mardi 19 mars 2024

CD, coffret. Sibelius great performances : Collins, Gibson, Rosbaud, Beinoum, Tuxen, Monteux… (11 cd)

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CLIC_macaron_2014Le Concerto pour violon de SibeliusCD, coffret. Compte rendu critique. Sibelius great performances : Collins, Gibson, Rosbaud, Beinoum, Tuxen, Monteux… (11 cd). D’emblée l’affiche promet le meilleur en effet : complément au récent coffret Warner regroupant les versions historiques propres aux années 1930 (Sibelius : Historical recordings : 1928 – 1945 7 cd, CLIC de classiquenews lui aussi) et déjà en majorité britanniques (preuve d’un engouement phénoménal pour Sibelius chez nos confrères anglo-saxons dès avant la seconde guerre mondiale), voici la preuve que la faveur anglaise pour le Finnois après la guerre ne s’est pas démentie, et comme le prouvent ces archives Decca, dans les années 1950, a même gagné une flamme exceptionnelle : les Symphonies par Anthony Collins (auteur d’une intégrale londonienne entre 1952 et 1956, ou le Concerto pour violon par l’excellent, ardent, voire incandescent et super élégant soliste Ruggiero Ricci (1958) restent des accomplissements légendaires. Comme la fièvre millimétrée d’une irrésistible élégance (Monteux), d’un dramatisme détaillé (Gibson), des autres sibéliens qui sur le métier symphonique élaboré par un génie de l’écriture orchestrale, font preuve d’une égale implication sidérante. Aux côtés du LSO, le Concertgebouw d’Amsterdam (Beinoum) et le Berliner Philharmoniker (Rosbaud) affirment eux aussi un engagement suprême au service de partitions captivantes il faut bien le reconnaître. Aucun doute, mises en perspective, tant de lectures aussi passionnantes, confirment bien, aux côtés de la richesse diverse des interprétations, l’indiscutable génie de Sébelius, le plus grand symphoniste du XXè après Ravel, Mahler, Strauss.

 

 

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collins AnthonyCollins2Les 7 Symphonies, par le chef pionnier et visionnaire Anthony Collins, véritable fleuron inestimable des archives Decca, dévoilent à qui ne le connaissait pas, l’exceptionnel talent de barde prophétique du chef britannique, capable d’insuffler la transe et la fièvre, mais aussi une intensité de braise à son orchestre (LSO), de surcroît ici dans un traitement remastérisé : sens du détail, sens de la construction, élan souverain, surtout fluidité organique d’un geste qui semble s’abreuver du lyrisme sibélien comme une source régénératrice. Bien avant les Bernstein ou les Karajan, visions si divergentes et somme toute complémentaires – le dyonisiaque et l’Appolonien-, voici le premier d’entre eux, redevable de l’ami Kajanus, chef et compositeur, fervent interprète des symphonies de Sibelius hors de Finlande : dans les années 1950, soit 20 ans après Kajanus, Anthony Collins partage la même foi passionnée, cette profondeur et cette énergie éruptive qui fait battre tout l’orchestre au diapason d’un seul cœur, celui de la miraculeuse nature. Collins avait compris combien le langage de Sibélius était génial en tant que dernier grand symphoniste post romantique. Sa lecture de la Symphonie n°7 (1954) est un modèle de précision, d’engagement, à la fois détaillé et ciselé mais aussi intense et dramatique. La houle qu’il y déploie reste inégalée, d’une irrépressible attractivité par sa puissance et sa justesse. Des mouvements enchaînés en un seul, le chef tisse une fresque portée peu à peu à sa température de fusion pour que se libère en fin de cycle (à 16mn, après 19mn), la formule clé : ni répétition, ni redite, ni développement abusif, tout l’art de l’éloquence resserrée de Sibelius se concentre ici dans une direction économe, détaillé, surexpressive et étonnamment juste.

Entiers, souverains dans leur compréhension fortement personnalisés, dans le sillon de Collins, les autres chefs accréditent chacun par la justesse de leur approche, ce coffret plus que recommandable : nécessaire pour qui veut écouter plusieurs propositions de caractère, à des années lumières de la sonorité lisse et fade servie par les uns et les autres plus récents.

De Anthony Collins à Sir Alexander Gibson...

Sibelius : une tradition londonienne

NPG x129513; Sir Alexander Drummond Gibson by Sefton SamuelsCD11 : le top. Dans une prise magnifique (détaillé et opulente de 1960), l’écossais Alexander Gibson (décédé en 1995) montre (avant Gergiev) la vitalité exubérante et mordorée des instrumentistes du LSO London symphony orchestra : vivifiant les vertiges et contrastes de la Symphonie n°5 il stupéfait par sa direction souple et incisive. Houle océane et frémissements à la fois gorgés de vie et d’une puissance inquiétante, mais aussi baguette analytique où scintillent tous les instruments en une course saisissante : la vision est électrisante : Gibson est un sibélien de première valeur. Plus olympien mais non moins dyonisiaque, Gibson semble 10 ans après Collins, recueillir et régénérer le flux organique et la transe léguée au même orchestre par Anthony Collins. La science des climats intérieurs, la tension collective, surtout la construction et les équilibres sont remarquables… preuve qu’il y a bien une tradition organique et viscérale de l’interprétation sibélienne à Londres. La démonstration est éloquente et demeure l’enseignement le plus frappant de ce coffret anthologique. Dautant que la prise Decca de 1958 est éblouissante : un modèle du genre, détaillant chaque pupitre, chaque instrument dans le respect des étagements naturels d’un orchestre en salle. Cuivres et cordes en état de transe, lyrisme des bois et scintillement des vents sont époustouflants. A connaître en urgence. Gibson, également très grand chef lyrique (il est devenu en 1957, l’année qui précède cet enregistrement légendaire, le plus jeune directeur du Sadler’s Wells Theatre), s’est taillé une très solide réputation dans l’interprétation des répertoires nordiques, Nielsen et Sibelius, mais c’est au service de ce dernier que sa direction à la fois élégante et très détaillée comme intensément dramatique suscite les honneurs. Les années 1960 sont florissantes pour ce tempérament viril et d’une sensibilité rare : après avoir fondé l’Opéra d’Ecosse en 1962, il est anobli par la reine en 1967. Hédoniste certes, à la façon d’un Bernstein qui paraîtrait presque plus débraillé en comparaison, Gibson exprime l’équilibre des forces premières d’une nature réellement indomptable où par blocs entiers, il déplace le curseur, imposant tour à tour, l’harmonie des bois, la frénésie des cordes, l’ampleur hallucinante des cuivres (jusque dans leur dissonances vertigineuses), chacun affirmant au dessus des autres mais très sereinement sa propre énergie. Le troisième et dernier mouvement est d’une force et d’une limpidité inouïe, exprimant ce dialogue sous-jacent entre toutes les parties, portés à un degré d’intensité dansante (jusqu’au 7 accords finaux, taillés comme des gemmes). Rien que pour cette lecture, le coffret mérite toutes les palmes. Dautant que succèdent à cette 5ème exceptionnelle, les Suites Karela, Roi Christian II, et dans leur première réalisation discographique : l’Intermezzo de pelléas, la Valse triste, Finlandia.

monteux pierrePierre Monteux (cd 10) participe aussi au prestige sibélien du LSO dans une Symphonie n°2 (1952) à tomber, rugueuse et âpre d’une vitalité printanière et mordante quand il faut l’être ; animée, hallucinée, et pourtant sculptée comme peu autour de lui, avec un goût (français?), une élégance détaillée et analytique qui saisit. Ce dramatisme épique, cette vision scintillante se distinguent aussi nettement par son souffle et sa précision, un goût et un style admirables. D’autant quen immense chef lyrique, Monteux sait aussi caractériser un climat, un épisode avec une rythmique organique trépidante (Vivacissimo du 3me mouvement joué très nerveux et vif, sans équivalent dans la discographie, contrastant avec le lento e suave, en un geste ample, fluide, vertigineux : la science de la direction est magistrale., et quelle sonorité des cuivres, aussi nobles et spectaculaires que sous la direction de Gibson.

Van Beinem avec le London Philharmoonic orchestra et le soliste Jan Damen offre une intéressante lecture du Concerto pour violon (1953) : beaucoup de fièvre dans l’esprit de Collins mais déjà la flamme s’est assagie.

rosbaud Hans-Rosbaud-350Hans Rosbaud à la tête du Berliner Philharmoniker (1954, 1955, 1957, 1958) dans une esthétique plus compacte, néanmoins riche en sursauts et souci du détail, montre combien Sibelius relève de Wagner, Bruckner et des russes dont Tchaïkovski évidemment, n’hésitant pas à obtenir des tensions telluriques entre les pupitres de l’orchestre. De Finlandia, il fait surgir le monstre indomptable puis dansant en une transe assourdissante. Le geste reste viscéralement enflammé.

L’heureux couplage présente aussi les œuvres chambristes dont le Quatuor Voces intimae qui révèle au fond le vrai tempérament de Sibelius : celui d’un contemplatif introspectif, grave sans être dépressif (Griller Quartet, 1951).

tuxen erikSur le même cd 6, la version de la Symphonie 5 opus 82 par Erik Tuxen et l’orchestre national symphonique de la Radio Danoise en 1952, est toute de finesse et de mystère sensuel : preuve que dans les rivages nordiques proches, le massif sibélien, riche en paysage, inspire particulièrement un chef visiblement habité par le souci et la conscience du génial compositeur. Tuxen libère la force sauvage et le feu printanier, – encore bien présents au terme des 7 derniers accords-, une activité souterraine et primitive, ses éclairs intimes comme sa furieuse énergie avec toujours un souci de l’équilibre et du relief des instruments qui s’avère passionnant. Tuxen emporte avec une rage conquérante Finlandia en 1954 :geste vif, fusion lumineuse des instruments, surtout fièvre collective, miroir emblème de toute une nation qui se lève et affirme son indépendance.

CD, compte rendu critique. Coffret Jean Sibelius : great performances. Symphonies, musiques de scène et poèmes symphoniques: Alexander Gibson, Anthony Collins, Bertil Bokstedt, Charles Mackerras, Eduard Beinum, Hans Rosbaud, Pierre Monteux. London Symphony orchestra, Danish state radio symphony orchestra, Concert gebouw orchestra, Berliner Philharmoniker, London Proms symphony orchestra. Mélodies : Birgit Nilsson, Kirsten Flagstad. Enregistrements réalisés de 1950 à 1960 (11 cd Decca 478 8589). CLIC de classiquenews octobre 2015.

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