samedi 20 avril 2024

Massy. Opéra, le 8 novembre 2009. Giacomo Puccini : Tosca. Cécile Perrin, Enrique Ferrer, Giorgio Surjan. Antonello Allemandi, direction. Paul-Émile Fourny, mise en scène

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L’éclat de Cécile Perrin

Après un superbe Faust au mois de juin dernier, Paul-Emile Fourny revient à Massy avec sa vision de Tosca de Puccini, déjà présentée voilà plus d’un an à l’Opéra de Nice.
Inspirée par le célèbre film de Brad Silberling La Cité des anges, sa mise en scène du chef d’œuvre de Puccini réussit le pari de transcender la tradition, tout en restant fidèle au livret de Giacosa et Illica. Chaque personnage se voit accompagné d’un ange à son effigie, le plus présent et le plus magnétique étant celui de Floria Tosca, vêtu d’une longue robe pailletée et affublé de grandes ailes soyeuses. La direction d’acteurs reste plus traditionnelle, cernant les personnages avec vérité, mais sans innovation majeure, Mario Cavardossi étant traité comme le révolutionnaire amoureux dépeint par le texte, et Tosca comme la diva éprise de son peintre, mais acquérant une force nouvelle lors de sa confrontation avec Scarpia, se muant en tigresse traquée, pleine de feu et de rage. Scarpia se voit dépeint avec finesse, une élégance le rendant plus haïssable encore, ne serait-ce que, au second acte, dans sa façon de diriger dans les airs la musique lui parvenant du dehors, semblant ne pas se soucier de la présence de Tosca. Jamais vulgaire, loin de toute brutalité animale, ce Scarpia-là retrouve son titre de baron. Après son meutre, l’ange de Tosca se saisit du crucifix avec lequel la diva l’a poignardé et le pose sur la poitrine du chef de la police, comme une bénédiction posthume.
Hormis une Eglise toute en toiles peintes, dégageant un parfum quelque peu désuet, les décors savent éviter l’écueil d’un vain décorum.
Les appartements de Scarpia prennent un relief saisissant grâce à l’immense fresque, ce triptyque plongé dans des teintes grisâtres, sombres et dérangeantes, d’où émerge un grand poignard blanc, qui, en fond de scène, fait office de mur. C’est sur haut et large escalier sur lequel est peint le château Saint-Ange que se déroule le troisième acte. Point de soldats pour l’exécution de Mario, simplement des éclats de lumières et les échos des coups de feu qui terrassent le jeune homme tournant le dos au public, dressé sur les marches.
Scène ultime, souvent fort ardue à mettre en scène, la chute de Tosca est ici parfaitement réalisée : après avoir maudit Scarpia, la cantatrice gravit les marches de l’escalier, qui se soulève, porté par le baron, alors qu’elle se précipite dans le vide. Ultime image d’un Scarpia triomphant par-delà la mort.

La distribution, d’un bon niveau, mérite nombre d’éloges. La perfection de l’émission vocale et la présence en scène de Philippe Ermelier fait apparaître le court rôle du sacristain dans une lumière inhabituellement forte.
Avec sa voix nasale et perçante, sans doute exagérée pour l’occasion, Scott Emerson incarne un Spoletta simplement parfait. Saluons également la solidité du Cesare Angelotti de Fernand Bernadi.
Le Mario Cavaradossi de l’espagnol Enrique Ferrer possède le physique du rôle, un fort beau timbre, ainsi qu’une présence scénique indéniable, et un naturel confondant. Malheureusement, il fait entendre une fâcheuse habitude à forcer sa voix, placée sur la gorge. Les aigus manquent de brillant et la ligne de chant de régularité.
Il semble pourtant très musicien, et montre des belles intentions de nuances, qui restent cependant au stade de la volonté, sa technique, par trop sommaire, lui interdisant tout son piano. Le croate Giorgio Surjan incarne un Scarpia fort délicat et raffiné. Grand habitué de la Scala de Milan, il démontre un vrai métier et un magnétisme scénique rare. La voix n’est pas des plus belles, l’émission vocale ne se range pas du côté des plus parfaites, mais, dans ce rôle qui ne demande pas au chanteur des trésors de bel canto, il convainc parfaitement et triomphe avec éclat.

Reste la splendide soprano française Cécile Perrin, la grande triomphatrice de la soirée. La technique vocale est au-dessus de tout reproche, d’une perfection rare, tant dans le legato que dans la diction. Gorgée d’harmoniques, sa voix passe admirablement l’orchestre, notamment dans des aigus forte saisissants d’impact sonore. Son « Vissi d’arte », seul moment de recueillement au milieu de ce drame, a laissé la salle suspendue à sa voix, grâce à une ligne de chant et une conduite du souffle exceptionnelles, et des piani flottants et aériens, émis sans effort, comme il est rare d’en entendre aujourd’hui. Sa musicalité et son flamboiement scénique font le reste. Une très grande interprète d’aujourd’hui, enfin reconnue à sa juste valeur, puisque le Staatsoper de Vienne l’accueillera en 2010 pour une Aïda. Gageons qu’elle y sera sublime.
Un mot pour le chœur, bien en place et musicien. Sous la direction précise et colorée, très imaginative et passionnée, d’Antonello Allemandi, l’Orchestre National d’Île-de-France donne à entendre des nuances et un fruité dans le son qu’on ne lui connaissait pas. Une fort belle exécution de l’immortelle Tosca, qui renouvelle notre vision de l’œuvre, comme une redécouverte.

Massy. Opéra, 8 novembre 2009. Giacomo Puccini : Tosca. Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Victorien Sardou. Avec Floria Tosca : Cécile Perrin ; Mario Cavaradossi : Enrique Ferrer ; Baron Scarpia : Giorgio Surjan ; Cesare Angelotti : Fernand Bernadi ; Le Sacristain : Philippe Ermelier ; Spoletta : Scott Emerson ; Sciarrone : Jean-Loup Pagésy ; Le Geôlier : Dario Luschi. Chœurs de l’Opéra de Nice ; Chef de chœur : Giuglio Magnanini ; Maîtrise des Hauts-de-Seine ; Mise en scène et scénographie : Paul-Émile Fourny. Décors et costumes : Louis Désiré ; Eclairages : Patrick Méeüs ; Chef de chant : Elisabeth Brusselle. Orchestre National d’Île de France. Direction musicale : Antonello Allemandi.

Illustration: Cécile Perrin (DR)

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