Livres. Harry Haskell : Les voix du renouveau Editions Actes Sud (réédition 2013)
On voit bien que l’intérêt pour l’interprétation des ouvrages du passé ne remonte pas à aujourd’hui. Cependant en relevant la question des instruments requis, de la recherche sur le style, la technique, les enjeux esthétiques et humains, le courant dit des baroqueux, déferlant sur l’Europe à partir des années 1970, a réussi à intégrer l’Histoire musicale ; le phénomène de société est devenu pensée majeure … la mode s’est muée en posture structurelle et analytique, pratique instrumentale et vocale essentielle dans l’approche des oeuvres anciennes et baroque mais aussi classiques, romantiques et même pour toutes les oeuvres pour lesquelles se posent la question de l’interprétation la plus juste. Ne faudrait-il pas alors parler de meilleure interprétation musicale et non plus de lecture » authentique « ?
Les Voix d’un renouveau, version 2013
Certes les derniers Centres de recherche en France n’y sont que cités (CMBV et Palazzetto Bru Zane …) : il aurait été pertinent de consacrer aux courant français un chapitre tout aussi développé que pour Mendelssohn au XIXè, car c’est en France que se développe aujourd’hui, une nouvelle pensée musicologique et musicale, historique et esthétique, des oeuvres du passé.
De même, on reste étonné que l’orchestre Les Siècles fondé et dirigé par François Xavier Roth ou l’expérience formatrice et exemplaire à l’échelle européenne du JOA Jeune Orchestre Atlantique sur instruments anciens, n’y figurent pas, quand des artistes et chefs et leurs ensembles, pourtant moins décisifs, y sont copieusement remerciés…
Nonobstant ces limites, l’horizon parcouru permet cependant de revivre les étapes d’un mouvement majeur de l’interprétation musicale, vis à vis de toutes les oeuvres (et pas seulement baroques).
Arnold Doltmesch, Wanda Landowska, Alfred Deller, mais plus anciens encore, D’Indy en France, pionnier des redécouvreurs de Rameau par exemple, s’illuminent ainsi d’une flamme nouvelle qui résonne jusqu’à nos oreilles contemporaines.
L’apport le plus pertinent du texte reste son évaluation nuancée du concept d’authenticité ; il remet en question de façon critique, le statut des instruments anciens : il ne suffit pas de jouer sur des instruments d’époque, ni de chanter selon les techniques avérées par les Traités pour réussir une interprétation… Encore faut il être capable de goût et de flexibilité comme d’instinct. » Chanter pour convaincre « dit William Christie, le pape de la révolution baroqueuse en France … On ne contestera plus à » Bill le défricheur » et le réinventeur si inspiré de Rameau entre autres que pour tout, prime d’abord la musicalité ineffable de l’interprète, seul capable de rendre vivant et touchant le répertoire ancien : « Avant le concert, 95% de recherche et de technique ; pendant le concert, 95% de musique « . Tout est dit, et de magistrale manière.
Voilà qui rend tout aussi valides les démarches » historiquement informées » des orchestres modernes à l’épreuve du style ancien : ainsi Chailly à Leipzig, ainsi Abbado à Lucerne ou encore l’exceptionnel geste lumineux, analytique et si vivant du jeune Bruno Procopio (chef et claveciniste franco-brésilien), capable en 2012 et 2013 de réussir l’approche des oeuvres baroques françaises avec les instrumentistes de l’Orchestre Simon Bolivar du Venezuela à Caracas ! Incroyable défi qui ressuscite les exploits de la révolution baroqueuse à l’époque des Harnoncourt, Kuijken, Leonhardt, car les musiciens vénézuéliens sur instruments modernes découvrent actuellement et le jeu baroque et le répertoire baroque français (du Rameau essentiellement, c’est à dire le plus difficile).En restituant l’épopée de l’interprétation des musiques anciennes, le livre de Harry Haskell récapitule des siècles d’approches critiques et polémiques à propos des partitions et de leur interprétation. En soulignant les avancées et les prises de risques des plus inspirés, l’auteur nous offre en filigrane, les clés pour perpétuer le feu sacré, car … osons le dire, les nouvelles générations d’interprètes pour la majorité, n’ont guère autant de tempérament ni d’audace que leurs ainés, véritable pionniers réformateurs, il y a maintenant 40 ans … Lecture essentielle.
Harry Haskell : Les voix d’un renouveau. La musique ancienne et son interprétation de Mendelssohn à nos jours. Traduction de l’ américain et actualisation : Laurent Slaars. Parution : octobre 2013. Editions Actes Sud, 384 pages. ISBN 978-2-330-00607-5. Prix indicatif : 30,00€