La Salle Pleyel était comble jeudi 31 janvier 2008 dernier pour écouter Daniel Barenboïm en compagnie de l’Orchestre de Paris, dont il fut directeur musical de 1975 à 1989, dirigé par l’un de ses successeurs, Christoph Eschenbach. L’événement est suffisamment important pour que, contrairement à tout usage, la symphonie soit jouée avant le concerto donc donné en seconde partie. En première partie donc, la 8 ème symphonie d’Antonin Dvorak, chef d’œuvre optimiste et pastoral composé en 1889 et parfois surnommé « symphonie anglaise » du fait des démêlés de l’auteur avec l’éditeur britannique. La construction est classique, 2 mouvements rapides entre lesquels se trouve placé un adagio laissant la part belle aux vents et un allegretto grazioso très lyrique. Brahms n’est jamais très loin notamment dans l’allegretto qui n’est pas sans rappeler le troisième mouvement de la 3 ème symphonie. Le début du premier mouvement sonne beau et riche avec des cordes graves rondes et subtiles mais dès l’allegro l’impétuosité prend le dessus et le son devient moins transparent et le propos parfois appuyé. De belles nuances sont à l’origine de quelques instants suspendus très émouvants au cours du second mouvement. L’allegretto grazioso est un peu gauche, par moment pesant ce qui masque la finesse intrinsèque à cette musique. Quand au final, il sonne abrupt et trop martial. Le résultat global est un Dvorak très inégal, sonnant par moment comme du Wagner et perdant de sa poésie. Dommage.
En deuxième partie, Daniel Barenboïm est au piano pour le premier concerto de Brahms. Quel plaisir de revoir l’immense artiste sur la scène de cette salle où il s’est tant produit. Il n’a pas joué cette œuvre avec l’Orchestre de Paris depuis 1983 et Zubin Mehta, l’ami de toujours, était alors à la baguette. Daniel Barenboïm a le sourire, semble détendu et heureux d’être là. La longue introduction passionnée du premier mouvement lui permet de reprendre contact avec les musiciens. Dès l’entrée du piano, la musique s’impose naturelle et lumineuse. La technique pianistique est toujours stupéfiante, les nuances et la clarté au premier plan, les contrastes soutenus et l’engagement physique, indispensable dans cette œuvre d’une puissance peu commune, bien palpable mais jamais lourd. Le second mouvement est d’une grande poésie et d’une souplesse toute naturelle et il est touchant de voir Daniel Barenboïm écouter, voire encourager avec empathie par le seul regard, le magnifique pupitre des vents de l’Orchestre de Paris avec laquelle il dialogue à merveille. L’entente avec le chef est bonne, Christoph Eschenbach est à l’évidence à l’écoute, son Brahms sonne très allemand mais les raccords piano/orchestre ne sont pas toujours en place.
En bis, Barenboïm nous donne à entendre et à voir un Pèlerinage en Italie sur les traces de Liszt d’une incroyable beauté sonore. Toute la palette de son immense talent est ici mise en valeur. Ovation debout de la salle entière à l’initiative du directeur général de l’orchestre de Paris et on se prend donc à imaginer de futures collaborations. Un signe à Jean-Louis Ollu, l’ami violoniste et fidèle de Bayreuth, et puis s’en va. Merci Daniel Barenboïm, vous êtes un maître. Revenez nous dès que possible.
Paris. Salle Pleyel, 31 janvier 2008. Antonin Dvorak (1841-1904) : Symphonie n°8 op. 88 en sol majeur, Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n° 1 en ré mineur, op. 15. Orchestre de Paris. Christoph Eschenbach, direction. Daniel Barenboïm, piano.
Crédit photographique: Daniel Barenboïm (DR)