Cd, coffret. Nikolaus Harnoncourt : Brahms (Symphonies 1,
2, 3, 4, concertos pour piano 1 et 2, 1996-1999, 5 cd Warner classics). Ce qâun baroqueux peut apporter dans la tenue des orchestres modernes et dans le rĂ©pertoire romantique⊠Warner classics nous rĂ©gale le premier, parmi les labels classiques historiques Ă cĂ©lĂ©brer lâhĂ©ritage du MaĂźtre regrettĂ© (dĂ©cĂ©dĂ© en mars 2016 : dĂ©cĂšs de Nikolaus Harnoncourt), en dĂ©voilant ce souci particulier sur le mĂ©tier romantique : avec les instrumentistes de lâOrchestre Philharmonique de Berlin (en 1996, 1997) et pour les Concertos pour piano avec ceux du Royal Concertgebouw Amsterdam (live de 1999, dans une prise de son idĂ©ale); voici 5 cd Ă©tapes majeures pour un Brahms symphonique et concertant, dĂ©poussiĂ©rĂ©. 5 cd pour Ă©valuer tout ce que peut apporter un chef historiquement informĂ©, et lâun des plus aguerris, libre, inventif, visionnaire en la matiĂšre, soit Nikolaus Harnoncourt au travail, dĂ©voilant de nouveaux trĂ©sors dâexĂ©cution et de rĂ©alisation souple, articulĂ©e, – avec les musiciens sur instruments modernes du Berliner Philharmoniker : la dĂ©marche est dâautant plus lĂ©gitime que sâagissant de Johannes, – dernier romantique, et si proche de Schumann, il sâagit dâune Ă©criture qui regardent toujours vers le passĂ©, Beethoven (son dieu) et au delĂ , bien avant, le raffinement inĂ©dit quâapporte le chef Baroqueux, pionnier de la RĂ©volution sur instruments dâĂ©poque, et auteur dâun intĂ©grale Beethoven sur instruments dâĂ©poque (Orchestre de chambre dâEurope-, toujours indĂ©passĂ©e, chez Teldec) se rĂ©vĂšle porter dâune Ă©nergie affĂ»tĂ©e renouvelĂ©e, avec un rapport bois, cordes repensĂ© dan sel sens de la clartĂ© concertante (ce dĂšs le dĂ©but des variations sur un thĂšme de Joseph Haydn cd1). De mĂȘme le dĂ©but de la Symphonie n°1 portĂ©e pressĂ©e par un flux incandescent dâune urgence inĂ©luctable brille singuliĂšrement par lâĂ©quilibre instrumental et la balance nouvellement Ă©laborĂ©e qui met en avant les vents et les bois (flĂ»tes et hautbois), jaillissement de lâharmonie qui colore spĂ©cifiquement lâĂ©nergie vitale de cette entrĂ©e en matiĂšre qui rĂ©sonne et sâenfle avec en une sorte dâextase tragique⊠(Live rĂ©alisĂ©e Ă la Philharmonie de berlin en dĂ©cembre 1996). Tout est dit dans cette fabuleuse narration jamais dĂ©monstrative mais intĂ©rieure dont lâacuitĂ© des timbres, et une nouvelle motricitĂ© entre le pupitres soulignent la filiation beethovĂ©nienne qui structure de lâintĂ©rieur et de façon organique, les 4 Symphonies de Brahms. Toujours en 1996, les Symphonie 2 et lâOuverture tragique (live de 1996) souligne ce travail spĂ©cifique sur la couleur et lâintensitĂ© des bois et des vents sur des cordes rĂ©solument transparentes : dâailleurs, Harnoncourt a beaucoup travailler avec les instrumentistes la rĂ©solution des phrases en une seul tenue dâarchet. LâagilitĂ© de la main droite a Ă©tĂ© un point fondamentale de cette approche rĂ©gĂ©nĂ©rative.
Un an plus tard (cd 3, 1997), les mĂȘmes rĂ©alisent le dramatisme tellurique de la n°3 : le chant des bois et de cuivres sur la mer des cordes, cette intelligibilitĂ© des pupitres allĂšge considĂ©rablement lâallant de texture, fonde lâacuitĂ© dâune direction soucieuse dâarticulation (clarinette, basson, hautboisâŠ) et aussi dâĂ©lĂ©gance dans la tenue gĂ©nĂ©rale des cordes. La ligne de la clarinette (en dialogue avec le corâŠ) est particuliĂšrement soignĂ©e, prĂȘte vive dâune sensibilitĂ© suprĂȘme au timbre. LâAllĂ©gretto qui ouvre telle une aurore pleine de promesses et de plĂ©nitudes Ă©phĂ©mĂšres, lâadmirable n°4 opus 98, confirme le raffinement instrumental quâapporte la vision de Harnoncourt (mĂȘme dĂ©tail et vibration dans lâAndante moderato qui suit) quand lâAllegro giocoso est portĂ© au pieds de la lettre, vif, palpitant, dâune nervositĂ© rĂ©jouissante. Enfin le cd 4, ajoute le bĂ©nĂ©fice de ce geste aĂ©rĂ©, prĂ©cis, nerveux dans la forme concertante, celle du Concerto n°1 opus 15, taillĂ© comme un diamant vif argent ; oĂč lâouverture est saisissante dâacuitĂ© expressive, un lever de rideau qui impressionne et bouleverse par sa sincĂ©ritĂ© ; dâautant que la prise de son est dâune richesse de restitution remarquable (jusquâaux bruits des instruments, et des partitions que lâon feuillĂšte sur les pupitres !) : enregistrĂ© en dĂ©cembre 1999, Ă Amsterdam avec le Concertgebouw dâAmsterdam, le geste dâHarnoncourt sĂ©duit par ses temps ralentis, la profondeur qui sâen dĂ©gage aussitĂŽt, une Ă©quilibre entre plĂ©nitude et urgence, langueur, dĂ©sespoir (Adagio); un bouillonnement et une tendresse mĂȘlĂ©s formant un superbe bain dâĂ©motions et de sentiments qui dĂ©ferlent, affleurent, se dĂ©ploient avec un naturel irrĂ©sistible : lâorchestre ainsi dirigĂ© compose un tapis et un Ă©crin idĂ©al pour le piano certes sensible mais moins inspirĂ©, habitĂ© du soliste Rudolf Buchbinder (beaucoup moins nuancĂ© et suggestif que le chef). Ce que parvient Ă rĂ©aliser le chef avec les instrumentistes reste saisissant. RĂ©ellement impressionnant. Dans le cd 5, le Concerto pour piano n°2 y cultive les mĂȘmes qualitĂ©s : vibration superlative de lâorchestre, dâune hauteur poĂ©tique irrĂ©sistible, dâun dramatisme attentif et contrastĂ©, auquel rĂ©pond le jeu parfois Ă©pais et percussion Ă outrance du soliste. Harnoncourt chez Brahms fut captivant : ces 5 cd le dĂ©montrent sans rĂ©serve. Magistrale rĂ©vĂ©lation ou confirmation sâagissant du Baroqueux chez le plus romantique des Romantiques germaniques. Incontournable.
Cd, coffret. Nikolaus Harnoncourt. BRAHMS : Symphonies, Concertos pour pianos, Variations, Ouvertures. Berliner Philharmoniker (1996-1997), Royal Concertgebouw Orchestra Amsterdam (Live de 1999). 5 cd Warner classics. 0190295 975104. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016.