Nouvelle production événement à l’Opéra de Cologne… Depuis toujours, en dramaturge exigeant, Verdi affine la cohérence politique de ses intrigues. L’intensité des trames amoureuses est d’autant plus affûtée quand s’y mêle l’opposition des intérêts de pouvoir et d’argent. Et même si Simon Boccanegra ne suscite pas tout d’abord, le succès escompté lors de sa création le 12 mars 1857, Verdi reste occupé par un sujet sentimental et politique. Dès 1859, il réfléchit à son nouvel opéra, Un Ballo in Maschera.
Un Ballo in maschera : un opéra inspiré des Lumières
Ce que n’avait pas mesuré le compositeur, c’est l’opposition de la censure face а une oeuvre séditieuse par son sujet : oser représenter le meurtre d’un souverain sur scène restait choquant. Depuis son origine, l’opéra tragique fait l’apologie des monarques et l’opera seria, depuis le XVIII ème siècle, encense les vertus politiques du Prince Magnanime, héritier de l’Esprit des Lumières (ainsi que le développe au XVIIIè Métastase dans ses livrets).
Or imaginer un assassinat antimonarchiste, fut-il repris d’un fait historique, était un défi lancé contre les conservateurs et les tenants de la censure.
Antonio Somma, le librettiste de Verdi s’inspire tout d’abord de la pièce d’Eugène Scribe Gustave III ou Le Bal masqué. L’écrivain est un patriote déclaré, avocat et fondateur du Journal indépendantiste « La Favilla ». Le drame aborde l’assassinat du Roi Gustave III, francophile, admirateur des idéaux révolutionnaires, et assassiné par une balle de pistolet le 16 mars 1792, à un bal masqué donné à l’Opéra de Stockholm. Son agresseur — Jacob Johan Anckarström — fut arrêté mais le souverain expira de ses blessures, deux semaines plus tard.
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Giuseppe VERDI : UN BALLO IN MASCHERA
10 représentations à l’Opéra de Cologne / Staatenhaus Saal
Dimanche 14 avril 2024, 18h
Puis les 18, 20, 24, 26, 28 avril, 2, 4, 10 mai 2024
Infos et réservations directement sur le site de l’Opéra de Cologne / OPER KÖLN : https://www.oper.koeln/de/programm/ein-maskenball/6736
TICKET HOTLINE : +49 (0) 221 – 221 28 400
Direction : GIULIANO CARELLA
Mise en scène : JAN PHILIPP GLOGER /
RICCARDO : GASTON RIVERO
RENATO : SIMONE DEL SAVIO
AMELIA : ASTRIK KHANAMIRYAN
ULRICA : AGOSTINA SMIMMERO
OSCAR : HILA FAHIMA
SILVANO : WOLFGANG STEFAN SCHWAIGER
SAMUEL : CHRISTOPH SEIDL
TOM : LUCAS SINGER / WILLIAM SOCOLOF
STATISTERIE DER OPER KÖLN
CHOR DER OPER KÖLN
GÜRZENICH-ORCHESTER KÖLN
En soi, le choix de Somma et de Verdi n’avait rien de nouveau : Auber en 1833, Gabussi en 1841, puis Mercadante en 1843, avaient déjа puisé à la même source avec respectivement, leurs ouvrages « Gustave III, La Clemenza di Valois et Il Reggente ». Or depuis l’attentat d’Orsini contre Napoléon III le 14 janvier 1858, le contexte politique était sensible. Verdi allait en pâtir. Naples préalablement sollicité pour la création de l’opéra, refusa la partition et exigea des révisions drastiques. Rome ensuite fut interrogée : les changements demandés furent moins importants. De Suède, Verdi et Somma placèrent leur intrigue en « Amérique du nord à l’époque de la domination anglaise », et Gustave III, roi de Suède devint Riccardo, comte de Warwick et gouverneur de Boston ; le capitaine Anckarstöm se transforma en Créole (!) du nom de Renato, secrétaire de Riccardo et mari d’Amelia ; Mam’zelle Arvidson se mua en Ulrica, devineresse noire ; les comtes Ribbing et Horn furent rebaptisés Samuel et Tom, Cristiano mua en Silvano). Verdi qui avait achevé la partition en janvier 1858, et s’apprêtait à en finaliser l’orchestration, put voir confirmer la création d’Il Ballo in maschera, le 17 février 1859 au Teatro Apollo de Rome.
L’accueil de l’oeuvre
Les Romains applaudirent une oeuvre qui faisait écho au contexte politique. Preuve que Verdi avait raison d’exiger de ses librettistes, l’unité et la cohérence politique des sujets. Depuis Nabucco, Verdi incarnait la victoire finale des Italiens engagés autour de Victor-Emmanuel, contre les occupants autrichiens. Chacun voyait dans sa musique, l’idéal indépendantiste préservé, actif, prêt au combat.
De fait, en avril 1859, le Piémont se soulevait contre l’Autriche.
Dans ce contexte politique, l’intrigue amoureuse Riccardo/Amelia gagne en épaisseur et véracité psychologique grâce à de nouveaux ingrédients conçus par Verdi : l’amitié Riccardo /Renato qui reste le centre de l’action. Renato demeure en dépit de tout fidèle à son maître jusqu’à ce qu’il découvre l’idylle entre son épouse Amélia et le Comte.
Blessé et trahi, il exécute moins par dessein politique que par affliction affective. Renato est le personnage clé de l’action et comme dans Rigoletto ou Boccanegra, un autre superbe rôle pour baryton. Au sérieux des sentiments amicaux et amoureux, répond le rôle d’Oscar, jeune page chanté par un mezzo, contrepoint comique et léger de l’action tragique.
D’ailleurs, l’écriture resserre l’action sur la ligne continu de son déroulement ininterrompu : moins d’airs autonomes et virtuoses, plus de cabalettes et de ressorts purement vocaux : le chanteur devient acteur d’un drame musicalement continu. Avec son Ballo in maschera, Verdi montre qu’il connaît l’âme humaine en profondeur, et sous les masques de l’apparence, exprime les intentions intimes des personnages. Ballet des masques, le Ballo à son issue fatale, sait dévoiler la beauté qui fait les âmes vertueuses : coupable d’adultère, Riccardo fut-il aristocrate, n’a jamais en réalité été l’amant d’Amélia, par loyauté pour son ami Renato. Ainsi, l’idéal du Prince était sauf et sa morale politique préservée. Mais auparavant, que d’actions tragiques, de tensions opposées, de conflits et de traîtrises exprimées… autant d’exaltation propre а électriser l’audience. Ce que Giuseppe Verdi, en plus d’être excellent musicien, était aussi, remarquable dramaturge.
Giuseppe VERDI : Un bal masqué
« Melodramma » en 3 actes
Crée le 17 février 1859 à Rome, au Teatro Apollo, ouvrage présenté pour la première fois à Paris, au Théâtre -Italien, le 13 janvier 1861. Livret de Antonio Somma, inspiré du drame d’Eugène Scribe, « Gustave III ou le Bal masqué »
Même assassiné, le propre du prince éclairé n’est-il pas dans le pardon ?
SYNOPSIS
Acte 1. Un salon dans le palais du gouverneur.
Le comte Riccardo Warwick, gouverneur de Boston, s’inquiète de savoir si celle qu’il aime, Amelia, femme de son secrétaire et ami Renato, est présente sur la liste des invités conviés au bal masqué qu’il organise prochainement. Renato se présente et informe le comte des menaces d’attentat contre lui : mais Riccardo n’en a cure. Un juge fait son entrée et tend а Riccardo un décret condamnant la devineresse Ulrica à l’exil. Le page Oscar plaide en sa faveur au point que le comte décide d’aller incognito rendre visite à la prophétesse afin de vérifier ses pouvoirs.
L’antre de la magicienne Ulrica. Riccardo se trouve а présent dans le temple de la devineresse. Un de ses soldats, Silvano, sollicite les talents d’Ulrica. Mais celle-ci interrompt bientôt ses divinations priant chacun de sortir pour invoquer Satan. En réalité, elle doit recevoir Amelia qui entre après le départ de l’assistance — Riccardo excepté, qui s’est caché dans un recoin. Amelia désire oublier l’amour impossible qui la fait tant souffrir. Ulrica lui préconise alors d’aller seule, cette nuit, cueillir une herbe magique dans un lieu glacial et sombre а l’ouest de Boston ; cette plante viendra а bout de ses tourments. Riccardo, qui a entendu la conversation, jure de la suivre. Amelia s’éclipse et la prophétesse reprend ses prédications affirmant au comte qu’il sera tué par le premier homme auquel il serrera la main. Entre l’ami Renato qui saisit la main de Riccardo. Ce dernier incrédule paie Ulrica sans
prendre au sérieux sa mise en garde.
Acte 2. Alors qu’Amelia semble tenaillée par la peur, Riccardo apparaît
soudain. Ses paroles enflammées poussent bientôt la jeune femme а lui avouer son amour. Un bruit suspect surprend tout а coup les amoureux qui reconnaissent, atterrés, la silhouette de Renato. Amelia baisse son voile et Riccardo s’avance vers lui afin de le questionner sur sa présence en ces lieux. Le secrétaire du comte apprend а son maître que des conjurés l’observent et le menacent. Il doit fuir seul. Riccardo confie alors à son ami la délicate mission de raccompagner sa mystérieuse compagne jusqu’en ville sans lui adresser la parole. Renato obéit avec déférence. Les conjurés s’approchent bientôt du couple. Croyant avoir affaire à Riccardo, ils sont extrêmement surpris de trouver Renato à sa place et obligent Amelia à retirer son voile. Renato rongé par la jalousie et blessé par son épouse infidèle, rejoint la conspiration.
Acte 3. Cabinet de travail chez Renato.
Renato annonce à Amelia qu’elle mourra pour sa faute, puis se convainc qu’un autre sang doit couler : celui du traître Riccardo. Les conjurés se présentent comme convenu. Renato veut porter lui-même le coup fatal.
Une vaste et riche salle de bal : Malgré un billet l’avertissant du danger qui le menace, Riccardo se rend au bal. Après avoir fait pression sur le page Oscar, Renato obtient du jeune homme le détail du costume sous lequel se cache le comte. Alors qu’il échange ses derniers mots avec Amelia, Riccardo s’effondre, frappé par le poignard de Renato. Avant d’expirer, le gouverneur informe son ancien ami qu’il a aimé sa femme mais n’a jamais outragé son honneur. Devant la loyauté prouvée du Comte, Renato regrette son geste, mais Riccardo meurt en pardonnant aux conjurés. Le propre d’un prince éclairé, n’est-il pas dans le pardon ?
Entretien
LIRE notre entretien avec Hein Mulders, directeur de l’Opéra de Cologne… à propos des temps forts saison 2023 – 2024 en cours : https://www.classiquenews.com/entretien-avec-hein-mulders-directeur-general-de-lopera-de-cologne-entretien-avec-hein-mulders-directeur-general-de-lopera-de-cologne-a-propos-de-la-saison-2024-2025/
ENTRETIEN avec Hein MULDERS, directeur général de l’Opéra de Cologne.