jeudi 28 mars 2024

Toulouse. Cloître des Jacobins, le 3 septembre 2010. 31ème festival Piano aux Jacobins. Byrd, Johann-Sebastian Bach, Chopin, Schubert… Richard Goode, piano.

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Ce premier concert de l’édition 2010 de Piano aux Jacobins, festival organisé par Catherine d’Argoubet, a bénéficié d’un temps estival admirable. Le Cloître des Jacobins est un lieu à l’atmosphère unique, bénéficiant d’une acoustique et d’une esthétique rares. La douceur de l’air du soir a augmenté le plaisir pour le public. Recevoir le pianiste américain Richard Goode est une chance extrême en France, tant ses apparitions sont rares en Europe. Dernier concert juste avant une période sabbatique annuelle, l’engagement de l’artiste a été total. Dans un programme d’une générosité peu banale, il a parcouru un répertoire fascinant.

Goode, very good

Les deux pavanes et gaillardes de William Byrd écrites pour le virginal sont des recréations poétiques sur l’impressionnant Steinway. Rigueur du rythme et délicatesse du toucher permettent à Richard Goode d’exprimer toute la subtilité de ces danses et la beauté inclassable des mélodies de William Byrd, compositeur anglais fasciné par une Espagne rêvée. L’interprète tisse une sorte de dentelle lunaire, ainsi ces deux pièces passent comme des soupirs dansés.
La grande Partita n°6 de Bach bénéficie de la parfaite rigueur du pianiste qui concentre sa sonorité en une rondeur pleine de chaleur et d’humaine tendresse. Bach devient intemporel et éternel, sa musique est calme et virtuose à la fois sous ces doigts véloces, toujours à la recherche de la musicalité la plus délicate sans jamais la moindre ostentation. La gigue finale, avec ses entrées fuguées si complexes, est d’une limpide pureté, la précision sidère par l’absence de raideur alors que le rythme semble implacablement tenu.
Dans les quatre Mazurka op. 33 de Frédéric Chopin Richard Goode illustre une filiation avec Bach peu souvent entrevue. La rigueur de la composition est mise en valeur sans entraver le développement d’une fantaisie si consubstantielle au génie du compositeur d’origine polonaise, qui prisa tant cette danse élégante et souple. Ici les courtes pièces de cet opus deviennent autant de bijoux princiers. Mais c’est dans la Polonaise-Fantaisie que l’interprète, complètement transporté par l’œuvre aux vastes proportions, convoque l’âme tourmentée de Chopin pour nous offrir une lecture fiévreuse et pourtant totalement contrôlée. Ce paradoxe de l’interprétation de Richard Goode, mêlant folie et précision, le fait utiliser des nuances extrêmes et des couleurs flamboyantes ou exsangues, une précision rythmique rare et une manière subtile d’habiter les silences. Un Chopin poète du doute qui utilise de manière visionnaire les potentialités du piano futur. Signalons la qualité de l’instrument des concerts de Piano aux Jacobins. Retrouver ce Steinway, admirablement préparé, dans l’acoustique magique de la salle capitulaire est un bonheur rare sous des doigts si sensibles. Les basses sonnent profondes et émouvantes, le médium est d’une richesse admirable et les aigus sont limpides. On percevait chez l’interprète comme une ivresse à faire sonner si fastueusement ce bel instrument dans cette composition forte.
Après un entre-acte bien mérité pour un concertiste si généreux, une seule œuvre compose la deuxième partie. C’est l’ultime sonate de Schubert D.960, aux proportions gigantesques qui constituent l’apothéose du récital. Impossible de décrire sans l’affadir cet intense moment de poésie pure qui permet un voyage en de vastes contrées, dilatant le temps et l’espace créant l’oubli de tout ce qui limite l’âme et fatigue le corps. Tout n’est que grandiose beauté, simple élégance, dans cette interprétation inspirée. Richard Goode ne peut s’empêcher de chanter en interprétant cette somptueuse partition. Il fait oublier l’instrument pour n’offrir que de la musique en sa pureté idéalisée. Le public revient à la réalité comme engourdi après une telle interprétation.
Bach et Chopin offerts en bis permettent au public enthousiaste de revenir doucement à la réalité après un voyage si captivant. Richard Goode pianiste trop rare est avant tout un musicien inspiré, respectueux de chaque style et sachant communiquer au public son respect et sa parfaite compréhension des intentions de chaque compositeur abordé. Un grand moment de musique a ouvert le 31° festival de Piano aux Jacobins.

Toulouse. Cloître des Jacobins, le 3 septembre 2010. 31ème festival Piano aux Jacobins. William Byrd (1540-1623) : Pavanne et Gaillarde en sol majeur et en la mineur. Johann-Sebastian Bach (1685-1750) : Partita n°6 en mi mineur, BWV 830 ; Frédéric Chopin (1810-1849) : Mazurkas op. 33, Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur, op. 61 ; Franz Schubert (1797-1828) : Sonate n° 23, en si bémol majeur D.960. Richard Goode, piano.

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