propres aux annĂ©es 1930 (Sibelius : Historical recordings : 1928 – 1945 7 cd, CLIC de classiquenews lui aussi) et dĂ©jĂ  en majoritĂ© britanniques (preuve d’un engouement phĂ©nomĂ©nal pour Sibelius chez nos confrères anglo-saxons dès avant la seconde guerre mondiale), voici la preuve que la faveur anglaise pour le Finnois après la guerre ne s’est pas dĂ©mentie, et comme le prouvent ces archives Decca, dans les annĂ©es 1950, a mĂŞme gagnĂ© une flamme exceptionnelle : les Symphonies par Anthony Collins (auteur d’une intĂ©grale londonienne entre 1952 et 1956, ou le Concerto pour violon par l’excellent, ardent, voire incandescent et super Ă©lĂ©gant soliste Ruggiero Ricci (1958) restent des accomplissements lĂ©gendaires. Comme la fièvre millimĂ©trĂ©e d’une irrĂ©sistible Ă©lĂ©gance (Monteux), d’un dramatisme dĂ©taillĂ© (Gibson), des autres sibĂ©liens qui sur le mĂ©tier symphonique Ă©laborĂ© par un gĂ©nie de l’Ă©criture orchestrale, font preuve d’une Ă©gale implication sidĂ©rante. Aux cĂ´tĂ©s du LSO, le Concertgebouw d’Amsterdam (Beinoum) et le Berliner Philharmoniker (Rosbaud) affirment eux aussi un engagement suprĂŞme au service de partitions captivantes il faut bien le reconnaĂ®tre. Aucun doute, mises en perspective, tant de lectures aussi passionnantes, confirment bien, aux cĂ´tĂ©s de la richesse diverse des interprĂ©tations, l’indiscutable gĂ©nie de SĂ©belius, le plus grand symphoniste du XXè après Ravel, Mahler, Strauss.

 

 

sibelius great performances decca box coffret review critique compte rendu 11 cd compte rendu critique classiquenews

collins AnthonyCollins2Les 7 Symphonies, par le chef pionnier et visionnaire Anthony Collins, vĂ©ritable fleuron inestimable des archives Decca, dĂ©voilent Ă  qui ne le connaissait pas, l’exceptionnel talent de barde prophĂ©tique du chef britannique, capable d’insuffler la transe et la fièvre, mais aussi une intensitĂ© de braise Ă  son orchestre (LSO), de surcroĂ®t ici dans un traitement remastĂ©risĂ© : sens du dĂ©tail, sens de la construction, Ă©lan souverain, surtout fluiditĂ© organique d’un geste qui semble s’abreuver du lyrisme sibĂ©lien comme une source rĂ©gĂ©nĂ©ratrice. Bien avant les Bernstein ou les Karajan, visions si divergentes et somme toute complĂ©mentaires – le dyonisiaque et l’Appolonien-, voici le premier d’entre eux, redevable de l’ami Kajanus, chef et compositeur, fervent interprète des symphonies de Sibelius hors de Finlande : dans les annĂ©es 1950, soit 20 ans après Kajanus, Anthony Collins partage la mĂŞme foi passionnĂ©e, cette profondeur et cette Ă©nergie Ă©ruptive qui fait battre tout l’orchestre au diapason d’un seul cĹ“ur, celui de la miraculeuse nature. Collins avait compris combien le langage de SibĂ©lius Ă©tait gĂ©nial en tant que dernier grand symphoniste post romantique. Sa lecture de la Symphonie n°7 (1954) est un modèle de prĂ©cision, d’engagement, Ă  la fois dĂ©taillĂ© et ciselĂ© mais aussi intense et dramatique. La houle qu’il y dĂ©ploie reste inĂ©galĂ©e, d’une irrĂ©pressible attractivitĂ© par sa puissance et sa justesse. Des mouvements enchaĂ®nĂ©s en un seul, le chef tisse une fresque portĂ©e peu Ă  peu Ă  sa tempĂ©rature de fusion pour que se libère en fin de cycle (Ă  16mn, après 19mn), la formule clĂ© : ni rĂ©pĂ©tition, ni redite, ni dĂ©veloppement abusif, tout l’art de l’Ă©loquence resserrĂ©e de Sibelius se concentre ici dans une direction Ă©conome, dĂ©taillĂ©, surexpressive et Ă©tonnamment juste.

Entiers, souverains dans leur compréhension fortement personnalisés, dans le sillon de Collins, les autres chefs accréditent chacun par la justesse de leur approche, ce coffret plus que recommandable : nécessaire pour qui veut écouter plusieurs propositions de caractère, à des années lumières de la sonorité lisse et fade servie par les uns et les autres plus récents.

De Anthony Collins Ă  Sir Alexander Gibson...

Sibelius : une tradition londonienne

NPG x129513; Sir Alexander Drummond Gibson by Sefton SamuelsCD11 : le top. Dans une prise magnifique (dĂ©taillĂ© et opulente de 1960), l’Ă©cossais Alexander Gibson (dĂ©cĂ©dĂ© en 1995) montre (avant Gergiev) la vitalitĂ© exubĂ©rante et mordorĂ©e des instrumentistes du LSO London symphony orchestra : vivifiant les vertiges et contrastes de la Symphonie n°5 il stupĂ©fait par sa direction souple et incisive. Houle ocĂ©ane et frĂ©missements Ă  la fois gorgĂ©s de vie et d’une puissance inquiĂ©tante, mais aussi baguette analytique oĂą scintillent tous les instruments en une course saisissante : la vision est Ă©lectrisante : Gibson est un sibĂ©lien de première valeur. Plus olympien mais non moins dyonisiaque, Gibson semble 10 ans après Collins, recueillir et rĂ©gĂ©nĂ©rer le flux organique et la transe lĂ©guĂ©e au mĂŞme orchestre par Anthony Collins. La science des climats intĂ©rieurs, la tension collective, surtout la construction et les Ă©quilibres sont remarquables… preuve qu’il y a bien une tradition organique et viscĂ©rale de l’interprĂ©tation sibĂ©lienne Ă  Londres. La dĂ©monstration est Ă©loquente et demeure l’enseignement le plus frappant de ce coffret anthologique. Dautant que la prise Decca de 1958 est Ă©blouissante : un modèle du genre, dĂ©taillant chaque pupitre, chaque instrument dans le respect des Ă©tagements naturels d’un orchestre en salle. Cuivres et cordes en Ă©tat de transe, lyrisme des bois et scintillement des vents sont Ă©poustouflants. A connaĂ®tre en urgence. Gibson, Ă©galement très grand chef lyrique (il est devenu en 1957, l’annĂ©e qui prĂ©cède cet enregistrement lĂ©gendaire, le plus jeune directeur du Sadler’s Wells Theatre), s’est taillĂ© une très solide rĂ©putation dans l’interprĂ©tation des rĂ©pertoires nordiques, Nielsen et Sibelius, mais c’est au service de ce dernier que sa direction Ă  la fois Ă©lĂ©gante et très dĂ©taillĂ©e comme intensĂ©ment dramatique suscite les honneurs. Les annĂ©es 1960 sont florissantes pour ce tempĂ©rament viril et d’une sensibilitĂ© rare : après avoir fondĂ© l’OpĂ©ra d’Ecosse en 1962, il est anobli par la reine en 1967. HĂ©doniste certes, Ă  la façon d’un Bernstein qui paraĂ®trait presque plus dĂ©braillĂ© en comparaison, Gibson exprime l’Ă©quilibre des forces premières d’une nature rĂ©ellement indomptable oĂą par blocs entiers, il dĂ©place le curseur, imposant tour Ă  tour, l’harmonie des bois, la frĂ©nĂ©sie des cordes, l’ampleur hallucinante des cuivres (jusque dans leur dissonances vertigineuses), chacun affirmant au dessus des autres mais très sereinement sa propre Ă©nergie. Le troisième et dernier mouvement est d’une force et d’une limpiditĂ© inouĂŻe, exprimant ce dialogue sous-jacent entre toutes les parties, portĂ©s Ă  un degrĂ© d’intensitĂ© dansante (jusqu’au 7 accords finaux, taillĂ©s comme des gemmes). Rien que pour cette lecture, le coffret mĂ©rite toutes les palmes. Dautant que succèdent Ă  cette 5ème exceptionnelle, les Suites Karela, Roi Christian II, et dans leur première rĂ©alisation discographique : l’Intermezzo de pellĂ©as, la Valse triste, Finlandia.

monteux pierrePierre Monteux (cd 10) participe aussi au prestige sibĂ©lien du LSO dans une Symphonie n°2 (1952) Ă  tomber, rugueuse et âpre d’une vitalitĂ© printanière et mordante quand il faut l’ĂŞtre ; animĂ©e, hallucinĂ©e, et pourtant sculptĂ©e comme peu autour de lui, avec un goĂ»t (français?), une Ă©lĂ©gance dĂ©taillĂ©e et analytique qui saisit. Ce dramatisme Ă©pique, cette vision scintillante se distinguent aussi nettement par son souffle et sa prĂ©cision, un goĂ»t et un style admirables. D’autant quen immense chef lyrique, Monteux sait aussi caractĂ©riser un climat, un Ă©pisode avec une rythmique organique trĂ©pidante (Vivacissimo du 3me mouvement jouĂ© très nerveux et vif, sans Ă©quivalent dans la discographie, contrastant avec le lento e suave, en un geste ample, fluide, vertigineux : la science de la direction est magistrale., et quelle sonoritĂ© des cuivres, aussi nobles et spectaculaires que sous la direction de Gibson.

Van Beinem avec le London Philharmoonic orchestra et le soliste Jan Damen offre une intĂ©ressante lecture du Concerto pour violon (1953) : beaucoup de fièvre dans l’esprit de Collins mais dĂ©jĂ  la flamme s’est assagie.

rosbaud Hans-Rosbaud-350Hans Rosbaud Ă  la tĂŞte du Berliner Philharmoniker (1954, 1955, 1957, 1958) dans une esthĂ©tique plus compacte, nĂ©anmoins riche en sursauts et souci du dĂ©tail, montre combien Sibelius relève de Wagner, Bruckner et des russes dont TchaĂŻkovski Ă©videmment, n’hĂ©sitant pas Ă  obtenir des tensions telluriques entre les pupitres de l’orchestre. De Finlandia, il fait surgir le monstre indomptable puis dansant en une transe assourdissante. Le geste reste viscĂ©ralement enflammĂ©.

L’heureux couplage prĂ©sente aussi les Ĺ“uvres chambristes dont le Quatuor Voces intimae qui rĂ©vèle au fond le vrai tempĂ©rament de Sibelius : celui d’un contemplatif introspectif, grave sans ĂŞtre dĂ©pressif (Griller Quartet, 1951).

tuxen erikSur le mĂŞme cd 6, la version de la Symphonie 5 opus 82 par Erik Tuxen et l’orchestre national symphonique de la Radio Danoise en 1952, est toute de finesse et de mystère sensuel : preuve que dans les rivages nordiques proches, le massif sibĂ©lien, riche en paysage, inspire particulièrement un chef visiblement habitĂ© par le souci et la conscience du gĂ©nial compositeur. Tuxen libère la force sauvage et le feu printanier, – encore bien prĂ©sents au terme des 7 derniers accords-, une activitĂ© souterraine et primitive, ses Ă©clairs intimes comme sa furieuse Ă©nergie avec toujours un souci de l’Ă©quilibre et du relief des instruments qui s’avère passionnant. Tuxen emporte avec une rage conquĂ©rante Finlandia en 1954 :geste vif, fusion lumineuse des instruments, surtout fièvre collective, miroir emblème de toute une nation qui se lève et affirme son indĂ©pendance.

CD, compte rendu critique. Coffret Jean Sibelius : great performances. Symphonies, musiques de scène et poèmes symphoniques: Alexander Gibson, Anthony Collins, Bertil Bokstedt, Charles Mackerras, Eduard Beinum, Hans Rosbaud, Pierre Monteux. London Symphony orchestra, Danish state radio symphony orchestra, Concert gebouw orchestra, Berliner Philharmoniker, London Proms symphony orchestra. Mélodies : Birgit Nilsson, Kirsten Flagstad. Enregistrements réalisés de 1950 à 1960 (11 cd Decca 478 8589). CLIC de classiquenews octobre 2015.

CD, compte rendu critique. Max Emanuel Cencic : Arie Napoletane (1 cd Decca)

cencic arie napolitane cd decca review account of compte rendu critique du cd CLASSIQUENEWS cover Arie NapoletaneCD, compte rendu critique. Max Emanuel Cencic : Arie Napoletane (1 cd Decca). Le chanteur croate, Max Emanuel Cencic, rĂ©cent locataire de l’OpĂ©ra royal de Versailles pour des recrĂ©ations lyriques passionnantes, se dĂ©die dans ce nouvel album Decca, Ă  la flamme dramatique des Napolitains, lesquels au dĂ©but du XVIIIè, s’emparent de la scène lyrique au dĂ©triment de Venise ou de Rome. Associant subtilement virtuositĂ© et dramatisme, les auteurs Napolitains incarnent l’âge d’or de l’opĂ©ra baroque du XVIIIè ainsi que les chanteurs spĂ©cifiques, fruits des Ospedale de la cite partĂ©nopĂ©enne : les castrats. Max Emanuel Cencic rend hommage et Ă  l’essor de Naples comme nouvelle capitale de l’opĂ©ra au XVIIIè, et aux fabuleux “divos”, les castrats dont les contre-tĂ©nors contemporains tentent de rĂ©tablir les prouesses vocales. Après son prĂ©cĂ©dent cd Rokoko, inaugurant sa collaboration chez Decca, Max Emanuel Cencic dans Arie Napoletane confirme la justesse artistique de ses programmes discographiques.

Max Emanuel Cencic dĂ©voile Siroe de HasseMedium Ă©largi et facilitĂ© coloratoure, le contre tĂ©nor altiste Max Emanuel Cencic se dĂ©die aux compositeurs napolitains ici, dont le plus ancien, Alessandro Scarlatti (1660-1725) ouvre une constellation heureuse de tempĂ©raments dramatiques. La collection dĂ©bute avec Porpora et ses acrobaties dĂ©lirantes d’une virtuositĂ© vertigineuse dans des intervalles extrĂŞmes (Polifemo). Puis plus amoureux et solennel, l’air de Demetrio de Leonardo Leo (1694-1744) se distingue : c’est un air langoureux qui exige un legato et un souffle infaillibles, des couleurs riches et  chaudes… que Cencic affirme sans dĂ©faillir.
L’Eraclea de Leonardo Vinci (1690-1730), compositeur que le contre-tĂ©nor apprĂ©cie particulièrement (voir Artaxerse, rĂ©cemment recréé par ses soins), fait montre d’une mĂŞme agilitĂ© vocale, avec en bonus l’âpretĂ© mordante et bondissante des instrumentistes affĂ»tĂ©s d’Il Pomo d’oro.
Plus introspectif et mélancolique Il Progioniero fortunato de Scarlatti permet à Cenci de nuancer et colorer tout autant sur le registre nostalgique.
Somptueuse contribution dans une myriade de premières (le programme n’en est pas avare en regroupant nombre de recrĂ©ations mondiales), le Pergolesi captive : L’infelice in questo stato de L’Olimpiade par ses teintes tendres, et sa profondeur plus mesurĂ©e, nuancĂ©e, caressante, mĂŞme s’il n’est pas inĂ©dit, confirme une Ă©vidente sĂ©duction.
Les deux Leo qui suivent soulignent une caractĂ©risation plus vive, exploitant l’assise de graves Ă©panouis et toujours l’agilitĂ© du medium souple et chaud (Demetrio), sans empĂŞcher une ample gravitĂ© tendre (Siface).
Enfin , la rayonnante sensibilitĂ© du dernier Porpora impressionne par son ampleur et son souffle d’une ineffable tendresse hĂ©roĂŻque, le Germanico in Germania accrĂ©dite encore l’apport du prĂ©sent rĂ©cital : lĂ  encore, le medium parfaitement conduit aux couleurs chaudes, convainc continuement.
Le dernier Scarlatti : “Vago mio sole” de Massimo Puppieno dĂ©veloppe une mĂŞme langueur extatique qui s’appuie sur les seules capacitĂ©s de l’interprète; idĂ©alement inspirĂ©. On note seulement un manque d’expressivitĂ© ou de surenchère parfois opportune dans les reprises da capo : et mĂŞme si l’articulation est parfois lisse moins consomnĂ©e, le feu vocal et la pure virtuositĂ© demeure prenante ; c’est après tout,castrats oblige, le marqueur principale de la fabrique napolitaine baroque.

En bonus, les instrumentistes jouent Ă©galement en première mondiale, les trois mouvements du Concerto en rĂ© majeur pour deux violons et clavecin de Domenico Auletta (1723-1753) dont le feu napolitain, Ă  la fois fantasque et capricieux, d’une bonhommie franche et espiègle (et mĂŞme dĂ©licatement suave dans le largo central) ajoute Ă  ce portrait vocal et instrumental de la vitalitĂ© de l’Ă©cole napolitaine, y compris dans le genre concertant strictement instrumental. L’intelligence du chanteur recentre le chant sur le medium de la voix dĂ©sormais ample et charnu, Ă©vitant soigneusement les suraigus problĂ©matiques. Aux cĂ´tĂ©s de son discernement sur l’Ă©volution irrĂ©sistible de l’organe, la recherche de couleur, de caractère comme de tension expressive reste son souci exemplaire.

CD, compte rendu critique. Arie Napoletane, Max Emanuel Cencic. 1 cd Decca.
Enregistrement réalisé en février 2015.

Tournée 2016. Le programme lyrique Arie Napoletane de Max Emanuel Cencic est en tournée en 2016 : 20 janvier 2016 (Paris, TCE), 22 janvier (Lyon, chapelle de la Trinité), puis 29 mars (Opéra de Rouen).

Cd, compte rendu critique. Schumann : Lederkreis opus 39. Frauenliebe und leben. Berg : 7 lieder de jeunesse. Dorothea Röschmann, soprano. Mitsuka Uchida, piano. 1 cd Decca

Cd, compte rendu critique. Schumann : Lederkreis opus 39. Frauenliebe und leben. Berg : 7 lieder de jeunesse. Dorothea Röschmann, soprano. Mitsuka Uchida, piano. 1 cd Decca. Le sens du verbe, l’Ă©locution ardente et prĂ©cise de Dorothea Röschmann rĂ©tablit les climats proches malgrĂ© leur disparitĂ© esthĂ©tique, des lieder de Schumann et de Berg. Schumann vit de l’intĂ©rieur le drame sentimental ; Berg en exprime avec distanciation tous les questionnements. En apparence Ă©trangers l’un Ă  l’autre, les deux Ă©critures pourtant s’abandonnent Ă  une intensitĂ© lyrique, des Ă©panchements irrĂ©pressibles, clairement inspirĂ©s par l’univers profond voire mystĂ©rieux de la nuit, que le timbre mĂ»r de la soprano allemande sert avec un tact remarquable. L’exquise interprète Ă©coute tous les vertiges intĂ©rieurs des mots. C’est une diseuse soucieuse de l’intelligibilitĂ© vivante de chaque poème. L’engagement vocal exprime chez Schumann comme Berg, le haut degrĂ© d’une conscience marquĂ©e, Ă©prouvĂ©e qui nĂ©anmoins est en quĂŞte de reconstruction permanente.

CLIC_macaron_2014schumann-cd-review-critique-CLASSIQUENEWS-dorothea-roschmann-mitsuko-uchida-lieder-decca-&-cd-critique-review-CLASSIQUENEWSComposĂ©s en 1840, pour cĂ©lĂ©brer son union enfin rĂ©alisĂ©e avec la jeune pianiste Clara Wieck, les Frauenliebe und leben lieder affirme l’exaltation du jeune Ă©poux Schumann qui Ă©crit dans un jaillissement presque exclusif (après n’avoir Ă©crit que des pièce pour piano seul), une sĂ©rie de lieder inspirĂ©s par son amour pour Clara. Les poèmes d’Adelbert von Chamisso, d’origine française, dĂ©peint la vie d’une femme mariĂ©e. “J’ai aimĂ© et vĂ©cu”, chante-t-elle dans le dernier des huit lieder, et le cycle retrace son voyage de son premier amour, en passant par les fiançailles, le mariage, la maternitĂ©, jusqu’au deuil. L’hommage d’un amant admiratif au delĂ  de tout mot se lit ici dans une joie indicible que l’articulation sans prĂ©tention ni affectation de la soprano, Ă©claire d’une intensitĂ©, naturelle, flexible. D’une rare cohĂ©rence, puisque certain passage du dernier rappelle l’Ă©noncĂ© du premier, le cycle suit pas Ă  pas chaque sentiment fĂ©minin avec un tact subtil, mettant en avant l’impact du verbe. De ce point de vue, Ich kann’s nicht fassen, nicht glauben, très proche du parlĂ©, fusionne admirablement les vertiges musicaux et le sens du poème. D’une infinie finesse de projection, gĂ©rant un souffle qui se fait oublier tellement la prononciation est exemplaire, Dorothea Röschmann Ă©claire chaque sĂ©quence d’une sensibilitĂ© naturelle qui porte entre autres, l’exultation Ă  peine mesurĂ©e mais d’un abattage linguistique parfait des 5è et 6è mĂ©lodies (Helft mir, ihr Schwestern… et SĂĽĂźer Freund, du blackest…). Sans dĂ©cors ni prolongement visuel, ce live restitue l’impact dramatique de chaque Ă©pisode, la force de la situation ; l’essence du théâtre ans le chant. Le cycle s’achève sur l’abĂ®me de douleur de la veuve Ă©plorĂ©e au chant tragique et lugubre (Nun hast du mir den ersten Schmerz getan…) : l’attention de la soprano Ă  chaque couleur du poème rĂ©alise un sommet de justesse sincère par sa diversitĂ© nuancĂ©e, son Ă©locution lĂ  aussi millimĂ©trĂ©e en pianissimi tĂ©nus d’une indicible langueur doloriste. D’autant que Schumann y cite les premiers Ă©lans des premiers lieder : une rĂ©itĂ©ration d’une pudeur allusive bouleversante sous les doigts Ă  l’Ă©coute, divins de l’autre magicienne de ce rĂ©cital exceptionnel: Mitsuko Uchida. Cette dernière phrase essentiellement pianistique est la meilleure fin offerte au chant irradiĂ©, embrasĂ© de l’immense soprano qui a tout donnĂ© auparavant. La complicitĂ© est rayonnante; la comprĂ©hension et l’entente indiscutable. Le rĂ©sultat : un rĂ©cital d’une force suggestive et musicale mĂ©morable.

Mélodies de Schumann et de Berg à Londres

Röschmann et Uchida : l’Ă©coute et le partage

 

DatĂ©s de mai 1840 mais publiĂ©s en 1842, les Liederkreis, opus 39 sont eux-aussi portĂ©s par un jaillissement radical des forces du dĂ©sir, et du bonheur conjugal enfin vĂ©cu. Die Stille (5) est un chant embrasĂ© par une nuit d’extase infinie oĂą la tendresse et l’innocence Ă©tendent leur ombre carressante. Le piano file un intimisme qui se fait repli d’une pudeur prĂ©servĂ©e : toute la dĂ©licatesse et l’implicite dont est capable la magicienne de la suggestion Mitsuko Uchida, sont lĂ , synthĂ©tisĂ©s dans un Schumann serviteur d’une effusion première, idĂ©ale, comme virginale.
En fin de cycle , trois mĂ©lodies retiennent plus prĂ©cisĂ©ment notre attention : Wehmut, (9), plus apaisĂ©, est appel au pardon, tissĂ© dans un sentiment de rĂ©conciliation tendre ; puis Zwielicht (10) souligne les ressources de la diseuse embrasĂ©e, diseuse perfectionniste surtout, et d’une prĂ©cision archanĂ©enne, quant Ă  la coloration et l’intention de chaque mot, n’hĂ©sitant pas Ă  dĂ©clamer une imprĂ©cation habitĂ©e qui convoque les rĂ©fĂ©rences fantastiques du texte (de fait la poĂ©sie d’Eichendorff est constellĂ© de dĂ©tails parfois terrifiants comme ces arbres frissonnants sous l’effet d’une puissance occulte et inconnue). Enfin, l’ultime : FrĂĽhlingsnacht (retour Ă  la nuit, 12) s’affirme en son Ă©lan printanier, palpitant, celui d’une ardeur souveraine et conquĂ©rante, porteur d’un irrĂ©pressible sentiment d’extase, avec cette coloration rĂ©gulière crĂ©pusculaire, rĂ©fĂ©rence Ă  la nuit du rĂŞve et de l’onirisme.

 

 

Dorothea-Roeschmann--Mitsuko-Uchida

 

 

Au centre du cycle se trouvent deux lieder liés : “Auf einer Burg” et “In der Fremde”. Le premier, avec sa subtile tapisserie contrapuntique, est écrit dans un style ancien, et son atmosphère austère préfigure le célèbre mouvement évoquant la “Cathédrale de Cologne” dans la Symphonie “Rhénane” de Schumann. La tonalité réelle du lied n’est pas le mi mineur dans lequel il commence, mais un la mineur suggestif. La musique aboutit à une demi-cadence sur l’accord de mi majeur, formant une transition avec le lied suivant, dont la ligne mélodique est clairement issue de la même graine.
Les autres lieder du Liederkreis op. 39 sont parmi les plus cĂ©lèbres de Schumann : “Intermezzo”, (“Dein Bildnis wunderselig”), avec son accompagnement de piano syncopĂ© d’une excitation Ă  peine contenue ; l’évocation magique d’une nuit au clair de lune dans “Mondnacht”, avec la ligne vocale rĂ©pĂ©tĂ©e hypnotiquement est lui aussi paysage nocturne, du moins jusqu’au retour chez lui du poète mais enivrĂ© et exaltĂ© dans le “FrĂĽhlingsnacht” final, oĂą il voit son amour comblĂ© au retour du printemps.
Les paysages nocturnes des Sept Lieder de jeunesse d’Alban Berg, remontent Ă  ses Ă©tudes quand il Ă©tait Ă©lève de composition en 1904 dans la classe de Schoenberg, et furent regroupĂ©s et minutieusement Ă©ditĂ©s avec accompagnement orchestral en 1928. Dorothea Röschmann chante leur transcription pour piano. Le plus Ă©perdu (plage 15) demeure Die Nachtigall (le Rossignol) lequel marquĂ© par le romantisme d’un Strauss semble rĂ©capituler par son souffle et son intensitĂ©, toute la littĂ©rature romantique tardive, synthĂ©tisant et Schumann et Brahms. Pianiste et chanteuse abordent avec un soin quasi clinique chaque changement de climat et de caractère, offrant une ciselure du mot d’une intensitĂ© sidĂ©rante : impressionnisme de Nacht, traumgekrönt plus wagnĂ©rien, ou Sommertage (jours d’Ă©tĂ©) clairement influencĂ© par son maĂ®tre d’alors Schoenberg : fondĂ© sur une dĂ©construction et un style Ă  rebours caractĂ©ristique Ă©lĂ©ments dont le piano Ă  la fois mesurĂ©, incandescent de Uchida souligne l’embrasement harmonique, jusqu’Ă  l’ultime rĂ©sonance de la dernière note du dernier lied. D’après Nikolaus Lenau, Theodor Storm et Rainer Maria Rilke —, Berg cultive ses goĂ»ts littĂ©raires avec une exigence digne des grands maĂ®tres qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©. Dorothea Röschmann semble en connaĂ®tre les moindres recoins sĂ©mantiques, les plus infimes allusions poĂ©tiques qui fait de son chant un geste vocal qui retrouve l’essence théâtrale et l’enivrement lyrique les plus justes.

schumann-cd-review-critique-CLASSIQUENEWS-dorothea-roschmann-mitsuko-uchida-lieder-decca-&-cd-critique-review-CLASSIQUENEWSCd, compte rendu critique. Schumann : Lederkreis opus 39. Frauenliebe und leben. Berg : 7 lieder de jeunesse. Dorothea Röschmann, soprano. Mitsuka Uchida, piano. 1 cd Decca 00289 478 8439. Enregistrement live réalisé au Wigmore Hall, London, 2 & 5 Mai 2015.

ROBERT SCHUMANN (1810–1856)
Liederkreis, op.39

1 I In der Fremde 1.45
2 II Intermezzo 1.53
3 III Waldesgespräch 2.38
4 IV Die Stille 1.49
5 V Mondnacht 3.52
6 VI Schöne Fremde 1.22
7 VII Auf einer Burg 3.19
8 VIII In der Fremde 1.25
9 IX Wehmut 2.40
10 X Zwielicht 3.29
11 XI Im Walde 1.35
12 XII FrĂĽhlingsnacht 1.28

ALBAN BERG (1885–1935)
Sieben frĂĽhe Lieder
Seven Early Songs · Sept Lieder de jeunesse

13 I Nacht 4.14
14 II Schilflied 2.18
15 III Die Nachtigall 2.14
16 IV Traumgekrönt 2.41
17 V Im Zimmer 1.21
18 VI Liebesode 1.57
19 VII Sommertage 2.00

ROBERT SCHUMANN
Frauenliebe und -leben, op.42

20 I Seit ich ihn gesehen 2.39
21 II Er, der Herrlichste von allen 3.41
22 III Ich kann’s nicht fassen, nicht glauben 1.58
23 IV Du Ring an meinem Finger 3.01
24 V Helft mir, ihr Schwestern 2.15
25 VI SĂĽĂźer Freund, du blickest 4.43
26 VII An meinem Herzen, an meiner Brust 1.33
27 VIII Nun hast du mir den ersten Schmerz getan 4.39

DOROTHEA RĂ–SCHMANN soprano
MITSUKO UCHIDA piano

CD/Download 00289 478 8439
Recording Location: Wigmore Hall, London, 2 & 5 mai 2015 (enregistrement live ).

 

 

 

Opera de poche : la nouvelle Playlist de Decca et Deutsche Grammophon

opera-de-poche-decca-deutsche-grammophon-playlist-cdINTERNET. Decca / DG lance la Playlist Opéra de poche. A l’occasion de l’actualité lyrique en France, Universal music lance une nouvelle offre numérique. En complément à l’opéra de Puccini, Madama Butterfly, actuellement à l’affiche de l’Opéra Bastile à Paris, (jusqu’au 13 octobre 2015), composez votre propre playlist, constitué d’extraits, les séquences les plus fortes de l’ouvrage, à partir des meilleures interprétations enregistrées chez Decca, Deustche Grammophon…  le principe est simple : (re)découvrir un opéra à travers ses tubes dans des versions de référence en un peu plus d’1h. Avant Madama Butterfly, découvrez les ressources de ce projet avec Don Giovanni, l’opéra des opéras signés Mozart et son librettiste, Da Ponte. Découvrez parmi les très nombreuses versions disponibles, les extraits et les temps forts de celles qui sont les plus convaincantes…

Découvrez la playlist OPERA DE POCHE #1 DON GIOVANNI : une histoire entre comédie et tragédie où le célèbre séducteur Don Juan (accompagné de son fidèle servant Leporello) court les femmes avant d’être rattrapée par ses pires démons.

En savoir plus sur http://www.clubdeutschegrammophon.com/playlists/opera-poche-1-don-giovanni/#dsUoOq7WhCbAYc0D.99

Opera de poche : la nouvelle Playlist de Decca et Deutsche Grammophon : (re)découvrir un opéra à partir des versions légendaires de Decca et Deutsche GrammophonDisponible en streaming sur toutes les plateformes, connectez-vous où que vous soyez et développez votre culture musicale en un seul clic. Appuyez sur Play et laissez-vous emporter comme par magie. Libre à vous par la suite de continuer en profondeur la découverte de l’opéra en cliquant sur les versions de références choisies sur notre playlist.

En écoute sur DEEZER et sur SPOTIFY.

APPROFONDIR : LIRE notre dossier spécial DON Giovanni de Mozart

CD, compte rendu critique. Stephen Kovacevich : the complete Philips recordings (25 cd Decca)

kovacevich stephen decca complete decca philips recordings Stephen_Kovacevich_Credit_David_Thompson_EMI_Classics_-_CD, compte rendu critique. Stephen Kovacevich : the complete Philips recordings (25 cd Decca). Le pianiste et chef d’orchestre amĂ©ricain (il a Ă©tĂ© directeur musical de l’Orchestre de chambre d’Europe), Stephen Kovacevich (Stephen Bishop-Kovacevich de son vrai nom) est nĂ© le 17 octobre 1940 Ă  San Pedro (Californie) d’un père serbe originaire de Croatie (rĂ©gion de Lika) et d’une mère amĂ©ricaine. A 11 ans, il jouait dĂ©jĂ  Ă  San Francisco en 1951 le Concertino pour piano de Jean Françaix. A Londres, le jeune homme de 18 ans parfait sa technique et sa musicalitĂ© auprès de Myra Hess. Sa carrière dĂ©bute officiellement en 1961 lors d’un rĂ©cital, au Wigmore Hall de Londres (au programme : la Sonate de Berg, trois PrĂ©ludes et Fugues de Bach et les Variations Diabelli de Beethoven).

 

 

kovacevich stephen decca the complete recordings on Philips presentation review compte rendu cd coffret decca CLASSIQUENEWS

 

 

kovacevich stephen coffret double view review compte rendu critique cd philips decca Le coffret regroupant toutes les archives anciennement Philips, souligne les grands défis interprétatifs qui sont aussi les territoires particulièrement appréciés par le pianiste américain : Beethoven (concertos, Sonates, Bagatelles), Brahms surtout (Concertos, Scherzos, Valses, Intermezzos, Rhapsodies, Klavierstücke…), Bartok (Concertos), Mozart (Concertos). Piliers de cet héritage pianistique, les réalisations avec les orchestres londoniens BBC Symphonic orchestra, London Symphony orchestra LSO (en particulier sous la direction de Colin Davis), sont les arguments majeurs du coffret Kovacevich 2015. Compagnon de la féline et irrésistible Martha Argerich, Stephen Kovacevich rayonne ici par son jeu carré et fin, doué d’une clarté communicante et vive qui s’est affirmée sans réserves chez Beethoven, Mozart, Schumann, Ravel ou Bartok. Le partenaire et compagnon de Martha Argerich, a construit sa carrière sur l’engagement et la réflexion critique des partitions : leur fille Stéphanie a récemment réalisé un film documentaire d’une écriture libre qui laisse la part belle à l’évocation pudique de leur vie de famille : Bloody daughter, 2013 : LIRE notre compte rendu du dock Bloody Daughter par Stéphanie Argerich Kovacevich.

 

Stephen Kovacevich : the complete Philips recordings (25 cd Decca)

 

 

 

CD annonce. cd Arie napolitaine par Max Emanuel Cencic (Decca). A paraître le 2 octobre 2015

cencic arie napolitane cd decca review account of compte rendu critique du cd CLASSIQUENEWS cover Arie NapoletaneCD annonce. cd Arie napolitaine par Max Emanuel Cencic (Decca). A paraĂ®tre le 2 octobre 2015. Après le formidable Artaserse (1730, rĂ©vĂ©lĂ© dès 2012) de Leonardo Vinci (auteur prĂ©sent Ă  nouveau ici), Ă  la fois tremplin des jeune nouveaux hautes contres (Fagioli, Berna Sabadus, Mynenko…) et ouvrage d’un flamboyant lyrisme propre Ă  la Naples du XVIIè, le contre tĂ©nor croate nĂ© en 1976 (altiste) Max Emanuel Cencic affirme un goĂ»t sĂ»r pour le dĂ©frichement rare et d’autant plus admirable : il continue d’explorer les trĂ©sors oubliĂ©s partĂ©nopĂ©ens avec un nouvel album Ă©ditĂ© par Decca, dĂ©but octobre 2015 : Arie Napoletane, nouveau rĂ©cital, comportant plusieurs rĂ©vĂ©lations, joyaux de l’opera seria napolitain du dĂ©but du XVIII e siècle  (soit 10 enregistrements en première mondiale); le travail du chanteur observe et la sensualitĂ© virtuose des airs d’hĂ©roĂŻsme ou de langueur et l’impact linguistique des rĂ©citatifs qui mettent en avant le texte, Ă©lĂ©ment essentiel de la lyre italienne baroque. A l’époque, la machine napolitaine doit sa grande rĂ©putation et son extraordinaire sĂ©duction au chant des castrats (Farinelli, Senesino ou encore Caffarelli s’y sont rĂ©vĂ©lĂ©s), enfants musiciens virtuoses produits des quatre conservatoires de Naples sur lesquels rĂ©gnèrent des auteurs attentionnĂ©s et soucieux de l’essor de leurs Ă©lèves chanteurs : Alessandro Scarlatti, Leonardo Leo, Leonardo Vinci, Nicola Porpora ou encore Giovanni Battista Pergolesi… Les amateurs de chant passionnĂ© autant que contournĂ© retrouvent ici Max Emanuel Cencic, cette voix flexible, corsĂ©e, contrastĂ©e qui aime cultiver les dĂ©fis vocaux. Comme Cecilia Bartoli, Cencic aime approfondir et bien prĂ©parer chaque rĂ©cital lyrique… Celui-lĂ  en est un, après un prĂ©cĂ©dent dĂ©diĂ© Ă  Adolf Hasse, “Apollon europĂ©en”, auteur de virtuositĂ©s elles aussi langoureuses et hĂ©roĂŻques… (LIRE notre compte rendu du cd Rokoko, Ă©ditĂ© par Decca dĂ©jĂ  en janvier 2014 avec l’excellent ensemble Armonia Atenea de George Petrou). Prochaine critique dĂ©veloppĂ©e du cd Arie napolitaine par Max Emanuel Cencic dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

 

LIRE aussi notre critique développée du DVD Artaserse de Leonardo Vinci

 

 

 

CD, annonce. TURANDOT nouvelle avec le Calaf d’Andrea Bocelli (Decca, à paraître le 31 juillet 2015)

TURANDOT-puccini-zubin-mehta-500-cd-decca-andrea-bocelli-CD, annonce. TURANDOT nouvelle avec le Calaf d’Andrea Bocelli. AnnoncĂ© le 31 juillet 2015, un nouveau coffret Decca met Ă  l’honneur le Calaf du tĂ©nor Andrea Bocelli (nĂ© en 1958) : voix franche, Ă©mission directe et musicalement assurĂ©e, le prince futur Ă©poux de la princesse frigide Turandot gagne ici après les Pavarotti, Carreras, Domingo, un ardent interprète soucieux d’exprimer la vaillance de celui qui au mĂ©pris des risques encourus, dĂ©mĂŞle les 3 Ă©nigmes Ă©noncĂ©es par la fille de l’Empereur de Chine… InspirĂ© de Gozzi (Turandot, 1761), et enregistrĂ© dans la Valence ibĂ©rique, l’opĂ©ra de Puccini, laissĂ© inachevĂ© en 1924 par le compositeur italien, semble une Ă©nergie narrative intacte grâce Ă  l’instinct Ă©lectrique et fiĂ©vreux du chef requis pour conduire les troupes impressionnantes de la fresque orientale (Zubin Mehta, familier de la partition pour l’avoir entre autres dirigĂ©e Ă  PĂ©kin, Ă  la CitĂ© Interdite dans une production spectaculaire et féérique), d’autant que l’ouvrage Ă  la fois féérie sentimentale et fresque grandiose, mĂŞlant sentimental et terrifiant, nĂ©cessite un orchestre colossal et des choeurs au format hollywoodien. Face Ă  Andrea Bocelli, la soprano amĂ©ricaine Jennifer Wilson, campe une femme dĂ©jĂ  mĂ»re mais vierge, aux aigus tranchants qui cependant sait inflĂ©chir sa duretĂ© primitive et rĂ©pondre Ă  l’amour pur d’un Calaf compatissant… a presque 60 ans, le tĂ©nor Bocelli dĂ©montre qu’il peut tout chanter avec un aplomb et une musicalitĂ© toujours prĂŞts Ă  en dĂ©coudre. Prochaine critique dĂ©veloppĂ©e dans le mag cd, dvd, livres de classiquenews.com

 

CD, annonce. Une nouvelle TURANDOT avec le Calaf d’Andrea Bocelli. Annoncé le 31 juillet 2015. 2 cd Decca.

CD, coffret événement. Wagner : der Ring des Nibelungen (Georg Solti 1958 -1964, cd DECCA)

decca ring wagner solti culshaw presentation critique coffret cd Decca CLASSIQUENEWS CLIC de classiquenews 2015 juin 2015CD, coffret Ă©vĂ©nement. Wagner : der Ring des Nibelungen  (Georg  Solti 1958 -1964, cd DECCA). Dans l’histoire  de l’enregistrement stĂ©rĂ©o  cette première intĂ©grale au disque enregistrĂ©e pour le studio amorcĂ©e Ă  Vienne en 1958, fait date : c’est le producteur britannique chez Decca, John Culshaw qui ayant le projet d’enregistrer tout le Ring choisit le jeune Georg Solti plutĂ´t que le vieux Knappertsbuch : l’odyssĂ©e discographique durera jusqu’en 1964 (non sans mal car le tempĂ©rament de Solti surtout dans sa jeune maturitĂ© de quadra a  souvent heurtĂ© l’éducation des instrumentistes viennois… Qu’importe, l’obsession du dĂ©tail, le rouleau compresseur et le bourreau de travail qu’est Solti avec ses manières parfois âpres, exploitent au maximum les qualitĂ©s du Philharmonique de Vienne ce jusqu’en 1964, annĂ©e du dernier volume : Götterdämmerung / Le CrĂ©puscule des dieux. Une esthĂ©tique spĂ©cifique marque l’interprĂ©tation wagnĂ©rienne car dĂ©sormais plus besoin d’aller Ă  Bayreuth pour ressentir la sensation de la scène ni les performances particulières d’une spacialisation spĂ©cialement conçue pour clarifier l’enjeu de chaque situation et aussi le jeu psychologique opposant ou rapprochant les personnages ; c’est peu dire que la manipulation prĂ©vaut dans le Ring wagnĂ©rien… et que le pouvoir occulte, cachĂ© mais rendu audible par le chant orchestral, de la psychĂ©, pèse essentiellement dans le cheminement dramatique du cycle des 4 opĂ©ras.

 

 

 

Première intégrale du Ring pour le disque, la réalisation dirigée par Solti saisit toujours par la grande cohérence et l’acuité dramatique de sa conception

Heroic Fantaisy post romantique

Richard WagnerA l’heure de Penny dreadfull ou surtout du fantastique Ă©pique et magique  rĂ©gĂ©nĂ©rĂ© par une sĂ©rie mondialement hors normes comme Game  of thrones,  force est de constater que dĂ©jĂ  en 1876, le gĂ©nie  de Wagner, revivifiant et synthĂ©tisant de nombreuses lĂ©gendes et mythes du passĂ©, avait  tout envisagĂ© et conceptualisĂ© : la construction dramatique,  la puissance vĂ©nĂ©neuse d’images / tableaux Ă©motionnellement irrĂ©sistibles, sublimĂ©es par une musique qui rendant explicite grâce au tissu très complexe des fameux leitmotive, d’une fluiditĂ© souterraine, exprime par les notes, tout ce que les personnages ne disent pas mais pensent prĂ©cisĂ©ment. Le dĂ©coupage et l’approfondissement psychologique de chaque sĂ©quence comme l’enchaĂ®nement des scènes dĂ©montrent l’une des facettes de l’immense gĂ©nie du Wagner dramaturge.

Jamais musique n’aura Ă  ce point sonder les âmes, reconstituer par une mosaĂŻque scintillante et subtilement tissĂ©e, l’Ă©cheveau des pensĂ©es qui composent en s’entremĂŞlant  le caractère et les pulsions souvent contradictoires et changeantes de chaque protagoniste : terreau fĂ©cond des traumas, dĂ©sirs ou rĂŞves les plus intimes qui motivent et dĂ©terminent les actes de chacun par rĂ©percussion. …

Un exemple parmi tant d’autres ? Une sĂ©quence purement symphonique se distingue dans le panthĂ©on des moments les mieux Ă©laborĂ©s et les plus riches en connotations du Ring. On sera toujours sidĂ©rĂ©s de mesurer ainsi la sublime solitude de BrĂĽnnhilde en sa foi  amoureuse sublime pour Siegfried bientĂ´t dĂ©truite par ce dernier qui vient la violenter absent Ă  lui mĂŞme et manipulĂ© par l’infâme et dĂ©moniaque Hagen  (passage de la première partie Ă  la seconde, du premier acte du CrĂ©puscule des dieux). Cet intermède symphonique chef d’oeuvre absolu du théâtre wagnĂ©rien (et qui montre contre tout ce qu’on Ă©crit encore que Wagner et l’un des symphonistes le plus subtils du XIXè) vaut toutes les dĂ©monstrations sur le pouvoir de la musique comme chant de la psychĂ©. Wagner nous dit tout ici: les forces dĂ©moniaques du pervers Hagen que l’on vient juste de quitter : c’est lui dĂ©sormais et jusqu’Ă  la mort du hĂ©ros, le maĂ®tre de Siegfried ; la puretĂ© morale de l’ex Walkyrie  devenue femme Ă©pouse par amour et par compassion, son sacrifice annoncĂ©, la perte de tout bonheur Ă  cause de la malĂ©diction de l’anneau qu’elle porte alors, et donc  de la fin de l’humanitĂ©. … ce CrĂ©puscule n’est pas celui des dieux : il s’agit bien de la fin de l’homme  et de la civilisation sous le poids de ses pulsions les plus noires comme les plus contemporaines : soif du pouvoir, soif de l’or au mĂ©pris de l’amour vĂ©ritable. Dans cette transition symphonique, veritable tableau commentaire des forces agissantes, Wagner dĂ©peint la violence tragique et cynique que infĂ©ode hĂ©ros et situations.

 

 

john-culshaw-goerg-solti-ring-wagner-londres-1958-1964-critique-presentation-classiquenews

 

Georg Solti et John Culshaw le producteur du Ring historique de 1958 (DR)

 

 

C’est un Ă©pisode de musique pure oĂą le cheminement du hĂ©ros manipulé  (qui va rejoindre le rocher de son aimĂ©e dont il n’a plus le souvenir et qu’il va honteusement trahir), la sublime passion de BrĂĽnnhilde  (exposĂ©e Ă  la clarinette), mais aussi l’Ă©noncĂ© du drame qui se joie au moment oĂą l’auditeur Ă©coute comme un acteur complice la situation sont exprimĂ©s dans une clartĂ© Ă©conome. Solti ouvre une nouvelle perspective mentale et psychologique oĂą Wagner Ă©tirant le temps et l’espace appelle Ă  un traitement discographique : l’imagination, la sensation libĂ©rĂ©es du dictât visuel peuvent se dĂ©ployer sans limites. VoilĂ  inscrit dans l’Ă©criture mĂŞme de Wagner, des composantes qui rendent au XX ème tout traitement de la TĂ©tralogie, hors scène, absolument captivant. Solti a façonné  son Ring au niveau de cette architecture poĂ©tique et musicale conçue  par Wagner. .. une conception qui dĂ©passe la simple exĂ©cution en studio prĂ©fĂ©rant comme le fera Karajan après lui dans les annĂ©es 1960 mais Ă  Berlin avec le Berliner  Philharmoniker, l’idĂ©e de fĂ©erie ou de fantaisie ou mieux, de théâtre total et sonore grâce au disque. Celui qui Ă©choua  Ă  Bayreuth (il ne dirige qu’une seule annĂ©e en 1982 et en plus sans comprendre vĂ©ritablement les spĂ©cificitĂ©s de la fosse),  Ă©difie ici sa propre TĂ©tralogie dont la ciselure instrumentale, le souffle de la conception orchestrale, le choix des voix solistes  bien sĂ»r affirment une pensĂ©e globale douĂ©e d’imagination et d’une rare efficacitĂ© dramatique (une rĂ©fĂ©rence Ă  laquelle puise Karajan et qu’il s’ingĂ©niera Ă  dĂ©passer).

Pour autant en s’appuyant sur les seules et immenses ressources de la texture orchestrale, fallait-il  rajouter  des effets dignes d’Hollywood comme le coup  de tonnerre comme pour annoncer la catastrophe Ă  venir  (trahison de Siegfried, humiliation de BrĂĽnnhilde…), justement dans la sĂ©quence purement orchestrale que nous venons de distinguer prĂ©cĂ©demment.

 

A chacun de se forger sa propre idĂ©e : très articulĂ©e et nerveuse, la vision du jeune Solti (46 ans) s’impose toujours grâce Ă  cette acuitĂ© expressive plus fĂ©line que le théâtre sensuel intellectuel d’un Karajan infiniment plus introspectif, par exemple-, dans une réédition d’autant plus nĂ©cessaire qu’elle a fait l’objet d’une remasterisation très bĂ©nĂ©fique (en rĂ©alitĂ© qui remonte Ă  2012, alors rĂ©alisĂ© pour le centenaire Solti).  Grâce Ă  l’intelligence de cette première intĂ©grale stĂ©rĂ©o du Ring, Decca  s’affirmait bel et bien comme un label majeur pour l’opĂ©ra, et Solti gagnait ses galons de chef internationalement reconnu qui ne ne tardera pas après cet accomplissement wagnĂ©rien, à diriger entre autres le Royal Opera House Covent  Garden avec le succès  que l’on sait.

Produit d’une collaboration oĂą le producteur de Decca a comptĂ© de façon dĂ©cisive, le livret comporte toute les prĂ©sentations de chaque opĂ©ra par John Culshaw (le vrai concepteur de ce Ring pionnier), approche et note d’intention captivante qui explique ce qui s’offre Ă  notre Ă©coute (options interprĂ©tatives, enjeux et genèse de chaque ouvrage…  : cette TĂ©tralogie a Ă©tĂ© prĂ©alablement analysĂ©e et l’enregistrement est le fruit d’une pensĂ©e attentive et scrupuleuse Ă  en dĂ©fendre l’acuitĂ© dramatique comme le sens humaniste souvent mĂ©sestimĂ©). Il n’est que la TĂ©tralogie par Karajan Ă  Berlin Ă  partir de 1966, soit 8 ans après l’initiative de Solti/Culshaw, – Ă©galement conçue pour le studio-, qui atteigne un tel approfondissement esthĂ©tique et interprĂ©tatif sur l’oeuvre wagnĂ©rienne. En outre, 3 cd en bonus complètent la comprĂ©hension du cycle du Ring : 2 cd constituent l’introduction au Ring par Deryck Cooke, 1 ultime cd regroupe l’ensemble des livrets anglais / français (compatible Adobe acrobat 6.0)

Richard Wagner
Le Ring des Nibelungen
Der Ring des Nibelungen

The Ring of the Nibelung
Das Rheingold — Die Walküre — Siegfried — Götterdämmerung

George London, Kirsten Flagstad, James King, Régine Crespin, Hans Hotter, Birgit Nilsson, Christa Ludwig, Wolfgang Windgassen, Dietrich Fischer-Dieskau

Wiener Staatsopernchor, Wiener Philharmoniker. Georg Solti, direction. John Culshaw, production, conception artistique.

 

 

Prochaine critique complète du Ring Wagner par Georg  Solti  (1958-1964 / 16 cd) dans le mag cd dvd, livres  de CLASSIQUENEWS.COM

 

 

CD, opéra. Compte rendu critique. Vinci : Catone in Utica, 1728 (Cencic, 3 cd Decca 2014)

cd vinci metastase catone in utica opera max emanuel cencic franco fagioli cd opera critique CLIC de classiquenews juin 2015CD, opĂ©ra. Compte rendu critique. Vinci : Catone in Utica, 1728 (Cencic, 3 cd Decca 2014). Contre la tyrannie impĂ©riale… Siroe (1726), Semiramide riconosciuta (1729), Alessandro nell’India (1729), Artaserse (1730)… Leonardo Vinci a créée nombre de livrets de MĂ©tastase sur la scène lyrique, assurant pour beaucoup leur longĂ©vitĂ© sur les planches comme en tĂ©moigne le nombre de leurs reprises et les traitements musicaux par des compositeurs diffĂ©rents (dont Ă©videmment Haendel) : 24 fois pour Catone, 68 fois pour Alessandro, 83 fois pour Artaserse (ouvrage prĂ©cĂ©demment abordĂ© par Cencic et sa brillante Ă©quipe, sujet d’un passionnant DVD chez Warner classics). Leonardo Vinci, homonyme du cĂ©lèbre peintre de la Renaissance est donc une figure majeure de l’essor du genre seria napolitain au dĂ©but du XVIIIème siècle.
C’est l’enseignement que dĂ©fend aujourd’hui Max Emanuel Cencic ; c’est aussi le cas naturellement de Catone in Utica, créé en 1728 Ă  Rome dans lequel Vinci dĂ©ploie une urgence et une hargne sans pareil pour incarner la rĂ©sistance de l’idĂ©al rĂ©publicain romain (incarnĂ©e par Caton et ses partisans) contre la tyrannie impĂ©riale incarnĂ©e par CĂ©sar. A travers l’opposition guerrière en Utique du vieux rĂ©publicain et du jeune Empereur, se joue aussi le destin d’une famille, celle de Caton et de sa fille Marzia… laquelle aime contre l’idĂ©alisme et les combats moraux de son père,… Cesare. La passion dĂ©sespĂ©rĂ©e du père qui apprend un tel sentiment se dĂ©verse en un air foudroyant de haine et de dĂ©ploration impuissante Ă  la fois, lequel illumine tout l’acte II (L’ira soffrir saprei / Je saurai toujours endurer.. : coeur du politique endurci pourtant atteint dans sa chair, cd3 plage2).
Du reste l’entĂŞtĂ©e jeune fille ne fait pas seulement le dĂ©pit de son père, mais aussi celui de son prĂ©tendant Arbace, alliĂ© de Catone et qui doit bien reconnaĂ®tre lui aussi la suprĂ©matie de Cesare dans le coeur de son aimĂ©e (superbe air de lamentation langoureuse, cd3, plage7 : Che sia la gelosia / Il est vai que la jalousie…)
Le rĂ©alisme (outrancier pour l’audience romaine… qui y voyait trop ouvertement l’engagement de Vinci et Metastase contre l’impĂ©rialisme des Habsbourg en Italie…) se dĂ©voile surtout dans l’acte III et ses coupes nerveuses, convulsives que l’ensemble Il Pomo d’oro saisit Ă  bras le corps. DĂ©termination de Fulvio partisan de Cesare, certitude de Cesare au triomphalisme aigu, portĂ© par l’amour que lui porte la propre fille de son vieil ennemi, laquelle s’embrase en vertiges et panique inquiète (air confusa, smarrita / confuse, Ă©garĂ©e, cd3 plage12), c’est finalement la dĂ©faite de Cesare sur le plan moral et sentimental qui Ă©clate en fin d’action : car l’Empereur ici perd et la reconnaissance de son plus ardent rival (Caton se suicide, scène XII) et l’amour de celle qui avait Ă©treint son cĹ“ur, Marzia qui finalement le rejette par compassion pour la mort de son père… Autant de passions affrontĂ©es, exacerbĂ©es surgissent Ă©clatantes dans le très impressionnant quatuor (pour l’Ă©poque) qui conclue la scène 8 : une sĂ©quence parfaitement rĂ©ussie, dramatiquement aussi ciselĂ©e qu’efficace dans l’exposition des enjeux simultanĂ©s. Un modèle du genre seria. Et le meilleur argument pour redĂ©couvrir l’Ă©criture de Vinci.

 

 

 

 

Catone in Utica (1728) confirme les affinitĂ©s du contre-tĂ©nor Cencic avec l’opĂ©ra seria metastasien du dĂ©but XVIIIème

Seria napolitain, idéalement expressif et caractérisé

 

 

CLIC_macaron_2014vinci leonardo portrait compositeur napolitainDans le sillon de ses prĂ©cĂ©dentes rĂ©alisations qui ont rĂ©uni sur la mĂŞme scène, un plateau de contre tĂ©nors caractĂ©risĂ©s (Siroe de Hasse, Artaserse de Vinci), Max Emanuel Cencic, chanteur initiateur de la production, rend hommage Ă  l’âge d’or du seria napolitain. C’est Ă  nouveau une pleine rĂ©ussite qui s’appuie surtout sur l’engagement vocale et expressif des solistes dans les rĂ´les dessinĂ©s avec soin par Vinci et MĂ©tastase : le cĂ´tĂ© des vertueux rĂ©publicains, opposĂ©s Ă  Cesare est très finement dĂ©fendu. Saluons ainsi le Catone palpitant et subtile du tĂ©nor Juan Sancho, comme le veloutĂ© plus langoureux de Max Emanuel Cencic dans le rĂ´le d’Arbace. Le sopraniste Valer Sabadus trouve souvent l’intonation juste et la couleur fĂ©minine nuancĂ©e dans le rĂ´le de la fille d’abord infidèle Ă  son père puis obĂ©issante (Marzia). Reste que face Ă  eux, les vocalisations et la tension dramatique qu’apporte Franco Faggioli au personnage de Cesare consolident la grande cohĂ©rence artistique de la production. D’autant que les chanteurs peuvent s’appuyer sur le tapis vibrant et mĂŞme parfois trop bondissant des instrumentistes d’Il Pomo d’Oro pilotĂ© par Riccardo Minasi.
De toute Ă©vidence, en ces temps de pĂ©nuries de nouvelles productions lyriques liĂ©es au disque, ce Catone in Utica renouvelle l’accomplissement des prĂ©cĂ©dentes rĂ©surrections promues par le contre tĂ©nor Max Emanuel Cencic dont n’on avait pas mesurĂ© suffisamment l’esprit dĂ©fricheur. Les fruits de ses recherches et son intuition inspirĂ©e apportent leurs indiscutables apports.

Les amateurs de baroque hĂ©roĂŻque, enflammĂ© pourront dĂ©couvrir l’ouvrage de Vinci et MĂ©tastase en version scĂ©nique Ă  l’OpĂ©ra de Versailles, pour 4 dates, les 16,19,21 juin 2015. N’y paraissent que des chanteurs masculins en conformitĂ© avec le dĂ©cret pontifical de Sixtus V (1588) interdisant aux femmes de se produire sur une scène. Le disque rĂ©alisĂ© en mars 2014 et publiĂ© par Decca a particulièrement sĂ©duit la rĂ©daction cd de classiquenews, c’est donc un CLIC de classiquenews.

CD, opĂ©ra. Compte rendu critique. Vinci : Catone in Utica, 1728 (Cencic, 3 cd Decca 2014). Avec Max Emanuel Cencic (Arbace) · Franco Fagioli (Cesare) – Juan Sancho (Catone) · Valer Sabadus (Marzia) · Vince Yi (Emilia) – Martin Mitterrutzner (Fulvio) – Il Pomo D’oro · Riccardo Minasi, direction. 3 cd DECCA 0289 478 8194 – Première mondiale. Enregistrement rĂ©alisĂ© en mars 2014.

Illustration : Leonardo Vinci (DR)

CD, compte rendu critique. Brahms : Serenades. Chailly (1 cd Decca)

brahms serenades chailly gewandhaus de leipzig orchestra classiquenews compte rendu critique cd decca mai 2015CD, compte rendu critique. Brahms : Serenades. Chailly (1 cd Decca). C’est avant tout la rencontre (Ă©blouissante) d’un chef et d’un orchestre : l’aventure entre Riccardo Chailly et les instrumentistes du Gewandhaus de Leipzig se poursuit sous les cieux enchantĂ©s comme ce nouvel opus en tĂ©moigne : Brahms va idĂ©alement au chef et Ă  l’orchestre allemand : ainsi ses deux SĂ©rĂ©nades, composĂ©es entre 1858 et 1860, dont la force et la vitalitĂ© de l’approche ici feraient presque oublier parfois leur dĂ©sĂ©quilibre structurel, entre Ă©pisodes profondĂ©ment inspirĂ©s et vraies longueurs un rien artificielle de musique pure. Le maestro milanais montre Ă  quel point l’Ă©criture raffinĂ©e, furieuse, bondissante (Ă  la fois doublement viennoise, mozartienne et beethovĂ©nienne) de Brahms regarde en dĂ©finitive vers la symphonie (la SĂ©rĂ©nade 1 est rĂ©visĂ©e et achevĂ©e simultanĂ©ment Ă  la Symphonie n°1 et elle partage aussi d’indiscutables affinitĂ©s avec la Symphonie n°3 de Johannes)… Brahms revisite en hommage Ă  Mozart, cet esprit de l’Ă©lĂ©gance virtuose mozartienne, esprit de divertissement très habilement Ă©crit lĂ©guĂ© par le XVIIIè. L’Ă©lan chorĂ©graphique, la vitalitĂ© dansante, l’exaltation toujours lĂ©gère et transparente attestent de l’excellente santĂ© du Gewandhaus. D’un prĂ©jugĂ© tenace les tenants pour des Ĺ“uvres austères, voire secondaires et d’un moindre fini vis Ă  vis des Symphonies, voici que Chailly très inspirĂ©, capable de galvaniser ses troupes, montre toute l’Ă©nergie imprĂ©visible des deux SĂ©rĂ©nades qui dans les mouvements lents, savent aussi exprimer une dĂ©chirante nostalgie : les deux Adagios non troppo (celui de la SĂ©rĂ©nade 1 frappe par sa caresse mĂ©ditative en si bĂ©mol majeur ; tandis que celui en la mineur de la 2, convainc irrĂ©sistiblement par sa densitĂ© grave et aĂ©rĂ©e). Souffler un vent puissant et exaltĂ©, d’une impĂ©rieuse juvĂ©nilitĂ© : voilĂ  l’un des aspects et non des moindres de cette lecture en tout point convaincante. La quasi intĂ©grale Brahms par Chailly chez Decca s’affirme bel et bien comme l’une des meilleures rĂ©ussites symphoniques rĂ©centes en Allemagne.

Johannes Brahms (1833-1897) : Sérénades 1 (opus 11)  et 2 (opus 16). Gewandhausorchester. Riccardo Chailly, direction. Enregistré à Leipzig en 2014. 1 cd Decca  0289 478 6775 3.

DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Fleming, Botha (Bychkov, Metropolitan, octobre 2012, 1 dvd Decca)

Otelo verdi renee fleming semyon bichkov metropolitan opera dvd decca 2012 critique compte rendu operaDVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Fleming, Botha (Bychkov, Metropolitan, octobre 2012, 1 dvd Decca). Le dernier Verdi sait crĂ©er de sublimes atmosphères psychologiques dont profite Ă©videmment son Otello. Suivant son cher Shakespeare dans l’expression d’un drame noir et Ă©touffant, le compositeur outre le rĂ´le d’Otello confiĂ© Ă  un tĂ©nor stentor (au format wagnĂ©rien) offre surtout au rĂ´le de Desdemona, l’Ă©pouse abusivement outragĂ©e d’Otello, par son mari mĂŞme, un sublime personnage lyrique pour les sopranos, qui tire sa dignitĂ© et sa profonde loyautĂ©, sa bouleversante sincĂ©ritĂ© dans l’air du saule et sa prière au IV, avant que le maure ivre de jalousie (et manipulĂ© par Iago) ne la tue en l’asphyxiant dans l’oreiller de sa couche. Verdi offre sa meilleure intrigue : resserrĂ©e, nuancĂ©e, contrastĂ©e et profonde. Avec Boito, il a rĂ©visĂ© son Boccanegra (1881) et s’apprĂŞte bientĂ´t Ă  composer Falstaff. Créé en 1887 Ă  La Scala, Otello est un immense succès. Au cĹ“ur du sujet, portĂ© par les vers taillĂ©s, ciselĂ©s de Boito, Verdi rejoint l’arĂŞte vive et sanglante des drames abrupts et profonds, pourtant poĂ©tiques de Shakespeare.

DĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©e en fĂ©vrier et mars 2008, cette production a montrĂ© ses qualitĂ©s, classiques certes mais efficaces et claires. Les vertus viennent surtout des chanteurs (en l’occurrence de la diva que l’on attendait et qui n’a pas déçu). Si sous la direction du mĂŞme chef (Semyon Bychkov), RenĂ©e Fleming (Desdemona), Johan Botha (Otello) rempilent ici en octobre 2012, le reste de la distribution a changĂ© Ă  commencer par le pĂ©ril dans la demeure, l’infâme intriguant Iago (Falk Struckmann) et Cassio (Michael Fabiano).

Fleming : bouleversante Desdemona
otello-fleming-verdi-opera-metropolitan-opera-new-york-octobre-2012-dvd-decca-classiquenews-renee-fleming-desdemona-johan-botha-otelloAu I, RenĂ©e Fleming sait revĂŞtir sa couleur vocale d’une rĂ©elle candeur, celle d’une adolescente encore pure, d’une sensualitĂ© lumineuse sans l’ombre d’aucune pensĂ©e inquiète (“GiĂ  nella notte”). La diva nuance avec habiletĂ© l’Ă©volution de son personnage, de la beautĂ© lisse Ă  l’inquiĂ©tude de plus en plus sombre enfin vers la rĂ©signation suicidaire (IV). La façon dont elle construit son personnage et le colore progressivement de prĂ©monition noire, demeure exemplaire : la chanteuse sait ĂŞtre une actrice. C’est bien ce que souhaitait Boito comme Verdi : le dernier râle de la victime Ă  l’adresse de sa suivante Emilia (Addio) rejoint la grandeur tragique et intimiste du théâtre : voilĂ  la force de Verdi et l’intelligence de RenĂ©e Fleming. L’ouvrage aurait Ă©videmment pu s’intituler Desdemona : la performance de la diva amĂ©ricaine le dĂ©montre sans rĂ©serve.
Le sens des nuance et l’intelligence intĂ©rieure de la soprano contraste de fait avec le style sans guère de finesse du sud africain Johan Botha qui a la puissance mais pas la sincĂ©ritĂ© du personnage d’Otello. Quel dommage. Certes au III, son monologue ( “Dio mi potevi scagliar”) exprime l’intensitĂ© de ses dĂ©chirements intĂ©rieurs mais le style comme la projection (faciles) demeurent unilatĂ©raux, sans ambiguitĂ©, avec force dĂ©monstration.
Il y a du Scarpia dans le Iago verdien : vivacitĂ© noire, manipulation, perversitĂ© rationalisĂ©e et donc dĂ©monisme efficace … Falk Struckmann se tire très honnĂŞtement des dĂ©fis d’un personnage aux apparitions courtes mais denses qui exigent une franchise et une subtilitĂ© crĂ©pitante immĂ©diates. Pari relevĂ© car lĂ  aussi on s’Ă©tonne de dĂ©masquer chez lui, des trĂ©fonds de souffrances silencieuses, un abĂ®me de ressentiments illimitĂ©s, en somme ce qui a intĂ©ressĂ© Shakespeare avant de fasciner Verdi et Boito : les vertiges et tourments que cause la folie humaine.
Dans la fosse Bychkov Ă©claire les orages et les passions d’une partition essentiellement shakespearienne. Du nerf, du muscle, mais peu de nuances au diapason de Fleming, pourtant souvent les brĂ»lures tragiques sont bien lĂ  et entraĂ®nent le spectateur jusqu’au choc tragique final.




DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Johan Botha · RenĂ©e Fleming, Falk Struckmann… The Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet. Semyon Bychkov, direction. Elijah Moshinsky, mise en scène.  Enregistrement live rĂ©alisĂ© au Metropolitan Opera de new York en octobre 2012. Parution internationale le 4 mai 2015. 1 dvd 0440 074 3862 6. DurĂ©e : 2:42. 1 dvd Decca