vendredi 19 avril 2024

Placido Domingo, ténor. Ses rôles majeurs Arte, Lundi 5 avril 2010 à 22h30

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Placido Domingo
ténor

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Portrait, 2009

Arte

Lundi 5 avril 2010 à 22h30

Réalisation: Chris Hunt (2009, 1h20mn)

C’est l’un des 3 ténors qui reste toujours au devant de la scène: Carreras a dû arrêter sa carrière pour maladie grave, et Pavarotti nous a quitté. Reste L’espagnol né à Madrid mais Mexicain de coeur, Placido Domingo qui présente dans ce documentaire-portrait, ses rôles majeurs. Aujourd’hui chef d’orchestre et directeur artistiques des opéras de Los Angeles et de Washington, le ténor évoque ses engagements scéniques: il est vrai qu’en plus d’un timbre vaillant et ardent, il sait aussi jouer. C’est un chanteur et un acteur accompli dont la vérité se dévoile à mesure que les documents d’archives se succèdent.
L’expérience vocale débute avec Don José de Carmen : Domingo se sent proche du Navarrais car par sa mère, il est lui aussi basque ; puis il y a en 1970, une prise de rôle attendue et remarquée celle de Enzo (air « Cielo e mar », d’une redoutable amplitude lyrique) dans La Gioconda de Ponchielli, un compositeur qui fut maître de Puccini et de Mascagni. A 29 ans, l’Espagnol qui a suivi très jeune ses parents (tous deux chanteurs de Zarzuela) au Mexique redécouvrait ainsi Madrid (quittée depuis 20 années), non sans émotion.
Ernani, personnage verdien, tragique et bandit au grand coeur, est une autre prise de rôle qui a compté: en 1969, le jeune ténor découvre les choeurs, l’orchestre de La Scala sous la direction de Nino Votto. D’Ernani à Ramirez, de La Fanciulla del West de Puccini, il n’y a guère d’éloignement: tous deux sont des brigands attendris. Ramirez et Mimi sont destinés l’un pour l’autre. L’opéra laisse en une occasion rare à l’opéra, le ténor et la soprano se retrouver à la fin.
En outre comme dans la vie personnelle du chanteur, Ramirez suit, lui aussi, les traces de son père et se déclare espagnol et mexicain: le rapprochement est sidérant, et permet à l’interprète de vivre totalement son personnage sur la scène.
Grâce à son géniteur dont il prolonge l’engagement vocal et la ténacité lyrique, Domingo écoute et découvre les grands noms italiens qui ont marqué sa formation au conservatoire de Mexico: Tebaldi, Bastianini, Del Monaco… des voix engagées, caractérisées qui le portent à son meilleur.
Suivent d’autres rôles qui exigent du chanteur: santé, résistance, vaillance, tendresse et héroïsme. Ainsi Andrea Chénier où l’acteur s’affirme à nouveau; puis, le personnage puccinien qui l’a imposé partout dans le monde et aussi à la télévision, lors d’une captation en direct, d’une performance où l’opéra Tosca était joué dans les 3 lieux et presque aux heures de l’action: Mario Cavaradossi. Le ténor, amant de la chanteuse Floria Tosca, est un peintre, chevalier, surtout un héritier de Voltaire, un libertaire qui se dresse face au régime politique le plus violent (celui policier incarné par le baron Scarpia): Placido Domingo l’a chanté 225 fois et a dirigé 50 représentations de Tosca. Dans l’église San Andrea della Valle au matin, au Palazzo Farnese le soir, sur la terrasse du château Saint-Ange au petit matin (6h pour le tournage au lieu de 4h selon le livret), Placido Domingo présente la psychologie du caractère. Les deux derniers rôles d’une carrière déjà très convaincante et diverse, sont ici Hoffmann des Contes d’Hoffmann (Offenbach), le poète alcoolique et paranoïaque, puis Samson dans Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns. Etonnante carrière qui défend aussi le répertoire français romantique. Pourtant chanter les deux personnages reste difficile pour un non francophone.
D’Hoffmann, Domingo nous parle de l’amertume, de la gravité mélancolique: du désespoir. Le pilier de taverne qui boit tous le soirs et dont la poésie est raillée par ses partenaires en beuverie, évoque trois expériences du dépit amoureux: ni Olympia, ni Antonia, ni Giuletta à Venise, ses 3 figures de femmes dans la vie sentimentale si désertique d’Hoffmann, n’apportent une réponse rassurante. Chacun au contraire marque un nouvel échec dans la vie amoureuse du poète définitivement maudit. Heureusement, à la fin de l’ouvrage, le maudit est sauvé par son amour de l’art. La muse fait son apothéose.
Pour Samson, même descente aux enfers avec en prime une manipulation honteuse: l’ironie du livret est forte. Doué d’une force surnaturelle, Samson se laisse dominée par une femme adverse à son clan. Ce géant aux pieds d’argile bascule, croit à l’amour: parjure son peuple hébreux et les sacrements de sa foi; il s’abandonne au coeur de Dalila qui le manipule. Samson n’est pas sauvé comme Hoffmann: il meurt banni, humilié, trahi, aveugle, enchaîné à la meule qu’il doit ébranler, en esclave des Philistins.
Au cours du documentaire, Zubin Mehta, Kiri Te Kanawa, Luciano Pavarotti, José Carreras témoignent pour les qualités du ténor. Dans les documents d’archives, illustrant ses prises de rôles, Domingo a comme partenaire Ileana Cotrubas, AGnès Baltsa, Grace Bumbry… Malgré un montage classique, la parole donnée au chanteur demeure captivante.

Illustration: Placido Domingo (DR)

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