Farnace, 1738
(Cencic, Fasiolis, 2010)
Rossinien surprenant (2007), Haendélien défricheur (Faramondo, 2010), et bientôt ambassadeur d’un Ezio rare de Gluck, (version de Prague, 1750: cd à venir d’ici fin octobre 2011), le contre-ténor Max Emanuel Cencic poursuit son chemin… d’excellence; un parcours qui mêle pertinence interprétative, audace des répertoires, adéquation des moyens vocaux et du profil psychologique des personnages investis. Ce Farnace ne jure pas au sein d’une discographie déjà convaincante.
Original, le divo défend la version tardive de Farnace de 1738 (composée à Ferrare et que Vivaldi ne put créer de son vivant faute d’avoir su convaincre avec son opus précédent, Siroe!); cette version contrepointe avec celle antérieure (1731) et déjà enregistrée par Savall (avec plus ou moins de bonheur car le chef catalan avait entrecalé des musiques non vivaldiennes, adjonctions perturbantes mais de mise à la Cour madrilène qui accueillait alors la création…).
Ici, bénéfice d’une version incomplète mais colmatée (Vivaldi a conçu les deux premiers actes; Fasolis a restitué le 3è et ultime acte), il s’agit d’une réalisation plus serrée donc unitaire et cohérente; l’action du souverain du Pont gagne en force expressive. Il est vrai que la direction à poigne mais aussi fruitée et souvent très fluide du chef, comme la distribution en tout point attractive, pèsent de tout leur poids pour la réussite globale de l’enregistrement.
Le maestro confirme ses affinités vivaldiennes (après Faramondo), en véritable peintre des climats psychologiques, il renforce la vitalité et l’acuité d’un Vivaldi, grand rival de Haendel. A l’opulence instrumentale, souvent dramatique et même poétique, répond l’engagement des chanteurs: embrasés sont Gauvin et Behle, Hallenberg et Donose. Au sommet de sa vocalità rugeuse et impériale, Max Emanuel Cencic redouble de finesse, d’élégance, de vérité. L’analyse des caractères, les nuances émotionnelles qui singularisent chaque personnage, chaque destin font la saveur renouvelée de la partition qui malgré son prétexte tirée de l’histoire antique, s’impose par son relief humain. Face au romain intrusif Pompée, Farnace incarne la résistance du vaincu, lion drapé dans une noblesse loyale admirable… Autour du souverain paraissent très caractérisées, de sublimes portraits féminins: Tamiri, l’épouse tendre et digne; Selinda, la soeur complice; la belle mère Berenice, autorité contraire et haineuse, qui s’est raliée à Pompée contre son gendre.. Farnace. Accomplissement superlatif et grande victoire pour ce chef d’oeuvre de Vivaldi, écarté avant d’être créé. Le disque répare les trahisons de l’histoire.
Antonio Vivaldi (1678-1741): Farnace, Dramma per musica, en trois actes, sur un livret d’Antonio Maria Lucchini, RV 711-g (version 1738 pour le Teatro Bonacossi de Ferrara). Reconstruction de l’Acte III : Frédéric Delaméa et Diego Fasolis. Source: anuscrit autographe présent dans le lot 37 de la Collection Giordano de la Bibliothèque Nationale Universitaire de Turin.
Max Emanuel Cencic (Farnace, re di Ponto), contre-ténor
Ruxandra Donose (Tamiri, regina, sposa di Farnace), mezzo-soprano
Mary Ellen Nesi (Berenice, regina di Cappadocia, madre di Tamiri), mezzo-soprano
Ann Hallenberg (Selinda, sorella di Farnace), mezzo-soprano
Karina Gauvin (Gilade, principe del sangue reale, e capitano di Berenice), soprano
Daniel Behle (Pompeo, proconsole romano), ténor
Emiliano Gonzalez Toro (Aquilio, prefetto delle legioni romani), ténor
Coro della Radiotelevisione svizzera, Lugano. I Barocchisti. Diego Fasolis, direction