jeudi 1 mai 2025

Versailles. Opéra Royal, le 15 décembre 2012. Noverre, Rodolphe: Médée et Jason, Renaud et Armide. Compagnie l’Eventail, Marie-Geneviève Massé. Le Concert Spirituel. Hervé Niquet, direction.

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Le public connaît bien désormais le ballet de cour du XVIIe siècle, qui a fait l’objet de nombreux spectacles, reconstitutions plus ou moins réussies de cet univers scénique merveilleux si typiquement français (Lire le compte rendu du Ballet des Fées recréé à l’Opéra de Versailles, le 14 novembre 2012 par David Tonnelier).

Il nous restait à découvrir les évolutions de ce genre au cours du XVIIIe siècle qui aboutirent au ballet romantique. C’est désormais chose faite, grâce à la programmation par le Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV) d’un cycle consacré à la danse dont deux spectacles auront été tout spécialement dédiés au siècle des Lumières.

Mais pour nous en rendre toute la splendeur, seul un partenariat de grande envergure a pu offrir les moyens nécessaires. Le CMBV s’est donc associé avec le Palazzetto Bru Zane de Venise et l’Opéra-Comique de Paris, pour permettre la création d’une très belle production de deux des plus beaux ballets de Jean-Georges Noverre : Renaud & Armide, Médée & Jason. Le chorégraphe français a débuté sa carrière sous le règne de Louis XV en plein classicisme et l’a terminé au tout début du XIXe siècle en pleine naissance du romantisme.
En montant ces deux ballets, les trois grandes institutions ont donc offert au public d’aujourd’hui la possibilité de voir par cette production unique la naissance du ballet moderne, dont ce chorégraphe fut l’inventeur. Un personnage unique, un peu à l’image de son époque. Grand voyageur, ouvert à tous les courants de pensée, il fait la synthèse de ce monde qui connaît de grands bouleversements tant au point de vue philosophique, politique qu’artistique. Héritier de la tradition chorégraphique française du XVIIe siècle, il la confronte au cours de ses voyages à toutes les pratiques qu’il rencontre en Europe. Benoît Dratwicki, directeur artistique du CMBV, dans l’excellent texte du livret qu’il a rédigé, nous décrit les trois innovations essentielles de Noverre. Plus de théâtre ou de chant, la danse se suffit à elle – même et ce grâce à la place qu’occupe désormais l’art de la pantomime qui lui permet de donner au geste toute son expression dramatique.

Les deux ballets réunis ce soir sont deux œuvres majeures qui illustrent deux moments essentiels de sa carrière. Le premier Renaud & Armide bien qu’encore ancré dans l’ancien style dévoile déjà les recherches de Noverre qui souhaite moderniser la peinture des caractères. Le second Médée & Jason est considéré comme son chef – d’œuvre. Tous deux destinés à être les interludes intercalés dans des soirées d’opéras, connurent un grand succès à leur époque.

Ce soir le partenariat a donné les moyens aux artistes de les recréer dans les meilleures conditions possibles et a permis au succès d’être au rendez-vous. Le public venu rêver, n’a pas été déçu. Mais le songe théâtral de cette période transitoire a un prix. Celui de ces décors, de ces costumes, de ces machineries qui participent au drame.


Pure merveille

Il ne peut y avoir aucun doute: ce sont les décors et les changements à vue réalisés par Antoine Fontaine qui ont d’abord attiré le public, permettant du coup de l’ouvrir à un répertoire qu’il ne connaît pas. Il faut reconnaître qu’en moins de cinq années de travail, ce n’est pas seulement la beauté, la noblesse ou l’élégance des tableaux qui nous subjuguent, mais la fluidité de leur maniement qui gagne en magie et en émerveillement, faisant disparaître tout incident qui engendrant des rires peut casser les effets dramatiques qui y sont liés.

Difficile de tout décrire ici, mais disons que la réalisation scénographique est … pure merveille. Les costumes d’Olivier Bériot participent à l’enchantement, même si on aurait aimé des matières plus nobles pour leur réalisation. Ils sont un mélange de fantasmagories médiévale et orientale pour Renaud ; d’élégance antique pour Médée. Les chorégraphies de Marie-Geneviève Massé fusionnent pantomime et belle – danse avec noblesse et poésie. La mise en scène de Vincent Tavernier souligne les émotions, la tragédie avec une réelle sensibilité. Les divers tableaux s’enchaînent sans rupture et la gestuelle est magnifiée.

Tous les danseurs de la Compagnie l’Eventail réalisent une belle performance, mais c’est la superbe Médée aux sortilèges redoutables de Sarah Berreby, ainsi que la tendre Créuse d’Emilie Brégougnon qui nous ont le plus marqué, ainsi que l’ensorcelante Armide de Sabine Novel.

Si le public est d’abord venu pour voir, c’était sans compter sur Hervé Niquet et Le Concert Spirituel qui nous ont fait découvrir avec fougue et de très belles couleurs la musique de Jean-Joseph Rodolphe, un compositeur d’origine alsacienne qui travailla à plusieurs reprises pour Noverre. En y rajoutant des extraits de Grétry, Dauvergne et quelques autres compositeurs, Hervé Niquet renforce l’aspect dramatique d’une musique parfois un peu répétitive, devenant ainsi une actrice essentielle de la tragédie dansée.
La saison musicale 2012 du CMBV au château de Versailles se termine donc en beauté.

Versailles. Opéra Royal, le 15 décembre 2012. Jean-Georges Noverre (1727 – 1810) et Jean-Joseph Rodolphe (1730 – 1812). Médée et Jason et Renaud et Armide. Sabine Novel, Armide ; Sarah Berreby, Médée ; Noah Hellwig, Renaud ; Adrian Navarro, Jason ; Bruno Benne, Ubalde ; Émilie Brégougnon Créuse ; Olivier Collin, Le Chevalier danois ; Daniel Housset, Créon ; Et Volodia Lesluin, Irène Ginger, Marie Blaise, Bérengère Bodénan, Adeline Lerme, Anne-Sophie Berring, Karin Modigh, Romain Arreghini. Scénographie et réalisation des décors, Antoine Fontaine. Costumes, Olivier Bériot. Compagnie l’Evantail, Ballet de Noverre ; chorégraphie, Marie-Geneviève Massé. Le Concert Spirituel. Hervé Niquet, direction.

Illustrations: © P.Grosbois 2012 (le premier ballet présenté à l’Opéra Royal de Versailles: Renard et Armide de Noverre)
Les ballets de Noverre, Renaud et Armide, Médée et Jason sont à l’affiche de l’Opéra-Comique à Paris.
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