CD. Anna Netrebko : Souvenirs (2008) …  Anna Netrebko n’est pas la plus belle diva actuelle, c’est aussi une interprète Ă l’exquise et suave musicalitĂ©. Ce quatrième opus solo est un magnifique album. L’un de ses plus bouleversants. Ne vous fiez pas au style sucrĂ© du visuel de couverture et des illustrations contenues dans le coffret (lequel comprend aussi un dvd bonus et des cartes postales!), un style maniĂ©riste Ă la Bouguereau, digne du style pompier pure origine… C’est que sur le plan musical, la diva, jeune maman en 2008, nous a concoctĂ© un voyage serti de plusieurs joyaux qui font d’elle, une ambassadrice de charme… et de chocs dont la tendresse lyrique et le choix rĂ©flĂ©chi des mĂ©lodies ici regroupĂ©es affirment une maturitĂ© rayonnante, un style et un caractère, indiscutables.
Vocalità irrésistible
Un orientalisme feutrĂ©, en filigrane, composĂ© avec quelques romances d’origine tzigane, et puis nettement dĂ©clarĂ© (irradiant, envoĂ»tant “Plenivsis’rzoy, solovey“), un tempĂ©rament plus grave pour la berceuse “Schlof sche, mein Vögele...”, traditionnel juif aux dĂ©chirants accents tragiques, quelques gouttes de Strauss (Cäcilie puis Wiegenlied)… un soupçons d’extase français (Depuis le jour de Louise de Charpentier), surtout l’exquise EnamourĂ©e, composĂ©e par un Reynaldo Hahn, âgĂ© de 17 ans (1892): voici le nouvel album de la divina Netrebko. La Cantatrice rĂ©vĂ©lĂ©e par Gergiev, russe aujourd’hui naturalisĂ©e autrichienne, rĂ©alise un tour de force vocal, entre lĂ©gèretĂ© (nombre d’opĂ©rettes dans ce recueil amoureux: signĂ©es Kalman, Lehar, ), ferveur virginale (Pie Jesude Lloyd Weber) et nostalgie. Avec une finesse toujours idĂ©ale, Anna Netrebko semble suivre les pas de Victoria de Los Angeles qui chanta avant elle plusieurs airs ainsi sĂ©lectionnĂ©s, avec cette fragilitĂ© hypersensible, un Ă©tat d’embrasement hyperfĂ©minin, permis grâce Ă son timbre corsĂ© et ses aigus Ă©tincelants.
En d’autres termes, voici l’excellence actuelle d’une diva au style juste (Ă©coutez “Im chambre sĂ©parĂ©e” extrait de Der Opernball, avec l’excellent Piotr Beczala… pas une faute de goĂ»t dans ce duo de pure effusion courtoise…), la musicalitĂ© radieuse, une “grâce” belle et Ă©panouie. La couleur blessĂ©e, tendre, candide de la soprano fait miracle en Solveig (Grieg), dans la non moins sublime chanson Tzigane de Dvorak (“Kdyz mne stara matka”: Ă pleurer), et donc cette Ă©namourĂ©e sublime, d’après les vers de ThĂ©odore de Banville… Tout l’art de Netrebko est lĂ , dans un français certes encore perfectible, mais quelles couleurs vocales, quelles nuances et quelle richesse expressive! Le propre des grands interprètes rĂ©side dans leur capacitĂ© Ă nous faire vivre le grand frisson par un sens de la phrase et de ses multiples intentions : Ă plusieurs reprises, nous l’avons ressenti. Cerise sur le gateau: le duo Nicklausse/Giuletta des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach, avec Elina Garanca au français impeccable… (les deux chanteuses ont souvent chantĂ© ensemble en particulier dans I Capuletti e i Montecchi de Bellini, incarnant chacune le rĂ´le premier de Juliette et de RomĂ©o (DG). La complicitĂ© et l’entente des deux voix se rĂ©alise au profit du texte et de la musique. En dĂ©finitive, Anna Netrebko n’est pas la plus belle diva actuelle, c’est aussi une interprète Ă l’exquise et suave musicalitĂ©. Ce quatrième opus solo est un magnifique album. L’un de ses plus bouleversants.
Anna Netrebko, soprano. “Souvenirs”. Arditi, Charpentier, Dvorák, GimĂ©nez, Grieg, Guastavino, Hahn, Heuberger, Kálmán, Lehár, Lloyd Webber, Messager, Offenbach, Rimsky-Korsakov · R. Strauss. Elina Garanca, Piotr Beczala. Prague Philharmonia, Emmanuel Villaume, direction.
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