Jessye Norman est morte. La soprano Jessye Norman s’est éteinte hier, lundi 30 septembre 2019 à l’âge de 74 ans à la suite d’une septicémie. La longueur du souffle, la recherche d’un son idéal, le sens du texte qui la rendu mémorable dans l’interprétation des héroïnes françaises, en particulier baroque (sublime Phèdre dans Hippolyte et Aricie de Rameau, à Aix et à Paris) ou romantique (délicieuse Hélène dans La Belle Hélène d’Offenbach. Jessye Norman fut aussi un grande diseuse, experte du verbe, de la nuance. Elle chanta aussi (essentiellement pour Philips et Decca) un vaste répertoire où sont préservés, certes le beauté dutimbre et l’élégance du chant comme du style, surtout, le sens du texte et le relief du drame.
De toute les grandes divas noires, – Grace Bumbry, Kathleen Battle,…, Jessye Norman égale les meilleures et les plus bouleversantes. Un lien particulier l’unissait avec la France où elle chantait la marseillaise pour les commémorations de la Révolution en 1989.
Il y a 4 ans (2015), Fayard publiait la traduction française de sa biographie : « Tiens toi droite et chante ! » : un témoignage poignant sur l’ascension de la chanteuse, « née à Augusta en Georgie, outre ses dons vocaux prodigieux, (Jessye Norman) traverse des événements politiques et sociétaux majeurs qui ont marqué l’après guerre : dans son pays, les lois racistes et la ségrégation qui ont suscité tout un mouvement populaire pour l’égalité des citoyens américains ; puis jeune cantatrice passée à Berlin dans les années 1960, écoutes discrètes et loi du secret comme du soupçon à l’époque de la guerre froide. Il faut lire ses souvenirs d’enregistrements à Dresde par exemple pour comprendre le climat et les conditions d’une époque troublante et surréaliste. »
L’acmé de sa carrière s’est déroulé dans les années 1980 et 1990. Parmi les grands rôles de Jessye Norman, à jamais au panthéon des étoiles du beau chant, distinguons Jocaste d’Oedipus Rex (chanté au festival de Matsumoto en 1993 sous la direction d’Ozawa), Didon (Purcell et de Berlioz), Phèdre (certains soirs enchanteurs de 1982 au Festival d’Aix en Provence), Erwartung naturellement… ; un travail tout autant remarquable avec les compositeurs vivants tels Tippett (A child of our time, célébration déchirante contre l’inhumanité de la guerre et de la Shoah) ou Messiaen (Poème pour Mi) ; Schubert, Mozart, Wagner, surtout Richard Strauss (Ariane d’Ariadne auf Naxos) dont elle fait une héroïne détruite mais hallucinée, prête à être sauvée par le miracle de sa rencontre inespérée avec Bacchus (voir les archives vidéo ci après)… Il existe aussi un document filmé de son récital symphonique avec Herbert von Karajan, dans la Mort d’Isolde de Wagner, temps suspendu où la diva au timbre de miel travaille avec le plus grand chef d’orchestre d’alors, celui là même qui au soir de sa vie laisse respirer comme peu, chaque ligne instrumentale … (1988).
Reposez en paix Madame Norman ; vous qui avez bercé nos cœurs et comblé notre âme, nous ne vous oublierons pas.
Jessye Norman chante Ariadne auf Naxos – Metropolitan Opera NY, 1988
________________________________________________________________________________________________
LIRE aussi
notre compte rendu critique du Livre : Jessye Norman : « Tiens-toi droite et chante ! » (Fayard)
http://www.classiquenews.com/livres-compte-rendu-critique-jessye-norman-tiens-toi-droite-et-chante-fayard/
________________________________________________________________________________________________
VIDEO
Jessye Norman répète le rôle d’Ariadne auf Naxos sous la direction de James Levine
https://www.youtube.com/watch?v=8xVEtwnT3aE
Metropolitan Opera House, New York, 1988.
Jessye Norman chante ARIADNE auf Naxos
https://www.youtube.com/watch?v=_H9LTixHHug
AMpleur du legato, articulation, sens du texte, couleurs intérieures… tout l’art de la tragédienne Jessye Norman capable d’exprimer l’hallucination est là.. sublime diamant
________________________________________________________________________________________________
https://www.youtube.com/watch?v=_H9LTixHHug