vendredi 29 mars 2024

Compte rendu, opéra. Rameau : Platée. Julie Fuchs, Philippe Talbot. Minkowski / Pelly

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Compte rendu, opéra. Paris. Palais Garnier, le 9 septembre 2015. Rameau : Platée. Philippe Talbot, Frédéric Antoun, Julie Fuchs, François Lis… Orchestre et choeur des Musiciens du Louvre Grenoble. Marc Minkowski, direction. Laurent Pelly, mise en scène.

La grenouille préférée de la planète musicale française ouvre la saison lyrique 2015 – 2016 au Palais Garnier. L’opéra-ballet Platée de Rameau retourne en sa maison nationale dans l’efficace et colorée production de Laurent Pelly laquelle remonte à 1999. Une distribution pétillante ma non troppo campe avec humour le langage particulier de Rameau. Elle est dirigée, ainsi que le choeur et orchestre des Musiciens du Louvre, par le chef et prochain directeur de l’Opéra National de Bordeaux, Marc Minkowski.

 

 

Platée : le plus brillant concert

La première de Platée eut lieu en 1745 à Versailles à l’occasion du premier mariage du dauphin Louis Ferdinand de France. Après la première et seule représentation, il n’y eut pas de seconde.

Platée, « ballet-bouffon » de Rameau, théoricien de la musique et héritier de Lully, père du baroque français, raconte l’histoire du mariage d’un Jupiter ridicule avec une vieille nymphe jouée par un homme. Dans le lieu très conventionnel de la première, ce récit a dû surprendre et choquer l’auditoire. L’oeuvre est reprise en 1749 avec un succès tiède, puis en 1754 quand elle reçoit les plus grands éloges. Ce « ballet-bouffon », baptisé opéra-ballet au XXe siècle, avec un livret d’Adrien Le Valois d’Orville d’après Jacques Autreau, est une sorte de pastiche sans l’être, une parodie de l’Opéra où l’on trouve toutes les formules, les stéréotypes et les formes du genre. L’histoire de la pauvre Platée n’en est qu’un prétexte, un délicieux, irrévérencieux, drôlissime prétexte. De fait, le prétexte heureux est aussi une raison pour Rameau de déployer tout son talent et faire preuve d’une étonnante modernité ! Le style est homogène et audacieux, et la caractérisation physique de la grotesque grenouille paraît habiter toute la partition.

Si ce soir de fausse-première à l’Opéra National de Paris (première annulée à cause d’un mouvement social) les chanteurs-acteurs prennent un peu de temps pour se chauffer, ils demeurent joliment investis tout au long des actes. Le rôle ingrat de Platée est interprété par Philippe Talbot, jeune ténor aux dons de comédien confirmés. Il y excelle dans sa caractérisation de la nymphe laide et humide, avec un français affecté (parfois approximatif) qui sied fantastiquement au personnage. Le ténor Frédéric Antoun dans le rôle de Thespis au prologue, brille par la beauté du timbre, que nous trouvons étonnamment charmant et chaleureux dans le langage baroque français. Le Jupiter de François Lis comme la Junon d’Aurélia Legay sont superbement chantés. La Thalie/Folie de Julie Fuchs est une agréable surprise. L’archi-célèbre air de la Folie au IIe acte « Formons les plus brillants concerts » est interprété avec un brio comique, quelque peu psychiatrique et déjanté tout à fait formidable ! LA parodie d’un air virtuose à l’italienne est donc chanté et joué vertueusement par la jeune soprano. Si l’interprétation vocale très solide n’est pas notre préférée au niveau du style, elle demeure efficace et est vivement récompensée par les bravos d’un public enflammé (les seuls de la soirée, remarquons-le).

Il y a deux autres protagonistes musicaux plus ou moins invisibles dans Platée. D’abord les choeurs, omniprésents, et absolument fantastiques sous la direction de Nicholas Jenkins ! Que ce soir dans la louange, l’apothéose ou l’effroi, ils sont toujours réactifs et dynamiques ! Nous remarquons la science si précise de Rameau par l’excellence de leur performance ! Ils sont onomatopéiques et contrapuntiques selon le besoin, mais toujours impressionnants (les choeurs des grenouilles ou le quintette avec choeur à la fin du IIe acte, entre plusieurs exemples). L’autre c’est bien la danse. 15 danseurs augmentent ou représentent le texte par le biais de leurs mouvements chorégraphiés par Laura Scozzi. Si c’est souvent un aspect purement divertissant de la production, ceci s’inscrit dans le tout et c’est d’une grande efficacité.

Comme la mise en scène de Laurent Pelly d’ailleurs, qui assume complètement la nature de l’oeuvre et la met en valeur. Ouvertement kitsch, comme Platée est ouvertement laide, la production réussit à dépoussiérer cette seule véritable comédie lyrique de Rameau par tout une série de procédés théâtraux et un travail de comédien soigné. L’espace, à la fois salle de théâtre et marécage, est utilisé intelligemment (décors de Chantal Thomas) ; les costumes de Pelly sont ingénieux et fabuleusement moches ! Mais il n’y a rien de moche dans la performance de l’orchestre sous la direction à la fois pétillante et savante de Minkowski. La complicité entre le plateau et la fosse est évidente et jouissive. Les contrastes sont mis en valeur tout en gardant une homogénéité stylistique par rapport à l’œuvre. Un travail extraordinaire ! Une reprise à ne pas rater au Palais Garnier de Paris, à l’affiche les 11, 12, 14, 17, 20, 23, 27 et 29 septembre ainsi que les 3, 6 et 8 octobre 2015.

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