vendredi 19 avril 2024

CD. Caldara : La Concordia de’pianeti (Galou, Fagioli, Marcon, 2014)

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caldara la concorda de pianeti la cetra andrea marcon archiv deutsche grammophon cdCD. Caldara : La Concordia de’pianeti (Galou, Fagioli, Marcon, 2014) 1 cd Archiv produktion. Un bref portrait du compositeur tout d’abord. Le vénitien Caldara (1671-1736) éclaire l’Europe de la fin du Seicento (XVIIème) par son génie dramatique remarquablement souple et intérieur. Maître de chapelle à la Cour de Mantoue (après Monteverdi), à Rome en 1708 quand Haendel, jeune virtuosité étrangère séjourne dans la cité éternelle, Caldara, un temps maître de chapelle du prince Ruspoli, quitte définitivement l’Italie pour l’Autriche ; à Vienne, il dirige la vie musicale officielle sous la direction de Fux, à partir de 1716. Après quelques ouvrages créés à Venise (Farnace, 1703, Sofonisbe, 1708), Caldara ne tarde pas à prendre son envol et devenir une personnalité européenne, entre l’Italie et l’Autriche, à l’époque des Scarlatti père, Corelli…
Son catalogue lyrique comme de drames sacrés, un genre très prisé à la cour impériale des Habsbourg est impressionnant. L’oratorio La Concordia de pianeti date de 1723 : l’ouvrage est donc postérieur à son chef d’oeuvre sacré et dramatique qu’a révélé il y a plus de 20 ans, René Jacobs : La Maddalena ai piedi di Cristo (1700).

CaldaraEnregistré sur le vif lors de la première mondiale de janvier 2014 à Dortmund, l’oratorio de Caldara: La concordia de’pianeti reflète idéalement le goût des Habsbourg à Vienne alors que le Vénitien en poste depuis 1716, livre de nombreuses partitions sacrées ou profanes, particulièrement dramatiques pour la Cour du très mélomane Charles VI (lequel dirigeait même des concerts depuis le clavecin). Ce qui frappe ici, avant les grands auteurs lyriques du plein XVIIIè, Vivaldi, Haendel, Rameau, et aussi Bach évidemment, c’est la finesse d’une écriture ciselée, aux récitatifs bien écrits, et dont la vision introspective et même psychologique préserve la profondeur émotionnelle des personnages en présence (il s’agit pourtant de divinités). Le raffinement de l’orchestration distingue avant Haendel, le style princier de Caldara : en témoigne entre autre, l’air de Jupiter par exemple plage 16 du cd1, où la divinité lumineuse et positive, fière incarnation de la justice, s’accompagne de hautbois et bassons embarqués d’un fini particulièrement coloré et ductile.

Caldara : un enchanteur à peine dévoilé

Andrea Marcon, hier chef complice de « La Kermes » avec son orchestre baroque de Venise nous gratifie d’une lecture globalement animée mais terne dans la continuité. S’agissant de Caldara ex élève de Legrenzi, compositeur et musicien (violoncelliste virtuose d’après les témoignages d’époque) très lié à la chapelle San Marco à Venise, on est en droit d’écouter le meilleur côté raffinement instrumental… D’autant qu’après 1716, quand commence son service de 20 ans à la cour impériale de Vienne, Caldara n’écrit plus avec la grâce légère de ses débuts italiens : il sert le goût de l’Empereur pour une instrumentation plus opulente et fournie, colorée et palpitante… Trompettes (dès l’ouverture), timbales, hautbois et bassons composent la parure scintillante de cette Serenata, partition au prétexte festif qui est représentée en plein air à l’occasion du retour du couronnement de Charles VI comme roi de Bohème, le 19 novembre 1723. Le sujet glorifie le couple impérial en particulier Elisabeth, alors enceinte et dont le prénom Elisa dans le texte, émaille les multiples références plus ou moins explicite du livret. L’espérance d’un héritier mâle porte l’exaltation implicite d’une œuvre plutôt lumineuse, voire italienne par son esprit léger et célébratif.

Portés par une partition dont on devine les beautés multiples malgré son office officiel, on rêve d’un continuo plus nuancé et impérieux, frappé par une véritable urgence dramatique, celle pourtant présente ici, partagée par les excellents solistes dont évidemment l’alto ample et très articulé de Delphine Galou, ou cette fièvre embrasée, agitée mais habitée du luminescent contre ténor décidément prodigieux de Franco Fagioli (que d’aucuns ont a présent surnommé « Monsieur Bartolo » en référence à La Bartoli son idôle). Galou fait une vénus essentiellement et magnifiquement charnelle quand à l’Apollon de Fagioli (successeur dans ce rôle de castrat légendaire Carestini, le favori de Haendel), il reste de bout en bout constamment embrasé, éblouissant et aussi humain.

Aux côtés de chanteurs de grande classe, ce n’est donc pas dans la fosse, la fièvre ciselée d’un René Jacobs auquel on doit un remarquable Orlando de Handel chez Archiv, coup de coeur récent de la rédaction cd de classiquenews. Le nom de Jacobs est d’autant mieux venu, s’agissant de Caldara que le chef reste le pionnier défricheur, capable de nous émerveiller avec son oratorio d’un sublime inégalé : la Maddalena ai piedi di Cristo, nous l’avons dit, référence discographique en la matière depuis plus de 20 ans… A l’aune d’un tel document pionnier, il était difficile de passer après : Andrea Marcon ne partage pas la science des nuances et des dynamiques ni la tension dramatique de son aîné. L’interprétation baroque actuelle est loin d’égaler celle des pionniers de la première heure : nous le constatons souvent à chaque concert et nouvel enregistrement.
A défaut d’une direction réellement passionnante, réduisant l’impact d’une partition pourtant scintillante, reportez vous sur les voix, elles, beaucoup plus captivantes. Caldara attend toujours son heure : même imparfait ce nouvel enregistrement en première mondiale donc confirme qu’ici, un immense génie lyrique dort toujours à l’écart des scènes médiatiques. Or Caldara (inhumé à la Cathédrale Saint-Etienne de Vienne, quand même et en grande pompe) a été copié par Bach, Haydn, Mozart…

Antonio Caldara : La concordia de’ pianeti : Daniel Behle · Veronica Cangemi  – Ruxandra Donose · Franco Fagioli – Delphine Galou · Carlos Mena · Luca Tittoto. La Cetra .Andrea Marcon, direction. 2 cd  0289 479 3356 4  ARCHIV Produktion

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