Arte : Richard Strauss, un génie controversé, le 11 juin à 21h. Arte diffuse ce portrait docu de Richard Strauss en « génie controversée »…. pour les 150 ans de la naissance du plus grand compositeur bavarois, né en 1864. Le regard est forcément sélectif : sont évoqués poèmes symphoniques (Don Juan, Don Quichotte…) : un terreau expérimental et purement instrumental, mené jusqu’aux ultimes années du XIXème finissant… grâce auquel Strauss se forge sa propre identité musicale, bientôt appliquée à l’opéra. En prince de l’instrumentation, le compositeur qui a pu bénéficier d’un foyer familial propice à sa maturation artistique, affirme alors un tempérament unique sur le plan des audaces harmoniques, de la construction dramatique… Evidemment sur le registre lyrique sont mentionnés, le Chevalier à la rose, créé triomphalement à Dresde – foyer des créations straussiennes par excellence, en 1911 : toute l’Europe cultivée se pressa lors pour applaudir à ce miracle musical qui renoue avec la grâce et le raffinement mozartiens (de fait, le rôle d’Octavian est un personnage travesti comme celui de Cherubin dans les Noces de Figaro, principe classique par excellence et avant l’époque des Lumières, tant de fois utilisé à l’âge baroque de Vivaldi à Haendel)…
Aux côtés de la carrière du compositeur d’opéras (Elektra, Salomé également créées à Dresde en 1905 puis 1908 sont évoquées), le parcours du chef d’orchestre est précisément jalonné : Meiningen où Hans van Bulow l’appelle à ses côtés, puis Weimar (1889) où il rencontre Brahms, Wagner et surtout la soprano Pauline de Ahna qui deviendra son épouse… Weimar synthétise alors sa double renommée : compositeur adulé de Don Juan, chef célébré dans Tristan une Isolde de Wagner, compositeur qu’il adore tout en prenant distance avec sa conception messianique de la musique.
Le docu souligne combien Strauss fut au début du siècle, le tenant de la modernité lyrique, auteur d’une musique furieuse, spectaculaire et raffinée à la fois, faisant de Dresde, ce lieu d’expérimentation, véritable laboratoire des avancées et renouvellements lyriques avec Elektra et Salomé… Dommage que les grandes oeuvres orchestrales ne sont pas évoquées ni même citées : La Femme sans ombre, Hélène égyptienne, puis les opéras crépusculaires et nostalgiques Capriccio, Daphné ou l’Amour de Danaé…
Un génie empêtré dans la honte… Le chapitre que l’on attend concerne la collusion honteuse de Strauss avec le régime nazi : une complaisance qui dure 12 années et qui n’est pas à son honneur ni à son avantage. Aux jeux Olympiques de Berlin en 1936, Strauss, président de la chambre de musique du Reich compose l’hymne olympique, il est le compositeur le plus célèbre en Allemagne depuis les années 1920… Hitler et Gobbels utilisent et instrumentalisent à des fins de propagande sa célébrité honorable, d’autant que l’humanisme lettré et classique de Strauss n’a jamais été militant ni engagé. Son éducation le conduit à se soumettre et servir le pouvoir : comme il l’a fait auprès de l’Empereur François Joseph, puis Guillaume II, enfin Hitler. Cet aveuglement reste déconcertant, d’autant que dans lettres et conversations rapportées, Strauss exprime clairement sa distance d’un régime dont il annonce très vite la fin attendue. En 1944, il fait une visite au camp de musiciens de Theresienstadt pour y faire libérer la grand mère de sa belle fille : Strauss avait la naïveté de croire que son crédit et son statut suffiraient à obtenir cette libération sans la résistance des tortionnaires… Evidemment, personne n’est libéré. Voilà qui en dit long sur cet aveuglement de la honte. En 1949, le chef hongrois juif Solti soutient sa totale dénazification et l’accueille triomphalement dan la ville de ses anciens succès : Dresde. Tout un symbole. Avec les Quatre derniers lieder (qui sont en vérité 5 à présent), – hymne flamboyant et mélancolique, Strauss semble faire amande honorable, prier pour son rachat et en même temps exprimer un adieu qui est renoncement au monde.
Le témoignages des artistes : Thomas Hampson (qui chante Mandryka dans Arabella à Salzbourg 2014 aux côtés de René Fleming), la mezzo Brigitte Fassbaender (interprète légendaire de Octavian… qui témoigne son harcèlement des fans que sa prise de rôle à suscité à Munich en 1979), le chef Christian Thielemann …
Soirée Richard Strauss sur Arte
première partie de programme
Concert à Dresde pour les 150 ans : Christian Thielemann dirige au Semperoper de Dresde, la Staatskapelle de Dresde dans un cycle comprenant des extraits symphoniques et lyriques : Elektra, Le Chevalier à la rose, Feuersnot et surtout perles orchestrales néobaroques : l’ouverture de Hélène l’Égyptienne et en particulier le final de Daphné qui narre musicalement la métamorphose de la nymphe aimée d’Apollon en laurier, selon la légende féerique et fantastique léguée par Ovide entre autres.
seconde partie de programme
Documentaire de Reinhold Jaretszky : portrait de Richard Strauss en » génie controversé ». Bilan sur sa carrière pendant le régime hitlérien : Strauss compositeur germanique vivant incontournable ne fut-il qu’instrumentalisé par les nazis ou chercha-t-il sciemment à pactiser avec le diable pour recueillir privilèges et statuts officiels? Sa complicité avérée alors avec le chef Clemens Krauss lui aussi complaisant vis à vis du régime hitlérien ajoute au trouble… Nommé président de la Chambre de musique du Reich dès 1933, adoubé par Hitler, auteur d’hymnes de pure obéissance (comme celui pour les Jeux Olympiques de 1936), Strauss même s’il démissionna de sa charge présidentielle, prit parti pour son librettiste juif, Zweig, au moment de la création de La Femme silencieuse en 1935 (sous la direction de Karl Böhm)… Le documentaire offre un large spectre d’analyse, soulignant combien le génie de l’artiste fut grand, mais plus douteuses ses errances politiques et culturelles… A chacun de se faire son propre jugement. L’immense stature du compositeur dans la première moitié du XXè s’affirme elle de façon indiscutable.
Arte. Mercredi 11 juin 2014,20h50. Soirée Richard Strauss : concert et docu.