jeudi 28 mars 2024

LIVRES. « Robert Schumann, folies et musiques » de Philippe André (Le Passeur éditeur)

A lire aussi

schumann-robert-folies-et-musiques-le-passeur-editeur-philippe-andre-robert-schumannLIVRES. « Robert Schumann, folies et musiques »  de Philippe André (Le Passeur éditeur). Folie et musique, déséquilibre psychique et création romantique … Les cas d’autres artistes frappés comme Robert Schumann (1810-1856) par la menace de la démence et de l’inéluctable destruction psychique (à cause de la Syphilis, tels Poussin, Nietzsche, Baudelaire, Flaubert…) saisit car l’équation du génie jaillissant et la déraison destructrice simultanée, échafaude une contradiction spectaculaire…  le sujet pourrait agacer tant elle peut véhiculer d’aprioris fastidieux et stériles. Il n’en est rien ici car l’auteur aime passionnément son sujet, précisément la musique de Schumann. En mélomane affûté, averti (toujours très accessible), le psychiatre et psychanalyste Philippe André reprend un précédent texte édité en 1982 mais qu’il a totalement restructuré et réécrit en majorité : il signe ainsi un remarquable essai qui éclaire, pourtant sans illustrations, toutes les zones d’ombre d’une vie dédiée à la musique, où l’acte créateur exprime la volonté d’une conscience qui se savait malade et certainement condamnée. En réaction, l’acte de composition affirme une volonté viscérale prête à en découvre avec le poison intérieur. Le lecteur apprend des éléments précieux sur la vie du jeune Schumann, son angoisse de la mort, sa lente et inéluctable destruction intérieure, et pourtant, une volonté viscéralement accrochée à l’esprit pour rompre la spirale terrifiante de la fatalité.

CLIC_macaron_2014Il recompose le puzzle d’une vie martelée par les épreuves intimes, les deuils et aussi des péripéties plus imprévisibles dans une époque où la science médicale était embryonnaire : ainsi sa Syphilis (cause principale et fatale) soignée (vainement) par l’arsenic dont les effets seront eux aussi destructeurs… La figure originelle de l’adolescent lumineux, positif est rétablie, bientôt dépassée par les événements tragiques dont il est le témoin.
Ainsi de Dresde à Dusseldorf, le compositeur de plus en plus estimé doit reconnaître peu à peu la perte de son contrôle, abandonner la direction (en 1853), mais composer toujours, écrire… dans ce combat contre l’inéluctable, l’année 1849 fait figure de cap édifiant, sommet de ses facultés créatrices (l’année des grands accomplissements dont les Scènes de Faust, après son chef-d’oeuvre lyrique toujours à réévaluer Genoveva de 1848). Après Dresde, le séjour à Düsseldorf de 1850 à 1854, où il se lie avec le jeune Brahms, marque l’écroulement final jusqu’à sa tentative de suicide du 27 février 1854 dans le Rhin à 43 ans… Schumann meurt deux ans plus tard hospitalisé en 1856.

schumann robert clara essai Philippe andreC’est en filigrane une description très fine de l’écriture d’un Schumann originellement solaire et exalté, envahi (et porté) par la pulsion créatrice, l’éclatement, la diffraction mais aussi l’absolue liberté d’une pensée qui sait a contrario de l’existence chaotique et difficile, essentiellement marqué par la rupture et l’angoisse, construire, et même déployer une langage personnel d’une évidente cohérence. Le mystère Schumann tient à cette constante contradiction : une lente destruction interne et psychique à laquelle répond une œuvre énergique voire échevelée d’un raffinement instrumental souvent irrésistible. Bouillonnante surtout à ses débuts, puis de plus en plus canalisée, contrainte mais stimulée aussi dans un cadre classique (ses Symphonies), l’écriture est investie comme chez Brahms et plus tard Mahler, d’une indiscutable profondeur autobiographique.

Schumann était-il schizophrène, maniaco dépressif ? Est-il aussi anxieux et angoissé qu’on le dit ? Et comment son entourage, surtout son épouse la divine Clara née Wieck – l’amour de sa vie -, a-t-elle réagi face à l’inéluctable affaissement de son mari ? A toutes ses questions essentielles pour qui veut comprendre le « cas Schumann », l’auteur apporte en plusieurs chapitres des éclairages  aussi pertinents que documentés (les dernières années dans la clinique sont précisément évoquées jusqu’à la fin). Le bilan panoramique de l’œuvre schumanienne est aussi constructif et éloquent : on y perçoit très clairement le cheminement du créateur à travers ses choix formels : piano jusqu’en 1840, puis lieder, musique de chambre, écriture symphonique et concertante et aussi œuvres dramatiques (dont témoignent son opéra Genoveva et les oratorios Le paradis et la Péri, Le pèlerinage de la rose…). Esprit double, hanté par le péril d’anéantissement comme la pulsion vitale recréatrice, Schumann à la fois Eusebius et Florestan, gagne ici une manière d’hommage sincère et analytique. Entre Phantasie et événements extérieurs, le combat de Schumann et son œuvre musicale n’en ont que plus d’éclat. Un essai passionnant qui suscite l’envie de tout réécouter pour mieux mesurer les épreuves et les défis de toute une vie.

LIVRES. « Robert Schumann, folies et musiques »  de Philippe André (Le Passeur éditeur). Collection « Sursum Corda ». Date de parution : 23 octobre 2014. 21,00 €. 304 p. Livre numérique : 10,99 €

Autre ouvrage de Philippe André, critiqué, apprécié par la Rédaction Livres de classiquenews :  Nuages gris, le dernier pèlerinage de Franz Liszt, Le Passeur, 2014).

LIRE aussi notre entretien avec Philippe André à propos de Robert Schumann, Folies et musiques

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CD événement, annonce. Franz SCHUBERT : OCTUOR en fa majeur D. 803. SOLISTES DE L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE BERLIN (1 cd Indésens).

Le label français INDÉSENS publie le nouvel album des solistes de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, dédié à l’Octuor en...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img