PARIS, Opéra Bastille. Donizetti : Lucia di Lammermoor, 14 octobre – 16 novembre 2016. En adaptant pour Donizetti en 1835, le roman de Walter Scott, Salvatore Cammarano souligne l’impuissance tragique d’une fille pourtant bien née… elle est noble en son château, mais orpheline et sans le sou.
Le supplice de Lady Jane Grey par le peintre Hippolyte Paul Delaroche, 1834.
Lucia pourrait être une histoire parallèle au Roméo et Juliette de Shakespeare, l’une de ses possibles « variations » : il y est question comme dans le drame médiéval d’une rivalité entre deux clans, ici les Ashton et les Ravenswood. Et dans ce conflit qui détruit les familles, surgit l’amour qui unit pourtant deux de ses membres : Lucia Ashton aime passionnément Eduardo Ravenswood. Mais le frère de Lucia, Lord Enrico Ashton fait savoir dès la première scène qu’il décide du sort de sa soeur et la promet à un riche mariage, – avec Arturo Bucklaw, pour redorer le blason familial (et empocher les fruits de la dot). Les quiproquos malheureux (rendus possible par une étonnante passivité aveugle d’Eduardo), précipite le sort de Lucia pourtant constante et loyale dans ses sentiments : si elle épouse forcée, Arturo, elle le tue le soir des noces, puis devenue folle, se tue, entrainant le suicide d’Eduardo. Tragédie inéluctable des amants sur terre : les cœurs purs ne sont pas de ce monde. Le dernier et troisième acte de Lucia est le plus spectaculaire : la scène de folie, écrin à vocalises, permet à la seule figure vraiment développée du drame lyrique, Lucia, âme pure et sacrifiée, de développer sa langueur mortifère dans une série de vocalises que Donizeeti doit à son prédécesseur Bellini. Donizetti cisèle la langue du bel canto le plus suave et délicat, sur le livret de Cammarano particulièrement efficace et simple, dans lequel le trio infernal de l’opéra italien romantique : baryton noir voire sadique (Enrico le frère), ténor ardent angélique (Edgardo l’amant écarté), soprano éclatant sacrificiel (Lucia) se fixe définitivement. Courrez applaudir cette production à l’Opéra Bastille, pour y écouter entre autres l’excellente et envoûtante soprano sud africaine Pretty Yende, qui dès 2010, était couronnée du Premier Prix au Concours international de Bel Canto Vincenzo Bellini : une artiste jeune et subtile, aux facilités techniques exceptionnelles, qui doit sa suprême musicalité à son passage entre autres, au sein de l’Académie de La Scala. Depuis sa distinction au Concours Bellini 2010, Pretty Yende chante au Metropolitan Opera, à La Scala et à présent, sur la scène de Bastille dans un rôle de pur bel canto, rôle pour lequel elle avait justement décroché le Prix Bellini 2010. C’était déjà en France. Voici donc le grand retour de la jeune diva bellinienne dans un ouvrage qu’elle sert admirablement.
CD. Pretty Yende vient de publier chez Sony classical son premier album, dédié, logiquement aux compositeurs italiens belcantistes, de Rossini, à Donizetti, dans omettre le maître entre tous, Bellini. CD « A journey » par Pretty Yende, CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016
Lucia di Lammermoor de Donizetti à l’Opéra Bastille
Opéra séria en trois actes
Livret de Salvatore Cammarano
Création le 26 septembre 1835 à Naples
Direction musicale : Riccardo Frizza
Mise en scène : Andrei Serban
Lucia : Prety Yende, soprano (14,17, 23 octobre, 4, 8, 16 novembre 2016)
/ Nina Minasyan
Edgardo : Piero Pretti / Rame Lahaj
Enrico : Artur Rucinski
Arturo Bucklaw : Oleksiy Palchykov
Alisa : Gemma Ni Bhriain
Normanno : Yu Shao
Choeurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris