vendredi 19 avril 2024

Versailles. Opéra royal, le 3 avril 2013. Antonio Vivaldi (1678 – 1741) : Farnace. Max-Emmanuel Cencic ; Tamiri, Ruxandra Donose… Concerto Köln, George Petrou, direction

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C’est à Versailles ce soir, que la dernière de cette superbe production de Farnace de Vivaldi a été donnée en version concert. La fastueuse partition a été recréée l’année dernière, avec mise en scène, à l’Opéra de Strasbourg. Grâce à la passion et à l’engagement de Max-Emanuel Cencic (et des équipes de Parnassus ARTS productions à ses côtés), l’opéra oublié du Prete Rosso a retrouvé au firmament du répertoire, toute sa place. La luxuriance de ses couleurs et de ses nuances, la noblesse des sentiments qui y sont exprimés, mélange de tendresse et de grandeur, l’extrême richesse de ses rythmes, en font certainement l’une des plus belles œuvres de Vivaldi.

Entre les concerts et le disque, les mélomanes ont pu et pourront encore en savourer longtemps tout ce qui en fait l’unicité. Et le public versaillais, venu nombreux pour cette dernière, n’a pas boudé son plaisir, restant extrêmement silencieux comme envoûté, pendant toute la durée du concert ; réservant une ovation festive et enthousiaste à l’ensemble des interprètes en fin de soirée.

Farnace royal, sous les ors de Versailles

Il faut dire que dans un endroit aussi magique que l’Opéra royal et son fond de décor à l’antique, l’histoire d’un roi qui entend résister au puissant Empire romain, trouve un environnement particulièrement idéal, transportant les musiciens, les chanteurs, le public dans un univers fantasmagorique.

Farnace, successeur de Mitridate sur le trône du Pont, a été vaincu par les Romains et banni de sa capitale. Il souhaite se venger et restaurer son honneur. Toutefois, se sentant profondément anxieux sur l’avenir, il demande à son épouse Tamiri, fille de Bérénice, qui hait Farnace, de se suicider après avoir tué leur fils. Elle s’y refuse et après l’avoir un temps caché le remet à sa mère, demandant à cette dernière de l’épargner. Pendant ce temps, la sœur de Farnace, Sélinda, faite prisonnière, séduit pour aider son frère, Gilade, chef des armées de Bérénice et Aquilio, préfet des légions romaines et les montent l’un contre l’autre dans l’espoir qu’ils assassineront… Bérénice et Pompée. Si Bérénice ne veut rien céder à la haine qui l’anime, c’est Pompée qui finira par obtenir sa clémence, permettant in fine à tous de retrouver l’honneur, la paix, le bonheur.

L’opéra fétiche du Prete Rosso vit le jour en 1727 à Venise, au Teatro Sant’Angelo ; il fut composé sur un livret du poète Antonio Maria Lucchini. Elle connut un immense succès, avec des représentations un peu partout en Europe, mais avec des modifications. Elle influença également de nombreux compositeurs. La version vénitienne de la création ayant disparue, c’est la partition révisée de 1738 pour Ferrare, qui n’a plus jamais été représentée depuis sa création, et donc jamais enregistrée, qui fait aujourd’hui l’objet de cette production.

C’est avec une distribution très légèrement modifiée par rapport à la création strasbourgeoise, mais plus importante par rapport au CD qui s’est présentée à nous ce soir.

Dans le rôle titre, bien évidemment, Max-Emanuel Cencic est en très grande forme. Il nous a offert, un Farnace bouleversant, partagé entre révolte et doute. Sa virtuosité et sa connaissance de la partition lui permettent de nous offrir l’ardente flamme qui anime son personnage. Se passant sans soucis de la partition, il peut laisser libre cours à l’émotion comme dans l’aria « Gelido in ogni vena ». Cet air qui débute sur les premières notes de l’hiver… et qui se développe tel un cri de douleur, où chaque note aiguë, semble ouvrir vers des enfers où les graves vous empoignent. L’interprétation que nous en livre Max-Emanuel Cencic en est tout simplement si frémissante que la terreur, fige nos cœurs dans un instant d’éternité, où plus rien si ce n’est la perception de la mort immédiate, de l’irrémédiable nous atteint. Tout simplement sublime.

Les autres interprètes masculins réunis ce soir, ne déméritent pas face à lui. Juan Sancho est un Pompeo vaillant et noble, tandis que Terry Wey est un Aquilio sensible et séduisant.

La distribution féminine est elle aussi remarquable. Ruxandro Donose est une Tamiri, dramatique, poignante. Son timbre mordoré habite le rôle de cette mère courage et de cette amante et fille, qui par sa compassion résiste à la violence des situations. La jeune mezzo Carol Garcia, dans le rôle de Selinda, montre beaucoup d’aisance et de panache dans les vocalises ; elle réussit l’ensemble de ses arie, ne manquant pas de bravoure dans « Ti vantasti mio guerriero ».
Mary-Ellen Nesi, est une Berenice tragique et venimeuse à souhait. Sa voix se projette avec impétuosité et elle montre une énergie rageuse dans ce rôle de méchante, dévorée par sa colère. Enfin Vivica Genaux est un Gilade convaincant et séduisant. Sa maîtrise technique lui permet de dépasser les simples effets de la musique imitative dans un air comme « Quell’usignolo », de donner un sens aux émois amoureux, dans toute leur sensualité. Et de trilles, en roulades et vocalises, elle nous enchante dans de purs instants de plaisir.
Si le Concerto Köln, ne possède pas la dynamique des Barrocchisti de Diego Fasolis, l’ensemble sait souligner les belles couleurs de la musique de Vivaldi. Les cordes sont soyeuses, le théorbe sur le fil de l’émotion, les cuivres brillants. La direction de George Petrou est élégante et pleine de sensibilité.
A l’issue de la soirée, l’ovation du public, nous a valu en bis, le final glorieux et heureux .

Versailles. Opéra royal, le 3 avril 2013. Antonio Vivaldi (1678 – 1741) : Farnace, drame en musique en trois actes sur un livret d’Antonio Mari Lucchini. Farnace, Max-Emmanuel Cencic ; Tamiri, Ruxandra Donose ; Gilade, Vivica Genaux ;Pompeo, Juan Sancho; Berenice , Mary-Ellen Nesi ; Selinda, Carol Garcia ; Aquilio, Terry Wey. Concerto Köln, George Petrou, direction.

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