France Musique, le 7 juin 2014, 19h: Diana Damrau chante La Traviata, en direct de Bastille. Après un Werther clair et lisible, Benoît Jacquot met en scène La Traviata, tragédie parisienne de Verdi qui au moment de sa création à Venise sur les planches de La Fenice (1853), suscita un scandale notoire : comment accepter dans un opéra, de voir les amours sulfureuses d’une courtisane et d’un jeune bourgeois (Germont fils) : elle en proie à une rédemption morale inacceptable ; lui, prêt à saborder l’honneur de sa famille ? Verdi alors en ménage avec Giuseppina Strepponi, cantatrice à la réputation elle aussi scandaleuse, qu’il n’épousera que sur le tard, dénonce ici l’hypocrisie de son temps. Inspiré par le roman de Dumas fils, La dame aux camélias (1852), le compositeur portraiture la société du Second Empire non sans une pointe satirique ; il brosse surtout de Violetta Valéry, la courtisane sublime léguée par Dumas, un portrait bouleversant, celui d’une âme sensible, romantique qui alors qu’elle se sent condamnée, usée par les excès de sa vie sans morale, rencontre en croisant le regard d’Alfredo, le pur amour. En traitant un mythe littéraire contemporain, Verdi transpose à l’opéra, un vrai sujet qui pourrait être d’actualité. Liszt a laissé un témoignante bouleversant sur la vraie Dame aux camélias : Alphonsine Duplessis, morte tuberculeuse en 1847, petit être fragile et sensuel d’une passivité déjà maudite.
D’une rare justesse émotionnelle, l’écriture de Verdi bannit ici toute virtuosité démonstrative : il touche directement le cœur. Jamais les options expressives n’ont à ce point fusionner avec les accents de la nécessité poétique et dramatique. Chaque air de Violetta, saisie, consumée par le grand vertige de la vie, s’impose à nous comme autant de confessions introspectives, miroir de son état psychique : l’abandon de ses rêves, les élans de ses désirs perdus, la faiblesse d’un corps qui perd peu à peu le goût de vivre, sous la pression sociale, face aux épreuves que lui impose le père de son jeune amant… Trop de vérité et de sincérité dans ce drame sentimental d’une irrésistible cohérence : à la création, la censure exigea que les rôles soient chantés en costumes Louis XIV. Des robes modernes auraient souligné la modernité insupportable de l’ouvrage. Reprise un an plus tard après le fiasco de La Fenice, en 1854 au Teatro San Benedetto de Venise, La Traviata défendue par une meilleure distribution, suscita le triomphe que l’ouvrage méritait.
La nouvelle production de La Traviata à l’Opéra Bastille réunit une distribution prometteuse : Diana Damrau qui vient d’ouvrir la saison actuelle de La Scala avec cette prise de rôle exceptionnellement intense et juste ; Ludovic Tézier habitué du rôle paternel, sacrificateur et protecteur à la fois, Germont père… ajoute au tableau, sa droiture vocale qui sied parfaitement au rôle paternel, un rien moralisateur et rigide. 8 dates événements, du 2 au 20 juin 2014. Diffusion en direct sur France Musique, le 7 juin 2014, 19h. En direct dans les cinémas le 17 juin 2014.
Verdi : La Traviata à l’Opéra Bastille
Daniel Oren (2, 5, 7, 9 et 20 juin)
Francesco Ivan Ciampa (12, 14, 17 juin)
direction musicale
Benoît Jacquot
Mise en scène
Diana Damrau, Violetta Valéry
Anna Pennisi, Flora Bervoix
Cornelia Oncioiu, Annina
Francesco Demuro, Alfredo Germont
Ludovic Tézier, Giorgio Germont
Kevin Amiel, Gastone
Fabio Previati, Il Barone Douphol
Igor Gnidii, Il Marchese d’Obigny
Nicolas Testé, Dottore Grenvil
Orchestre et Choeur de l’Opéra national de Paris
Réservations, informations sur le site de l’Opéra national de Paris