Maîtrise et tradition mythique…
Natalia Makarova sur les traces de Petipa
Pour cette soirée enneigée, l’Opéra de Massy dans la banlieue sud de Paris accueille le Ballet de l’Opéra National Tchaikovsky de Perm avec une chorégraphie signée Natalia Makarova d’après Petipa et Ivanov. Comme Rudolf Nureev avant elle, Makarova fait une demande d’asile lors d’un tournage en Europe avec le Ballet Mariinsky. Elle deviendra danseuse fétiche de Jerome Robbins et Kenneth MacMillan et comme l’ancien directeur du Ballet de l’Opéra National de Paris, elle met sa formation académique et son esprit russe au service de son imagination dans ses mises en scène et chorégraphies des grands ballets classiques.
La production impressionne dès le début par la beauté du plateau et des costumes, avec toute l’exubérance somptueuse, haute en couleurs du romantisme russe à laquelle elle associe une certaine économie et cette élégance presque néoclassique des décors. La prestation du Corps de ballet de la compagnie est dans le même esprit : sévère et pleine de sentiment. Si Makarova supprime la plupart des danses nationales et divertissements dans sa chorégraphie (à l’exception de la danse espagnole et de la danse hongroise du 2e acte, dansés avec verve et caractère), le Corps est particulièrement sollicité avec exigence pendant les 2h30 de représentation, notamment en ce qui concerne les cygnes, véritables protagonistes du tableau en mouvement peint par la diva russe inspiré de Petipa (Pas de quatre des Petits Cygnes à la coordination des jambes, irréprochable).
Le couple du ballet a une dynamique intéressante. Le Prince est interprété par l’Étoile Sergueï Merhsin, sa performance est progressive, toujours pleine de cœur. Il montre ses dons d’acteur et de tragédien mais outre sa ligne et ses portés solides, il ne dégage pas une grande virtuosité dans la chorégraphie de Makarova, excepté peut-être sa variation aux beaux sauts pendant le Grand Pas de deux du Cygne Noir au 2e acte.
A contrario, Makarova se montre plus ambitieuse avec Odette/Odile, interprétée avec tant d’abattement par l’Étoile Natalia Moiseeva. La danseuse se montre tendre et pleine de pathos en Odette, surtout séductrice enflammée en Odile. Son extension et ses soubresauts sont bellissimes, et ses 29/30 fouettés en tournant pendant la coda du Grand Pas de deux du Cygne Noir, tout-à-fait louables.
Le personnage secondaire de Benno, conseiller du Prince, est la surprise de la présentation. Interprété par le soliste Alexandre Taranov, il est surprenant dès les premières mesures avec des entrechats exquis, des cabriolés et des sauts impressionnants. Le danseur captive davantage l’œil par sa virtuosité, notamment dans le Pas de trois du premier acte (avec Lyaysan Gizatullina et Ksenia Barbasheva, cette dernière étant sa partenaire de prédilection ; ils sont tous deux lauréats couronnés « Meilleur couple » de l’émission russe « Le grand ballet » 2012); et dans la scène à la fôret avec le Prince, qui en l’occurrence passe au second plan à coté de Taranov.
La fin du ballet est un moment d’une poésie intense, hautement émotionnel, quelque peu modifié par rapport au livret originel. Les amants tragiques meurent dans les vagues du lac et il se rejoignent dans une vision d’amour éternel au-delà de la vie et de la mort. Le public bouleversé dédie la fin de la soirée en applaudissement nourris, saluant les 55 danseurs du Ballet de l’Opéra National Tchaïkovsky de Perm accueillis à l’Opéra de Massy. Grand succès mérité.