mardi 16 avril 2024

Les Barbares (1901) de Saint-Saëns à Saint-Etienne

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saint-saens_582_home_barbaresSaint-Etienne, Opéra. Saint-Saëns: Les Barbares, les 14 et 16 février 2014. Contre le jugement de Debussy qui la tenait pour une œuvre faible, l’Opéra de Saint-Etienne produit une production en version de concert de l’opéra Les Barbares de Camille Saint-Saëns (1835-1921). Sexagénaire, l’auteur de Samson et Dalila (1877) y excelle pourtant dans l’art d’une forme idéale, plus soucieuse d’architecture harmonique, d’élégance mélodique que d’expressivité théâtrale. Idéaliste, wagnérien raffiné, Saint-Saëns œuvre ici pour la musique pure dont l’éclat et la couleur particuliers nous séduisent irrésistiblement : la réussite serait plutôt à chercher duc ôté de la fosse et de son rapport délicat aux chanteurs, plutôt que sur la scène du côté des chanteurs… la création de l’opéra antique en 1901, à l’époque des grands miracles pucciniens et de Massenet, confirme la génie symphonique du compositeur ; un flux orchestral permanent qui assure la continuité musicale de l’action (wagnérisme).

Saint-Saëns à l’heure de Wagner et de Piccini. Ayant déjà créé (à Weimar grâce à Liszt en 1877) son chef d’oeuvre lyrique absolu, Samson et Dalila d’une sensualité élégante souvent géniale (avec déjà un orchestre somptueux et flamboyant). Après Samson, l’inspiration de Saint-Saëns à l’opéra s’affirme nettement antique (comme Massenet, auteur de Cléopâtre, 1914) : Proserpine (1887), Phryné (1893), la musique de scène d’Antigone d’après Sophocle pour Orange (1894), Les Barbares donc (1901), puis Hélène (1904) et enfin Déjanire (1911)… autant de partitions aujourd’hui totalement oubliées et qui furent du vivant de l’auteur, à peine applaudies.  Aucun doute, Saint-Saëns à l’opéra demeure exotique et même Samson reste trop rare sur les planches hexagonales. D’où l’intérêt que suscite immanquablement cette recréation des Barbares à Saint-Etienne.

Pour le Théâtre Antique d’Orange (mais la création aura lieu au Palais Garnier le 20 octobre 1901), Saint-Saëns compose un nouvel opéra inspiré de l’histoire romaine : mais une histoire réécrite selon les enjeux du contexte. En pleine tension franco-allemande, alors que la France peine à digérer la défaite de 1870, le compositeur opte avec le librettiste Victorien Sardou pour une action qui réinvente l’action antique : Rome est assiégé par les teutons Germains (dirigés par Marcomir)… contre toute attente, la barbarie n’est pas dans le clan des sauvages assiégeants mais du côté de Livie, veuve inconsolable et haineuse du consul Euryale. Livie en figure de possédée féline, à la vengeance effroyable tient lieu de prétexte au titre de l’ouvrage car ici, la noblesse du germain Marcomir (ténor) suscite a contrario l’admiration : la vestale Floria (soprano) l’a bien compris car sous l’emprise de Vénus, elle s’éprend de l’ennemi au mépris de son serment à Vesta comme vierge sacrée. Sensible à la vision fraternel et humaniste défendue par Saint-Saëns vis à vis du Germain, l’empereur Guillaume II nomme le compositeur  » Chevalier de l’ordre du mérite  » en août 1901 : un signe d’apaisement et de reconnaissance avant la création de l’opéra.

Wagnérisme rentré
Plus scène antique que drame historique, Les Barbares malgré son titre reste un huit clos psychologique : voilà la nature d’une partition dont on attendait un souffle épique d’envergure comme le laissent supposer son titre et la présence des chœurs… Aux côtés de la relation assez terne ou peu fouillée du couple en devenir : Marcomir et Floria, Saint-Saëns laisse une place importante à la figure morale de Livie, blessée dans son veuvage et dont l’esprit revanchard, vraie incarnation des femmes rebelles indignées, réalise le meurtre expiatoire (à l’endroit du germain assassin) pour réparer, et la mort de son époux, et la dignité de Vesta.
A la création, la prestation de la jeune Jeanne Hatto (22 ans) dans le rôle de Floria assure le relief angélique et virginal de la vestale, contrastant avec le mezzo de la terrible patricienne Livie. Accomplissement irréfutable de la partition, outre l’écriture symphonique, le soin de la prosodie : du grand Saint-Saëns qui semble se souvenir de Gluck mais aussi de Berlioz.
De toute évidence, Les Barbares de Saint-Saëns éclairent la dernière manière du compositeur, admirateur critique du wagnérisme ambiant qu’il tempère par un sens de la couleur et de l’équilibre très personnel. Son tempérament  » classique « , le conduit vers la lumière et la tendresse ce qui n’empêche pas un goût pour la sensualité dans le style de Massenet (comme de Samson). L’éloquence et le raffinement harmonique du compositeur imposent enfin sa modernité. Saluons le courage et la curiosité de l’Opéra de Saint-Etienne de ressusciter une oeuvre clé de ce romantisme tardif français à l’époque de Puccini.

Saint-Etienne, Opéra
Camille Saint-Saëns : Les Barbares
Tragédie lyrique en 3 actes et 1 prologue
Livret de Victorien Sardou et Pierre-Barthélémy Gheusi
Vendredi 14 février 2014, 20h
Dimanche 16 février 2014, 15h
2h avec entracte
surtitré en français

+ d’info sur le site de l’Opéra de Saint-Etienne

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