Le public a rĂ©pondu nombreux, avec une salle pleine, Ă lâouverture de la saison symphonique de la Philharmonie de Paris. La direction artistique ambitieuse et lâexcellence des interprĂštes choisis permet dâoser des cycles encore impensables il y a peu. Nous avons donc pu assister au premier concert proposĂ© par la Staatskapelle Berlin et son chef « à vie », Daniel Barenboim  dans le cadre du cycle de lâintĂ©grale des Symphonies de Bruckner dont ont peut dire que lâoeuvre symphonique nâencombre pas les programmes de France ou de Navarre. Chaque symphonie est associĂ©e Ă un Concerto pour piano de Mozart. Lors de la lecture de ce programme, un petit sourire mâa fait tressaillir. Nây avait-il pas le risque entre dĂ©licatesse mozartienne et Ă©normitĂ© brucknĂ©rienne, de penser Ă un Ă©lĂ©phant dans un magasin de porcelaine ? Ou convoquer les images si troublantes de Fantasia de Walt Dysney qui fait danser des Ă©lĂ©phants en tutu et pointes ? Comment passer dâun univers Ă lâautre sans soucis ?
Daniel Barenboim Ă la Philharmonie de Paris
Tout parait simple entre géants
Il convient juste de faire confiance. Tant Ă chaque compositeur quâaux interprĂštes dâexception et tout particuliĂšrement Ă Daniel Barenboim. Cet enfant prodige qui a donnĂ© ses premiers concerts publics Ă dix ans, jouait les concertos de Mozart. Câest encore en observant Edwin Fischer jouer ses concertos en dirigeant lâorchestre que son dĂ©sir de chef dâorchestre est nĂ©. Plus que lâintĂ©grale des sonates de Mozart, câest sa patiente intĂ©grale des concertos de Mozart quâil joue et dirige avec lâEnglish Chamber Orchestra qui reste un bijou incomparable Ă nos oreilles. La logique de cette vie dĂ©diĂ©e Ă la musique comme soliste, chambriste ou chef symphonique, comme dâopĂ©ra est donc Ă©vidente dans cette sĂ©rie de concerts. Bonheur Ă suivre : lâintĂ©grale des symphonies de Bruckner sâĂ©tendra sur la saison 2016-2017.
Ce soir le Concerto n°24 de Mozart en cette rare tonalitĂ© de do mineur a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune interprĂ©tation sombre et passionnĂ©e trĂšs loin de tout style galant. Lâosmose entre chef et orchestre a Ă©tĂ© totale, crĂ©ant des phrasĂ©s, des nuances et des couleurs dâune dĂ©licate musicalitĂ©. Daniel Barenboim, avec Murray Perahia reste le plus extraordinaire pianiste capable de diriger du piano de si belles oeuvres. Le jeu reste impĂ©rial et facile, comme Ă©vident dans une virtuositĂ© dĂ©licatement assumĂ©e. Avec un piano plutĂŽt chambriste et un orchestre tout Ă lâĂ©coute, dâune beautĂ© de chaque instant ; il paraissait donc tout naturel de voir ce dernier sâĂ©toffer pour la deuxiĂšme partie du programme.
La Symphonie n°4 de Bruckner est la seule Ă possĂ©der un titre : « Romantique ». Câest peut ĂȘtre une des raisons de son succĂšs dans les programmations symphoniques. DĂšs le dĂ©but du frĂ©missement subtil des cordes et le chant du cor solo, la magie a opĂ©rĂ©. Cette oeuvre si complexe et longue nous a entrainĂ© dans un voyage Ă la fois dans la nature, le temps, lâespace, lâabsolu du ciel. Daniel Barenboim dirige par cĆur et semble dĂ©guster chaque moment musical. Il a enregistrĂ© pas moins de trois versions intĂ©grales des symphonies de Bruckner. Avec les Berliner Philharmoniker, le Symphonique de Boston, la Staatskapelle Berlin .
La maniĂšre dont la direction de Barenboim dĂ©roule une sorte de dramaturgie Ă©vidente, semble emporter les musiciens et le public Ă voir large et grand. Regard intĂ©rieur poĂ©tique Ă©galement sur la beautĂ© de musique pure mĂȘme si des images naissent Ă chaque instant. La Staatskapelle Berlin est le plus ancien et officiel orchestre de Berlin.  Peut ĂȘtre le plus ancien ayant survĂ©cu en sâadaptant Ă lâhistoire complexe de cette ville. Lâentente avec Daniel Barenboim est totale, et câest donc comme dâun grand instrument que le chef a pu jouer pour obtenir la subtile alchimie brucknĂ©rienne. Les instrumentistes sont parfaitement Ă©quilibrĂ©s, sans rien cĂ©der Ă une qualitĂ© de jeu personnel, câest la maniĂšre de sâĂ©couter et de se renforcer qui procure cette sĂ©curitĂ© dâĂ©coute de chaque instant. LâĂ©quilibre obtenu par BarenboĂŻm est prodigieux et lâacoustique merveilleuse de la Philharmonie de Paris a permis dâen dĂ©guster chaque nuance comme chaque couleur. DisposĂ©s Ă lâextrĂȘme droite, les violons 2 ont su rĂ©pondre aux sollicitations de Daniel Barenboim obtenant un parfait Ă©quilibre avec les violons 1. Toutes les contrebasses au fond ont créé une pulsion matricielle dâune force incroyable dont lâorchestre tout entier a bĂ©nĂ©ficiĂ©. Les bois solo ont Ă©mus, les cuivres grandement impressionnĂ©s. Le drapĂ© des cordes dâun Ă©pais velours ou dâun tulle arachnĂ©en, a Ă©tĂ© un vrai rĂ©gal.
Avec de tels interprĂštes ce cycle promet de grands moments à la Philharmonie de Paris. Le succĂšs public est total,  non loin de faire une standing ovation en ce soir du 2 septembre⊠On ne peut rĂȘver dĂ©but de saison plus brillant, exigeant, magnifique. Au nord de Paris, la saison  2016-2017 de la Philharmonie dĂ©marre sous de prodigieux auspices.
Compte rendu concert ; Paris, Cité de la Musique, Philharmonie de Paris 1, le 2 septembre 2016 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano et orchestre n° 24 en do mineur K.491 ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°4 en mi bémol majeur « Romantique » ; Daniel Barenboim, piano ; Staatskapelle Berlin ; Direction : Daniel Barenboim.