Arte. Verdi : La Force du destin. Lundi 28 juillet 2014, 22h20. Créée fin 2013 pour couronner l’année Verdi et toujours au répertoire du Bayerische Staatsoper, la mise en scène très contemporaine de l’Autrichien Martin Kušejse détache du chant rayonnant ciselé du ténor germanique Jonas Kaufmann (Don Alvaro) : le chanteur donne chair et sang à son personnage d’amant maudit, pourchassé par le frère (Carlos) de celle qu’il a osé aimer puis à laquelle il a du renoncer. Aux côtés de Jonas Kaufmann, Anja Harteros (Donna Leonora) et Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas).
Notre avis. Dire que le tempérament provocateur et souvent abonné à la laideur exhibitionniste de Martin Kusej agace systématiquement est un pléonasme … que confirme cette nouvelle production de Munich, l’ultime d’un rayonnement international, dédiée à l’année Verdi 2013. Mais les directeurs de salles apprécient et favorisent même l’aiguillon des mises en scène décalées « branchées », à croire que pour eux une bonne distribution ne suffit pas. Car ici, le plateau regroupe du très bon voire du lourd. Le frère vengeur est un maffieux brut ; les religieux du II ont des mines de convertis sectisés ; et le fond historique des guerres alentour rappelle nos fronts barbares des terreurs terroristes. L’emblème de Kusej ? une horde de figurants en slip, trempant leurs membres désarticulés dans l’eau ou la terre… bien sûr. On y échappe ici.
Anja Harteros, partenaire familière de Kaufmann chez Wagner (Elsa de Lohengrin) retrouve l’intensité franche de sa Leonora (du Trouvère) : sa jumelle Leonora de La Force convainc par son style et son incarnation, tout en finesse. Parfois trop mesurée pour un tempérament féminin porté à l’exaltation. Jonas Kaufmann souffle une fièvre ailée dans le personnage d’Alvaro (surtout dans l’intensité sanguine du I, plein de rebondissements et d’actions) : l’amoureux insatisfait, terrassé comme sa maîtresse par le poids de la culpabilité, est très engagé vocalement et physiquement ; il fait de ses confrontations (trois duos colorés, caractérisés, ici idéalement contrastés) avec le frère de Leonora (Ludovic Tézier, élégant et parfois trop raide), un choc de … titans, du moins de passions fortes contraires. Notre baryton français (Tézier) reste exactement dans la ligne que nous lui connaissons : beauté du chant et droiture souvent gauche sur le plan scénique. Mais ce n’est pas Kusej, directeur d’acteurs inconsistant, qui peu l’aider. La production brille d’autant plus vocalement que les seconds plans sont irréprochables (Preziosilla lascive en diable de Nadia Krasteva : Melitone, chant parfait de Renato Girolami, mais là encore, Kusej n’a eu aucune idée pour ce vrai rôle comique et bouffon). Dommage que la direction d’Asher Fisch auquel nous devons chez Melba un Ring soyeux et dramatiquement soigné, reste continûment monotone, comme désimpliquée.
Verdi : La Forza del Destino
Réalisé par Thomas Grimm (Allemagne, 150mn)
Avec Anja Harteros, Vitalij Kowaljow, Ludovic Tézier, Jonas Kaufmann, Nadia Krasteva, Renato Girolami, Heike Grötzinger, Christian Rieger, Francesco Petrozzi, Rafal Pawnuk
Chœur : Chor der Bayerischen Staatsoper
Orchestre : Bayerisches Staatsorchester
Chef d’orchestre : Asher Fisch
Metteur en scène : Martin Kusej
Costumes : Heidi Hackl