En s’attaquant aux deux dernières Sonates de Beethoven, Anne Queffélec relève les défis multiples de partitions qui exigent de l’interprète, un investissement total, au service de la profondeur et de la créativité pure, aux limites de l’audible. Les 2 Sonates sont comme le Graal et l’Everest de tout pianiste : à la fois, épreuve technicienne et cheminement spirituel. Beethoven y dépasse le cadre formel traditionnel, porté par sa seule volonté poétique, entre dépassement et témoignage.
Le dernier Beethoven au TAP POITIERS
En nov 2022, Anne Queffélec a enregistré (au TAP de Poitiers et sa formidable acoustique), les 3 dernières Sonates de Beethoven – l’aboutissement de toute une vie pour Beethoven qui a ainsi élargi, voire implosé, tout au moins profondément renouvelé, la forme Sonate ; ses 32 Sonates traversent toute la carrière. Les jouer est pour la pianiste l’accomplissement de sa propre démarche ; un rêve aussi de se confronter spirituellement et physiquement à cette expérience musicale qui est aussi « épreuve ». Les jouer c’est (re)découvrir et sonder cet « infini » musical dont parle Victor Hugo à propos de Beethoven.
L’énergie canalisée, le souci des phrasés, la flexibilité du jeu digitale qui s’écoule comme un flux lumineux, attentif aux détails comme à l’architecture et ses directions… accréditent ici une lecture magistrale, faite de sensibilité et de sobriété. La fluidité éruptive qui caresse et explore aussi les mondes parallèles et invisibles profite à l’écoute du spectateur, confronté aux chants de l’intime et à l’ultime confession du compositeur.
Car Beethoven s’expose aussi comme un homme, au sentiment fraternel généreux voire éperdu qui oblige l’auditeur à réfléchir au sens profond de la musique, donc de l’humanité.
Dans ce cheminement physique autant que spirituel, l’interprète se révèle à lui-même, et ressent dans l’épreuve musicale, des zones de lui-même qu’il ignorait… « la musique sait de nous ce que les mots ne peuvent dire » avoue Anne Queffélec. Cela fait de la musique, une formidable puissance cathartique, un miroir qui nous est tendu, dévoilant la part inconnue de l’intime.
Dans ce parcours, le pianiste joue dans le piano et non contre l’instrument ; s’accordant à la mécanique, à la palette sonore du clavier.
Anne Queffélec joue les dernières Sonates de Beethoven
« Et après le silence… »
Si l’Opus 109 reste dans le secret, est plus intime et moins spectaculaire, l’Opus 110 (Sonate n°31, achevée en 1821) comportant de nombreuses indications sur la partition, délivre comme le portrait de Beethoven lui-même.
Le 1er mouvement contient le cœur de Ludwig, sa tendresse généreuse douée d’un amour infini ; beau contraste avec le feu prométhéen du 2è mouvement, pur crépitement qui affirme la vitalité entière ; puis se déploie, dans le Finale (structuré en 5 séquences enchaînées), après l’adagio ma non troppo, la douleur grave de l’Arioso dolente, qui est une plongée dans la vérité nue et sombre qui touche aussi parce qu’elle déploie une compréhension très profonde de l’humain. La Fugue qui suit est une réaction de l’esprit ; c’est le « courage de la volonté contre la douleur et l’accablement » précise Anne Queffélec. Après un nouvel épisode tragique (arioso en sol mineur / « perdendo le forze » / perdant les forces) qui est l’épreuve décisive du cycle, Beethoven reprend le motif de la fugue à l’envers, en inversant le flux, il redresse l’énergie (« di nuovo vivente ») et recouvre l’espoir et presque la joie. C’est une Renaissance dans un écoulement salvateur. Pour l’interprète, la succession aussi contrastée de sentiments divers compose cette catharsie beethovénienne, unique dans l’histoire de la musique.
La clé serait assurément dans la résolution finale de l’Opus 111 (Sonate n°32) – la partition comprend deux mouvements dont le second Arietta avec variations, célébré par les écrivains, est désignée par Thomas Mann, comme « l’adieu à la sonate » : au terme d’un combat de l’homme contre lui-même, la valeur ultime est une croche et un 1/4 de soupir… c’est à dire tout s’efface et s’épuise dans l’ombre, sur le souffle dernier, et s’accomplit dans le silence.
Anne Queffélec aime à rappeler que Beethoven admirait (comme Berlioz et plus tard Verdi), Shakespeare. Les derniers mots d’Hamlet sont significatifs ici pour le dernier accord suspendu de Beethoven : « et après, le silence ». La musique naît et s’accomplit par le silence. Puissante éloquence.
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POITIERS, TAP auditorium
Samedi 25 février 2023, 21h
Récital de piano : Anne Queffélec
Ludwig van Beethoven
Sonate n° 31 en la bémol op. 110,
Sonate n° 32 en do mineur op. 111
Réservez vos places directement
sur le site du TAP POITIERS
dans le cadre du festival Piano Pianos
https://www.tap-poitiers.com/spectacle/anne-queffelec-3/
Places numérotées
Durée : 1h10
CD : Beethoven : les dernières Sonates par Anne Queffélec – 1 cd Mirare
VIDÉO :
Anne Queffélec – Beethoven, les 3 dernières sonates
https://www.youtube.com/watch?v=58uDTwDEwtU
Le récital d’Anne Queffélec est programmé dans le cadre du festival PIANO PIANOS proposé par le TAP POITIERS :
Pass Piano Pianos (2 concerts au choix hors concert À la découverte de pianos historiques) Plein tarif : 28 € | moins de 16 ans, Carte Culture, demandeurs d’emploi : 14 €
Pass Piano Pianos Plein tarif / Achetez en ligne :
https://billetterie.tap-poitiers.com/abonnement_grille?lng=1&id_abonnement=2793
Pass Piano Pianos Tarif réduit /
Achetez en ligne :
https://billetterie.tap-poitiers.com/abonnement_grille?lng=1&id_abonnement=2794
Si vous aimez le piano, consultez aussi le concert du pianiste DAVID KADOUCH : les musiques de madame Bovary, récital au TAP de POITIERS, le 25 février 2023 à 18h
https://www.tap-poitiers.com/spectacle/david-kadouch/