LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2020 : 100% digital, les 12, 13 et 14 juin 2020 – Crise sanitaire oblige, le LILLE PIANO(S) FESTIVAL est en 2020, 100% DIGITAL. Le Festival propose tout un cycle de concerts gratuits en direct et en rediffusion sur la chaîne youtube et la page facebook de l’Orchestre National de Lille (ON LILLE). Au total sur 3 jours, 30 artistes invités dans plusieurs programmes entièrement numérique. Ce sont 19 concerts en direct ou en différé qui porteront la flamme d’un festival parmi les plus importants de la capitale lilloise. Les performances sont assurées depuis l’auditorium du Nouveau Siècle à Lille mais aussi Brooklyn, Philadelphie, Amsterdam et Bruxelles ! Les musiciens de l’Orchestre National de Lille participent évidement à l’événement. Alexandre Kantorow (lauréat du dernier Concours Tchaikovski de Moscou, 2019) ouvre le bal avec un concert dès le 12 juin depuis le Nouveau Siècle à Lille… En en clôture, le Concerto n°3 pour piano et orchestre de BEETHOVEN (250 ans oblige en 2020 !), avec l’excellent David Kadouch accompagné par l’Orchestre National de Lille sous la direction d’Alexandre Bloch (version pour orchestre à cordes, car l’orchestre a tenu à respecter les mesures sanitaires) : Dim 14 juin 2020, 20h – 20h40.
La programmation complète et les programmes des concerts sur le site de l’Orchestre National de Lille / page dédiée au Festival LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2020, un festival entièrement digital : https://www.onlille.com/saison_19-20/lille-pianos-festival/
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VIVRE EN DIRECT Le LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2020
sur Youtube
https://www.youtube.com/watch?v=zTniJB0ZeCc&fbclid=IwAR0WJttJu82PhUC_J6Tu-PUgMeBfx3NUR6nCut-RSKqbclBMPLu0N8I6Hk0
cliquez ici pour suivre le LILLE PIANO(S) FESTIVAL :
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Les 12, 13 et 14 juin 2020, les artistes conviés par l’Orchestre National de Lille pour son LILLE PIANO(S) FESTIVAL s’invitent chez vous, pendant 3 jours. Tous les concerts se vivent en direct et en replay sur la chaîne YOUTUBE Orchestre National de Lille. Outre la diversité des programmes et des profils, le cycle événement, Lille Piano(s) festival 2020 est aussi un défi technologique comprenant plusieurs captations depuis Philadelphie, New York ou Amsterdam… de quoi, avant de pouvoir prendre l’avion, nous donner des ailes. Après le confinement et alors que les salles de concerts et d’opéras sont encore à l’arrêt, sans public, l’Orchestre National de Lille nous offre un somptueux cadeaux, riche en ivresse et vertiges prometteurs…
TEMPS FORTS
L’ouverture du Festival (ven 12 juin) est un temps fort avec un tremplin remarquable aux nouveaux temépraments ; celui de la trompettiste Lucienne Renaudin Vary à 20h (avec Félicien Brut, accordéon : récital trompette et accordéon) puis à 20h30 : récital de piano du 1er Prix du Concours international Tchaikovski, Alexandre Kantorow, qui joue Brahms (Ballades et Sonates n°3).
LILLE PIANO(S) Festival 2020 célèbre évidemment les 250 ans de la naissance de Beethoven : c’est un fil rouge qui traverse les 3 journées. Intégrale des Sonates piano et violoncelle (Jonas Vitaud et Victor Julien-Laferrière : sam 13 juin, 19h (Sonates 2, 4 et 5), puis dim 14 juin, 19h (Sonates 1 et 3) ; depuis Philadelphie, Jonathan Biss joue les Sonates pour piano Pathétique opus 13, n°27 opus 90, n°32 opus 111, samedi 13 juin 2020 à 21h30 (1h). En clôture, l’excellent David Kadouch aborde le Concerto pour piano et orchestre n°3 (concert de clôture), avec l’ONL et Alexandre Bloch.
JAZZ
Depuis Amsterdam (Studio 150 Bethlehemkerk), Xavi Torres Trio, ven 12 juin 2020 à 19h (durée : 40 mn) ; puis à 22h, même jour, récital trompette et piano : Erik Truffaz & Estreilla Besson. Depuis New York, le pianiste Dan Tepfer : natural machines, dim 14 juin à 21h.
JEUNE PUBLIC
Ciné concert pour les petits (dès 3 ans) : « Décrocher la lune » par Ollivier Leroy et Pierre-Yves Prothais, dim 14 juin à 11h. Piano Zolo (Romain Dubois) : concert pour toute la famille, dim 14 juin à 14h
Les « PLUS »
Le Festival a conçu en marge des concerts proprement dits, plusieurs « intermèdes », bulles musicales et bords de scènes avec la complicité d’Alexandre Bloch, François Bou et le compositeur Julien Joubert : ven 12 (18h30 et 22h50), sam 13 (18h et 22h25), dim 14 juin (16h30 et 20h45)… A ne pas manquer aussi : un concert Neebiic « avant-ringardiste » avec électro et expérimentations sonores, samedi 13 juin à 23h20 (durée : 1h20) et « Blow up », commande de l’Orchestre National de Lille au compositeur Âke Parmerud : 15 mn en immersion sonore (ven 12 à 23h05, et dim 14 juin à 18h puis 22h – Hervé Déjardin, metteur en ondes). Enfin ne manquez pas deux ateliers explicatifs « un piano, comment ça marche ? » (ven 12 juin, 10h) – « un orgue comment ça marche ? » (ven 12 juin, 10h30).
PLUS D’INFOS : onlille.com
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Le programme JOUR PAR JOUR
VENDREDI 12 JUIN 2020
Ouverture du Festival
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18h30 > 19h
Présentation du Lille Piano(s) Festival
Avec François Bou, Alexandre Bloch, Fabio Sinacori, Julien Joubert
19h > 19h40
Depuis Amsterdam (Studio 150 Bethlehemkerk),
Xavi Torres Trio (jazz)
20h > 20h30
Récital trompette / accordéon
Lucienne Renaudin Vary et Félicien Brut
20h30 > 21h30
Concert d’ouverture
Récital d’Alexandre Kantorow
(1er Prix du Concours international Tchaikovski)
Brahms : 4 ballades opus 10, Sonate n°3 opus 5 en fa mineur
En replay sur le site de France 3 Hauts de Seine
21h30 > 22h
Jean-François Zygel improvise sur Beethoven
250è anniversaire de Beethoven
(concert repris les sam 13, 20h puis dim 14 à 18h30).
22h
Récital trompette et piano : Erik Truffaz & Estreilla Besson (jazz)
22h50
Bord de scène avec les artistes
23h05
Blow up
expérience sonore immersive imaginée par le compositeur Âke Parmerud à partir des sept « la « d’un piano… Commande de l’ONL LILLE Orchestre National de Lille
SAMEDI 13 JUIN 2020
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18h
Bulle musicale
avec Alexandre Bloch et Julien Joubert
18h35 > 19h
Bernard Foccroulle, orgue
De Bull à Florentz…
19h > 20h05
Intégrale des Sonates piano et violoncelle de Beethoven
Jonas Vitaud et Victor Julien-Laferrière (Sonates 2, 4 et 5),
20h > 20h30
Jean-François Zygel improvise sur Beethoven
20h30 > 21h20
Beethoven Night : hommage à Beethoven
Paul Lay, piano – impros sur les thèmes de Beethoven
21h30 > 22h30
Depuis Philadelphie, Jonathan Biss joue Beethoven : Sonates pour piano Pathétique opus 13, n°27 opus 90, n°32 opus 111
22h25 : bulle musicale
avec Alexandre Bloch et Julien Joubert
22h35 > 23h20
Izvora quintet (Jazz)
23h20 > 23h40
Duo Neebiic – concert électro avant-ringardiste
DIMANCHE 14 JUIN 2020
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11h > 11h40
« Décrocher la lune » (Jeune public)
Ciné concert pour les petits (dès 3 ans)
par Ollivier Leroy et Pierre-Yves Prothais
14h > 14h30
concert pour toute la famille
Piano Zolo (Romain Dubois)
16h30 > 17h10
Bulle musicale avec Alexandre Bloch et Julien Joubert
17h10 > 18h
Récital Marie-Ange Nguci
Bach / Busoni, Beethoven, Ravel, Scriabine…
18h
Blow up, expérience sonore immersive
18h30 > 19h
Jean-François Zygel improvise sur Beethoven
19h
Intégrale des Sonates piano et violoncelle de Beethoven
Jonas Vitaud et Victor Julien-Laferrière (Sonates 1 et 3)
20h > 20h40
Concert de clôture : Beethoven
David Kadouch aborde le Concerto pour piano et orchestre n°3 l’ONL Orchestre National de Lille et Alexandre Bloch (direction musicale).
20h40 > 21h
Bord de scène avec les artistes : David Kadouch, Alexandre Bloch et Julien Joubert.
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COMPTES RENDUS
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LILLE PIANO(S) FESTIVAL édition 2020, 100% digitale donc se savoure devant l’écran et en direct sur Youtube. Ainsi est célébré le retour des artistes : ils ont vaincu ce silence asphyxiant qui le tenait isolés ; ils ont rompu l’étouffoir qui les rendait muets pendant le confinement imposé à tous depuis la mi mars. Avant le retour du public dans les salles, tous les concerts 2020 sont retransmis en direct, filmés pour leur majorité dans le vaste auditorium du nouveau Siècle de Lille, lieu de la résidence de l’Orchestre National de Lille.
VENDREDI 12 JUIN 2020. A son démarrage, pour ses premiers concerts, le Festival Digital « ose » les mélanges inédits, entre les répertoires et les époques, les styles et les genres. D’abord à 19h, session de Jazz avec le Xavi Torres Trio (en direct depuis Amsterdam) : – encore un pied de nez à l’isolement ! emmenés par la verve des instrumentistes, on a enfin le sentiment de respirer par grandes bouffées musicales… Le sens de l’impro et une vraie entente chantante s’écoulent d’un musicien à l’autre : suavité ronde du saxo, motricité rythmique de la batterie et piano presque enivré dont sa nature même rappelle la source, ce piano laboratoire d’un Beethoven inspiré par la lyre romantique. L’auditeur reconnaît la pulsion frénétique, généreuse du compositeur ; ses mélodies reconstruites dans un flux qui marque en ouverture du Festival, un goût san frontière, une curiosité multiple pour les métissages de couleurs et de timbres.
Même tremplin inventif aux alliages originaux pour la jeune Lucienne Renaudin Vary et Félicien Brut (20h), s’accordant de concert dans un duo imprévu … trompette, accordéon. Pieds nus, d’une belle ivresse, la trompette s’immisce dans les volutes d’un accordéon lui aussi porté par un pur vent de liberté : un essor à deux voix d’une irrépressible chorégraphie… rossinienne (danza / tarentelle en ouverture) ; le clavier à bretelles joue des effets de soufflets. Félicien Brut prend le micro : il s’adresse aux internautes ; les deux artistes honorent par leur complicité rayonnante ce brin d’impertinente facilité qui fait la marque des grands instants de musique : jubilatoire entente qui aime aussi éclairer l’âme des thèmes populaires sublimés par l’écriture des compositeurs savants. Le populaire, le savant savaient se mêler, sans mesure, avec génie. Leur Bartok, grand collecteur de thème folkloriques (Danses populaires roumaines) respire, s’enivre lui aussi, exalte un désir généreux dans sa saine rusticité.
Portée par le clavier à bretelles, aux teintes ténues, adaptées, Lucienne RV a ce talent rare de faire oublier la technique pour exprimer l’essence d’une nostalgie viscérale et toujours d’une finesse musicale à l’élégance toute française. Et pour finir, rien n’égale la tendresse millimétrée de Bernstein : « Maria, Maria » (West Side Story), parfum suspendu d’un amour qui s’est imposé contre la loi de la haine et la barbarie des communautés rivales. L’accordéon danse avec la trompette, bel écho à cette MASS tonitruante, échevelée dans sa tendresse fraternelle que l’Orchestre National de Lille sous la direction d’Alexandre Bloch ont su nous régaler en clôture de la saison 2018 – 2019. « My Favorite things », joué aussi par Coltrane, conclut ce formidable duo d’une musicalité toute de velours tissé à deux voix complices.
On l’attendait avec d’autant plus d’impatience que son récent Premier Prix au Concours Tchaikovski faisait promettre un son et un style … d’excellence. Le récital d’Alexandre Kantorow a exaucé nos souhaits (20h30). Programme tout Brahms ; d’abord les Ballades : gravité inquiète, secrète, intime, d’où s’écoulent des résonances presque insouciantes. Appel au rêve et à la nuit. Le pianiste tisse la matière d’une tendresse affleurante qui fait surgir une contine de l’enfance mais avec une rage qui vainc et organise tout sentiment de nostalgie. La clarté des deux mains éclaire la savante alchimie des harmonies, tandis que le jeu se montre à l’écoute de tous les chants intérieurs qui murmurent à l’oreille du compositeur dont le goût de la nostalgie mystérieuse, presque Debussyste, se révèle alors, dans ce chant d’une pudeur infinie. Alexandre Kantorow passe d’un climat à l’autre, en syncopes trépidantes, en nuances lovées dans le mystère ; sa palette explore toutes les teintes et demi teintes du sentiment brahmsien avec une finesse sans démonstration, un naturel qui équilibre jaillissements et replis pudiques, fureur à peine contrôlée. Cette maîtrise des contrastes qui laisse toujours claire et limpide la matière de la confession, gagne une éloquence vive, celle d’une digitalité inscrite dans l’ombre et le goût de l’évanescence, la résonance. Une vaste béatitude qui enveloppe la dernière Ballade.
Puis c’est brillante et affirmée, l’ouverture de la Sonate n°3 (1853) que le pianiste enchaîne immédiatement à la fin de la dernière Ballade. Alexandre Kantorow en exprime le symphonisme fougueux qui impressionna tant Schumann, à Dusseldorf (nov 1853) heureux de reconnaître en Johannes son héritier le plus captivant ; Brahms n’ayant que 20 ans lorsqu’il la composa. De vaste proportions, à la mesure de ce cœur immense toujours insatisfait, la Sonate de Brahms dure 40 mn, un record dans le genre, comprenant 5 mouvements (Allegro maestoso, Andante, Scherzo, Intermezzo, Finale-Allegro moderato ma rubato). Dès l’allegro initial et son arche frénétique, à la fois, grave et sombre, d’un tragique mystérieux, le pianiste sait inscrire la vaste entrée comme une interrogation viscérale, avec ses lueurs et ses échos lointains, d’une infinie rêverie. La souplesse et la tendresse du jeu, à la fois claires et sobres, articulent la suavité d’un Brahms amoureux dont la vie sentimentale demeure mystérieuse, certes ancrée dans la proximité de Clara Schumann. L’interprète détecte tous les chants parallèles, les échos, les scintillements d’une partition au flux versatile, d’une richesse émotionnelle immense. En funambule enivré, Alexandre Kantorow saisit par la profondeur et la gravité d’un jeu qui sait être toujours clairement structuré. L’Andante déroule son chant aux trilles mozartiens d’une infinie tendresse. Le Scherzo plus rapeux, s’électrise tandis que l’intermezzo est traversé d’éclairs et de spasmes d’une intranquillité fiévreuse. Tout le cycle est porté par la grande maturité et une élégance sonore rare. La technique elle permet d’échafauder une architecture fine, puissante, riche de mille nuances inquiètes. Superbe pianisme. RV est pris demain samedi 14 juin 2020 dès 18h… Rédaction : Lucas Irom / classiquenews 2020.
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SAMEDI 13 JUIN 2020. Nouvelle belle complicité (qui fait suite aux programmes de vendredi soir), entre le pianiste Jonas Vitaud et le violoncelle Victor Julien-Laferrière ; leur intégrale des Sonates violoncelle et piano de Beethoven, premier volet du cycle aujourd’hui (la suite demain dimanche à 19h) déploie un appétit partagé. Les deux instrumentistes affirment la fougue et la vitalité qui porte le style de Beethoven dont les élans viriles s’accompagnent toujours d’une résonance plus tendre et amoureuse. On regrette parfois une affirmation trop appuyée, car la malice et l’élégance haydnienne, dans l’esprit typiquement viennois doivent aussi peser et compenser la volonté et l’autodétermination ; mais le souffle, la verve en diable emporte l’adhésion (Sonates enchainées 2, 4 et 5). La dernière Sonate sonne plus âpre et moins « séduisante », un bain bouillonnant d’idées et de remise à neuf du développement formel. Habité par l’idée musicale, la nécessité et l’urgence traversent cette partition, écartant toute les dilutions et tentations juvéniles du début.
Puis à 20h, place au « Maître de l’impro », Jean-François Zygel. Le pianiste montre combien la grille transmise par Beethoven, est proche du jazz. A propos du romantisme, le pianiste improvisateur éclaire ce en quoi Ludwig peut être à la fois le dernier des classiques et le premier des Romantiques ; la vitalité nerveuse de Beethoven qui a recueilli des mains de Haydn l’âme de Mozart, est-il réellement cet impétueux résolument romantique dont le rapport au monde est viscéralement dissonant ? ; ses marches funèbres si nombreuses indiquent un créateur habité par l’idée de la mort. Marche funèbre de la 3è, de la 7è symphonie, premier mouvement de la Sonate dite « au Clair de Lune »… disent cette obsession permanente. Aussitôt l’improvisateur rétablit le lugubre beethovénien, cette conscience de la Faucheuse qui donne à son œuvre entière, son rayonnement et sa profondeur singulière. Sa mélancolie solitaire. Oui, Beethoven est-il vraiment romantique ? Zygel subtil enchaîne et pose la question : car son style désigne la souffrance et le funèbre plutôt qu’il ne les exprime : c’est un héroïque théâtral, un tragique au diapason des événements guerriers et de l’épopée napoléonienne qui ont foudroyé son époque. La question est posée : Ludwig est le héros de sa propre vie, surtout dans ses concertos pour piano, confronté à la masse orchestrale ; il trépigne, intranquille et insatisfait : Jean-François Zygel nous immerge derechef dans un matériau sonore de son cru où la syncope et les fanfares et les sonneries lointaines des trompettes, les marches guerrières évoquent l’esprit d’une époque à feu et à sang, celle de Beethoven. Voilà qui fait sonner Ludwig comme Prokofiev et Chostakovitch. La quête d’un Beethoven expérimentateur et finalement inventeur se précise de la même façon : Ludwig n’a-t-il pas inventé le genre du Scherzo, moment de divertissement hérité des quatuors classiques, comportant sa danse soit le menuet, que Ludwig magnifie en l’énergisant jusqu’à la transe rythmique. La séquence jusque là marqué par le jeu, devient une fulmination d’énergie. De l’explication à l’exemple, Zygel joue une danse enjouée, frénétique, d’une mécanique hallucinée… un Scherzo dans l’esprit de Beethoven, à sa manière. Lumineuse éloquence.
Décidément, Zygel l’improvisateur et le pédagogue sait nous envoûter comme un magicien pianiste. Ses réflexions sur la musique et l’écriture de Beethoven demeurent captivantes. Le débat est ouvert. Et la session au piano est une excellente manière de célébrer les 250 ans de la naissance du plus grands des… Romantiques.
20h30, Paul Lay autre improvisateur, rend son propre hommage à Ludwig mais dans une langue et un vocabulaire jazz. Swing somptueux et d’une volubilité enchantée, d’après Beethoven, grâce à un toucher contrôlé, Paul Lay installe une véritable ambiance jazzy qui soigne le son, l’élégance rythmique : sous ses doigts, l’impétuosité beethovénienne danse, s’enivre y compris en un Finale aérien, qui danse avec les étoiles, l’Ode à la joie, traité en éclairs, scintillements, crépitements. Un festival énergisant.
A 21h30, depuis Philadelphie, Jonathan Biss joue les Sonates de Beethoven : Pathétique opus 13 ; n°27 opus 90 ; n°32 opus 111. La Pathétique est emportée par une ivresse ardente, énergique qui ne sacrifie en rien la clarté du geste, parfois fougueux à l’extrême.
Dans le cas de l’opus 90, tout est exprimé avec une intensité tranchante mais un contrôle technique permanent qui insuffle au développement, une rage intérieure, impérieuse et… définitive ; l’héroïsme tragique de Beethoven s’y déverse en un torrent au souffle long, halluciné. L’empreinte du fatum s’épaissit, irrépressible. Le pianiste s’est enregistré chez lui aux USA, et la prise de son n’a pas cette clarté ni cette précision des concerts diffusés depuis Lille. Nonobstant, l’implication de l’interprète est totale : les coups de fatum se font martèlement, faisant jaillir un flot incessant de pointes sarcastiques, au bord de la folie, auxquelles le héros pianiste oppose une ivresse dansante, la volonté déterminée d’en découdre puis d’asséner et de réaliser son appel à la sérénité. Biss aborde enfin l’opus 111 tel une matière éruptive. Ultime laboratoire pianistique d’un Beethoven habité par le sens de la forme, qui s’interroge sur le sens même de l’écriture, l’opus 111 semble placer Beethoven dans les rets d’une fatalité inéluctable. L’homme face à son destin: le lion solitaire y exprime comme une confession personnelle sa propre tragédie intime (thème du destin mordant et glaçant) auquel le pianiste sait opposer une danse intérieure qui porte la trace d’une infaillible espérance. Le contraste de deux directions s’avère toujours comme ici, bouleversant. C’est un champ de bataille mené avec une clairvoyance inédite, l’expression d’une lutte arrachée à la vie elle-même, en dépit dans son cas propre, de son handicap, le plus lourd payé par un compositeur et un musicien : … la surdité. Dernière Sonate, la n°32 est bien le bilan de toute une recherche qui recueille aussi les blessures d’une vie d’épreuves. Biss enflamme son clavier en tensions radicales et contrastes exacerbés. Y compris dans la seconde partie, ample et long adieu à la forme que le pianiste compositeur a chéri entre toutes. L’adieu s’étire, dilate la forme et suspend le temps en une forme interrogative, à la fois renoncement et aussi suprême insatisfaction. L’amertume le dispute à une étonnante poésie du désespoir. Le pianiste américain questionne l’expression de la lutte. Puis, conduit jusqu’à la résolution de la seconde partie, le flux libératoire, temps de fraternisation sans écarter dans l’ombre, les doutes amers, et l’ivresse de temps intimes désormais inaccessibles. Malgré la faible qualité sonore de la captation, l’engagement du pianiste suscite l’adhésion. Rédaction : Elvire James.
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LILLE PIANO(S) DIGITIAL 2020
Dimanche 14 juin 2020
17h10
Récital de MARIE-ANGE NGUCI AUTOUR DE LA FANTAISIE DE BEETHOVEN – Œuvres de Bach/Busoni – Beethoven – Froberger – Ravel – Scriabine. Fulgurant, mordant et d’une étonnante intelligence des contrastes, le jeu de Marie-Ange Nguci écoute la matière, fait surgir des élans murmurés d’une poétique étrange, liquide, suspendue, auxquels répondent des déflagrations tranchantes ; mais il y aussi un impressionnisme sonore qui s’écoule, et des rythmes qui s’entrecroisent et se chevauchent dans un festival émotionnel permanent, contrôlé, scintillant : son Scriabine (Sonate n°5 opus 53) éclaire la fabrique des résonances et des couleurs du compositeur magicien. Jamais diluée, ni démonstrative comme beaucoup, jamais dure mais évocatrice, la pianiste ouvre large la fenêtre des horizons de l’inouï. Son Scriabine cisèle la fureur des cosmos rugissants comme le plus petit atome sonore.
C’est la même écoute intérieure et un son souverain dans Une barque sur l’océan de Ravel : aucun doute, la pianiste maîtrise le sens pictural de la matière pianistique ; elle colore par touches, par effets entrelacés, sculpte chaque inflexion avec un souci du son, admirable. Le toucher est de velours, véritable appel au rêve, à l’imaginaire, au dépassement… une perfection sensuelle qui n’omet en rien les aspérités et la solidité de l’architecture. Le temps et l’espace fusionnent sous les doigts de cette nouvelle enchanteresse du clavier. L’intelligence des enchaînements souligne combien il y a parenté et continuité de Scriabine à Ravel, deux alchimistes de la matière sonore.
Majeures aussi à l’écoute de ce récital événement : l’intensité du jeu, la clarté de l’architecture, l’écoute intérieure révélant les intentions souterraines en particulier dans la Fantaisie d’un Beethoven qui expérimente, écoute, murmure, va toujours au delà de la sonorité énoncée, à la recherche des vibrations harmoniques, sublimant le cadre formel. Tout est prodigieusement développé dans le sens d’une exploration cohérente ; la digitalité de l’excellente jeune pianiste albanaise Marie-Ange Nguci éblouit par la douceur articulée de son approche, éclairant déjà chez Beethoven, une effusion prolixe… déjà schumanienne ; tout s’organise peu à peu, du magma sonore qui bouillonne, vers un climat de tendresse ténu, éperdu, et toujours amoureusement énoncé. Le style héroïque de Beethoven se lit directement dans une écriture qui proclame, ivre de sa propre joie. D’une douceur déterminée qui enchante, berce et captive grâce à un toucher rare, idéal.
Son Bach / Busoni est d’une intériorité lovée dans les plis et replis d’une pudeur ornementée mais en rien maniériste, tant le jeu reste sobre, dépouillé, essentiel, direct, et d’une suggestivité de velours; l’éloquence et la pensée musicale de l’interprète lui permettent des passages inouïs entre l’infini ténu, murmuré et la solennité d’une architecture colossale. La vision et le parcours tracés relèvent d’une poétesse du clavier tant sa maîtrise technique et la maturité esthétique, le goût du beau son, l’évidence de la construction, la sobriété surtout d’un jeu réservé mais incandescent… sont fusionnées, admirables. Révélation totale. Une déjà grande musicienne dont la sincérité et la pudeur électrisent. Certes des signes d’une fébrilité juvénile qui montrent encore le chemin à parcourir, mais le potentiel est immense. Merci à LILLE PIANO(S) FESTIVAL de nous offrir ce tremplin exaltant. Après tout la vocation d’un festival de piano n’est-elle pas de nous surprendre en nous faisant vivre le grand frisson. Ce récital en direct nous en a réservé l’expérience mémorable. A suivre.
Programme
SCRIABINE : Sonate n°5 op. 53
RAVEL : Une barque sur l’océan
FROBERGER : Tombeau
BEETHOVEN : Fantaisie op.77
J.-S. BACH / BUSONI : Chaconne
VOIR, REVOIR, les concerts LILLE PIANO(S) DIGITAL 2020 ici :
sur la chaine Youtube de l’ON LILLE – Orchestre National de Lille
Le concert de Marie-Ange NGUCI :
https://www.youtube.com/watch?v=TpgPGamR-fM
Player vidéo : la journée de dimanche 14 juin 2020, dans sa totalité :
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18h. Parmi les « intermèdes » réjouissant, citons « BLOW UP », proposition à savourer les yeux fermés, formidable expérience auditive stéréophonique à écouter avec un casque pour en mesurer la plasticité spatialisée, d’une oreille à l’autre. Composition : Åke Parmerud / Réalisation et mise en ondes : Hervé Déjardin
Les afficionados et les néophytes avaient le bonheur de retrouver les leçons non moins réjouissantes du professeur improvisateur Jean-François Zygel (18h30) / « JEAN-FRANÇOIS ZYGEL IMPROVISE SUR BEETHOVEN #3 », 3è et dernière session d’un cycle dont s’agissant de la séquence d’hier, – samedi 14 juin-, nous avons dit tout le bien, ou comment croiser écoute, érudition, divertissement.
De même, le dernier volet de l’INTÉGRALE DES SONATES POUR VIOLONCELLE ET PIANO DE BEETHOVEN #2 (19h) permet de mesurer l’entente des deux instrumentistes invités pour se faire : Victor Julien-Laferrière et Jonas Vitaud, dont l’écoute croisée a gagné davantage de précision et de naturel dans les deux Sonates (n°1 et n°3) ; c’est le chant d’une vitalité heureuse, où dans le jeu alterné, dialogué des deux musiciens, s’écoulent et se renforcent l’éloquence frénétique, une ardeur toute classique, des échos lyrique et tendres… soit un Beethoven ardent, brillant et profond à la fois.
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20h, CONCERT DE CLÔTURE. L’attente se concentre surtout sur le dernier programme, concert de clôture d’un Festival aussi inédit que réussi : à 20h, le 3è Concerto pour piano et orchestre de Beethoven. Ces deux là devaient se rencontrer tôt ou tard et fusionner littéralement. Entre le chef Alexandre Bloch et David Kadouch, pianiste dont classiquenews suit le parcours depuis longtemps, une complicité évidente se tisse ; un bonheur du jeu partagé s’offre immédiatement à l’image. Et les musiciens du National de Lille (que les cordes) ne se font guère prier.
Immédiatement se distingue l’éloquence tendre, d’une élégance souveraine du premier mouvement dont le soliste exprime entre expressivité, tension, fluidité, la volubilité …mozartienne. Cette vision très articulée cisèle l’introspection de ce massif que beaucoup aborde plus sec et tendu, plus épais et minéral. Le choix du caractère, celui d’une introspection « fiévreuse » selon les propres mots du soliste, était juste.
L’Adagio est le chant d’une paix hors temps, énoncé avec une simplicité économe, un naturel sans effet aucun, et aussi une gravité feutrée qui ébranle toute triomphalisme : l’accord cordes et piano est ici le plus sûr, amoureusement, tendrement réalisé. David Kadouch en exprime les vertiges d’une errance (la pédale) profonde et qui se rattache enfin de séquence à la réalité de l’espoir. Le pianiste déploie une palette de couleurs, riches et sensibles, dans le sillon de ce qu’il a appris en écoutant Daniel Barenboim.
La version pour cordes par quelques instrumentistes du National de Lille, à bonne distance les uns des autres, distanciation sanitaire oblige, revêt un symbole fort : le retour à la parole des instruments qui s’étaient tu jusque là, hors des salles de concert. Moment suspendu qui nous rappelle le pouvoir poétique essentiel de la divine musique. Le chef trouve des respirations amples et graves, justes et sincères. Laissant au piano, la vitalité et l’éloquence du cœur. Le caractère est bien celui d’une confession d’un Beethoven amoureux, inspiré par une submersion de sentiments d’une intensité saisissante ; le style du pianiste orchestre de mains de maître cette immersion pleine de grâce, puis enchaîne l’énergique Allegro final avec une douceur impériale, une vitalité chorégraphique, bondissante et même swinguée que les cordes du National de Lille colorent d’une nervosité ronde… toute viennoise. L’héroisme beethovénien a ici l’élégance presque facétieuse de Haydn et la sincérité de Wolfgang. L’architecture de la partition en sort lumineuse, de la conscience du destin (do mineur) au début ; au sentiment de la perte (Adagio), jusqu’à la résistance portée dans le finale, son espérance qui porte au triomphe. C’est dire la réussite de ce dernier concert qui referme l’édition 100% digitale du LILLE PIANO(S) FESTIVAL en apothéose. Sublime conclusion à une édition inédite technologiquement, indiscutable artistiquement.
Sans embrassades mais s’applaudissant entre eux, la joie entre les musiciens est palpable. Pour les deux musiciens Alexandre Bloch et David Kadouch, il s’agit de leur premier concert en grande formation (depuis le début du confinement). Formidable moment de partage et d’élégance, de sincérité, de bonheur. Mémorable. Rédaction : Camille de Joyeuse pour classiquenews.com.
BEETHOVEN, CONCERTO POUR PIANO N°3
Concerto pour piano n°3 (version pour orchestre à cordes, arrangement Vinzent Lachner d’après la version à deux pianos de Franz Liszt)
Piano : David Kadouch
Orchestre National de Lille
Direction : Alexandre Bloch
REVOIR le concerto n°3 pour piano et orchestre de Beethoven
par David Kadouch et Alexandre Bloch, Orchestre National de Lille :
https://www.youtube.com/watch?v=hQX7NdLPQR4
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REVOIR TOUS LES CONCERTS DU LILLE PIANO(S) DIGITAL 2020
sur la chaîne youtube de l’ON LILLE Orchestre National de Lille
https://www.youtube.com/channel/UCDXlku0a3rJm7SV9WuQtAdw
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