STREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21 février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris

UnknownSTREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21 février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris. A nouveau cette nouvelle production d’Aida présentée à l’Opéra de Paris fait surgir la question d’un décalage malheureux entre l’unité et le sens originels de la partition quasi archéologique de Verdi (qui reçut les conseils de l’égyptologue français, Auguste Mariette) et les options de la mise en scène signée de la confuse et non verdienne Lotte de Beer. Exit la grandeur exotique d el’Egypte ancienne et flamboyante du NOuvel Empire : voici une action traitée comme une comédie de mœurs dans un musée XIXè, avec marionnettes pierreuses à l’avenant, sans que l’on sache vraiment ce que ses « doubles » des protagonistes ajoute à la clarification du propos.
Peu inspirée par l’univers verdien, Lotte de Beer plaque des préconçus et des thématiques qui n’ont rien à voir avec la dramaturgie verdienne, caractérisée comme toujours par le conflit douloureux entre amour et devoir, solitude impuissante des individus et nécessité de la loi sociale et politique. Dans le sillon tracé et fixé par le grand opéra version Meyerbeer, Verdi oppose avec génie, la question des conflits géopolitiques et le destin des individus dont l’amour contredit les plans et les intérêts supérieurs, d’autant que comme dans Don Carlo(s), l’église s’en mêle et soumet tout un chacun à la loi mystérieuse mais avide et vorace des dieux.

VOIX PUISSANTES et CHEF EXPRESSIF
Aida à l’Opéra de Paris en février 2021

Même général victorieux, Radamès a trahi son pays pour l’amour de la belle éthiopienne Aida, réduite en esclave à la Cour d’Amnéris, l’égyptienne trop jalouse, qui aime Radamès mais sans retour.
Les costumes renvoient à l’époque où fut composé l’opéra, fin XIXè, pour l’inauguration du Canal de Suez. Mais dans cette grille conteporaine, on n’identifie pas clairement les relations qui situent chaque personnage… Ne parlons ni des décors ni du mouvement des chœurs comme de la directions d’acteurs : quand ils ne sont pas laids et décalés, il sont absents. Ce manque de vision, de cohérence… interroge.

Unknown-1Heureusement la réalisation musicale est à la hauteur de cet événement parisien, affiché, diffusé en plain confinement de la culture et du spectacle vivant. Le chef Michele Mariotti détaille et insuffle de belles couleurs, des nuances expressives très convaincantes : il souligne sous chaque épisode la double lecture : politique / individuelle. Le plateau réunit des chanteurs à décibels, puissants naturellement et heureusement phrasés. Ainsi les femmes sont très incarnées, aux timbres magnifiquement opposés. La fauve, sombre et viscérale Amnéris, dévorée par la jalousie (Ksenia Dudnikova aux aigus qui dérapent parfois cependant) contredit le soprano clair et tout aussi sonore de Sondra Radvanovsky, Aida palpitante et sobre, riche en harmoniques sensibles. Le cast souligne ici combien la partition est aussi une affaire d’hommes (comme dans Don Carlo/s également avec le duo Carlo et Posa) : Ludovic Tézier affirme un Amonasro (père d’Aida), félin, articulé, noble de bout en bout (vrai baryton verdien sculptant avec finesse son profil psychologique), tandis que Jonas Kaufmann (Radamès) colore sa voix sombre d’éclats crépusculaires qui brûlent littéralement dans la scène finale où les deux amants sont réunis mais emmurés vivants. Evidemment les voix à l’intonation si facile semble souvent être indifférents aux mots et au texte en général (à l’exception de Kaufmann). Dommage.
Voici donc une production vocalement intense et caractérisée, orchestralement passionnante, mais dénaturée (encore) par une mise en scène à l’éclectisme déconcertant. Photos : Aida / Mariotti © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

 

________________________________________________________________________________________________

 

 

STREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21 février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris

 

________________________________________________________________________________________________

 

 

VOIR la captation d’Aida de Verdi par M Mariotti, J Kaufmann, S Radvanovsky, L Tézier, K Dudnikova… Opéra de Paris

https://www.arte.tv/fr/videos/100855-001-A/giuseppe-verdi-aida/

 

 

LIEN DIRECT vers la page ARTE CONCERT / Aida de VERDI
https://www.arte.tv/it/videos/100855-001-A/giuseppe-verdi-aida/
REPLAY jusqu’au 20 août 2021.

 

 

VOIR ici AIDA de VERDI / OpĂ©ra de Paris / Mariotti, Kaufmann, TĂ©zier… :

 

 

AIDA de VERDI sur ARTE (Kaufmann, Radvanovsky)

Londres, Royal Opera House : Jonas Kaufmann chante Andrea ChénierSTREAMING, opéra chez soi. ARTE. VERDI : Aida, jeudi 18 fév 2021, 19h30. Paris, l’Opéra de Bastille affiche l’opéra égyptien de Verdi, inauguré à l’ouverture du Canal de Suez, inspiré par l’âge d’or de l’histoire pharaonique, soit le Nouvel Empire. Le général Radamès (ténor héroïque) couvert d’or et glorieux est accueilli en héros par la foule et Pharaon : mais il aime la princesse Aida (soprano dramatique d’un angélisme ardent), réduite en esclave, soumise à la fille de Pharaon Amnèris (bel emploi d’alto sombre et passionnée)… C’est compter sans la volonté d’Amnéris et sa jalousie destructrice, pourtant bientôt défaite devant l’horreur du sort qui les prêtres réservent à Radamès. N’a-t-il pas finalement trahi la Cour de Pharaon ? Comme Don Carlo, Aida, tout en se prêtant au genre du grand opéra historique avec ballet, reste un huis clos psychologique dont la tension se resserre sur les 3 protagonistes : Aida, Amnèris, Radamès. Verdi qui aime la tessiture de baryton, ajoute un 4è personnage clé, Amonasro, le père d’Aida, lui aussi captif de Pharaon. Photo : portrait de Jonas Kaufmann  (DR) ténor halluciné qui chante le rôle du général Radamès.

2021 marque aussi le 150e anniversaire de la création de l’ouvrage dont la conception profite aussi de la coopération de l’égyptologue français Auguste Mariette : d’où le grand réalisme historique de la partition et la vraisemblance du livret.

EN REPLAY sur ARTE concert dès le jeudi 18 février 2021, 19h30, puis sur ARTE  dim 21 février 2021, 14h05 :
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-016485/saison-arte-opera/

Créé en dĂ©cembre 1871 Ă  l’OpĂ©ra du Caire pour cĂ©lĂ©brer l’inauguration du canal de Suez, AĂŻda est devenu un pilier du rĂ©pertoire lyrique, avec La Traviata et Le Trouvère, l’opĂ©ra le plus jouĂ© de Verdi. Dans cette nouvelle production, la metteuse en scène nĂ©erlandaise Lotte de Beer entend soulignes avec une acuitĂ© critique les « reprĂ©sentations europĂ©ennes des peuples assujettis”. Il est vrai qu’avec Aida et son père, Amonasro, Verdi a brosser le portrait de deux captifs rĂ©duits en esclavage. La distribution rĂ©unie par la scène parisienne promet de superbes moments dont Ă©videmment le dernier tableau, Ă  la fois bouleversant et glaçant… quand les deux amants inflexibles sont condamnĂ©s Ă  mourir emmurĂ©s vivants.

AĂŻda
Opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi
Livret : Antonio Ghislanzoni d’après une intrigue d’Auguste Mariette
Mise en scène : Lotte de Beer
Direction musicale : Michele Mariotti
Choeur et orchestre de l’Opéra de Paris

Avec : Sondra Radvanovsky (Aïda), Ksenia Dudnikova (Amnéris), Jonas Kaufmann (Radamès), Ludovic Tézier (Amonasro), Dmitry Belosselskiy (Ramfis), l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra national de Paris
Réalisation : François-René Martin
Coproduction : ARTE France, Telmondis, Opéra national de Paris (France, 2021, 3h)
Présenté par : Saskia De Ville

L’opĂ©ra sera disponible en ligne dès le jeudi 18 fĂ©vrier, 19h30 – Saison ARTE OpĂ©ra
arteconcert.com

Approfondir

________________________

VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402La dramaturgie de Giuseppe Verdi fait évoluer les personnages du drame. Au départ, véritable type psychologique, presque figé, associé à une voix (soprano tragique, mezzo sombre et envieuse, baryton noble, ténor vaillant et amoureux), les caractères se modifient, et à partir des années 1870, -Aïda est crée en 1871 à l’opéra du Caire-, les individus mêlent la gravité et la tendresse, le tragique et le combatif, en un mélange complexe qui imite la vie.
Dans cette veine réaliste et de couleur tragique là aussi, verdi composa Rigoletto qui inaugura le nouvel opéra du Caire, en 1869.
Commande du Khédive égyptien, Ismaïl Pacha pour le nouvel opéra caïrote, Aïda est d’autant moins artificiel ou décoratif, que le livret s’appuyant sur une trame validée par le directeur du musée égyptien du Louvre, Auguste Mariette, met en scène non plus des “types” mais des êtres de chair et de sang, qui éprouvent sur la scène, l’horloge des sentiments les plus extrêmes. Un temps compté, et des épreuves passionnelles qui révèlent et brûlent caractères et ardeurs. En quatre actes, Aïda recompose une lente chute vers le gouffre : la déchéance du héros certes, mais l’élévation a contrario d’un coeur amoureux, fidèle, jusqu’à la mort.

La carrière du général Radamès, gloire de l’Egypte, amoureux de l’esclave Aïda, fille d’un roi ennemi, illustre cette descente aux abîmes : trahison, passion amoureuse, exécution. Historique, tragique, l’opéra verdien révèle sa triple identitié : psychologique.
Verdi sous l’influence de Wagner, son contemporain, abolit les anciennes conventions de l’aria et du récitatif, de la cabalette triomphale, pour un drame musical continu. Le choix des options pour une vraisemblance accrue est d’autant plus révélatrice des intentions du compositeur que c’est Verdi lui-même qui écrit le livret final ou, du moins, valide la dramaturgie générale.
Dans ce mode formel renouvelé, l’air d’Aïda à l’acte I : “Ritorna Vincitor” incarne l’expression la plus élaborée d’un arioso dramatique où se dilue l’ancien air classique. Et même l’ouverture d’Aïda aurait été composée dans le souvenir du choc que lui causa l’ouverture de Tannhäuser, découvert et admiré en 1865 à Paris.

AĂŻda,
opéra en quatre actes
Livret de Verdi, versifié par Ghislanzoni
sur un texte de Camille du Locle (1868) d’après
l’intrigue d’Auguste Mariette
Créé à l’Opéra du Caire, le 24 décembre 1871.

CD événement annonce : «Selige Stunde», le nouvel album de JONAS KAUFMANN

CD événement annonce : «Selige Stunde», le nouvel album de JONAS KAUFMANN. SONY classical annonce un nouvel enregistrement discographique du ténor JONAS KAUFMANN : après sa lecture d’OTELLO de Verdi sous la baguette de Pappano (paru en juin 2020), le prochain album intitulé «Selige Stunde» devrait sortir ce 4 septembre 2020. Réalisé au moment du déconfinement, en Allemagne, le cycle réalisé en complicité avec le pianiste Helmut Deutsch regroupe une sélection très personnelle de lieder de Schubert, Brahms, Strauss, Mahler… Prochaine critique dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS.COM

kaufmann-jonas-helmut-deutsh-lieder-cd-sony-classical-annonce-critique-cd-review-classiquenews-JONAS-KAUFMANN

CD événement, annonce. OTELLO par JONAS KAUFMANN (1 cd SONY classical)

otello jonas kaufmann pappano cd dvd critique classiquenews operaCD Ă©vĂ©nement, annonce. OTELLO par JONAS KAUFMANN (1 cd SONY classical). Sony classical reporte la date de sortie du nouvel enregistrement d’OTELLO de Verdi, avec Jonas Kaufmann : date Ă  venir. Après un prĂ©cĂ©dent dvd Ă©galement dirigĂ© par Antonio Pappano. C’était Ă  l’étĂ© 2017 quand la Royal Opera House produisait une nouvelle production d’Otello dans la mise en scène de Keith Warner et avec la prise de rĂ´le la plus attendue alors de la planète lyrique, cette nouvelle lecture de l’opĂ©ra verdien demeure l’Ă©vĂ©nement lyrique 2020 attendu dans les bacs. Pour nous, le dvd pointait la faiblesse des partenaires du tĂ©nor devenu lĂ©gende vivante (les Desdemona et Iago insuffisants de respectivement Maria Agresta et Marco Vratogna). A contrario l’Otello fauve, crĂ©pusculaire, Ă  la raucitĂ© poĂ©tique de fĂ©lin condamnĂ© tissĂ© par l’excellent Kaufmann tire la couverture vers lui…

 

 

CLIC D'OR macaron 200Pour autant, toute production lyrique est le fruit d’un collectif. Qu’en sera-t-il dans cette version pour le disque ? Le chef Antonio Pappano aura-t-il rĂ©uni autour de lui un cast plus cohĂ©rent et unifiĂ© autour de l’implication viscĂ©rale, presque animale qu’en offre l’impeccable verdien Jonas Kaufmann ? LIRE notre critique complète d’OTELLO par JONAS KAUFMANN (2 cd Sony classical) / CLIC de  CLASSIQUENEWS, Ă©tĂ© 2020 :

 

 

otello jonas kaufmann pappano cd dvd critique classiquenews operaCD Ă©vĂ©nement, critique. VERDI : OTELLO. Kaufmann, Lombardi; Pappano (2 cd SONY classical, 2019). D’emblĂ©e c’est le sens du dĂ©tail et le souffle cinĂ©matographique instillĂ©s par la direction d’Antonio Pappano qui s’avèrent prenants d’un bout Ă  l’autre. Le chef, directeur musical de la ROH Ă  Londres et aussi des troupes romaines de Santa Cecilia, emporte toute l’équipe, dès l’amorce de la tempĂŞte initiale, dès les premiers dialogues viriles : Otello, Cassio, Iago, comprenant aussi l’excellent choeur dont « Fuoco di gioà » souligne le mordant dramatique, le sens du verbe, l’énergie collective. Avant Pappano, Rome avait dĂ©jĂ  accueilli une somptueuse version, Ă  juste titre lĂ©gendaire, rĂ©unissant il y a 60 ans, Jon Vickers, Leonie Rysanek, Tito Gobbi, sous la baguette Ă©ruptive, expressionniste de Tullio Serafin. La complicitĂ© des interprètes de 2019 explose dans cette arène vive oĂą Verdi Ă©voque la folie shakespearienne dont Otello est la victime le plus effrayante et bouleversante. Celui pour lequel la culpabilitĂ© de DesdĂ©mone ne fait aucun doute…

________________________________________________________________________________________________

 

   

 

otello-dvd-jonas-kaufmann-verdi-critique-DVD-opera-par-classiquenews-antonio-pappano-ROyal-opera-house-londres-la-critique-opera-par-classiquenewsLIRE aussi notre critique du DVD OTELLO par Jonas Kaufmann / Pappano, juin 2017 / Jonas Kaufmann (Otello), Marco Vratogna (Iago), Maria Agresta (Desdemona), Frédéric Antoun (Cassio), Kai Rüütel (Emilia), Thomas Atkins (Roderigo), Simon Shibambu (Montagno), In Sung Sim (Lodovico), Chœur et Orchestre du ROH Covent Garden, dir. Antonio Pappano, mise en scène : Keith Warner (Londres, 28 juin 2017).
http://www.classiquenews.com/dvd-evenement-verdi-otello-jonas-kaufmann-londres-roh-juil-2017-1-dvd-sony-classical/

 

   

 

Direct cinéma : Jonas Kaufmann chante Florestan (FIDELIO)

royal-opera-house-ROH-logo-2019CINÉMA, Fidelio le 17 mars 2020, 18h. Jonas Kaufmann chante Florestan dans les salles obscures… Célébrez le 250ème anniversaire de Mudwig Beethoven, grâce à la diffusion en live de la nouvelle production du Royal Opera Fidelio, avec dans le rôel de Florestan, le prisonnier, victime de l’arbitraire tyranique, JONAS KAUFMANN dont le timbre rauque, de félin blessé, la puissance et la finesse devraient renouveler l’interprétation du personnage, dans le sillon d’un John Vickers avant lui.

Jonas Kaufmann... grand retour à la scèneFidelio narre le parcours de Léonore, qui sous les traits d’un homme (Fidelio), entend sauver son mari Florestan, prisonnier politique détenu par le tyran Don Pizarro. Au sommet de l’inspiration digne et tragique de la partition, l’air monologue du prisonnier au bout de tout, mourant, solitaire, dans son cachot tombeau ; puis son duo avec Léonore, celle qui le sauve par amour ; enfin dans le final inondé de lumière, le chœur des prisonniers libérés, ivresse collective la plus flamboyante de tout le répertoire lyrique. La nouvelle mise en scène de Tobias Kratzer, établit des parallèles entre « la Terreur » de la Révolution Française et les crises politiques actuelles ; elle met en lumière les thèmes intemporels du courage, de l’amour, de la « résilience émotionnelle ».

ROH_19-20_FIDELIO_ONE_SHEET__FRENCH_L’unique opéra du compositeur, Fidelio est enregistrée en live du Royal Opera House le mardi 17 mars. Mise en scène : Tobias Kratzer. Aux côtés du ténor allemand Jonas Kaufmann, la soprano italienne Lise Davidsen dans le rôle-titre(Fidelio / Léonore). Avec l’orchestre du Royal Opera House, le chœur du Royal Opera, sous la direction du chef Antonio Pappano. Les retransmissions au cinéma depuis le Royal Opera House comprennent outre la captation de l’opéra, des entretiens et accès exclusifs en coulisses. Projeté dans plus de 1000 cinémas dans 53 pays, le Royal Opéra House entend démocratiser sa saison lyrique.

Durée : 2h55 mn (avec entractes / pauses)

________________________________________________________________________________________________

#ROHfidelio.

Pour plus d’informations et pour acheter les billets : https://www.rohcinema.fr
Identifier la salle la plus proche de votre domicile :
https://www.rohcinema.fr/

________________________________________________________________________________________________

VIDEO

JONAS KAUFMANN chante l’air de Florestan : “Gott, welch Dunkel hier!” / Dieu ! Quelle obscuritĂ© / effroyable silence … (Zurich, 2004 – direction : Niklaus Harnoncourt)

 

FIDELIO Salzbourg 2015 – mise en scène Klaus Gut :

Autre extrait de cette production de Fidelio 2015 :
Kaufmann/Pieczonka/König : “Euch werde Lohn in besseren Welten”/Fidelio

 

 

 

Autre version de Fidelio / le choeur final de libération :
Beethoven – Fidelio: O Gott! Welch ein Augenblick! – Bernstein (1978)
Janowitz, Kollo…

 

 

________________________________________________________________________________________________

ANNONCE DE LA ROYAL OPERA HOUSE

https://www.roh.org.uk/cinemas/production/39547

https://www.roh.org.uk/cinemas/production/39547

https://www.youtube.com/watch?time_continue=33&v=U3LaeNr9Yyg&feature=emb_logo

LIRE aussi notre dossier FIDELIO de BEETHOVEN

BETHOVEN-2020-deutsche-grammophon-critique-cd-selection-cd-livres-classiquenews-dossier-beethoven-2020-classiquenewsBEETHOVEN CONTRE LES TYRANS… La première en 1805 comportait 3 actes, la deuxième en 1806 n’en comportait que 2. La troisième version créée le 23 mai 1814 Ă  Vienne, a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©e en France, Ă  Paris Ă  l’OdĂ©on en 1825. Beethoven a mis au net ce qui ne lui semblait pas totalement achevĂ© dans les versions prĂ©cĂ©dentes. D’ailleurs, il n’était pas tout Ă  fait prĂŞt pour la première et il a continuĂ© Ă  l’amĂ©liorer pour les dates suivantes ! Le succès n’a fait qu’augmenter au fur et Ă  mesure des reprĂ©sentations. RĂ©volutionnaire, Beethoven transmet dans cet opĂ©ra sa passion pour la libertĂ©, au point d’assurer aujourd’hui Ă  l’ouvrage, la valeur et le statut d’un mythe lyrique : Fidelio est devenu avec le temps, l’opĂ©ra de la libertĂ© contre toutes les formes d’oppression et de pouvoir tyrannique. Epouse admirable et d’un courage immense, Leonore incarne l’amour et la force. C’est lapaix armĂ©e, prĂŞte Ă  en dĂ©coudre et ici, capable de changer de sexe et d’apparence, de devenir Fidelio pour libĂ©rer de sa prison son Ă©poux incarcĂ©rĂ©, Florestan…

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

 

 

 

 

La prochaine retransmission live du Royal Opera House sera Le Lac des Cygnes, du Royal Ballet, en direct au cinéma le mercredi 1er avril.

DIE TĂ–TE STADT de KORNGOLD avec JONAS KAUFMANN

kaufamann-vignette-carre-classiquenews-KAUFMANN-Jonas-chante-opera-francais-par-classiquenews-682x1024FRANCE MUSIQUE, sam 15 fev 2020, 20h. KORNGOLD : La Ville Morte. Avec Jonas Kaufmann. Voici l’une des productions lyriques les plus acclamĂ©es de la saison : La Ville Morte (« Die tote Stadt »), l’opĂ©ra du jeune et prĂ©coce Korngold ;  l’ouvrage flamboyant, d’un onirisme crĂ©pusculaire, occupe l’affiche de l’OpĂ©ra d’Etat de Bavière, Ă  Munich – et oĂą il n’avait pas Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© depuis plusieurs dĂ©cennies. Créé en 1920, l’opĂ©ra La Ville Morte de Korngold d’après le roman de Robenbach est un sommet lyrique dont le flamboiement fait la synthèse entre Strauss, Lehar, Mahler, Wagner… le futur grand compositeur pour le cinĂ©ma amĂ©ricain y signe une fresque symphonique plus expressionniste que symboliste dont le scintillement permanent de l’orchestre exprime l’impuissance dĂ©pressive de son hĂ©ros, PAUL, jeune veuf inconsolable dont l’opĂ©ra reprĂ©sente le dĂ©lire et les visions fantastiques.

korngold erichA 23 ans, Korngold revisite Richard Strauss et Wagner, sans omettre Puccini et Mahler, cultivant une sensibilité étonnante pour la texture orchestrale. À Munich, Jonas Kaufmann incarne PAUL, veuf éploré qui ne peut se libérer de l’image de son épouse défunte ; entre visions et veille hallucinée, il voit même la morte qui sous les traits de Marietta l’enivre jusqu’à la transe. Inspiré du roman de Georges Rodenbach, « Bruges-la-morte » de 1892, l’opéra du jeune Korngold saisit par sa noirceur tendre, ses éclairs lugubres et poétiques où le héros, sorte de Tristan pris dans les rets d’un passé asphyxiant, ne maîtrise plus sa propre psyché, entre désir perdu et réactivé, souffrance et élan vital. La musique de Korngold exprime toutes les aspirations d’un cœur maudit, solitaire, exacerbé… Autre atout de cette production munichoise, la direction du chef Kirill Petrenko, actuel directeur musical du Berliner Philharmoniker, au souffle dramatique acéré, mordant, intérieur…

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

 

ANGERS NANTES OPERA proposait une superbe production de Die Töte Stadt / La Ville Morte de Korngol (Philippe Himmelmann / Thomas Rösner / mars 2015)
VOIR notre reportage vidéo qui explique et présente l’opéra de KORNGOLD : genèse, enjeux, écriture musicale,…

 

 

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

 

FRANCE MUSIQUE, samedi 15 février 2020 à 20h, en réécoute pendant 30 jours sur francemusique.fr

Erich Wolfgang Korngold : Die tote Stadt / La Ville Morte
20h – 23 h « Samedi Ă  l’opĂ©ra » – opĂ©ra donnĂ© le 29 novembre 2019 au Nationaltheater du Bayerische Staatsoper Ă  MĂĽnich.

OpĂ©ra en trois actes d’Erich Wolfgang Korngold
Livret du compositeur d’après la pièce Le Mirage adaptĂ©e du roman
Bruges-la-Morte (1892) de Georges Rodenbach.
Créé simultanĂ©ment le 4 dĂ©cembre 1920 Ă  Hambourg sous la direction d’Egon Pollack et Ă  Cologne sous la direction d’Otto Klemperer.

Paul Schott, librettiste
Georges Rodenbach, auteur
Jonas Kaufmann, ténor, Paul
Marlis Petersen, soprano, Marietta
Andrzej Filonczyk, baryton, Frank /Fritz
Jennifer Johnston, mezzo-soprano, Brigitta
Mirjam Mesak, soprano, Juliette
Corinna Scheurle, mezzo-soprano, Lucienne
Manuel Günther, ténor, Gaston/Victorin
Dean Power, ténor, Graf Albert

Choeur de l’OpĂ©ra d’Etat de Bavière
(direction de Stellario Fagone)
Choeur d’enfants de l’OpĂ©ra d’Etat de Bavière
(direction de Stellario Fagone)
Orchestre de l’OpĂ©ra d’Etat de Bavière
Kirill Petrenko, direction

 

 

 

________________________________________________________________________________________________

 

JONAS KAUFMANN CHANTE VIENNE

18.08.18-fr-1920 jonas kaufmann chante siegmund gstaad munfin festival 2018 annonce review by classiquenewsARTE, dim 22 déc, 18h25. JONAS KAUFMANN, mélodies viennoises. Point fort d’une journée dédiée à l’art de vivre et à la culture viennoise, ce récital de 2019 dans lequel le ténor le plus célèbre de l’heure (légitimement) chante les standards de la musique viennoise et révèle aussi ses lieux favaris de la capitale autrichienne : grande roue du Prater, petites rues commerçantes au charme préservé… la ville où les maisons des compositeurs classiques et romantiques tels Mozart, Haydn mais aussi Schubert et Johann Strauss se visitent toujours (et dans un remarquable état de conservation), tout est musique. Au programme airs d’opéras et d’opérettes viennois : La Chauve Souris / Die Fledermaus, Une nuit à Venise, Sang viennois de Johann Strauss ; mélodies des compositeurs RObert Stolz, Emmerich Kalman, Georg Kreisler… créateurs de l’élégance et de la suavité viennoise. Servies par le plus séducteur des ténors germaniques, au timbre à la raucité mâle et virile, les mélodies gagnet ici un relief et une grâce entraînants : Jonas Kaufmann n’est-il pas un excellent diseur chez Schubert ? En replay sur ARTE.TV jusqu’au 20 mars 2020.

 

 

KAUFMANN-jonas-tenor-presentation-concerts-critique-comtpe-rendu-review-par-classiquenews-opera-festival-gstaad-festival-menuhin

 

 

Jonas Kaufmann (ARTE, service de presse / DR)

 

 

FORCE DU DESTIN. Kaufmann, Netrebko, Tézier : trio gagnant chez VERDI

Vague verdienne en juin 2014FRANCE MUSIQUE, dim 2 juin 2019, 20h. VERDI : La FORCE DU DESTIN. Le Royal Opera House, pour sa nouvelle production 2019 de La Forza del destino de Verdi (avril 2019) réunit un cast proche de la perfection. Car il faut de la puissance, de la finesse et une attention méticuleuse au profil de chaque protagoniste. Dans cet opéra où brûle l’amour le plus contrarié et donc d’essence tragique, la mise en scène de Christof Loy se montre à la hauteur de ce drame noir où comme toujours sur la scène lyrique romantique, la grandeur morale des individus éprouvés, se dévoile en fin d’action… au moment de leur mort.

Le chant vermine souffle son meilleur sur la scène londonienne, grâce aux personnalités aussi charismatiques que Jonas Kaufmann, Anna Netrebko et Ludovic Tézier : soit 3 immenses solistes, aujourd’hui recherchés par toutes les scènes internationales (Trio prometteur que Bastille avait accueilli pour Don Carlo du même Verdi). Leurs talents complémentaires éclairent en réalité une action qui est loin d’être aussi désastreuse et confuse que d’aucun le disent ; par manque de connaissance, et par snobisme (parisien… comme toujours). On dit d’ailleurs la même chose de nombreux opéras verdiens, dont Il Trovatore, Le Trouvère. Rien d’opaque ni de complexe ici, d’autant que la mise en scène de Loy, respecte, elle, la cohérence originelle du livret (a contrario d’un Tcherniakov qui aujourd’hui n’hésite plus à réécrire chaque livret des opéras qu’il dénature ainsi allègrement).

Jonas Kaufmann réussit à phraser comme jamais, offrant un chant ciselé, intelligible et profond…. comme au théâtre. Il éclaire chez Alvaro, la lente et progressive modification psychologique, de l’ardeur effrénée voire irréfléchie à la noblesse détachée, la plus sage… belle performance dans la subtilité. La Leonora (à ne pas confondre avec sa « sœur » tragique du même prénom dans Il Trovatore) d’Anna Netrebko confirme l’excellente verdienne, vibratile, irradiante, habitée par une urgence intérieure, un souci de la loyauté jusqu’à la mort et l’abnégation la plus totale (à la fois, amante coupable et mortifiée mystique en quête de salut).

En Carlo di Vargas, Ludovic Tézier convainc tout autant par la beauté du chant et sa solidité expressive. Affûté même dans son duo avec Alvaro / Kaufmann : « Voi che sì larghe cure » qui fusionnent les deux voix idéalement caractérisées.
Face au trio tragique et héroïque, deux personnages comiques, plus légers se distinguent aussi grâce à l’intelligence de leurs interprètes respectifs : Padre Guardiano et Melitone (qui rappelle la truculence bonhomme du sacristain au premier acte de Tosca de Puccini) : ainsi à Londres, Ferrucio Furlanetto et Alessandro Corbelli ajoutent chacun à la finesse théâtrale de la production.

A notre (humble) avis, la prestation tout aussi enlevée de Veronica Simeoni en Preciosilla manque elle de finesse, donc tombe plus bas, dans la gouaille caricaturale. Dommage pour la soprano qui aurait dû être inspirée par l’excellence de ses partenaires précités.

Faiblesse d’autant plus malheureuse qu’ici aucun comprimerai (seconds rôles) n’est laissé dans la confusion ou l’imprécision (comme souvent) ; ne citons que le Calatrava de Robert Lloyd, ou l’Alcade de Michael Mofidian…

Nous ne dirons rien des décors (inutile précision s’agissant d’une diffusion radiophonique)

Voilà une approche vocalement exceptionnelle qui souligne chez Verdi sa force émotionnelle : la vengeance dont il est question, la malédiction consentie et assumée des deux amants malheureux, leur course effrénée au salut (qui les mène au delà d’une expérience terrestre),… tout est exprimé avec une grande finesse. Superbe lecture.

______________________________

VOIR le TEASER du spectacle LA FORZA DEL DESTINO de VERDI Ă  COVENT GARDEN Royal Opera House (avril 2019)

___________________

CD, critique. JONAS KAUFMANN : AN ITALIAN NIGHT (1 cd SONY classical, 2018)

italian night jonas kaufmann sonu classical cd critique par classiquenewsCD, critique. JONAS KAUFMANN : AN ITALIAN NIGHT (1 cd SONY classical, 2018). Timbre d’airain, contrôlé sur toute la tessiture, avec ce medium désormais presque barytonant (en particulier dans Cielo e mar de La Gioconda de Ponchielli, abordé avec une couleur fauve et sombre d’une irrépressible langueur blessée radicale), … la prestation vocale du bavarois Jonas Kaufmann répond à nos attentes. Saluons cette ivresse éperdue des héros marqués par le destin, promis à vivre les élans extatiques amoureux d’une irrépressible passion… De toute évidence Jonas Kaufmann affirme ici dans cet exercice de plein air et immergé parmi un public très nombreux, qui l’acclame à chaque passage vers l’aigu en général très bien négocié. La présence des spectateurs dans le théâtre à ciel ouvert de la Waldbuhne de Berlin conditionne tout le dispositif d’un spectacle qui évidemment heurtera les plus pointus, habitués, nantis des salles fermées de l’opéra.
Mais le genre a besoin de ses grandes messes populaires et très grand public, pour renforcer ce lien vital entre un artiste et son public, pour régénérer aussi l’opéra qui sans cela, serait réservé à une poignée de pseudo spécialistes arrogants et constipés.
D’où la valeur de ce type d’expérience qui a toute sa place aujourd’hui. D’ailleurs, Jonas Kaufmann n’invente rien : avant lui, le légendaire Luciano Pavarotti savait élargir l’horizon lyrique, métissant ses récitals en mêlant les genres et les catégories. Et cela ne bouleverse personne. Et le succès fut au rendez-vous.
Kaufmann prolonge donc un exercice qui se cultive en marge du lyrique en salle (et avec mise en scène), sans empiéter sur ses frontières.

kaufmann jonas berlin waldbuhne recital liveAprès ce Ponchielli solistique d’un lyrisme embrasé a voce sola, voici tout un cycle théâtral, extrait de la dramaturgie la plus tendue, âpre de Cavalleria Rusticana de Mascagni, opposant Santuzza et Turiddu, ex amants ici affrontés car elle ne l’aime plus désormais, ce qu’il n’accepte pas : un duo mordant, félin là encore, qui se termine comme chez Bizet (Carmen) par l’assassinat de la jeune femme : pour exprimer toutes les nuances de cette passion refroidie qui pourtant suscite la colère hallucinée du ténor, Jonas Kaufmann invite le mezzo onctueux et charnel de la diva Anita Rachvelishvili, cantatrice qui a précédemment réalisé un passionnant et inégal récital chez le même éditeur. Les 3 seynettes ainsi restituées, rappellent combien le vérisme est une écriture chambriste qui met en lumière les affects les plus enfouies des protagonistes, en général comme ici, des amants éprouvés, détruits (Turiddu) ou exacerbés, volontaires, libertaires (Santuzza). Bel épisode de tragédie amoureuse dont Mascagni a le génie et que servent avec une passion mesurée les deux chanteurs présents à la Waldbuhne de Berlin.
Evidemment, hors de la scène d’un théâtre, et ici en plein air, on demande des chanteurs de se dĂ©passer, d’oser une nouvelle palette de sentiments qui se projettent vers le public massĂ© en foule compacte… le dernier Ă©pisode qui commence par le solo Mamma, quel vino è genero, affirme la qualitĂ© du timbre de Kaufmann, brĂ»lĂ©, dĂ©vastĂ©, avec ces richesses harmoniques dont il seul aujourd’hui Ă  possĂ©der l’intensitĂ© musicale. Aucun tĂ©nor n’atteint tel prodige expressif : Ă©coutez l’air 14 : “Parla piĂą piano”, version du Parrain par Nino Rota, Ă©noncĂ© avec une finesse d’intonation d’une … diseur acteur de premier plan. Bluffant.
Ensuite suivent plusieurs tubes et standards déjà enregistrés dans son précédent récital Dolce vita, de quoi illustrer et coller à sujet de la thématique de la soirée : An italien evening / une soirée italienne. Et de passion comme d’italianità, le ténor n’en manque pas (comme Anita dans le célébrissime air Caruso de Lucio Dalla).
Chacun mesurera leur latinitĂ© passionnelle, – la facultĂ© du tĂ©nor en crooner et sĂ©ducteur rugissant, envoĂ»tant, captivant…, son charisme hallucinĂ©, fauve lĂ  encore, aux couleurs souvent très sombres : se succèdent parfois sirupeuses les mĂ©lodies de Ernesto de Curtis, Giovanni d’Anzi, Nino Rota… Avouons que dans ces terres pas vraiment lyriques, mais qui mettent en lumière une voix taillĂ©e pour l’incarnation la plus pathĂ©tique, voire théâtreuse, – qui sait – heureusement demeurĂ©e musicale, sensible, presque subtile;, la reprise de l’inusable VOLARE de Domenico Modugno, avec la soprano Rachvelishvili, est pilotĂ© avec tact et finesse : un très beau duo, tout en complicitĂ©, et en empathie avec le public.
CLIC_macaron_2014Et pour finir, le sublime Nessun dorma chanté par le prince Calaf dans Turandot de Puccini conclut cette soirée grand public sous la voûte berlinoise du théâtre en plein air de la Waldbuhne. Le charme opère, grâce à la généreuse musicalité du plus grand ténor actuel.
Jochen Rieder pilote le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, avec efficacité. Et oeillades, effets de manche… car ici, exercice oblige, c’est la démonstration et la théâtralité qui comptent essentiellement. Les puristes évidemment crieront au blasphème. Mais cela fonctionne. Indéniablement.

________________________________________________________________________________________________

Programme :
« Cielo e mar », La Gioconda, Ponchielli
« Tu qui, Santuzza », Cavalleria Rusticana, Mascagni
« Mamma, quel vino e generoso », Cavalleria Rusticana, Mascagni
Ti voglio tanto bene »
Voglio vivere cosi
Mattinata
Rondine al nido
Caruso
Parlami d’amore, MariĂą
Tornar a Surriento
Il Canto
Non ti scordar di me
Parla piu piano
Un amore cosi grande
Musica proibita
Passione
Catari, Catari
Volare
« Nessun dorma », Turandot (Puccini)

Jonas Kaufmann, ténor
Avec Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano

Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Jochen Rieder, direction

Enregitstré au Waldbühne Berlin le 13 juillet 2018
CD Sony Classical 19075879332

Compte-rendu, récital. Bordeaux, le 18 sept 2018. Récital Jonas Kaufmann, ténor / Liszt, Wolf, Mahler.

thumbnail_kaufmannCompte-rendu, récital. Bordeaux Grand-Théâtre, le 18 septembre 2018. Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch dans un programme Liszt, Wolf et Mahler. Après l’avoir accueilli une première fois en 2007 (dans une salle bien clairsemée, il n’était pas encore la star qu’il est devenu…), le Grand-Théâtre de Bordeaux a ouvert sa saison avec un récital de Jonas Kaufmann, le chanteur lyrique le plus couru de la planète. Tellement couru que les places se sont tout bonnement arrachées, et que tout était » sold out » quelques minutes après l’ouverture de la location sur internet… Ce n’était pourtant pas un programme facile qu’il proposait là, aux côtés de son partenaire et ami de toujours le pianiste Helmut Deutsch : des Lieder de Liszt, Wolf et Mahler, bien moins faciles d’accès que les tubes du répertoire lyrique qu’il avait par exemple proposé, quatre jours auparavant, à son public moscovite…

Premier des quatre cycles au programme ce soir, 6 Lieder de Franz Liszt, dans lesquels il apparaĂ®t tout de suite Ă©vident qu’Ă  la diffĂ©rence du piano, l’Ă©criture pour la voix prend chez le cĂ©lèbre compositeur allemand une tournure autrement plus concentrĂ©e, loin des concessions virtuoses et Ă©phĂ©mères qu’avec « l’instrument roi ». Cette assertion, Jonas Kaufmann la fait sienne : le ton est impĂ©rieux autant que la phrase est impĂ©rative. Dès le « Vergiftet sind meine Lieder » (« EmpoisonnĂ©s sont mes chants »), la voix se joue des difficultĂ©s et sĂ©duit irrĂ©sistiblement. Suit le très beau « Im Rhein, im schönen Strome » (« Dans le Rhin, dans ce beau fleuve »), oĂą son impressionnant registre grave est mis Ă  contribution, en mĂŞme temps que des fĂŞlures dans le dĂ©ploiement de la ligne apparaissent, qui se transforment en une somptueuse plus-value expressive dans le Lied « Ihr Glocken von Marling », sommet absolu de ce premier bouquet de Lieder, traversĂ© d’un bout Ă  l’autre par la sensation d’un aboutissement phĂ©nomĂ©nal. Le second cycle offre Ă  entendre les fameux 5 RĂĽckert Lieder de Gustav Mahler, Ă  l’origine Ă©crits pour voix de baryton et orchestre. Ici, seulement accompagnĂ© au piano, et donc dĂ©pouillĂ©e de la splendeur des couleurs orchestrales, la voix du tĂ©nor allemand semble dĂ©lestĂ©e du poids du monde extĂ©rieur, des distractions pesantes et inutiles, comme le dit si bien le Lied « Ich bin der Welt abhanden gekommen ». Et dans le poignant « Um Mitternacht » conclusif, il semble chanter comme pour lui-mĂŞme, en Ă©tablissant un calme intĂ©rieur pour amener l’auditeur vers l’ineffable…

 

 

thumbnail_deutsch
 

 

Après une pause bienvenue pour se remettre de ce dernier Lied, c’est le recueil des Liederstrauss de Hugo Wolf d’après des poèmes de Heinrich Heine auquel le duo s’attaque. Tout le talent de Wolf pour les clairs-obscurs et toute la complexitĂ© de son Ă©criture sont remarquablement interprĂ©tĂ©s par les deux acolytes, mais nous nous attarderons cette fois sur le piano de Helmut Deutsch, un instrument qui n’accompagne, ici, pas le chant, mais qui, sous les doigts de ce grand artiste, se fait le double de la voix, Ă©pousant la courbe et le poids de chaque note, avec des sonoritĂ©s incroyablement lumineuses et dĂ©licates qui sculptent littĂ©ralement l’espace. Et c’est par les sublimes 4 derniers Lieder de Richard Strauss que se clĂ´t la soirĂ©e, un cycle expressĂ©ment Ă©crit pour une voix fĂ©minine, et dont les intentions techniques et expressives de l’Ă©criture ne « tombent » donc pas vraiment dans le format naturel de la voix de Jonas Kaufmann… mais c’est sans compter sur le pouvoir d’expression d’un romantisme intĂ©rieur qu’il sait parfaitement vĂ©hiculer. Grâce Ă  la force de sa sensibilitĂ© toute en finesse et en profondeur, on ne peut ainsi que rendre les armes Ă  l’issue du sublime « Im Abendrot », dans lequel le timbre et la concentration extrĂŞme du chanteur, ainsi que son incomparable capacitĂ© Ă  crĂ©er l’intimitĂ©, subjuguent les spectateurs bordelais. A ce moment de la soirĂ©e, la douceur de sa voix – devenue simple murmure – touche jusqu’à l’extase, rejoignant d’un coup, dans la confidence, la part la plus secrète du moi de l’auditeur… et il ne faudra pas moins de cinq bis (quatre de Strauss et un de Liszt) pour Ă©tancher et calmer le trop plein d’émotion d’un public en vĂ©nĂ©ration devant son idole !

 

  

 

_________________________________________________________________________________________________

Compte-rendu, récital. Bordeaux Grand-Théâtre, le 18 septembre 2018. Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch dans un programme Liszt, Wolf et Mahler.

 

 

 

 

JONAS KAUFMANN FATIGUÉ ?

kaufmann-jonas-tenor-dolce-vita-review-critique-cd-classiquenews-presentation-582JONAS KAUFMANN FATIGUÉ ? : après une sĂ©rie de rĂ©centes annulations (dont Les MaĂ®tres Chanteurs / Die Meistersinger von NĂĽrnberg Ă  Munich, programmĂ© du 30 septembre au 8 octobre 2016, le plus grand tĂ©nor du monde (actuel), Jonas Kaufmann semble avoir pris une sage dĂ©cision : se reposer. D’autant que les actualitĂ©s le concernant s’annoncent denses dès octobre prochain : le 7, sortie de son nouvel album, en coroner / ou latin lover « Dolce vita », hymne personnel Ă  la douceur italienne (on le voit depuis assis prenant son cafĂ© – poncif rĂ©ducteur du marketing Ă  tout crin…). En France, heureux parisiens, le tĂ©nor munichois est annoncĂ© le 13 octobre au Théâtre des Champs-ElysĂ©es puis, sur la scène de l’OpĂ©ra Bastille, dans Les Contes d’Hoffmann, du 3 au 18 novembre 2016. Un nouveau chemin lyrique parsemĂ© de dĂ©fis et de nouveaux rĂ´les dont le plus important dans l’évolution de sa carrière, de tĂ©nor de plus en plus dramatique (et tragique), sera Otello de Verdi, Ă  Londres, en juin 2017 au ROH (le 28 juin, direct dans les salles de cinĂ©ma).
S’il était absent à Paris dans les mois qui viennent…, classiquenews vous invite à vous réconforter en écoutant son nouvel album, qui contrairement à ce qui a été dit, n’est pas une erreur commerciale, ni un basculement regrettable dans le cross over, car si l’on prend le temps d’examiner le programme (combien l’ont fait réellement?), développe un vibrant hommage aux ténors légendaires qui l’ont précédé : Gigli, Caruso, Pavarotti, Mario del Monaco… étoiles mémorables de nos mémoires orphelines qui eux aussi à leur époque avaient chantonner la romance calabraise ou la chanson napolitaine… de l’opéra à la rue et aux chants de nos montagnes, il n’y a qu’un pas. Lire nos premières impressions du cd « Dolce Vita » de JONAS KAUFMANN / post du 8 août 2016 par Alban Deags pour classiquenews. A suivre.

 

 

 

LIRE aussi notre dépêche du 2 septembre 2016 : actualités de Jonas Kaufmann

 

 

 

kaufmann jonas cafe dolca vita cd review compte rendu classiquenews

 

 

 

DVD, compte-rendu critique. Giordano : Andrea Chénier (Kaufmann, Zeljko, Pappano, janvier 2015)

andrea chenier jonas kaufmann pappano dvd review dvd critique classiquenews 0190295937966 Andrea Chénier_Cover B_low_0DVD, compte-rendu critique. Giordano : Andrea Chénier (Kaufmann, Zeljko, Pappano, janvier 2015). Sur la scène du Royal Opera House de Londres, Jonas Kaufmann éblouit dans le rôle d’Andrea Chénier (1896) ; le ténor apporte au héros révolutionnaire conçu pour l’opéra par Giordano, une vérité irrésistible. L’acteur poète sur la scène londonienne frappe et saisit par sa finesse de style, son expressivité ardente et sensible… La clarté du chant impose une conception très dramatique et efficace du poète (victime de Robespierre en 1794) en lequel Madeleine de Coigny, jeune noble détruite par les révolutionnaires, voit son sauveur, le seul homme capable de la sauver.

 

 

 

Kaufmann en poète libertaire et insoumis

 

 

Sans posséder l’angélisme ardent et incandescent d’une Tebaldi, la soprano Eva-Maria Westbroek, même en possédant ce soprano spinto requis pour le personnage, peine sur toute la durée, usures et limites d’une voix hier encore préservée (aigus ici instables). Mais le jeu juste de l’actrice touche (sa « Mamma morta » surgit de l’ombre et s’embrase progressivement : belle intelligence de vue). Mais l’absence de moyens vocaux rend sa prestation déséquilibrée : c’est d’autant plus regrettable que les duos entre les deux amants perdent en acuité, en vérité émotionnelle.
Si Kaufmann apporte une profondeur psychique à Chénier, le baryton serbe très doué et charismatique Zeljco Lucic « ose » et réussit un Gérard, tiraillé par ses propres démons intérieurs, entre désir et conscience politique ; le rôle est comme un double pour celui de Chénier : haine puis renoncement ; le chanteur réalise lui aussi une superbe incarnation.

D’ailleurs les comprimari, ou « rĂ´les secondaires » composent une galerie de tempĂ©raments parfaitement dĂ©fendus … ainsi se dĂ©tachent la Bersi animĂ©e de Denyce Graves, la Comtesse de Coigny, fière et tendue de Rosalind Plowright, l’Incroyable intriguant serpentin de Carlo Bossi. Troublante et d’un impact inouĂŻ, l’alto profond guttural de la Madelon ancestrale d’Elena Zilio. Aucun doute, Giordano sait faire du théâtre.

Antonio Pappano, d’un souci instrumental magistral, veillant aussi Ă  l’équilibre plateau / fosse, dans une balance très Ă©quilibrĂ©e et limpide, montre Ă  l’envi et dĂ©routant tous ces dĂ©tracteurs, quel chef lyrique il est devenu : – le rĂ©cent rĂ©cital VERISMO d’Anna Netrebko (2 septembre 2016 : CLIC de CLASSIQUENEWS) nous le prouve encore, comme son AIDA rĂ©cente Ă©ditĂ©e par Warner Ă©galement : baguette fine, Ă©lĂ©gante et expressive, d’une profondeur incarnĂ©e…

 

 

kaufmann-jonas-andrea-chenier-giordano-dvd-review-critique-dvd-classiquenews-CLIC-de-classiquenews-septembre-2016

 CLIC_macaron_2014Sur la scène, la mise en scène de David McVicar reste conforme au travail du Britannique : efficace, esthétique, surtout classique, ressuscitant la France Révolutionnaire avec vérité, capable de glisser avec horreur de l’insouciante monarchie à la terreur des révoltés. La tourmente collective impose un contraste d’autant plus mordant avec le profil des individualités aussi finement incarnées, habitées que celle de Chénier ou dans une moindre mesure de Madeleine, à cause des imperfections trop criardes de la soprano Eva-Maria Westbroek ; quel dommage pour elle, sa carrière n’aura pas briller par sa longévité. Au final une excellente performance globale dont le mérite tient à la subtilité des portraits des solistes et de la tenue d’un orchestre qui musicalement sait éviter tout pathos vériste surexpressifs. Le chant de Kaufmann est au diapason d’une élégance intérieure et d’une grande sobriété expressive. Gloire à l’intelligence et la finesse stylistique : l’opéra vériste en sort vainqueur. Et sur un sujet historique, la fessue historique y gagne un relief plein de rage, de fureur, d’exaltation mesurée, au service d’un idéal républicain en proie au chaos (la mise en scène de McVicar affiche clairement l’enjeu dramatique global : «  la patrie en danger »). Réjouissant.

 

DVD, compte-rendu critique. Giordano : Andrea Chénier (Kaufmann, Zeljko, Pappano, janvier 2015) 1 dvd Warner classics / enregistré en février 2015, édité en novembre 2015.

 

 

 

Aprofondir
LIRE aussi notre compte rendu complet du cd AIDA de Verdi par Antonio Pappano et Jonas Kaufmann  (Warner classics)

 

 

 

ActualitĂ©s du tĂ©nor Jonas Kaufmann : nouveau cd, prochains rĂ´les…

Actualités du ténor Jonas Kaufmann. Disques et rôles à venir pour le ténor le plus célèbre de la planète. Sony classical publie son nouvel album dédié aux chansons populaires italiennes : DOLCE VITA. Un programme qui emprunte des chemins hors des rôles lyriques… Pause discographique à partir le 7 octobre 2016, compte rendu complet à venir d’ici là sur classiquenews. Mais la vedette lyrique la plus adulée de l’heure (avec Anna Netrebko), est à l’affiche de plusieurs théâtres européens dont l’Opéra Bastille à Paris où il chantera coup sur coup : Les Contes d’Hoffmann en novembre 2016, puis Lohengrin en janvier 2017.

kaufmann-jonas-tenor-CLIC-de-classiquenews-DOLCE-VITA-cd-review-cd-comptre-rendu-critique-classiquenews-cd-jonas-kaufmann-582-582CD Ă©vĂ©nement: DOLCE VITA par Jonas Kaufmann, premières impressions (1 cd SONY classical). DOLCE VITA / PREMIERES IMPRESSIONS… Crooner Ă  l’italienne : parmi les perles du nouveau programme discographique dĂ©fendu par le tĂ©nor Jonas Kaufmann (intitulĂ© « Dolce Vita »), saluons l’engagement fauve, rugueux, sombre mais toujours ardent du tĂ©nor qui laisse ici les rĂ´les du rĂ©pertoire classique pour dĂ©fendre la romance Ă  l’italienne. Parmi les airs de ce programme extra lyrique, distinguons entre autres la passion Ă©perdue de « Caruso » (mĂ©lodie moderne Ă©crite par son auteur et premier interprète Lucio Dalla en 1986, que chanta lui aussi en son temps l’inatteignabe Pavarotti et plus rĂ©cemment Andrea Bocelli) ; Kaufmann en exprime l’ardeur ultime, celle d’un homme condamnĂ©, – peut-ĂŞtre Caruso lui-mĂŞme auquel l’hymne rend un vibrant hommage…

Ailleurs, c’est la vibration de la mandoline enivrĂ©e pour la suave et tendre chanson : “Parla piĂą piano” (The Godfather theme de Nino Rota) ; sans omettre l’éblouissant et flamboyant “Core’ngrato” que Salvatore Cardillo met en musique en 1911 (connu aussi sous le titre “Catari” dont dĂ©noncĂ© revient rĂ©gulièrement) pour… le mĂŞme Caruso : lĂ , Kaufmann s’inscrit dans la tradition des tĂ©nors chansonniers les plus cĂ©lèbres tels Carreras, Domingo, Bergonzi, di Stefano, Corelli… c’est dire. Tous lĂ©gendes Ă  leur Ă©poque successeurs inspirĂ©s du premier entre tous, Caruso. Autant de tubes passionnĂ©ment mĂ©diterranĂ©ens qui font briller l’intensitĂ© ardente du timbre furieusement amoureux… Grande critique du cd DOLCE VITA par Jonas Kaufmann Ă  venir sur classiquenews.com, le jour de la parution de l’album soit le 7 octobre 2016. EN LIRE +

 

 

 

Prochains engagements et prise de rĂ´les pour Jonas Kaufmann

 

La planète lyrique vibre à chaque nouvelle incarnation du ténor les plus sexy de l’heure. Jonas Kaufmann n’a pas qu’une voix irrésistible, il a aussi un physique de star du cinéma, qui d’ailleurs ne laisse pas indifférent ses fans les plus passionnées… En poussant la chansonnette, le ténor en latin lover emprunte la voie avant lui marquée par Caruso, Pavarotti, Domingo ou simultanément Alagna. Histoire de reposer un chant qui comptera dans les semaines et mois prochains de nombreux temps forts, essentiellement à Munich : Les Maîtres Chanteurs dès le 30 septembre, puis Andrea Chénier (l’un des rôles tragico dramatiques les plus convaincants de son répertoire, à l’affiche en mars 2017), mais c’est à Londres qu’il marquera les esprits par des nouveautés sur le papier passionnantes : Quatre derniers lieder de Strauss dans une version pour ténor donc (le 13 février 2017), et surtout Otello de Verdi, le rôle le plus important (l’équivalent des Leonor, Lady Macbeth et Manon pour Anna Netrebko aujourd’hui) : Jonas Kaufmann chante la passion jalouse et destructrice d’Otello au Royal Opera House à Londres, du 21 juin-10 juillet 2017 : un rôle qu’il prépare depuis des lustres, et ce fameux récital VERDI, cd superlatif enregistré chez Sony classical,, couronné par un CLIC de classiquenews en octobre 2013.

Jonas Kaufmann au sommet !Voilà ce qu’écrivait notre rédacteur Carter Chris-Humphray, à la sortie du VERDI Album : « Le sommet attendu étant Otello (qu’il prépare pour une prochaine prise de rôle) : il connaît comme il le dit lui-même dans la notice et le livret de l’album, idéalement documentés, la partition ayant chanté depuis longtemps le rôle de Cassio ; pour le rôle-titre, la densité, l’épaisseur terrassée du personnage, entre folie et tendresse, sensualité impuissante et sauvagerie du sentiment de soupçon surgissent en un feu vocal digne d’un immense acteur. Voici “Le Kaufmann” qui mûrissait depuis quelques années : justesse de l’intonation, style impeccable, souffle et contrôle dynamique, surtout intensité et couleur font ce chant habité, désormais à nul autre comparable. Avec une telle présence, un tel naturel dramatique, cet Otello exceptionnel, bigarré, multiforme, d’une imagination et créativité de première classe, confirme à quel niveau d’intelligence artistique et vocale est parvenu le ténor munichois… » Autant dire que cette prise de rôles est déjà l’événement lyrique le plus couru de l’été 2017. Dépêchez vous d’organiser votre séjour dans la capitale britannique pour ne pas manquer la performance.

Prochains engagements et rĂ´les de JONAS KAUFMANN

2016
30 septembre – 8 octobre 2016 : Les MaĂ®tres Chanteurs de Wagner
MUNICH, Opéra de Bavière

3 au 18 novembre 2016 : Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach
PARIS, Opéra Bastille

2017

18 au 30 janvier 2017 : Lohengrin de Wagner
PARIS, Opéra Bastille

Résidence spéciale à LONDRES
Les 4, 8, 10, 13 février 2017
Barbican Center de Londres
RĂ©cital, Wagner, “In conversation”
Strauss : les Quatre derniers lieder
Nouvelle version pour ténor (!), le 13 février 2016

12-30 mars, 28 et 31 juillet 2017 : Andrea Chénier de Giordano
MUNICH, Opéra de Bavière
Repris
Le 26 mars, Ă  PARIS, TCE
version de concert

5-11 mai 2017 : Tosca de Puccini (Mario)
VIENNE, Staatsoper

surtout

21 juin-10 juillet 2017 : Otello de Verdi
LONDRES, Royal Opera
Nouvelle prise de rôle, déjà abordé, préparé au disque

kaufmann-jonas-tenor-dolce-vita-review-critique-cd-classiquenews-presentation-582

CD événement: DOLCE VITA par Jonas Kaufmann, premières impressions (1 cd SONY classical).

kaufmann-jonas-tenor-CLIC-de-classiquenews-DOLCE-VITA-cd-review-cd-comptre-rendu-critique-classiquenews-cd-jonas-kaufmann-582-582CD Ă©vĂ©nement: DOLCE VITA par Jonas Kaufmann, premières impressions (1 cd SONY classical). DOLCE VITA / PREMIERES IMPRESSIONS… Crooner Ă  l’italienne : parmi les perles du nouveau programme discographique dĂ©fendu par le tĂ©nor Jonas Kaufmann (intitulĂ© « Dolce Vita »), saluons l’engagement fauve, rugueux, sombre mais toujours ardent du tĂ©nor qui laisse ici les rĂ´les du rĂ©pertoire classique pour dĂ©fendre la romance Ă  l’italienne. Parmi les airs de ce programme extra lyrique, distinguons entre autres la passion Ă©perdue de « Caruso » (mĂ©lodie moderne Ă©crite par son auteur et premier interprète Lucio Dalla en 1986, que chanta lui aussi en son temps l’inatteignabe Pavarotti et plus rĂ©cemment Andrea Bocelli) ; Kaufmann en exprime l’ardeur ultime, celle d’un homme condamnĂ©, – peut-ĂŞtre Caruso lui-mĂŞme auquel l’hymne rend un vibrant hommage…

Ailleurs, c’est la vibration de la mandoline enivrĂ©e pour la suave et tendre chanson : “Parla piĂą piano” (The Godfather theme de Nino Rota) ; sans omettre l’éblouissant et flamboyant “Core’ngrato” que Salvatore Cardillo met en musique en 1911 (connu aussi sous le titre “Catari” dont dĂ©noncĂ© revient rĂ©gulièrement) pour… le mĂŞme Caruso : lĂ , Kaufmann s’inscrit dans la tradition des tĂ©nors chansonniers les plus cĂ©lèbres tels Carreras, Domingo, Bergonzi, di Stefano, Corelli… c’est dire. Tous lĂ©gendes Ă  leur Ă©poque successeurs inspirĂ©s du premier entre tous, Caruso. Autant de tubes passionnĂ©ment mĂ©diterranĂ©ens qui font briller l’intensitĂ© ardente du timbre furieusement amoureux… Au service d’Ernesto de Curtis (“Torna a Surirent”), ou de C.A. Bixio, Kaufmann cisèle l’art des sĂ©ducteurs tragiques, parfois sirupeux, un rien dramatisant, toujours portĂ© par cette tendresse virile qui en fera succomber plus d’une ou d’un (rugositĂ© mâle et tendre Ă  la fois de “Con te partiro” / Time to say Goodbye de Quarantotto/Sartori)… Florilège plein de panache et d’oeillades dont la conclusion emprunte Ă  Zucchero « Il Libro dell’Amore », une mĂ©lodie entonnĂ©e murmurĂ©e qui en dĂ©concertera lĂ  aussi beaucoup. On entend dĂ©jĂ  les plus rĂ©ticents, inquiets de constater les dĂ©rives du chanteur hors des sentiers battus… Pourtant, les amateurs et connaisseurs aficionados retrouveront cette raucitĂ© incandescente qui hors du lyrique classique avait dĂ©jĂ  garanti la rĂ©ussite de son album prĂ©cĂ©dent : « Du bist die Welt fĂĽr mich… », hommage au Berlin des annĂ©es 1920 (Ă©galement Ă©ditĂ© en septembre 2014, il y a deux ans, chez Sony classical). Grande critique du cd DOLCE VITA par Jonas Kaufmann Ă  venir sur classiquenews.com, le jour de la parution de l’album soit le 7 octobre 2016.

CD événement, annonce. DOLCE VITA, le nouvel album de JONAS KAUFMANN (1 cd SONY classical)

kaufmann-jonas-tenor-CLIC-de-classiquenews-DOLCE-VITA-cd-review-cd-comptre-rendu-critique-classiquenews-cd-jonas-kaufmann-582-582CD Ă©vĂ©nement, annonce. DOLCE VITA, le nouvel album de JONAS KAUFMANN. Le plus grand tĂ©nor actuel, – hĂ©ritier de Domingo et Vikers, rend hommage aux chansons italiennes, celles qu’il affectionne ; celles qui ont Ă©tĂ© chantĂ©es par les plus grands avant lui dont Caruso… Le nouvel album de Jonas Kaufmann Ă  paraĂ®tre chez SONY classical en octobre 2016, comprend ainsi plusieurs chansons populaires italiennes traditionnelles et plus rĂ©centes – du XIXe siècle Ă  nos jours. EnregistrĂ© en Italie, avec l’Orchestre du Teatro Massimo di Parlermo, le rĂ©cital discographique Ă  paraĂ®tre chez Sony, offre une collection d’airs d’une irrĂ©sistible force expressive auxquels l’interprète apporte intensitĂ©, expressivitĂ©, finesse grâce au charme dĂ©sormais singulier de son timbre Ă  la fois rond et cuivrĂ©. 

L’album comprend de nombreux titres cĂ©lèbres, dont   Torna a Surriento, Volare, Con te partiro, Core â€ngrato, Non ti scordar di me, Parlarmi d’amore MariĂą, Caruso, Musica Proibita et Un’amore così grande… Prochaine critique complète sur classiquenews.com, au moment de la sortie de l’album, DOLCE VITA par Jonas Kaufmann, dĂ©but octobre 2016. 

kaufmann-jonas-tenor-CLIC-de-classiquenews-DOLCE-VITA-cd-review-cd-comptre-rendu-critique-classiquenews-cd-jonas-kaufmann-582-582

Programme :

  1. Caruso - Lucio Dalla
  2. Mattinata - Ruggero Leoncavallo
  3. Parla piĂą piano (The Godfather theme) – Nino Rota
  4. Passione - Libero Bovio
  5. Un’amore così grande - Ruggero Leoncavallo
  6. Il canto - Romano Musumarra
  7. Voglio vivere così - Giovanni d’Anzi
  8. Core ‘ngrato - Salvatore Cardillo
  9. Ti voglio tanto bene - Ernesto de Curtis 
  10. Non ti scordar - Ernesto de Curtis
  11. Fenesta ca lucive - Anonymous
  12. Musica proibita - Stanislao Gastaldon
  13. Parlami d’amore MariĂą - Cesare Andrea Bixio
  14. Torna a Surriento - Ernesto de Curtis 
  15. Volare - Domenico Modugno
  16. Rondine - Vincenzo de Crescenzo
  17. Con te partirò (Time to say Goodbye)  - Lucio Quarantotto / Francesco Sartori
  18. Il Libro dell’Amore (Book of love)  - Zucchero

DOLCE VITA, par Jonas Kaufmann, ténor (1 cd SONY classical) — Parution annoncée le 7 octobre 2016.

Jonas Kaufmann chante les Wesendonck lieder de Wagner

Jonas Kaufmann est RadamèsFrance Musique, jeudi 30 juin 2016, 20h. Jonas Kaufmann chante les Wesendoncklieder de Wagner… Le récital transmis par France Musique crée l’événement : déjà la présence à Paris de Jonas Kaufmann est un rendez vous incontournable mais s’ajoute à cette présence bienvenue, le choix de la partition : exceptionnelle, la version des Wesendonck lieder de Wagner pour voix de ténor, mais un ténor rauque et chaud, aux rugosités amples si incarnées et cuivrées. Tout cela contraste avec la version habituelle pour voix de femme, soprano ou mezzo. Dans un récital discographique dirigé alors par Claudio Abbado édité alors par Decca, Jonas Kaufman, éblouissait dans Wagner (Sigmund bouleversant). Nul doute que l’engagement dramatique et l’acuité émotionnelle, sa gravité et sa tendresse, ce caractère embrasé et ivre (à l’instar de son modèle le ténor Jon Vickers) du ténor Kaufmann illumine la partition.

WAGNER REVOLUTIONNAIRE ET FUGITIF…
Marié à Minna depuis 1836, Richard Wagner a fui Dresde et la répression contre les libertaires révolutionnaires dont il faisait partie. Le compositeur recherché par les autorités a trouvé refuge au bord du lac de Zurich, en 1849. Sa rencontre avec Mathilde Wesendonck en février 1852 restentit comme un électrochoc. La jeune femme, âgée de 24 ans, est l’épouse d’Otto Wesendonck, industriel fortuné qui doit son essor à la maison des soieries qu’il a fondée à New York. Au choc de cette rencontre humaine, Wagner éprouve une crise artistique majeure que porte sa composition nouvelle Tristan und Isolde, élaboré en 1854, à laquelle se mêle aussi la lecture de Shopenhauer, son scepticisme fécondant: le musicien ressent très profondément la solitude de l’artiste, sa malédiction et son impossibilité à vivre pleinement tout amour salvateur: il a certes, la capacité d’identifier la force rédemptrice de l’amour suscité par la femme, mais contradictoirement, ne peut en réaliser le principe salvateur ici bas. Omniscience, impuissance, solitude, plainte et malédiction: pourtant l’art de Wagner loin de se mûrer en un acte fermé sur lui-même, dans son aspiration exceptionnelle, engendre l’opéra de l’avenir dont Tristan marque l’avènement: opéra romantique, opéra moderne. Dès décembre 1856, vivant l’amour pour Mathilde qui est une nouvelle épreuve de l’impuissance et de la frustration car cette liaison n’a aucun avenir, Wagner compose les premières esquisses de Tristan.

Le Crépuscule des dieux à l'Opéra Bastille, jusqu'au 16 juin 2013

EffondrĂ©, Wagner, victime de l’amour compose en Suisse deux oeuvres embrasĂ©es, du mĂŞme bois : les Wesendonck lieder et Tristan une Isolde…

REVE D’AMOUR EN SUISSE : DE TRISTAN aux WESENDONCK. Les deux cycles amoureux sont taillés dans le même bois, sculptés par un compositeur traumatisé par ses affres sentimentaux… De Siegfried à Tristan. L’attraction de Wagner pour Mathilde s’est violemment manifestée quand Otto Wesendonck, ignorant la situation amoureuse dont il est la victime aveugle, invite le couple Wagner dans l’une de ses villas, et même encourage le compositeur à écrire de nouvelles oeuvres (avril 1857). Exalté par la présence de celle qu’il vénère secrètement, Wagner cesse la composition de Siegfried, et se passionne pour son nouvel opéra, Tristan. A l’été 1857, Wagner organise une première lecture du poème qu’il a rédigé, regroupant et synthétisant toutes les légendes sur le sujet de Tristan. Dans l’audience privée qui recueille cette première écoute, se trouvent les 3 femmes de sa vie, Mathilde l’inaccesssible, Minna, sa compagne désormais plus supportée qu’aimée, et sa future épouse, Cosima née Liszt, qui est alors la femme du chef Hans von Bülow.
wagner_richard_opera_tetralogie_nibelungeEn octobre 1857, Richard Wagner compose les Wesendonck lieder, cycle de mélodies qui est à la fois, la déclaration d’amour d’un coeur à l’autre, et aussi pour le compositeur, le journal poétique de ses sentiments contradictoires, entre élan, désir, et dépression. Mathilde a transmis les cinq poèmes, rédigés d’après les thèmes de Tristan. La musique que compose Wagner est ensuite réutilisée pour l’opéra Tristan: les deux cycles de compositions sont liés. D’ailleurs, quand il prépare la publication des Wesendonck lieder en septembre 1858, Wagner sous-titre l’opus: “Etudes pour Tristan und Isolde”. Nouri par son amour pour une muse, Wagner dépose le 31 décembre 1857, la partition du premier acte de Tristan aux pieds de Mathilde, nouvelle Isolde pour un Tristan ennivré.
L’issue semble cependant inévitable: en janvier 1858, Minna intercepte un courrier entre Richard et Mathilde: elle exige des explications et dévoile l’union scandaleuse à Otto Wesendonck. Les deux couples se séparent: déchirements et tensions. Rupture. Dépressif, meurtris, Wagner se retire à Venise… et compose les derniers actes de Tristan. Aucun doute, le sujet de la passion amoureuse, légué par la fable médiévale a marqué de façon indélébile, la vie de Wagner, comme sur le plan musical, il féconde l’oeuvre du musicien qui en a transposé la difficile mais radicale expérience dans deux oeuvres désormais emblématiques: le cycle des Wesendonck lieder, puis l’opéra de la modernité, Tristan und Isolde.

 

 

 

logo_france_musique_DETOUREFrance Musique, jeudi 30 juin 2016, 20h. Jonas Kaufmann chante les Wesendoncklieder de Wagner… Diffusion du concert enregistré le 19 mai 2016

 

 

Liszt: Orphée
Wagner:  Wesendonck-Lieder
Bruckner:  Symphonie n° 7
Jonas Kaufmann (ténor)
Orchestre National de France
Daniele Gatti (direction)

 

 

LIRE aussi le Parsifal de Jonas Kaufmann

CD, critique : JONAS KAUFMANN, so great arias (4 cd Decca)

 

 

DVD, compte rendu critique. JONAS KAUFMANN : An evening with PUCCINI (Sony classical)

puccini-kaufmann-an-evening-with-puccini-jonas-kaufmann-critique-dvd-review-CLIC-de-CLASSIQUENEWS-mai-2016-1-dvd-sony-classicalDVD. JONAS KAUFMANN : An evening with PUCCINI (Sony classical). Jonas Kaufmann aime tellement Puccini qu’il n’hĂ©site pas en dĂ©but de ce programme diffusĂ© au cinĂ©ma puis Ă©ditĂ© en avril 2016, Ă  narrer la biographie du compositeur vĂ©riste: voix off sur les 10 mn du Preludio sinfonico de 1882;  biographie enivrante car le tĂ©nor qui chante a aussi une voix de narrateur totalement sĂ©duisante. Dans les faits les amateurs et connaisseurs du cas Kaufmann retrouvent tous les titres du cd Puccini  (Puccini Album : nessun dorma enregistrĂ© en septembre 2014, Ă©ditĂ© par Sony en septembre 2015 : clic de classiquenews), chantĂ©s ici par ordre chronologique de crĂ©ation des oeuvres. Toujours gĂ©nĂ©reux  et fabuleusement timbrĂ©, aux phrasĂ©s filigranĂ©s, le tĂ©nor chante en plus le lamento de Tosca  (recondita armonia), mais aussi un autre air de La Fanciulla del West,  perle ou “encores” (bis), au mĂŞme titre que l’Ă©blouissant Ombra di Nube, ou Non ti scordar di me. .. La voix rauque et fĂ©line du plus grand tĂ©nor actuel enchante littĂ©ralement pour chaque personnage, autant de portrait d’amoureux Ă©perdu qui comme c’est le cas du hĂ©ros puccinien, n’a jamais manquĂ© de profondeur ni de droiture morale. Sensible Ă  ses publics – dont de très nombreuses admiratrices, le beau tĂ©nĂ©breux rechante Nessun dorma avec un aplomb irrĂ©sistible, une fragilitĂ© nouvelle mais au diapason de la fatigue bien comprĂ©hensible vu le programme lyrique de la soirĂ©e scaligène.

Le divin chantre se trompe mĂŞme dans les paroles … menu fretin au regard de son charisme exceptionnel

Enregistré en juin 2015 à Milan, le récital lyrique et symphonique éblouit par sa musicalité et la personnalité radicalement impliquée du ténor. Un must.

DVD, compte rendu critique. JONAS KAUFMANN : An evening with PUCCINI (Sony classical)

Jonas Kaufmann chante Faust sur France Musique

Jonas Kaufmann est RadamèsFrance Musique. Samedi 2 janvier 2016, 19h. Berlioz : Damnation de Faust avec Jonas Kaufmann. C’Ă©tait LA production Ă  Bastille Ă  ne pas manquer en dĂ©cembre 2015, pourvu que vous ayez sĂ©lectionnĂ© la bonne date avec le tĂ©nor illustrissime et Ă©poustouflant, Jonas Kaufmann qui affrontait un nouveau dĂ©fi dans carrière (après Werther, Lohengrin et bientĂ´t Otello), ici sur les planches parisiennes, le rĂ´le du docteur Faust, vieux philosophe, aigri et dĂ©sillusionnĂ©, qui au bord du suicide est envoĂ»tĂ© par le diabolique MĂ©phistophĂ©lès : contre son âme, le manipulateur lui offre l’Ă©ternelle jeunesse et la satisfaction de tous ses dĂ©sirs… Pour lire le compte rendu critique de Clasiquenews (soirĂ©e du 13 dĂ©cembre 2015, cliquer ici : compte rendu critique du Faust de Berlioz par Jonas Kaufmann et Philippe Jordan)
France Musique nous rĂ©gale en diffusant samedi 2 janvier 2016 Ă  19h, de Faust mĂ©morable non pas tant par la mise en scène, dĂ©calĂ©e, laide, hors sujet, parfois parasitant la lisibilitĂ© de l’action, mais convaincante grâce Ă  la distribution, surtout masculine : Jonas Kaufmann donc et aussi Bryn Terfel dans le rĂ´le du dĂ©mon tentateur… sous la direction toujours très fine, intĂ©rieure, allusive du directeur musical de l’OpĂ©ra parisien, Philippe Jordan.
LIRE notre prĂ©sentation de l’opĂ©ra Faust de Berlioz : genèse, enjeux, perspectives…

 

Distribution

Direction musicale: Philippe Jordan
Marguerite: Sophie Koch
Faust: Jonas Kaufmann (5 > 20 déc.)
Méphistophélès: Bryn Terfel
Brander: Edwin Crossley-Mercer
Voix céleste: Sophie Claisse

ChĹ“ur de l’OpĂ©ra de Paris
Chef des Choeurs : José Luis Basso
Orchestre de l’OpĂ©ra de Paris

 

Synopsis
Première partie. Au printemps, à l’aube, dans les plaines de Hongrie, tandis que le vieux philosophe Faust contemple seul l’éveil de la nature,  le chant des paysans célèbre les plaisirs de l’amour. Au loin retentissent bientôt les éclats d’une marche guerrière entonnée par l’armée hongroise qui se prépare au combat. Faust reste indifférent, « loin de la lutte humaine et loin des multitudes ».
Deuxième partie. Au nord de l’Allemagne, Faust dans son cabinet de travail porte une coupe de poison à ses lèvres, décidé à en finir avec une existence devenue trop douloureuse, quand retentit dans l’église voisine un cantique de Pâques qui le sauve du désespoir en lui rendant la foi de son enfance. C’est alors qu’apparaît  le cynique Méphistophélès venu lui promettre : « tout ce que peut rêver le plus ardent désir ». Il transporte Faust dans un cabaret à Leipzig au milieu d’une assemblée bruyante et vulgaire. Puis, voyant que Faust est dégoûté par tant de trivialité, il l’entraîne sur les bords de l’Elbe où il le berce d’un rêve enchanteur dans lequel apparaît l’image parfaite de l’amour, Marguerite. A son réveil, Faust veut aller retrouver la jeune fille et Méphistophélès lui suggère de se mêler à une bande de soldats, puis d’étudiants qui se dirigent vers la ville.
Troisième partie. C’est le soir. Faust, dissimulé dans la chambre de Marguerite, observe avec émerveillement la jeune fille qui tresse ses cheveux en chantant la vieille ballade du roi de Thulé. Méphistophélès, devant la maison, ordonne à son armée de feux follets d’ensorceler Marguerite. Dès le premier regard, Faust et Marguerite, se reconnaissent et se jurent une foi mutuelle. Mais Méphistophélès les interrompt brutalement pour conseiller à Faust de fuir car les voisins réveillés par les démonstrations des deux amants, ont alerté crûment la mère de la jeune fille qui va les surprendre.
Quatrième partie. Dans sa chambre, Marguerite, seule à son rouet, s’abandonne au chagrin. En dépit de sa promesse, Faust n’est pas revenu et elle l’attend, accablée par le sentiment d’avoir été oubliée. Loin d’elle, il se laisse exalter par son désir de ne faire qu’un avec la nature qui lui apparaît comme l’unique consolation face à son «  ennui sans fin ».Méphistophélès le rejoint et lui annonce la condamnation à mort de Marguerite accusée d’avoir empoisonné sa mère avec une « certaine liqueur brune » que Faust lui-même lui avait conseillé d’utiliser pour l’endormir et faciliter ainsi leurs futures rencontres nocturnes.
Pour sauver Marguerite, MĂ©phistophĂ©lès exige que Faust signe un pacte qui l’engage Ă  le servir dans l’autre monde et il l’entraĂ®ne en enfer au terme d’une terrible chevauchĂ©e, course Ă  l’abĂ®me. Marguerite est sauvĂ©e et le chĹ“ur des esprits cĂ©lestes accueille cette « âme naĂŻve que l’amour Ă©gara ». Si la jeun femme est sauvĂ©e, Faust est promis Ă  d’Ă©ternelles flammes.

Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 13 décembre 2015. Hector Berlioz : La Damnation de Faust. Avec Jonas Kaufmann (Faust), Sophie Koch (Marguerite), Bryn Terfel (Méphistophélès), Edwin Crossley-Mercer (Brander), Sophie Claisse (Voix Céleste). Alvis Hermanis (mise en scène). Philippe Jordan (direction musicale).

Jonas Kaufmann est RadamèsOn le sait, La Damnation de Faust du gĂ©nial Hector Berlioz est une partition rebelle, Ă  la fois opĂ©ra de l’imagination et anti-opĂ©ra , dont la fantaisie et la concision des scènes causent bien des soucis aux metteurs en scène qui s’aventurent Ă  la traduire en images. Nouveau trublion des scènes lyriques internationales, le letton Alvis Hermanis – signataire d’une extraordinaire production des Soldaten de Zimmerman au Festival de Salzbourg – a essuyĂ© une bronca historique Ă  l’OpĂ©ra Bastille, Ă  l’issue de la première, Ă  tel point que StĂ©phane Lissner lui a demandĂ© de revoir certains dĂ©tails de sa copie, changements opĂ©rĂ©s dès la deuxième reprĂ©sentation (nous Ă©tions, quant Ă  nous, Ă  la troisième).

Mise en scène huĂ©e Ă  l’OpĂ©ra Bastille

Bronca Ă  Bastille

La DamnationNous n’avons donc pas vu certains « effets », tel la copulation d’escargots pendant le grand air de Marguerite « D’amour l’ardente flamme », qui a provoquĂ© l’ire ou les rires du public, et qui pourtant ne faisait, nous le voyons ainsi, que traiter avec humour l’Ă©rotisme très accusĂ© entre les deux principaux protagonistes. Pour notre part, donc, nous avons Ă©tĂ© sĂ©duits par la production, tant par son postulat de dĂ©part – Faust est ici un scientifique et non plus un philosophe, dĂ©doublĂ© par Stephen Hawking dans un fauteuil roulant (jouĂ© par le danseur Dominique Mercy), convaincu que la survie du genre humain passe par la colonisation de Mars – que par les fabuleuses images vidĂ©o de Katarina Neiburga, projections d’une grande beautĂ© visuelle (images de mars, champ de coquelicots d’un rouge flamboyant, baleines s’Ă©battant dans l’onde ou encore spermatozoĂŻdes jetĂ©s dans une course frĂ©nĂ©tique pour aller fĂ©conder une ovule), jamais gratuites Ă  nos yeux, Ă  l’instar des superbes chorĂ©graphies imaginĂ©es par Alla Sigalova.

Un bĂ©mol cependant Ă  apporter Ă  ses dernières, qui n’ont rien Ă  voir avec leur pertinence et beautĂ© intrinsèque, mais leur omniprĂ©sence nuit parfois Ă  l’attention que l’on devrait porter au chant, comme Ă  la musique. Autre point noir, Alvis Hermanis ne s’est pas assez investi dans la direction d’acteurs, les chanteurs – et plus encore le chĹ“ur – restant la plupart figĂ©s, ou ne faisant que passer de cour Ă  jardin sans guère plus d’interaction entre eux.

 

Jonas Kaufmann, Bryn Terfel : Faust et Méphistofélès de rêve

Mais c’est plus encore pour le somptueux plateau vocal que le dĂ©placement s’imposait. Le tĂ©nor star Jonas Kaufmann campe un Faust proche de l’idĂ©al, capable d’assumer aussi bien la vaillance de « L’Invocation Ă  la Nature » que les ductilitĂ©s du duo avec Marguerite. A partir du sol aigu, son utilisation très subtile du falsetto dĂ©livrĂ© pianississimo (la « marque maison » du tĂ©nor allemand) est un authentique tour de force, et le raffinement avec lequel il intègre ces passages escarpĂ©s dans la ligne mĂ©lodique souligne une musicalitĂ© hors-pair. De surcroĂ®t, sa prononciation du français est parfaite, de mĂŞme que celle du baryton gallois Bryn Terfel, tour Ă  tour insinuant et incisif, qui ravit l’auditoire avec sa magnifique voix chaude et superbement projetĂ©e. La puissance de l’instrument, la beautĂ© d’un timbre reconnaissable entre tous, comme la pertinence du moindre de ses regards, donnent le frisson. Enfin, comment ne pas ĂŞtre admiratif devant la multitude d’inflexions dont il pare la fameuse « Chanson de la puce », ou devant l’intelligence et l’Ă©lĂ©gance avec lesquelles il dĂ©livre sa magnifique « SĂ©rĂ©nade ».

Face Ă  ces deux personnages, Marguerite symbolise la vie qui rĂ©siste. La voix ronde et chaude de Sophie Koch donne beaucoup de douceur Ă  l’hĂ©roĂŻne, et la manière dont la mezzo française dĂ©livre avec maĂ®trise et Ă©motion sa « Ballade », de mĂŞme que sa « Romance », fait d’elle une Marguerite lyrique et grave Ă  la fois, qui est la vraie opportunitĂ© offert Ă  l’humanitĂ© d’ĂŞtre sauvĂ©e. La distribution est complĂ©tĂ©e par le Brander plus que convenable du baryton Edwin Crossley-Mercer. Quant aux ChĹ“urs de l’OpĂ©ra de Paris, magnifiquement prĂ©parĂ©s (dĂ©sormais) par JosĂ© Luis Basso, ils sont superbes de bout en bout, et la cohĂ©sion des registres impressionnent durablement dans la fugue de l’Amen ou encore dans la sublime apothĂ©ose finale.

Dans la fosse, Philippe Jordan veille aux grands Ă©quilibres, et si « La Marche hongroise » manque de clinquant, il sait toutefois – Ă  certains moments – conduire Ă  l’effervescence un Orchestre de l’OpĂ©ra de Paris qui fait honneur Ă  l’extraordinaire et subtile orchestration berliozienne. Sous sa baguette, la phalange parisienne vit, les cordes chantent, les bois se distinguent, et les mille et un dĂ©tails de la partition sautent ici Ă  nos oreilles enchantĂ©es. A peu près seul et contre tous – et malgrĂ© les quelques rĂ©serves Ă©mises plus haut – la mise en scène imaginative et esthĂ©tique d’Alvis Hermanis nous a fait rĂŞver.

Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra Bastille, le 13 décembre 2015. Hector Berlioz : La Damnation de Faust. Avec Jonas Kaufmann (Faust), Sophie Koch (Marguerite), Bryn Terfel (Méphistophélès), Edwin Crossley-Mercer (Brander), Sophie Claisse (Voix Céleste). Alvis Hermanis (mise en scène). Philippe Jordan (direction musicale).

CD, compte rendu critique. Verdi : Aida. Jonas Kaufmann, Pappano (3 cd Warner classics, 2015)

aida-warner-papanno-362x362CD, compte rendu critique. Verdi : Aida. Jonas Kaufmann, Pappano. 3 cd Warner classics. Après un sublime rĂ©cital monographique dĂ©diĂ© Ă  Verdi, (Verdi Album , 2013) puis Puccini, (RĂ©cital discographique “Nessun Dorma”, Ă©galement enregistrĂ© avec Antonio Pappano) le plus grand tĂ©nor du monde actuel, capable d’ĂŞtre fin diseur dans sa langue native chez Wagner, Schubert, cultivant avec une Ă©gale finesse d’intonation et la puissance et l’intelligence nuancĂ©e du texte, signe ici une nouvelle incarnation qui en fait manifestement un superbe verdien (comme d’ailleurs les actuels engagements de la super soprano Anna Netrebko, elle aussi, preuve Ă  l’appui : Leonora, Lady Macbeth et bientĂ´t Giovanna-, : passionnĂ©ment verdienne. La force de Kaufmann, c’est son intelligence dramatique qui sur les pas de ses grands ainĂ©s disparus (Vickers) ou vivant (mais devenu baryton : Placido Domingo auquel le munichois ressemble d’ailleurs physiquement de plus en plus), rĂ©alise l’inconciliable, Ă©blouir chez Wagner comme chez Verdi ; son Radamès fait toute la valeur de cette nouvelle intĂ©grale Aida, une version luxueuse rĂ©alisĂ©e avec soin en studio (ce qui nous change des live devenus standards actuels aux rĂ©sultats Ă©videmment irrĂ©guliers), accomplissement discographique auquel le chef Pappano apporte aussi un mĂŞme souci d’intĂ©rioritĂ© et de sincĂ©ritĂ© surtout dans les deux derniers actes III et IV, oĂą le souffle crĂ©pusculaire qui dessine progressivement le sĂ©pulcre terrifiant fantastique qui va bientĂ´t ensevelir les amants maudits et condamnĂ©s, s’affirme avec une subtilitĂ© orchestrale et poĂ©tique, Ă©vidente. Du bel ouvrage (Ă  part quelques Ă©carts superfĂ©tatoires voire grandiloquents de la baguette, certes bien trop infimes pour compter) qui renouvelle ici notre perception d’Aida : Ă  l’appui de son formidable soliste Kaufmann,  Antonio Pappano nous lègue un opĂ©ra intimiste, construit en un huit clos haletant plutĂ´t qu’en une fresque collective continĂ»ment hollywoodienne, ou Ă©quilibre entre les deux dimensions rĂ©tablies dans leur juste dimension. Si l’on trouve sa direction parfois Ă©paisse et grandiloquente (le final du III justement, un peu trop pĂ©taradant justement), le chef, superstar du Royal Opera house de Covent Garden, sait ĂŞtre homme de théâtre passionnĂ© de psychologie théâtrale. Comme on le verra la ciselure que permet le studio (plutĂ´t qu’un live en salle de concert) rĂ©alise une immersion intimiste manifestement rĂ©ussie.

 

 

 

Aida psychologique et nocturne

instrumentalement fouillée par Pappano où jaillit le gemme étincelant, noir, incandescent du Radamès de Kaufmann

 

anja harteros aida review critique cmpte rendu classiquenews Aida_Warner_Classics_Antonio_Pappano_Anja_Harteros_Jonas_Kaufmann_Ekaterina_Semenchuk_Ludovic_Te_zier_Erwin_Schrott_Et d’abord que vaut ici Aida ? Son “Qui Radamès verra…” (au III) souligne chez Anja Harteros (partenaire familière du tĂ©nor, dans un Lohengrin dĂ©jĂ  enregistrĂ© Ă  Salzbourg entre autres) la couleur dernière des deux chanteurs, dĂ©sormais abĂ®mĂ©s dans le renoncement funèbre, l’oubli, le dĂ©tachement. Le studio permet des Ă©quilibres tĂ©nus dans le format et la balance globale : ainsi ici comme c’est le cas de nombreux airs, le travail de ciselure sur le rapport voix et orchestre, plutĂ´t timbre et instruments y gagne un relief et une intensitĂ© dĂ©cuplĂ©s qui s’avèrent, au service de la juste intonation des solistes, totalement superlatifs. Ce Verdi peintre subtil et intĂ©rieur surgit de nouvelle façon, Ă©voquant plus Wagner que tous ses contemporains italiens, plus inspirĂ©s par la performance et le bruit plutĂ´t que la couleur et le caractère psychologique de chaque situation. Le rĂ©alisme âpre, noir spĂ©cifiquement verdien qui s’impose Ă  partir de Rigoletto, s’affirme de façon Ă©loquente dans une conception introspective.

La prière d’une Aida dĂ©truite, dĂ©faite mais digne qui pleure Ă  jamais son lien Ă  sa patrie s’y rĂ©vèle troublante, noire, d’une Ă©pure lacrymale, très investie et humainement juste et sincère : d’autant que le chef sait dĂ©tailler et ciseler la caresse si vaine mais si tendre des instruments complices (“Patria mia, mai piu, ti revedro…”, avec hautbois et flĂ»tes en halo spiritualisĂ© / Ă©thĂ©rĂ©). Sans avoir l’angĂ©lisme Ă©tincelant d’une Tebaldi, Anja Harteros – timbre lisse d’un velours voilĂ© (aigus feutrĂ©s) mais très articulĂ©-, peut face au micro, ciseler son texte et affiner sa propre conception du rĂ´le d’Aida avec une finesse qui fusionne avec celle de son partenaire amoureux, Radamès. La lĂ©gèretĂ© d’une Adelina Patti, belcantiste bellinienne que souhaitait Verdi pour le rĂ´le, est bien loin ici, mais reconnaissons que malgrĂ© son grain vocal, sa nature charnelle et mĂ»re, Harteros offre une belle leçon incarnĂ©e.

verdi pappano jonas kaufmann aida 3 cd warner classicsEvidemment, l’argument majeur du coffret reste Jonas Kaufmann. Le grand duo entre les deux (Radamès / Aida) qui marque ce basculement dans l’intime et le tragique amoureux au centre du III, reste un sommet de finesse poĂ©tique, dĂ©fendu par un orchestre nuancĂ©, deux diseurs absolus, jamais en puissance, toujours proches de l’intention et des enjeux profonds du texte. IntensitĂ©, justesse prosodique, feu progressif, extĂ©rieur conquĂ©rant du gĂ©nĂ©ral victorieux, puis de plus embrasĂ©, intĂ©rieur Ă  mesure qu’il dĂ©cide de tout sacrifier Ă  son amour pour Aida, le tĂ©nor maĂ®trise toutes les colorations de sa voix fĂ©line et sombre qui en fait le tĂ©nor le plus crĂ©pusculaire et romantique de l’heure (et d’ailleurs finira-t-il comme son mentor, Domingo… en baryton ? Tout le laisse penser). Sa figure qui paraĂ®t au IV devant AmnĂ©ris qui l’a dĂ©noncĂ© et condamnĂ©, indique une âme dĂ©sespĂ©rĂ©e qui a renoncĂ© Ă  tout, car il pense qu’Aida est morte… Puis le fin tissage vocal opĂ©rĂ© dans le dernier tableau du IV, au tombeau, façonne un chant transfigurĂ© et simple qui touche directement. Ici, s’affirme la dĂ©termination victorieuse d’un amant qui se croyant seul et condamnĂ©, retrouve au moment d’expirer, le seul objet de son amour.

tezier ludovic amonasro verdi aida critique classiquenewsLa noblesse naturelle du français Ludovic TĂ©zier apporte au rĂ´le d’Amonasro, père d’Aida, un profil fĂ©lin et carnassier d’une distinction articulĂ©e, elle aussi de très grande classe : leur duo attendri et Ă©perdu, – accent emblĂ©matique de la tendresse verdienne père / fille tant de fois incarnĂ©e dans son théâtre  – au III, qui de duo s’achève sur le trio avec Radamès-, y est magnifiquement rythmĂ©, articulĂ©, exprimĂ© par Pappano, très intimiste et d’un geste amoureux pour les effusions sincères de chaque situation. Le père combine un amour vĂ©ritable pour sa fille et aussi la nĂ©cessitĂ© de l’utiliser pour assurer la victoire des Ă©thiopiens contre les Ă©gyptiens. Sentiment, devoir, sincĂ©ritĂ© et stratĂ©gie, les termes inconciliables sont rĂ©unis pourtant par un TĂ©zier, fin, allusif, princier (ou plutĂ´t royal, personnage oblige), mordant.

Saluons l’absolue rĂ©ussite expressive du IV : la solitude dĂ©sarroi qui Ă©prouve l’Ă©gyptienne malheureuse AmnĂ©ris, elle aussi proie tiraillĂ©e entre devoir et sentiment, la grande Ă©quation d’Aida selon Verdi : l’alto Ekaterina Semenchuk a de rĂ©elles moyens qui comparĂ©s cependant Ă  ses partenaires, paraĂ®t souvent moins nuancĂ©s et prĂ©cis : dĂ©faillance dans l’articulation de l’italien qui l’empĂŞche dĂ©finitivement de colorer avec une vraie subtilitĂ© chaque accent de son texte. C’est la moins diseuse de tous.
C’est pourtant Ă  travers ses yeux que toute l’action de l’acte IV – principe gĂ©nial- s’accomplit, dĂ©voilant alors dans l’assassinat calculĂ© des deux amants, l’amertume d’un cĹ“ur tĂ©moin et coupable, lui aussi rongĂ©, dĂ©vorĂ©, embrasĂ© par la jalouse impuissance, une haine qui cependant bascule en une compassion finale des plus bouleversantes. La clarinette grave qui accompagne alors une AmnĂ©ris foudroyĂ©e par une situation qui la dĂ©passe, rappelle Ă©videmment une autre figure noire et jalouse, haineuse d’abord, frappĂ©e ensuite par une nouvelle conscience faite pardon, bascule spectaculaire : Vitellia la mĂ©chante dans La ClĂ©mence de Titus de Mozart, qui est soudainement saisie par la conscience de sa noirceur inhumaine : l’opĂ©ra nous offre des situations exceptionnelles : Verdi rejoint ici Mozart. De toute Ă©vidence, Pappano explore cette similitude avec une justesse sobre et prĂ©cise.
MĂŞme couleur sombre et humaine pour l’excellent Ramfis d’Erwin Schrott lorsque Pharaon demande / exhorte Ă  Radamès d’avouer sa trahison et de se repentir… (IV).

Expliciter le feu intĂ©rieur. Dans ce travail sur la pâte sonore, sur le relief intĂ©rieur de chaque situation dont l’attĂ©nuation très fine et prĂ©cise permet la juste projection du texte, l’orchestre Santa Cecilia gagne un prestige inĂ©dit. Sous la conduite de Pappano, les instrumentistes ne semble ĂŞtre soucieux que d’une chose : l’explicitation de feu intĂ©rieur consummant chaque personnage : Radamès sacrifiant sa gloire, son loyautĂ© Ă  Pharaon, son devoir, sa carrière pour servir son seul amour pour Aida ; Aida l’esclave Ă©thiopienne au service de l’Egyptienne malheureuse AmnĂ©ris, sacrifiant elle aussi son père, sa patrie pour cet amour maudit mais vĂ©ritable ; AmnĂ©ris, princesse impuissante, amoureuse vaine du gĂ©nĂ©ral Radamès … L’expression des individualitĂ©s, ardentes, souffrantes, Ă©perdues s’affirme dans un style sobre, d’une clartĂ© dramatique que le chef prĂ©serve absolument, veillant constamment Ă  l’avancĂ©e de l’action tragique malgrĂ© la succession des tableaux. L’incise tragique exprimĂ©e par l’orchestre souligne la puretĂ© expressive et très complĂ©mentaire des trois protagonistes : le trio AmnĂ©ris, Aida, Radamès au delĂ  de leur divergence, rassemble en dĂ©finitive trois figures Ă©gales par leur souffrance, leur humanitĂ©, leur impuissance face Ă  un destin irrĂ©vocable. La fin de l’opĂ©ra, huit-clos Ă©touffant dĂ©limitĂ© par le caveau oĂą les deux amants meurent emmurĂ©s vivants, donne en dĂ©finitive la clĂ© d’un opĂ©ra que beaucoup de chefs dĂ©naturent en l’inscrivant dans un peplum hollywoodien (de surcroĂ®t jusqu’Ă  la fin) : ce chambrisme irrĂ©sistible que dĂ©fend Pappano et ses solistes (surtout donc Kaufmann et Harteros) rĂ©tablit le rĂ©alisme nouvelle vague d’un Verdi rĂ©volutionnaire Ă  l’opĂ©ra : oĂą a-t-on Ă©coutĂ© avec une telle clartĂ©, la volontĂ© de vĂ©ritĂ© théâtrale, d’articulation textuelle souhaitĂ©e par le compositeur ? MĂŞme perfectible, la version s’impose, aboutie et esthĂ©tiquement juste. C’est donc un CLIC de classiquenews en novembre 2015.

CLIC_macaron_2014Giuseppe Verdi (1813-1901) : Aïda. Anja Harteros (Aïda), Jonas Kaufmann (Radamès), Ekaterina Semenchuk (Amnéris), Ludovic Tézier (Amonasro), Erwin Schrott (Ramfis), Marco Spotti (Il Re), Paolo Fanale (Messaggero), Eleonora Buratto (Sacerdotessa). Chœur et orchestre de l’Accademia Nazionale Di Santa Cecilia (chef des chœurs : Ciro Vesco). Antonio Pappano, direction. Enregistrement réalisé à Rome, Sala Santa Cecilia, Auditorium Parco della Musica, en février 2015. 3 cd Warner Music, référence 082564 610 663 9 /  8 25646 10663 9. Livret notice en anglais, allemand, français. Durée : 2 h 25mn.

CD, compte rendu critique. Jonas Kaufmann. Nessun dorma : The Puccini album (1 cd Sony classical, 2014)

kaufmann jonas puccini cd classical sony review presentation account of CLASSIQUENEWS clic septembre 2015 cdCD, compte rendu critique. Jonas Kaufmann. Nessun dorma : The Puccini album (1 cd Sony classical, 2014). Outre la promesse et l’Ă©lan irrĂ©sistibles portĂ©s par une voix unique au monde aujourd’hui, Jonas Kaufmann nous montre quel puccinnien il est (après ses Verdi, Wagner, Schubert, et son rĂ©cent programme de chansons berlinoises des annĂ©es 1920 : “Du bist die Welt fĂĽr mich…”) : dans ce nouveau rĂ©cital romain de septembre 2014, sa force expressive et sa subtilitĂ© Ă©motionnelle fusionnent ici et font le miracle de son Nessun dorma et aussi, surtout, de son Dick Johnson, rĂ´le souvent caricatural Ă  la scène (comme l’est le baron Ochs, cousin pourtant profond de la MarĂ©chale, dans le Chevalier Ă  la rose de Strauss, sublime contemporain de Puccinien). La richesse du jeu d’acteur fait de chaque prise de rĂ´le un profil vocal et dramatique abouti souvent captivant. Heureuse sĂ©lection d’un couplage qui met en avant la capacitĂ© exceptionnelle du tĂ©nor pour la caractĂ©risation Ă©motionnelle : puccinnien il l’est, et il le montre avec quelle finesse, et dans la puissance et dans la subtilitĂ© linguistique.

Le rĂ©cital dĂ©bute dans les affres et les vertiges extatiques de Des Grieux (sa sublime prière amoureuse vraie confession irrĂ©sistible) et de Manon Lescaut (en duo) premier vrai succès lyrique qui rĂ©vĂ©la le jeune Puccini sur la scène europĂ©enne.. on peut ĂŞtre gĂŞner par le timbre Ă©pais charnel de la soprano qui lui donne la rĂ©plique pour leur Ă©treinte sensuelle qui conclut l’air conquĂ©rant, Ă©perdu, Ă©chevelĂ© (oh saro  la più  bella…).
Plus convaincant sait ĂŞtre le tĂ©nor aux aigus dĂ©chirants et mordants (dĂ©sespĂ©rĂ©s) dans les deux dernières  scènes sombres et tragiques (pour Manon) : ah Manon, mi tradisce puis quand expire la jeune femme et la dĂ©ploration du pauvre chevalier impuissant et dĂ©muni  (Presto in fila)…
Les deux airs  qui suivent sont davantage captivants car ils ne cèdent pas Ă  la dĂ©clamation lyrique parfois aux Ă©panchements thĂ©atralisĂ©s de ce qui a prĂ©cĂ©dĂ©. Airs des opĂ©ras de jeunesse, si peu connus et Ă  torts. Tous deux d’après un livret de Ferdinand Fontana, ils montrent certes encore le compositeur dĂ©butant sous l’emprise du Verdi Symphonique (celui d’Aida) mais dĂ©jĂ  dans l’air de Roberto au II de Villi, perce une intensitĂ© brĂ»lĂ©e qui dans le rĂ´le du protagoniste fait l’Ă©paisseur d’un hĂ©ros terrassĂ©, Ă  la fois dĂ©sespĂ©rĂ© et embrasĂ© par un sentiment tragique entre terreur et tristesse en lien avec l’atmosphère fantastique du sujet (l’air dĂ©bute avec les sanglots des femmes mortes dĂ©laissĂ©es ou trahies par leur amant ; une alerte pour Roberto qui a quittĂ© sa fiancĂ©e pour une courtisane et qui apprend alors qu’il a provoquĂ© la mort de son premier amour… ): ce que le diseur rĂ©alise sur les derniers vers “que tristezza”, -vertige de la raucitĂ© d’une voix capable tout autant d’aigus filĂ©s-, renforce au-delĂ  de la justesse stylistique de l’intonation, la sincĂ©ritĂ© et la puissance du texte. RemarquĂ© par l’Ă©diteur Riccordi, grâce Ă  Le Villi, Puccini se voit commander un nouvel opĂ©ra : Edgar. Les deux ouvrages mènent au triomphe de Manon Lescaut et sa couleur printanière, d’une ardeur juvĂ©nile qui semble couler tout au long de la partition tel un romantisme juvĂ©nile revivifiĂ©. Ce Roberto annonce l’Ă©toffe du Pinkerton, l’officier amĂ©ricain qui se rend compte mais trop tard lui aussi du mal qu’il a causĂ©…

L’ivresse et l’extase paraissent dans le seul souffle du tĂ©nor qui comme nul autre soigne et la beautĂ© de ses phrasĂ©s et la tenue colorĂ©e de ses aigus, offrant toujours une parfaite lisibilitĂ© et de ses propres sentiments et des enjeux de la situation : son Rodolfo laisse pantois par sa fluiditĂ© caressante, sa facilitĂ© Ă  la langueur, une dĂ©termination pour la suavitĂ© hallucinĂ©e, capable d’exprimer dans le murmure et les pianissimi lĂ  aussi embrasĂ©s, les Ă©motions les plus intimes (superbe duo Rodolfo et Mimi terminĂ© en coulisses, plage 8).

 

 

 

Jonas Kaufmann en puccinien fauve

Calaf, Rodolfo, Mario, Jonas Kaufmann sublime surtout le rĂ´le de Dick…

 

CLIC D'OR macaron 200GravitĂ© et juvĂ©nilitĂ©, ardeur (fĂ©line) et intensitĂ© radicale (comme s’il donnait tout car demain Ă©tant un autre jour, sa vie pouvait en dĂ©couler), le tĂ©nor fait de Mario Cavaradossi, peintre libertaire bonapartiste, rebelle dans l’Italie monarchiste et rĂ©pressive, une autre âme terrassĂ©e d’une force romantique irrĂ©sistible. Le travail sur Dick Johnson, voyou aventurier, prend une autre dimension en concertation / dialogue avec le tissu foisonnant et subtil de l’orchestre (l’un des plus riches selon le tĂ©nor visiblement inspirĂ© par l’ouvrage) : Kaufmann en fait un hĂ©ros tragique bouleversant exactement comme le voit l’hĂ©roĂŻne, la Fanciulla del West, Minnie ; le second air Risparmiate lo scherno… (celui d’un rouĂ© condamnĂ©, vilipendĂ© par la foule menaçante et sussurrant comme un serpent justicier) devient le dernier chant d’un condamnĂ© pour lequel orchestre et tĂ©nor trouvent et cisèlent des couleurs inĂ©dites, d’une force inouĂŻes… tragique, salvateur, voici le grand air d’exhortation Ă  l’Ă©lan cathartique, le plus beau de l’album : un Dick sublimĂ©, dĂ©voilĂ©, rĂ©vĂ©lĂ©… qu’on aimerait Ă©couter sur la scène tant cette incarnation discographique est saisissante.

TaillĂ© Ă  prĂ©sent pour les hĂ©ros militant nourri d’une revanche et d’une haine mais aussi capable d’une tendresse Ă  fleur de peau, Kaufmann fait un somptueux Rinuccio dans Il Tabarro, puis dans Gianni Schichi, capable d’un hymne fraternel qui semble exprimer toute la douleur des opprimĂ©s puis l’Ă©lan le plus facĂ©tieux : l’abattage linguistique et la pĂ©tillence du chanteur Ă©poustouflent dans les deux registres.

Tout oeuvre et tend vers son Nessun dorma : un hymne pour une aube nouvelle (“que personne ne dorme”… audelĂ  de la situation de terreur dans la continuitĂ© de l’opĂ©ra, c’est dans la voix du chanteur fraternel, la prière Ă©noncĂ©e Ă  l’humanitĂ© entière pour renouveler l’espoir d’une existence nouvelle). L’air le plus cĂ©lèbre qui a fait la gloire de son prĂ©dĂ©cesseur Pavarotti, est incarnĂ© avec une noblesse fauve par un tĂ©nor diseur au chant voluptueux et rugueux : oĂą a-t-on Ă©coutĂ© ailleurs une telle suavitĂ© Ă©perdue, une telle richesse harmonique du timbre, Ă  la fois cuivrĂ© et caressant ? D’autant que l’orchestre de Pappano rĂ©alise un travail d’orfèvre, rĂ©vĂ©lant des facettes instrumentales et des couleurs d’une finesse elle aussi envoĂ»tante (malgrĂ© quelques tutti assez ronflants que le chef aurait pu Ă©viter). Sublime puccinien : dommage que ses duos avec l’impossible soprano Kristine Opolais (timbre Ă©pais, imprĂ©cis, terreux) dont on ne saisit toujours pas l’utilitĂ© de sa prĂ©sence dans le prĂ©sent rĂ©cital.

kaufmann jonas puccini cd classical sony review presentation account of CLASSIQUENEWS clic septembre 2015 cdCd Ă©vĂ©nement, compte rendu critique. Jonas Kaufmann, tĂ©nor. Nessun Dorma, The Puccini Album : Manon Lescaut (DesGrieux), Le Villi (Roberto), Edgar, La Bohème (Rodolfo), Tosca (Mario) Madama Butterfly (Pinkerton), La Fanciulla del West (Dick Johnson), La Rondine (Roggero), Il Tabarro (Luigi), Gianni Schichi (Rinuccio). (1 cd Sony classical, enregistrement rĂ©lisĂ© en septembre 2014). Orchestre et chĹ“ur de l’Accademia nazionale di Santa Cecilia. Antonio Pappano, direction.

__________

LIRE aussi notre annonce du cd Du bist die Welt fĂĽr mich… 

__________

Actualités de Jonas Kaufmann
Après avoir chantĂ© Don JosĂ© aux ChorĂ©gies d’Orange en juillet 2015, le tĂ©nor est Ă  Paris :
Le 12 octobre 2015, Paris, TCE : Ariadne auf Naxos (Bacchus), version de concert
Le 29 octobre 2015, Paris, TCE : Récital Puccini (programme de son album Sony)

Le 19 novembre au cinéma : Récital Puccini filmé à la Scala de Milan en juin 2015

Du 8 au au 20 décembre 2015 : Paris, Opéra Bastille : La Damnation de Faust (Faust, 6 représentations)

CD, à paraître : Nouvelle AIDA de Verdi avec Jonas Kaufmann en Radamès chez Warner classics (octobre 2015)

jonas kaufmann aida verdi AIDA COVERCD, à paraître : Nouvelle AIDA de Verdi avec Jonas Kaufmann en Radamès chez Warner classics… Les nouvelle productions lyrique au disque sont rares. depuis des années, ce sont non plus des enregistrements studio qui se sont perpétués mais plutôt des live habilement saisis sur le vif au hasard des opportunités. Après une TURANDOT impressionnante de vitalité et de sensibilité signée Zubin Mehta (surprise de l’été 2015 (révélant entre autres le baryton mexicain German Olvera dans le rôle de Pang), voici une production qui fait suite  à l’intégrale Tristan une Isolde réalisé par Emi en 2005 : confirmant les ambitions verdiennes du plus grand ténor actuel, le munichois Jonas Kaufmann, Warner classics annonce donc début octobre 2015, une somptueuse AIDA de Verdi avec dans le rôle du général victorieux et couvert de l’or de Pharaon mais en fin de drame, saisi par l’amour de la belle esclave éthiopienne Aida, Jonas Kaufmann.

Jonas Kaufmann au sommet !Le tĂ©nor nous avait stupĂ©fait dans un rĂ©cital totalement dĂ©diĂ© Ă  la lyre verdienne, intitulĂ© sobrement solennellement ” the VERDI album” (2013) : un rĂ©cital inoubliable par sa justesse expressive, sa franchise, sa sincĂ©rité (dont un Otello anthologique sur les traces de Jon Vickers). Un cas unique oĂą le tĂ©nor aux graves harmoniques, au mĂ©dium charnu, Ă  l’élocution âpre et prĂ©cise, percutante et mĂ©tallique emboĂ®te le pas Ă  un certain…. Placido Domingo. Jonas Kaufmann devrait y renouveler le succès de son novel album Sony : Nessun forma dĂ©diĂ© aux hĂ©ros pucciniens… (critique Ă  venir sur classiquenews).

jonas kaufmann anja harteros enregistrent AIDA Antonio Pappano VERDI review announce annonce classiquenews

L’enregistrement studio a dĂ©butĂ© en fĂ©vrier 2015 : aux cĂ´tĂ©s du tĂ©nor allemand, Anja Harteros (Aida), Ekaterina Semchuk (Amneris), Ludovic TĂ©zier (Amonasro), Erwin Schrott (Ramfis)… complètent la distribution rĂ©unie autour d’Antonio Pappano qui pilote le chĹ“ur et l’orchestre dell’Accademia di Santa Cecilia. Aida de Verdi, 3 cd Warner classics. Parution annoncĂ©e le 2 octobre 2015, prochain compte rendu dĂ©veloppĂ© dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

 

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies. Bizet : Carmen. Le 14 juillet 2015. Orchestre Philharmonique de radio France. Chœurs des Opéras d’Angers-Nantes, du Grand Avignon et de Nice. Maîtrise des Bouches-du-Rhône. Direction musicale : Mikko Franck. Mise en scène, décors, costumes : Louis Désiré.

5 carmen_philippegromelle2Les Espagnols, nous ne détestons rien tant que l’interprétation hyper coloriste de notre couleur locale, surtout de cette Andalousie que, par une synecdoque abusive autrefois imposée par le franquisme, on a longtemps donnée comme la partie pour le tout d’une Espagne plurielle et diverse. Aussi applaudit-on à cette vision de Carmen, épurée d’espagnolisme de façade, d’espagnolade pour caricaturales « fiestas » bachiques et sanglantes, que nous offre la mise en scène de Louis Désiré, dont les somptueux et sombres éclairages de Patrick Méeüs mettent, paradoxalement, en lumière, la profonde noirceur hispanique, l’âme tragique au milieu de la fête, la célébration de la vie au bord du précipice : allure et figure jusqu’à la sépulture. Incarnée par l’Espagnole Carmen qui, si « elle chante  de la musique française », ce dont on donne acte à Louis Désiré dans sa note, n’enchante pas moins par une musique qui emprunte à l’Espagne certains  de ses rythmes, comme la séguedille, le polo prélude à l’Acte IV inspiré du Poeta calculista du fameux Manuel García, père andalou de la Malibran et de Pauline Viardot García qui venait d’en éditer des œuvres et, surtout, l’emblématique habanera, « L’amour est un oiseau rebelle », que Bizet reprend du sensuel et humoristique El arreglito de son ami espagnol Sebastián Iradier, auteur de La paloma, professeur de musique de l’impératrice espagnole Eugénie de Montijo, qu’il a l’élégance de citer. Mais l’art n’a pas de frontières, les génies prennent leur bien où ils le trouvent et, d’après un texte très justement espagnol de Mérimée, la française et hispanique Carmen de Bizet est universelle, figure mythique sur laquelle nous nous sommes déjà penchés, et, personnellement, sur son clair-obscur sexuel .

Carmen au Théâtre Antique : nocturne goyesque à Orange

Héros déracinés et ligotés, illusion de liberté

Je ne reviendrai pas sur tout ce que j’ai pu écrire sur les personnages, déracinés, ligotés par la société, condamnés à une errance, à la fuite : Don José, nobliau navarrais, arraché à sa contrée par une affaire d’honneur et de meurtre, réduit à être déclassé, soldat, dégradé, emprisonné puis contrebandier contre sa volonté, aux antipodes nationaux de chez lui, dans cette Andalousie où il reste fondamental étranger ; sa mère qui l’a suivi dans un proche village, conscience du passé, du terroir, des valeurs locales, et cette Micaëla, orpheline venue d’on ne sait où, escortant la mère et suivant José ; ces contrebandiers, passant d’un pays (Gibraltar anglais) à l’autre, sans oublier ces femmes, ces ouvrières, sans doute fixées dans l’usine, par la nécessité esclavagiste du travail, mais peut-être bientôt enracinées par un mariage donnant au mâle nomade la fixité contrainte du foyer : la femme soumise ne peut que procréer des fillettes dans le rang sinon des filles soumises, des fillettes déjà esclaves, avant d’être l’objet de la convoitise brutale de la troupe des hommes, dont seule Carmen, avec son art de l’esquive, se tire un moment. Les petits garçons sont aussi formatés par l’ordre social, « comme de petits soldats », avant d’être des grands, gardiens de l’ordre corseté et oppressif.

Don José est d’entrée l’homme prisonnier, ligoté : de ses préjugés, de sa chasteté, de son uniforme. Fils soumis à la Mère, dont la maternelle Micaëla apporte le message,  à la Mère église, à la Mère Patrie: homme enfant malgré les apparences. Carmen, apparemment prisonnière et ligotée par lui, lui offrira l’occasion de la liberté mais oiseau rebelle, papillon insaisissable, elle sera finalement épinglée, fixée par le couteau d’une implacable loi.

RÉALISATION

Cartes sur table, sur scène : la donne du destin

Dans une obscurité augurale, sans doute du destin indéchiffrable, vague lumière qui fait hésiter entre rêve et éveil, ou goyesque cauchemar plein de formes inconnues qui envahissent la scène, une foule grouillante se précise, femmes en peu seyantes robes orange ou marron (Louis Désiré), soldats en uniformes noirs, et, au milieu, se détache la lumineuse blancheur de l’habit de Carmen, un bouquet de roses sanglantes de rougeur à la main. L’ouverture sonne, lancée par un enfant et s’anime déjà du drame : José, seul, cartes à la main, Carmen s’avance vers lui comme la fatalité, déjà voile de deuil sur la tête, lui jetant les fleurs sur le thème du destin. D’avance, tout est dit, écrit. L’on comprend ces cartes géantes posées comme au hasard, comme en équilibre instable, de guingois, contre la solidité du mur antique : la vie comme un fragile château de cartes dont on sent le possible et inéluctable écroulement sur les héros confrontés, pour l’heure vide de sens, à l’envers, simples somptueux tapis de sol qui ne s’éclaireront qu’à l’heure fatale décidée par un destin obscur qui échappe aux hommes et à Carmen même qui le connaît : pique et carreau. Ces cartes se déclineront, mises en abîme, en éventails et cartes en main, à jouer, de tous les personnages : chacun a la main, mais aucun l’atout décisif : « Le destin est le maître », reconnaîtra Carmen. Tout converge intelligemment vers l’air fatidique des cartes où la clarté impitoyable du destin s’éclaire tragiquement à leur lecture.

Autre lumière dans cette ambiante obscurité, le magnifique effet solaire des doublures dorées des soldats fêtant Escamillo ou, moins réussi, trop clinquant, le défilé des « cuadrillas » en habits de lumière éclairant heureusement le ridicule des faux héros de la virilité et du courage que sont les toreros.

On admire d’autres trouvailles : les lances des dragons plantĂ©es sur le sol Ă  la fois herse, dĂ©fense, agression possible et prison pour Don JosĂ©, habitĂ© dĂ©jĂ  du rĂŞve de la taverne de Pastia, traversĂ© par l’ombre, les ombres de Carmen robe d’une sobre Ă©lĂ©gance espagnole, en mantille, devenant filet, rets d’un sortilège jetĂ© sur le pauvre brigadier, Carmen signifiant aussi, en espagnol, â€charme’, â€magie’.  La corde, Ă©galement, circulera comme signe des liens de l’amour, du destin, de l’impossible libertĂ© sauf dans la mort, et mĂŞme de l’évasion plaisante du quintette qui a un rythme de galop digne d’Offenbach. Il y a aussi cette magnifique idĂ©e, enchaĂ®nant la fin du III avec l’acte IV, la cape de matador (‘tueur’, en espagnol) dont Escamillo couvre galamment Carmen, devenant sa parure de mort prochaine. Enfin, la fleur se dissĂ©mine aussi dans le parcours, offerte d’abord par Zúñiga Ă  Carmen, par Carmen Ă  Don JosĂ© depuis l’ouverture, avec son acmĂ©, son sommet dans l’air de la fleur, puis par le torero Ă  la gitane, finalement traces de sang sur son corps sacrifiĂ© par JosĂ© sur la carte fatidique.

Le privilège des proches places de la presse se retourne, hélas, contre la vision d’ensemble : effet de la perspective, toute cette foule nourrie de choristes semble s’accumuler, s’écraser sur l’avant-scène, occupant ou saturant l’espace étroit laissé par les superbes cartes adossées contre le fond. Mais, vu à la télévision, le dispositif, en plongée, prend son sens, a une indéniable beauté plastique et picturale qui saisit et séduit. Les cartes révélées par la lumière font rêver. Et, ce que la distance semblait diluer du jeu des chanteurs se magnifie par des gros plans qui émeuvent par la beauté et le jeu intense et nuancé des interprètes, dignes du cinéma. Cette production télé aura bénéficié d’un exceptionnel réalisateur qui a capté l’essence de cette mise en scène, Andy Sommer.

INTERPRÉTATION

mikko frank dirigeantCe début avec tout ce monde serré sur l’obscurité du plateau, forcément contraint dans ses mouvements, ne pouvait donner au chef Mikko Franck l’occasion de faire briller une ouverture en discordance avec la tonalité ombreuse du plateau. Quelques malotrus, tous à jardin et groupés, donc dirigés, se permettront des huées inconvenantes. Sortant d’une excessive tradition coloriste, quelques tempi sont lents aux oreilles de certains, mais quelle mise en valeur du crescendo, partant d’une lenteur inquiétante de l’abord de la chanson gitane qui, de sa contention première, éclate en folle rage festive sur les cris des trois danseuses ! Et le quintette mené à un train d’enfer ! Cette approche, impressionniste, impressionne par la mise en valeur des timbres, des couleurs d’une délicatesse toute mozartienne de l’instrumentation plus que de l’orchestration de Bizet. Le problème est, peut-être, que la mise en scène symbolique avec ces cartes matérialisant le destin, visant le mythe, demandait sans doute plus de simplification des lignes que de rutilance des détails. Les chœurs, malgré des craintes sur l’encombrement de la scène, tirent leur épingle du jeu et les enfants, très engagés, se paient, bien sûr, un triomphe.

On nous a épargné, par des chanteurs étrangers même à la parfaite diction, les passages parlés de cet opéra-comique à l’origine, guère intéressants (qui comprend aujourd’hui l’histoire de l’épinglette qui justifie le moqueur « épinglier de mon cœur de Carmen à José ?). Les récitatifs de Guiraud sont concis et percutants (« Peste, vous avez la main leste ! »), ou sonnent comme des maximes : « Il est permis d’attendre, il est doux d’espérer ». C’est bien vu et bien venu.

Comme toujours à Orange, le plateau est d’une homogénéité digne de mention. En Remendado truand rapiécé selon son nom, on a plaisir à retrouver Florian Laconi, faisant la paire, inverse en couleur de voix, lumière et ombre, avec le tonitruant et truculent Dancaïre d’Olivier Grand, couple symétrique et antithétique avec  ces coquines de dames : la fraîcheur lumineuse de la Frasquita d’Hélène Guilmette contrastant joliment avec la chaleur du mezzo sombre de Marie Karall. Armando Noguera campe un fringant Morales, perché sur sa belle voix de baryton comme un coq sur ses pattes pour séduire Micaëla. Le Zuñiga de Jean Teitgen est tout séduction aussi par un timbre sombre, profond, et une allure de « caballero » élégant et humain.

Humaine, si humaine, le miel  de l’humanité est distillé, avec l’inaltérable grâce qu’on lui connaît et que l’on goûte, par la Micaëla tendre d’Inva Mula, maternelle et protectrice messagère de la Mère, mère en puissance et, pour l’heure, amante blessée mais compatissante et courageuse. La voix, moelleuse, apaisante, se déploie en lignes d’une aisance céleste mais aux pieds sur la terre de la piété et pitié.

Dans le rĂ´le Ă  l’ingrate tessiture dâ€Escamillo, trop grave pour un baryton, trop aigu pour une basse, nouveau venu Ă  Orange, Kyle Ketelsen est foudroyant de prĂ©sence physique et vocale, amplitude, largeur, couleur et incarnation, il remporte avec justice tous les suffrages.

Que dire de Jonas Kaufmann qu’on n’ait déjà dit ? Il sait déchirer le tissu de sa superbe voix pour rendre les déchirures rauques de ce héros passionné meurtri, un Don José d’abord rêveur ou prostré par le passé sur sa chaise, interloqué par l’audace de la femme, de cette femme, de cette Carmen qui fait son chemin en lui, jusqu’à l’air à la fois intime et éclatant de la fleur. Il le commence en demi-teinte, comme se chantant à lui-même, en tire des couleurs et nuances d’une frémissante sensibilité et sensualité et en donne le si bémol final en double pianissimo, comme il est écrit dans la partition, en voix de poitrine, qui prend tout son sens : la voix du cœur. Il est bouleversant.

Face à lui, face à face, effrontée et affrontée, Kate Aldrich entre dans la catégorie moderne des Carmen que Teresa Berganza rendit à la fidélité de la partition et à la dignité féminine et gitane sans grossissement de féminisme ou gitanisme outrancier. Elle est d’une beauté qu’on dirait du diable si ce sourire éclatant ne lui donnait une humanité fraternelle et une fraîcheur parfois angélique : sûre sans doute de sa séduction mais sans se laisser abuser par elle, elle donne au personnage une distance avec la personne qui dit, sans dire, sa profondeur et une sorte de détachement désabusé du monde. La voix répond au physique, élégante, souple, satinée, raffinée, n’escamotant pas les nuances, n’accusant aucun effet dans la grandeur démesurée de l’espace qu’elle habite sans effort. Il faudrait des pages pour détailler la finesse de son jeu heureusement capté par la télévision : rieuse, railleuse, blagueuse (Carmen a des mots d’esprit des plus plaisants), enfin, tragique. Élégante même dans ces gestes pour chasser, comme mouches importunes, tous ces hommes bavant de désir, écartant d’une main la fleur de l’officier dans la taverne, la photo dédicacée de l’arrogant torero, passionnée avec José et plus grave, déjà, avec Escamillo. Est-elle la figure mythique de l’héroïne ? Les mythes ne sont plus de ce temps. Elle me semble plutôt une femme du nôtre, qui a conquis sa liberté et qui en a accepté le prix : ce qu’allégorise sans doute la mort de Carmen au nom de toutes les femmes autrefois sacrifiées sur l’autel de l’honneur des hommes.

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies. Bizet : Carmen. Le 14 juillet 2015. Orchestre Philharmonique de radio France. Chœurs des Opéras d’Angers-Nantes, du Grand Avignon et de Nice. Maîtrise des Bouches-du-Rhône. Direction musicale : Mikko Franck. Mise en scène, décors, costumes :  Louis Désiré.

Distribution : Carmen : Kate Aldrich ; Micaëla : Inva Mula; Frasquita : Hélène Guilmette
Mercédès : Marie Karall ; Don José :  Jonas Kaufmann ;  Escamillo : Kyle Ketelsen ;
Zuñiga :  Jean Teitgen ; le Dancaïre Olivier Grand; le Remendado : Florian Laconi
; Moralès : Armando Noguera. Illustration : Philippe Gromelle

_____________________________________________________________________________

  1. Voir Benito Pelegrín « Carmen, entre chien et loup de la sexualité », entre autres études, in Carmen, Édité par Élisabeth Ravoux-Rallo, Figures mythiques, Éd. Autrement, p.50-75, 1986.

Salzbourg. Jonas Kaufmann chante Florestan

Jonas Kaufmann, le plus grand tĂ©nor du monde !Salzbourg. Beethoven : Fidelio, les 4,7,10,13, 16, 19 aoĂ»t 2015. Alors que Cecilia Bartoli chante Norma et IphigĂ©nie, Jonas Kaufmann crĂ©e aussi l’Ă©vĂ©nement Ă  Salzbourg 2015, en incarnant un rĂ´le qui lui va comme un gant : le prisonnier Florestan, hĂ©ros moderne prĂŞt Ă  quitter l’ombre pour la lumière. Leonore, Ă©pouse de Florestan, est dĂ©terminĂ©e Ă  sauver son mari. DĂ©guisĂ©e en garçon, sous le nom de Fidelio, elle parvient Ă  s’introduire auprès du geĂ´lier Rocco, Ă  gagner sa confiance et Ă  libĂ©rer Florestan, aidĂ©e par l’arrivĂ©e providentielle du ministre venu mettre fin Ă  l’arbitraire tyrannique de Don Pizarro… Fidelio, opĂ©ra romantique, recueille les fruits solaire des Lumières, soulignent la vertu d’une Ă©pouse fidèle et loyale prĂŞte Ă  sauver jusqu’à la mort celui qu’elle aime : telle Alceste de Gluck, c’est une figure de femme droite et dĂ©terminĂ©e que l’amour conduit jusqu’au sublime exemplaire. Livret Josef Sonnleithner et Georg Friedrich Treitschke.
Hymne à l’amour triomphal, la partition de Fidelio exalte la vertu de la fidélité conjugale contre la tyrannie. L’auteur illustre la constance de l’épouse, sa détermination exemplaire contre l’autorité du despote Pizzaro. Si Alceste descend aux enfers pour sauver son époux Admète, Leonore, devenue Fidelio, rejoint son époux Florestan dans la prison pour l’en libérer.  Le chef d’oeuvre lyrique de Beethoven est créé dans sa version définitive à Vienne, en 1814. La partition met en lumière le long processus d’écriture dont témoigne aussi les différentes versions de l’ouverture notées Leonore I, II, III, selon les temps de révision et de réécriture. L’énergie et l’espérance de Beethoven sont portées à leur plus haut degré d’accomplissement. Quand Beethoven compose, il écrit pour la fraternité à bâtir, l’humanité à sauver d’elle même.
Un sujet Ă©difiant qui fait l’apothĂ©ose de la fidĂ©litĂ© d’une Ă©pouse.Tout d’abord inspirĂ© par le livret hĂ©roĂŻque d’Emmanuel Shikaneder, « Vestas Feuer » (Le feu de Vesta), le compositeur se dĂ©cida finalement pour la pièce en trois actes du secrĂ©taire du théâtre impĂ©rial de Vienne, Joseph Ferdinand von Sonnleithner, lui-mĂŞme s’inspirant de LĂ©onore ou l’amour conjugal du français Jean Nicolas Bouilly.
L’histoire s’inspire d’un fait avĂ©rĂ©. Bouilly alors procureur du Tribunal rĂ©volutionnaire avait notĂ© le dĂ©vouement de la comtesse de Semblançay qui avait permis la libĂ©ration de son mari en pĂ©nĂ©trant dans la prison jacobine oĂą Ă©tait sequestrĂ© son Ă©poux, le Comte RenĂ©. Le texte de Bouilly fut ensuite portĂ© Ă  la scène et mis en musique dans le style de Cherubini, par Pierre Gaveaux, au Théâtre Feydeau, le 19 fĂ©vrier 1798. L’heure Ă©tait au culte des hĂ©ros, du moins aux manifestations d’un idĂ©alisme exemplaire.

De 1805 à 1806: les deux première versions

Fidelio de BeethovenBeethoven couche ses première mesures fin 1803. Il faudra attendre encore deux annĂ©es avant la première, le 20 novembre 1805. Entre temps, deux autres ouvrages lyriques furent créés sur le sujet, composĂ©s Ă  Dresde par PaĂ«r (3 octobre 1804), Ă  Padoue par Mayr (1805). Il est probable que Beethoven connut parfaitement la version de PaĂ«r. L’accueil dans une Vienne alors occupĂ©e par les français, – NapolĂ©on règne sur l’Europe-, ne fut pas des plus chaleureux. Les raisons de cette Ă©chec restent conjectures. Beethoven sourd qui avait imposĂ© sa dĂ©cision de diriger « sa Leonore », fut-il un Ă©lĂ©ment fragilisant la crĂ©ation ? L’orchestre Ă©tait-il Ă  la hauteur de ses exigences?
Ainsi qu’il en est pour les Ĺ“uvres des gĂ©nies insatisfaits, Beethoven meurtri, demanda dès le lendemain de la première, Ă  Stephan von Breuning, de remanier le texte initial, de passer de trois Ă  deux actes, selon une formule efficace qui avait dĂ©jĂ  montrer ses avantages pour la Clemenza di tito de Mozart en 1791. Beethoven remanie aussi la partition, compose une nouvelle ouverture, aujourd’hui connue sous le nom d’ « ouverture Leonore III ». La première n’ayant jamais Ă©tĂ© jouĂ©e du vivant du compositeur, c’est la seconde version qui fut abordĂ©e lors de la crĂ©ation de 1805.
Avec l’ouverture Leonore III, son dĂ©coupage nouveau en deux actes, la nouvelle Leonore de Beethoven fut prĂ©sentĂ©e au public le 29 mars 1806. Succès immĂ©diat mais, obstacles ourdis par un destin contaire, Beethoven en brouille avec l’intendant du théâtre an der Wien qui affichait l’opĂ©ra, retira illico son Ĺ“uvre.

Version finale de 1814
Pour autant, le destin de Leonore n’était pas terminĂ©. Georg Friedrich Treitschke, sous-directeur du mĂŞme théâtre an der Wien en 1814, proposa Ă  Beethoven de remonter l’ouvrage. Et le compositeur de bonne volontĂ©, accepta de reprendre sa partition pour une troisième nouvelle version. “Cet opĂ©ra me vaudra la couronne des martyrs”, Ă©crit-il alors. RĂ©duction du texte de Sonnleithner, nouvelle ouverture en mi majeur, dite « Fidelio », nouvelle fin plus Ă©clatante, puisque les protagoniste chantent leur libĂ©ration non plus dans le cachot mais sur la place du château. L’hymne Ă  la lumière y est d’autant plus explicite que Beethoven rĂ©utilise pour l’air final une mĂ©lodie tirĂ©e de sa cantate composĂ©e en 1790 pour la mort de Joseph II. Un style oratoire clame la libĂ©ration du couple, et au delĂ , la libertĂ© des hommes tournĂ©s vers l’idĂ©al des Lumières.
Si la fidĂ©litĂ© est la valeur première cĂ©lĂ©brĂ©e dans l’œuvre, il en est de mĂŞme pour la chanteuse crĂ©atrice de la première Leonore en 1805 : Anna Midler chanta, presque dix ans plus tard, le rĂ´le-titre, lors de la recrĂ©ation de l’œuvre, le 23 mai 1814. L’opĂ©ra suscita enfin un vĂ©ritable triomphe.
Ludwig van Beethoven, Fidelio (1805-1814)
Opéra en deux actes sur un livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treischke d’après le mélodrame de Jean-Nicolas Bouilly « Léonore ou l’amour conjugual »

Salzbourg. Beethoven : Fidelio, les 4,7,10,13, 16, 19 août 2015. Avec Jonas Kaufmann, Pieczonka, Bezsmertna, König, Tézier. Welser-Möst, direction. Guth, mise en scène.

Paris : Jonas Kaufmann chante le Berlin des années 1920

cd sony classical kaufmann jonas2Paris, TCE. RĂ©cital Jonas Kaufmann, samedi 23 mai 2015, 20h. Du bist die Welt fĂĽr mich… AccompagnĂ© par l’orchestre de la radio bavaroise, le tĂ©nor vedette Jonas Kaufmann chante le programme de son dernier disque : une sĂ©lection de chansons et airs d’opĂ©rette du Berlin des AnnĂ©es Folles. Le diseur inspirĂ©, hallucinĂ© chez Schubert, le WagnĂ©rien subtil, le verdien bientĂ´t adulĂ©, articule Ă  Paris, la sensualitĂ© berlinoise dans un cycle d’airs dĂ©licieusement suaves propre Ă  l’insouciance des annĂ©es 1920.

 

 

Pour la rentrée 2014, le chanteur en style rétro, a pris le chemin du studio pour graver de nouveaux standards lyriques, non pas signés Verdi (comme l’a montré son remarquable récital discographique The Verdi album),  mais Lehar, Tauber, Kalman, Korngold ou Stolz, soit les auteurs actifs à Berlin, en vogue à l’époque des débuts du cinéma parlant…

Kaufmann en crooner berlinois des années 1920

jonas_kaufmann crooner berlin You mean the entire worlf to me cd sony classical You mean the entire worlf to meA l’instar du tube populaire qui donne son titre à l’album : Du bist die Welt für mich (Tu es le monde pour moi / You mean the entire world to me) de Richard Tauber, – une chanson souvent reprise en bis lors de ses récitals, Jonas Kaufmann a organisé son programme en collectionnant plusieurs standards restitués ici dans leur orchestration originale, remontant à la période 1925-1935. L’interprète diseur en or (chez Schubert entre autres), magicien du verbe incarné, remarquable acteur lyrique par son intériorité intimiste et puissante, sait ici ciseler l’arête expressive de chaque auteur, qu’on a tort de classer parmi les compositeurs mineurs, auteurs de musiques légères. Il retrouve ce legato mordant et très coloré que ses prédécesseurs, tels Fritz Wunderlich  ou Rudolf Schock, ont su avant lui affirmer, rendant au répertoire mésestimé, ses lettres de noblesse… Le programme évoque l’âge d’or de la chanson berlinoise propre aux années 1920 et 1930 dont l’insouciance raffinée contraste avec les événements politiques à venir. 
Au total 17 chansons et airs d’une sensualité ciselée où Jonas Kaufmann affirme davantage son intelligence vocale et dramatique, son sens du texte, son goût de la situation, son brio naturel pour la caractérisation émotionnelle.  Pour ce nouvel album, Jonas Kaufmann est rejoint par la soprano Julie Kleiter pour Abraham et Korngold ; ils sont accompagnés par les instrumentistes du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, dirigés par Jochen Rieder.

 

 

Paris, TCE. Récital Jonas Kaufmann, samedi 23 mai 2015, 20h. Du bist die Welt für mich..

Compte rendu, opĂ©ra. Poitiers. CinĂ©ma “le Castille”, le 29 janvier 2015; en direct du Royal Opera House de Londres. Giordano : Andrea Chenier opra en quatre acte sur un livret de Luigi Illica d’aprs la vie du poète AndrĂ© Chenier (1762-1794). Jonas Kaufmann, Andrea Chenier; Eva Maria Westbroek, Maddalena di Coigny, Zeljko Lucic, Carlo GĂ©rard…

Lorsqu’il compose Andrea Chenier en 1896, Umberto Giordano (1867-1948) ne pensait certainement pas que son opĂ©ra en quatre actes, inspirĂ© de la vie du poète français guillotinĂ© pendant la terreur, serait plus connu pour certains de ses arias plus que dans sa totalitĂ©. Pour cette nouvelle production le Royal Opera House a confiĂ© la mise en scène Ă   David McVicar, un habituĂ© de la scène lyrique londonienne,  et le rĂ´le titre au tĂ©nor allemand Jonas Kaufmann.

 

 

 

trop lisse esprit révolutionnaire au Royal Opera House mais

sidérant Chénier de Jonas Kaufmann

 

 

jonas kaufmann andrea chenier opera giordanoDavid McVicar qui nous a habituĂ©  à des mises en scène hors-normes comme par exemple Rigoletto oĂą il n’avait pas hĂ©sitĂ© Ă   introduire une courte scène sexuelle lors de la fĂŞte du duc de Mantoue ou Faust avec son cabaret L’Enfer, rĂ©alise lĂ  une mise en scène très, peut-tre trop, sage avec un premier acte terne Ă©trangement Ă  propice  l’endormissement. Les trois actes suivants  montrent une rĂ©volution française très Ă©dulcorĂ©e avec peu de mouvements de foules, aucun sans culottes et quasiment aucune chanson rĂ©volutionnaire sauf une carmagnole qui prĂ©cède de peu le procès de ChĂ©nier. Bien sĂ»r les costumes, les dĂ©cors et les lumières sont superbes mais il manque dans la mise en scène le brin de vie, voire l’accent de folie qui caractĂ©rise habituellement le travail de McVicar. Sur le plateau, la distribution est totalement dominĂ©e par l’Andrea de Jonas Kaufmann. Le tĂ©nor allemand qui effectuait une prise de rĂ´le s’est emparĂ© du personnage avec panache et profondeur faisant siens les sentiments contradictoires du rĂ´le titre. De sa voix particulière, rugueuse et ciselĂ©e Ă  la fois, l’artiste souligne toutes les audaces et les nuances psychologiques de la partition redoutable de Giordano; l’improvviso (Colpito qui m’avete  Un di all’azzuro spazio) au premier acte et Un bel di di maggio au quatrième sont interprĂ©tĂ©s avec Ă©lĂ©gance et intelligence.

Fine comdienne Eva Maria Westbroek  campe une Maddalena de Coigny à la fois provocatrice et sensuelle, sensible et aussi apeurĂ©e; mais vocalement la performance est inĂ©gale. Très Ă   l’aise dans le mĂ©dium, la soprano faillit cependant dans les extrĂ©mitĂ©s de la tessiture haute: ses aigus sont parfois tendus comme si, tĂ©tanisĂ©e par le dĂ©fi, Eva Maria Westbroek peinait Ă   se lâcher complètement; du coup l’aria de Maddalena “La mamma morta” manque de panache comme de souffle mĂŞme s’il est interprĂ©tĂ© avec un engagement mĂ©ritoire.

Le Carlo GĂ©rard de Zeljko Lucic, esprit vilain-, est certes vocalement un peu monochrome mais scĂ©niquement solide; si nous aurions apprĂ©ciĂ© d’Ă©couter un peu plus de nuances, notamment dans “Nemico della patria” chantĂ© de manière un peu brutale. NĂ©anmoins Lucic brosse un portrait touchant de Carlo dont l’amour pour Maddalena le fait changer de camp avec un certaine noblesse. Notons aussi la jolie Bersi de Denyce Graves et des comprimari intelligemment distribuĂ©s. Le choeur du Royal Opera House, bien prĂ©parĂ©, comme d’habitude, fait une prestation très honorable ; il aurait certainement pu mieux faire si David McVicar avait seulement Ă©tĂ© plus inspirĂ©.

Dans la fosse Antonio Pappano dirige l’orchestre du Royal Opera avec style. Il prend le chef d’oeuvre de Giordano à son compte travaillant en amont avec chacun, solistes, orchestre, choeur ciselant la partition avec la rigueur et la minutie qui le payent. Pendant toute la soirĂ©e,  Pappano, attentif Ă  ce qui se passe sur le plateau,  tient son orchestre d’une main ferme.  La tenue est dramatique et la direction soignĂ© l’impact expressif de chaque scène,  intimiste ou collective.

C’est, malgrĂ© une mise en scène trop sage, une production qui a le mĂ©rite de mettre en avant une oeuvre mĂ©connue dont seuls quelques airs ont imprimĂ© les mĂ©moires grâce, notamment, à Maria Callas qui contribua à sortir nombre d’oeuvres de l’oubli. L’immense succès de la soirĂ©e est en grande partie du Ă  un Jonas Kaufmann mouvant et rayonnant, vocalement très en forme; nĂ©anmoins les partenaires du tĂ©nor allemand ne dĂ©mĂ©ritent absolument pas tant ils s’engagent  pour la dĂ©fense d’une oeuvre qui gagne grandement  être davantage Ă©coutĂ©e.

 

 

Jonas Kaufmann, le plus grand tĂ©nor du monde !Poitiers. Cinma “le Castille”, le 29 janvier 2015; en direct du Royal Opera House de Londres. Umberto Giordano (1867-1948) : Andrea Chenier opĂ©ra en quatre acte sur un livret de Luigi Illica d’après la vie du poète AndrĂ© Chenier (1762-1794). Jonas Kaufmann, Andrea Chenier; Eva Maria Westbroek, Maddalena di Coigny, Zeljko Lucic, Carlo GĂ©rard; Denyce Graves, Bersi; Elena Zilio, Madelon; Rosalind Plowright, Contessa di Coigny; Roland Wood, Roucher; Peter Colman-Wright, Pietro Fleville; Eddie Wade, Fouquier-Tinville; Adrian Clarke, Mathieu; Carlo Bosi, L’incroyable; Peter Hoare, l’abbĂ©; Jrmy White, Schmidt; John Cunningham, Major Domo; Yuriy Yurchuk, Dumas. Orchestre du Royal Opera House, choeur du Royal Opera; Antonio Pappano, direction. David McVicar, mise en scène; Robert Jones, dĂ©cors; Jenny Tiramani, costumes; Adam Silverman, lumières.

 

 

 

Londres, Jonas Kaufmann chanter Andrea Chénier au Royal Opera House (janvier-février 2015)

kaufmann-jonas-580-594-une-actualites-Londres, ROH Covent Garden. Jonas Kaufmann chante Andrea Chénier. 20 janvier>6 février 2015. Une tragédie révolutionnaire : Révolution de 1789, Sans culottes et Tribunal de 1794, sans omettre Robespierre et l’époque de La Terreur à Paris, Umberto Giordano aborde ici une page passionnée et terrible de l’Histoire de France. En plus des rôles exigeants dévolus au poète André et Madeleine, l’opéra oblige à des seconds rôles (comprimari) tout autant percutants, articulés, crédibles : Andrea Chénier comme tous les opéras véristes est très proche du théâtre. C’est une nouvelle production très attendue associant le talent du metteur en scène David McVicar et le ténor éblouissant, grand félin dramatique, véritable diseur (chez Schubert), Jonas Kaufmann dans le rôle-titre. Le chef d’oeuvre de Giordano, qui ne connaîtra guère d’autre succès que celui-là, combine astucieusement grandes scènes collectives où résonnent les fureurs de la Révolution et de la Terreur de Robespierre, et l’ardente arabesque d’un amour contrarié, celui du poète Chénier et de l’aristocrate Madeleine de Coigny (rôle tenu à Londres par l’excellente Eva-Maria Westbroek). Soit autant d’arguments pour ne pas manquer à Londres, cette nouvelle production très attendue.

jonas kaufmann andrea chenier opera giordanoJonas Kaufmann, un parcours en or. Après ses grands rôles wagnériens (Lohengrin, Parsifal), après un époustouflant et si sensuel Bacchus chez Strauss (Ariadne auf Naxos), Jonas Kaufmann prépare bientôt son Otello verdien (un album discographique a déjà donné la mesure de son incarnation… légendaire à force de justesse et de profondeur). Le ténor munichois aime aussi passionnément le répertoire vériste : cet Andrea Chénier, héros romantique, a été précédé par son Maurice de Saxe dans Adrienne Lecouvreur de Cilea, autre immense génie de la scène lyrique vériste : Jonas Kaufmann y chantait l’amant de la tragédienne, une prise de rôle intense pour un acteur prêt à tous les défis (chanté aux côtés d’Angela Gheorghiou à Londres déjà en décembre 2010).

Giordano : Andrea Chénier
Du 20 janvier au 6 fĂ©vrier 2015 – 7 reprĂ©sentations
Londres, Royal opera House, Covent Garden

Andrea Chénier d’Umberto Giordano
créé à la Scala de Milan le 28 mars 1896

Synopsis et temps forts de la partition
les épisodes du drame à ne pas manquer

Acte I, au château de Coigny, juin 1789. La comtesse invite le poète André Chénier en présence de sa fille, Madeleine. Le valet Charles jette son tablier et démissionne annonçant un ordre social nouveau.

Acte II, à Paris, au café Hotto, juin 1794. 5 ans plus tard, c’est la Terreur. Le destin fait ses croiser les mêmes mais différemment : Chnéier reçoit la visite de Madeleine (duo d’amour), cependant que la valet Charles se bat en duel avec André : celui-ci fuit Paris et la foule avec sa bien aînée, Madeleine.
Acte III, devant le tribunal révolutionnaire, juillet 1794. Face à Charles Gérard, Madeleine tente de l’infléchir (la mamma morta) et de sauver André qui est arrêté sans ménagement et condamné à mort par Fouquier-Tinville
Acte IV, Prison de Saint-Lazare. Madeleine a rejoint André dans sa cellule. Charles tente d’obtenir de Robespeirre l’acquittement pour André mais celui-ci répond : « Même Platon bannit les poètes de la Répulbique ».

Visiter la page Andrea Chénier avec Jonas Kaufmann sur le site du ROH Covent Garden Londres

 

 

 

Organisez votre séjour opéra avec EUROPERA.COM

 

 

CD, coffret. Jonas Kaufmann : So great arias (4 cd Decca)

jonas_kaufmann_coffret so great ariasCD, coffret. Jonas Kaufmann : So great arias (4 cd Decca). BĂŞte de scène (il l’a confirmĂ© encore par ce chant irradiĂ©, fĂ©lin, sauvage, idĂ©alement dyonisiaque, dans la dernière production d’Ariane Auf Naxos – de surcroĂ®t dans sa version originelle de 1912, prĂ©sentĂ©e en 2012 au festival de Salzbourg : un inoubliable Ă©vĂ©nement s’il n’était la direction certes fluide mais dĂ©sincarnĂ©e et peu subtil de Daniel Harding). Mais ce charisme tendu, viril, Ă©rotique qui passe dans le fil d’une voix animale demeure le plus grand apport sur la scène musicale et lyrique au carrefour des deux siècles. Decca réédite en un coffret incontournable la quintessence d’un  chant investi, affinĂ©, subtil, celui  d’un immense interprète fin et intense, au timbre cuivrĂ© toujours Ă©poustouflant. VĂ©risme, wagnĂ©risme, chambrisme aussi en diseur schubertien (de première classe pour les lieder rĂ©cemment, mais aussi dĂ©jĂ  audacieux pour l’une de ses premières apparitions sur scène dans Alfonso und Estrella, l’opĂ©ra oubliĂ© de Schubert et que l’OpĂ©ra de Zurich remontait avec justesse…). Sa franchise scĂ©nique, son autoritĂ© vocale, son Ă©loquence nuancĂ©e qui en font un superbe Lohengrin, un Ă©tonnant Parsifal, embrasĂ©, spirituel, fraternel et Ă©loquemment lĂ  encore compatissant chez Wagner, et aussi Ă©videmment, un Ă©tonnant Florestan pour le Fidelio de Beethoven.

CLIC D'OR macaron 200A Zurich, comme Bartoli, Jonas Kaufmann, en artisan, a pu colorer, et ciseler un chant filigrané jamais couvert par le chef : la fosse complice permet ici au chanteur d’articuler plutôt que  de projeter comme un porte voix : le caractère et l’intention plutôt que le volume à tout prix. La largeur et la richesse harmonique naturelle dans le registre médian feront de lui certainement comme Placido Domingo, après de nouveaux accomplissement en heldentenor, le grand baryton de demain. Mais pour l’heure sachez savourer ce talent délectable qui se dédie pour le moment aux grands rôles romantiques et véristes, de Verdi à Wagner et passant le temps d’un programme intitulé « verismo arias », par Zandonai, Cilea (Adriana Lecouvreur qu’il a chanté sur scène avec « La Georghiu »), Leoncavallo, surtout Arrigo Boito (superbe Mefistofele) et en particulier Giordano dans un non moins excellent et si ardent Andrea Chénier.

4 récitals Jonas Kaufmann : JK, le ténor divin

En 2014, Jonas Kaufmann, né munichois en 1969, a la quarantaine radieuse : son palmarès est remarquablement réalisé, dont l’intelligence des choix nous touche totalement. Pour se reposer de tant de prises de rôles en particulier verdiens (il nous annonce un prochain Otello étonnant, crépusculaire et furieusement shakespearien, déjà amorcé dans son album Sony classical intitulé sobrement mais intensément « Verdi Album »), le grand Jonas qui sait prendre le recul et le temps nécessaires, approfondit l’univers allusif, évocateur, murmuré du lied Schubertien avec le pianiste Helmut Deutsch (plusieurs albums sont également parus chez Sony classical).

Aujourd’hui passé de Decca / Universal à Sony classical, le divin ténor joue les oeillades plus légères sur le ton du crooner berlinois des années 1920 : détente, allègement dramatique, cure de dédramatisation lyrique vers la comédie légère non moins investie… on lui pardonne si c’est pour mieux revenir aux incarnations scéniques déjà attendues. Le disque vient de sortir à l’automne 2014 sous le titre : Du bist die Welt für mich (Tu es le monde pour moi / You mean the entire world to me) d’après Richard Tauber : une déclaration amoureuse personnelle ?

Kaufmann jonas cd sony du bist die weltPour revivre le grand frisson, voici donc en un coffret de 4 cd (avec pochettes d’origines et un livret notice réécrit commun aux quatre), l’incomparable, l’inégalable « JK » : Romantic arias (cd1, 2007) souligne combien son soleil à lui est noir, d’une incandescente finesse, comme a contrario, celui de Pavarotti était lumineux et étincelant… Chez Massenet : voici Werther et DesGrieux en force et en grâce, le suicidaire et fauve José (Carmen), et Faust chez Berlioz (invocation à la nature de La Damnation) ; puis en 2008 (cd2), un programme germanique (Mozart, Schubert, Beethoven, Wagner) en des hauteurs orfèvres grâce aussi à la direction scintillante transparente de Claudio Abbado et du Mahler chambre orchestra, entre autre pour son Siegmund de La Walkyrie réellement anthologique) ; virage en 2010 en italien avec « Verismo arias » (cd3), qui révèle et souligne l’intensité de l’acteur ; enfin  (cd4), figurant en couverture de son récital Wagner, tel un bad boy, inspiré par un sombre et romantique dessein, JK éblouit tout autant par un programme d’une cohérence absolue enchaînant des rôles taillés pour son métal humain, âpre, passionné ett toujours magnifiquement, supérieurement articulé : le Schwert monolog de La Walkyrie, Siegfried, Rienzi, Tannhaüser, Lohengrin et au sommet d’une musicalité tendre et enivrée, les 5 Wesendonck lieder, dont le dernier Traüme plonge dans les langueurs du poison émotionnel conçu par Wagner au delà de nos attentes. ne serait ce que par ces 4 disques là, le génie vocal du plus grand ténor actuel nous est révélé. Coffret lyrique indispensable.

CD, coffret. Jonas Kaufmann : So great arias (4 cd Decca)

CD. Jonas Kaufmann en crooner 1920 : nouveau programme Du bist die Welt für mich (1 cd Sony classical, à paraître le 15 septembre 2014)

jonas_kaufmann crooner berlin You mean the entire worlf to me cd sony classical You mean the entire worlf to meCD. Jonas Kaufmann en crooner 1920 : nouveau programme Du bist die Welt für mich (1 cd Sony classical, à paraître le 15 septembre 2014). Vous le connaissiez wagnérien (Siegmund, Tannhaüser, Parsifal…), le voici en crooner des années 1920 à Berlin. Le ténor vedette munichois, Jonas Kaufmann publie chez Sony un nouveau disque événement à paraître le 15 septembre 2014. Face à un micro savamment choisi pour l’occasion, le visuel de couverture ne laisse pas indifférent : le chanteur en style rétro, a pris le chemin du studio pour graver de nouveaux standards lyriques, non pas signés Verdi (comme l’a montré son remarquable récital discographique The Verdi album),  mais Lehar, Tauber, Kalman, Korngold ou Stolz, soit les auteurs actifs à Berlin, en vogue à l’époque des débuts du cinéma parlant…

Kaufmann en crooner berlinois des années 1920

A l’instar du tube populaire qui donne son titre Ă  l’album : Du bist die Welt fĂĽr mich (Tu es le monde pour moi / You mean the entire world to me) de Richard Tauber, – une chanson souvent reprise en bis lors de ses rĂ©citals, Jonas Kaufmann a organisĂ© son programme en collectionnant plusieurs standards restituĂ©s ici dans leur orchestration originale, remontant Ă  la pĂ©riode 1925-1935. L’interprète diseur en or (chez Schubert entre autres), magicien du verbe incarnĂ©, remarquable acteur lyrique par son intĂ©rioritĂ© intimiste et puissante, sait ici ciseler l’arĂŞte expressive de chaque auteur, qu’on a tort de classer parmi les compositeurs mineurs, auteurs de musiques lĂ©gères. Il retrouve ce legato mordant et très colorĂ© que ses prĂ©dĂ©cesseurs, tels Fritz Wunderlich  ou Rudolf Schock, ont su avant lui affirmer, rendant au rĂ©pertoire mĂ©sestimĂ©, ses lettres de noblesse… Le programme Ă©voque l’âge d’or de la chanson berlinoise propre aux annĂ©es 1920 et 1930 dont l’insouciance raffinĂ©e contraste avec les Ă©vĂ©nements politiques Ă  venir. cd sony classical kaufmann jonas2Au total 17 chansons et airs d’une sensualitĂ© ciselĂ©e oĂą Jonas Kaufmann affirme davantage son intelligence vocale et dramatique, son sens du texte, son goĂ»t de la situation, son brio naturel pour la caractĂ©risation Ă©motionnelle.  Pour ce nouvel album, Jonas Kaufmann est rejoint par la soprano Julie Kleiter pour Abraham et Korngold ; ils sont accompagnĂ©s par les instrumentistes du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, dirigĂ©s par Jochen Rieder.

 

1 cd Sony classical à paraître le 15 septembre 2014.  Prochaine grande critique dans le mag cd de classiquenews.com

La Force du destin de Verdi sur Arte, ce soir. 22h20

arte_logo_2013tezier kaufmannARTE, ce soir, 22h20. Verdi: La force du destin en direct de Munich. La distribution promet vocalement un grand moment : Jonas Kaufmann, Anja Harteros et Ludovic TĂ©zier dans les rĂ´les respectifs des amants maudits fugitifs (Alvaro et Leonoara) et de celui qui les pourchasse, Carlo, le frère de Leonora. On peut certes ĂŞtre sceptique quant Ă  la complexitĂ© du livret d’après le roman alambiquĂ© de Guttierès. Mais Le traitement musical que dĂ©veloppe Verdi sème la tempĂŞte et des vertiges irrĂ©sistibles dans le cĹ“ur des protagonistes. Créé fin 2013 Pour l’annĂ©e Verdi, cette production mise en scène Ă  l’OpĂ©ra de Munich par Martin Kusej accumule les dĂ©calages et les relectures provocantes qui n’aident en rien la lisibilitĂ© de l’action passablement compliquĂ©e. N’empĂŞche, l’engagement de Jonas Kaufmann qui se dĂ©die depuis plusieurs annĂ©es pour Verdi (après avoir incarnĂ© Wagner de façon remarquable : Lohengrin, Parsifal…) Ă©lève le niveau du spectacle…  RĂ©alisĂ© par Thomas Grimm (Allemagne, 150mn)… En lire + 

 

Verdi : La Forza del Destino
En direct de l’Opéra de Munich. Arte, ce soir à partir de 22h25.

 

Avec Anja Harteros, Vitalij Kowaljow, Ludovic Tézier, Jonas Kaufmann, Nadia Krasteva, Renato Girolami, Heike Grötzinger, Christian Rieger, Francesco Petrozzi, Rafal Pawnuk
Costumes : Heidi Hackl
Chœur : Chor der Bayerischen Staatsoper
Orchestre : Bayerisches Staatsorchester. Asher Fisch, direction.
Metteur en scène : Martin Kusej

 

 

 

 

Jonas Kaufmann (Alvaro) chante La Force du Destin sur Arte

kaufmann_448_jonas_kaufmannArte. Verdi : La Force du destin. Lundi 28 juillet 2014, 22h20. Créée fin 2013 pour couronner l’année Verdi  et toujours au répertoire du Bayerische Staatsoper,  la mise en scène très contemporaine de  l’Autrichien Martin Kušejse détache du chant rayonnant ciselé du ténor germanique  Jonas Kaufmann (Don Alvaro) : le chanteur donne chair et sang à son personnage d’amant maudit, pourchassé par le frère (Carlos) de celle qu’il a osé aimer puis à laquelle il a du renoncer.  Aux côtés de Jonas Kaufmann, Anja Harteros (Donna Leonora) et Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas).

tezier kaufmannNotre avis. Dire que le tempérament provocateur et souvent abonné à la laideur exhibitionniste de Martin Kusej agace systématiquement est un pléonasme … que confirme cette nouvelle production de Munich, l’ultime d’un rayonnement international, dédiée à l’année Verdi 2013.  Mais les directeurs de salles apprécient et favorisent même l’aiguillon des mises en scène décalées « branchées », à croire que pour eux une bonne distribution ne suffit pas. Car ici, le plateau regroupe du très bon voire du lourd. Le frère vengeur est un maffieux brut ; les religieux du II ont des mines de convertis sectisés ; et le fond historique des guerres alentour rappelle nos fronts barbares des terreurs terroristes. L’emblème de Kusej ? une horde de figurants en slip, trempant leurs membres désarticulés dans l’eau ou la terre… bien sûr. On y échappe ici.

forza del destino verdi munich kaufmann harteros verdiAnja Harteros, partenaire familière de Kaufmann chez Wagner (Elsa de Lohengrin) retrouve l’intensitĂ© franche de sa Leonora (du Trouvère) : sa jumelle Leonora de La Force convainc par son style et son incarnation, tout en finesse. Parfois trop mesurĂ©e pour un tempĂ©rament fĂ©minin portĂ© Ă  l’exaltation. Jonas Kaufmann souffle une fièvre ailĂ©e dans le personnage d’Alvaro (surtout dans l’intensitĂ© sanguine du I, plein de rebondissements et d’actions) : l’amoureux insatisfait, terrassĂ© comme sa maĂ®tresse par le poids de la culpabilitĂ©, est très engagĂ© vocalement et physiquement ; il fait de ses confrontations (trois duos colorĂ©s, caractĂ©risĂ©s, ici idĂ©alement contrastĂ©s) avec le frère de Leonora (Ludovic TĂ©zier, Ă©lĂ©gant et parfois trop raide), un choc de … titans, du moins de passions fortes contraires. Notre baryton français (TĂ©zier) reste exactement dans la ligne que nous lui connaissons : beautĂ© du chant et droiture souvent gauche sur le plan scĂ©nique. Mais ce n’est pas Kusej, directeur d’acteurs inconsistant, qui peu l’aider. La production  brille d’autant plus  vocalement que les seconds plans sont irrĂ©prochables (Preziosilla lascive en diable de Nadia Krasteva : Melitone, chant parfait de Renato Girolami, mais lĂ  encore, Kusej n’a eu aucune idĂ©e pour ce vrai rĂ´le comique et bouffon). Dommage que la direction d’Asher Fisch auquel nous devons chez Melba un Ring soyeux et dramatiquement soignĂ©, reste continĂ»ment monotone, comme dĂ©simpliquĂ©e.

 

Verdi : La Forza del Destino
Réalisé par Thomas Grimm (Allemagne, 150mn)

Avec Anja Harteros, Vitalij Kowaljow, Ludovic Tézier, Jonas Kaufmann, Nadia Krasteva, Renato Girolami, Heike Grötzinger, Christian Rieger, Francesco Petrozzi, Rafal Pawnuk

Chœur : Chor der Bayerischen Staatsoper
Orchestre : Bayerisches Staatsorchester
Chef d’orchestre : Asher Fisch
Metteur en scène : Martin Kusej
Costumes : Heidi Hackl

 

Compte rendu, récital. Toulouse. Halle aux Grains, le 7 mai 2014. Felix Mendelssohn (1809-1847): Symphonie pour cordes n°10; Gustav Mahler (1860-1911) : Lieder eines fahrenden Gesellen; Richard Strauss (1864-1949): Sextuor extrait de Capriccio; Arnold Schoenberg (1874-1951) : La nuit transfigurée, op.4; Jonas Kaufmann, ténor. Kammerorchester Wien-Berlin.

kaufmann_448_jonas_kaufmannUn étrange  marketing diffuse la publicité de ce concert (première à Toulouse d’une tournée) sur le nom de Jonas Kaufmann et quelques uns ont été surpris de ne pas assister à un classique récital du célèbrissime ténor. Le programme ne comprend qu’une oeuvre vocale et assez courte mais le cycle des Lieder eines fahrenden Gesellen est une oeuvre si particulière et si rare qu’elle comble les amateurs de beau chant à défaut de ravir les amateur de voix. Certes le moment fort du concert restera l’interprétation historique de ce groupe de lieder par l’un des ténors les plus musiciens de l’histoire du chant. Mais il a su s’entourer d’un orchestre proche de l’idéal qui sertit ce cycle des chants d’un compagnon errant, devenant le joyaux du concert, enchâssé dans des oeuvres orchestrales choisies avec art.

La splendide musicalité germanique est ici irrésistible

Mendelssohn ouvre le concert avec un seul mouvement d’une symphonie pour cordes. Cela permet de proposer une atmosphère romantique, sombre d’humeur et lumineuse de structure qui laisse pantois. Les musiciens en des sonoritĂ©s somptueuses et voluptueuses, dĂ©veloppent une sensibilitĂ© musicale des plus stupĂ©fiantes. Coupant le souffle, les premières notes de lâ€adagio provoquent une Ă©coute et une concentration du public quasi instantanĂ©e qui ne se relâchera pas.

Immédiatement la certitude d’être en face de musiciens d’exception enchante. Les cordes des deux orchestres les plus aimés du public et de la discographie : les Philharmonies de Vienne et de Berlin réunies dans cet ensemble, démultiplient leurs qualités. La texture des cordes est incroyablement soyeuse et brillante sans agressivité mais avec panache. Les plus belles qualités des deux orchestres sont comme magnifiées. Phrasés aristocratiques, nuances très profondes et couleurs irisées font de ces musiciens réunis une sorte de quintessence de légato et d’énergie.

La Nuit transfigurée de Schoenberg, dans l’orchestration du compositeur, sonne comme un hymne hédoniste à l’intelligence et la beauté dans une relation fusionnelle. Ce mouvement unique emporte le public dans les émotions vertigineuses des poèmes si morbides et sublimes de Richard Dehmel, Verklärte Nacht. La perfection de la technique est mise au service d’une interprétation tenue et impressionnante qui recrée l’émotion par l’admiration. Jamais il ne m’a été donné d’entendre et de ressentir une telle sécurité dans les possibilités expressives d’un orchestre de cordes. L’écoute et la fusion des timbres est celle de musiciens de chambre et l’ampleur des sonorités de pupitres est digne de grandes formations symphoniques. Des qualités qui semblent opposées sont ce soir entremêlées dans un véritable vertige.

Seul le sextuor de Capriccio de Richard Strauss joué par tout l’orchestre est un peu trop « énorme » pour toucher au même niveau. Un son toujours aussi parfait, mais « Kolossal », démultiplie une oeuvre d’inspiration rococo qui en perd son intimité constitutionnelle.

On comprend  que de tels interprètes ne peuvent en aucun cas être « accompagnateurs » ou « faire valoir »  d’un chanteur. C’est donc en musicien que Jonas Kaufmann rejoint ces artistes de haut lignage. Le ténor Allemand qui fait siens les rôles wagnériens comme peu l’ont fait, est tout à son aise dans la tessiture de ce cycle si particulier. Mahler a lui même écrit les poèmes et touché par une déception amoureuse y inscrit entre les lignes et les notes sa propre souffrance d’amoureux meurtri. L’autodérision un peu morbide de ce cycle est une gageure à relever. Prendre au pied de la lettre ces plaintes les rendent ridicules. Trop de distance détruit leur profonde mélancolie. Une voix seulement belle ne touche pas assez, un souffle court détruit les lignes, des notes trop tendues cassent le côté moribond de certaines mélodies. La familiarité du ton exige une grande complicité avec le public tandis que la mort suggérée à la fin doit être comme lointaine et irréelle cachée sous la splendeur sensuelle du tilleul. Jonas Kaufmann et les musiciens viennois et berlinois, augmentés de claviers, vents et percussions comprennent toute la subtilité de ce cycle et leur connivence totale leur permet d’en offrir une interprétation inoubliable.

D’une voix de velours, fragile en des demi teintes crépusculaires, des couleurs morbides et des pianissimi aériens comme suspendus et dans le timbre, Jonas Kaufmann utilise sa fabuleuse technique pour faire de sa voix un instrument de pure poésie. La clarté de la dicton, l’intelligence rythmique, et la sensibilité romantique permettent d’aller au plus loin du sens de ce cycle de lieder. On reste sans capacité de commentaire devant une telle adéquation entre les moyens instrumentaux, vocaux, artistiques. Un voyage inoubliable avec la poésie tourmentée de cet amoureux meurtri. Le public fait comme il se doit une ovation a de tels interprètes et Jonas Kaufmann offre deux bis. Une interprétation élégiaque et désespérée de Traüme, l’étude pour Tristan que Wagner a inclus dans ses Wesendonck Lieder. Vocalement le ténor distille des nuances pianos sensuelles tout en déployant un peu plus son timbre capable de chaleur. C’est dans son bis, le fabuleux Zueignung de Richard Strauss, que le développement du timbre prend toute son ampleur dans ce grand arc vocal qui se termine sur un magnifique fortissimo. Le ténor revient à sa voix d’opéra large et projetée sans abandonner un instant cette intelligence du texte de liedersänger.

Un fabuleux concert dans lequel des artistes au talent musical exceptionnel se sont mis au service du grand répertoire germanique depuis le romantisme le plus pur de Mendelssohn à la marge de l’atonalité avec Schoenberg, en magnifiant Mahler.

Grâce au cycle «  Grands Interprètes », les Toulousains ont eu la primeur de cette tournée de concerts qui fera date !

DVD. Gounod : Faust (Nézet Séguin, Kaufmann, 2011)

Gounod faust kaufmann pape decca dvdMetropolitan Opera de New York, 2011. Aux cĂ´tĂ©s de ses Siegmund, Werther, Lohengrin et rĂ©cemment Parsifal (sur la mĂŞme scène new yorkaise en 2013), le Faust de Jonas Kaufmann irradie d’une vĂ©ritĂ© superlative grâce Ă  une intelligence des phrasĂ©s, particulièrement dĂ©lectable. Fin, possĂ©dĂ© par une angoisse sourde, le philosophe dĂ©sespĂ©rĂ© au dĂ©but qui veut croire encore Ă  la beautĂ© de la vie et l’illusion de l’amour trouve dans le tĂ©nor munichois, un visage, une prĂ©sence, une sensibilitĂ© … souverains. Quel chanteur ! MĂŞme si le français n’a pas la clartĂ© immĂ©diate de ses prĂ©dĂ©cesseurs parmi les plus marquants (dont Alagna), Kaufmann s’affirme par l’opulence de son timbre sombre d’une infinie langueur. A ses cĂ´tĂ©s, le Mephisto de RenĂ© Pape, est certes puissant et trempĂ© mais… rien que routinier. Les Valentin (Russel Braun) et SiĂ©bel (Michèle Losier), corrects. Face Ă  ce tableau viril, globalement convaincant, que vaut l’hĂ©roĂŻne, icĂ´ne romantique ? HĂ©las, la Marguerite de Marina Poplavskaya ne tient pas la route : d’autant que comparĂ© Ă  la prestation de son partenaire munichois, son chant reste imprĂ©cis, dĂ©jĂ  inintelligible, mais surtout stylistiquement poussiĂ©reux et archaĂŻque. C’est le maillon faible qui ternit le niveau musical de la production.
Dans la fosse new yorkaise, Yannick NĂ©zet SĂ©guin cisèle le romantisme flamboyant d’une partition Ă  juste titre mythique. Dommage que la mise en scène soit elle aussi sans idĂ©e, sans relief, sans aucune intelligence dramatique. Disposant d’un tel tĂ©nor, avec les moyens du Met, on avait pensĂ© qu’une toute autre rĂ©alisation, plus exigeante scĂ©niquement, fut possible.

Gounod : Faust. Jonas Kaufmann, RenĂ© Pape… Yannick NĂ©zet SĂ©guin. Enregistrement rĂ©alisĂ© au mettropolitan de New York en 2011. 1 dvd Decca 074 3811.

DVD. Wagner : Parsifal (Kaufmann, Mattei, Pape, Gatti, 2013)

Parsifal Jonas KaufmannDVD. Wagner : Parsifal (Kaufmann, Mattei, Pape, Gatti, 2013). De toute Ă©vidence, dans le rĂ´le-titre, le tĂ©nor Jonas Kaufmann (44 ans en 2014) poursuit l’une des carrières wagnĂ©riennes les plus passionnantes : superbe Siegmund au disque (Decca), Ă©blouissant Lohengrin Ă  Bayreuth, son Parsifal new yorkais touche par sa sobriĂ©tĂ©, sa musicalitĂ© envoĂ»tante qui dĂ©voile l’intense et juvĂ©nile curiositĂ© du jeune homme enchanteur, qui tournĂ© vers l’Autre, assure l’avènement du miracle final. Le munichois nĂ© en 1969 incarne un hĂ©ros habitĂ© par un drame intĂ©rieur, tragĂ©dien et humain, celui qui recueille et Ă©prouve la malĂ©diction de l’humanitĂ© pour la sauver…. par compassion, maĂ®tre mot de la dernière partition de Wagner.

 

 

La perfection au masculin

 

CLIC_macaron_2014Il y a toujours chez le compositeur et particulièrement dans Parsifal le poids d’un passĂ© immĂ©morial qui inflĂ©chit le profil psychique de chaque personnage. Le seul affranchi d’un cycle de malĂ©dictions fatales reste le pur Parsifal, l’étranger, l’agent de la mĂ©tamorphose espĂ©rĂ©e, ultime. La production du Met a Ă©tĂ© créée en 2012 Ă  Lyon (coproduction). Peter Gelb en poste depuis 2006 l’intègre au Met dans une distribution assez Ă©poustouflante et certainement mieux chantante et plus cohĂ©rente que celle française. Ni trop chrĂ©tienne ni trop abstraite, la mise en scène de François Girard reste claire, sans en rajouter, centrĂ©e sur la possibilitĂ© pour chacun – pourtant dĂ©truit ou rescapĂ© (Amfortas, prĂŞtre ensanglantĂ© et mourant qui agonise sans cicatriser ; Klingsor qui a renoncĂ© Ă  l’amour pour dĂ©truire et manipuler (Evgeny Nikitin assez terne) ; Kundry la vĂ©nĂ©neuse, pĂŞcheresse Ă©reintĂ©e en quĂŞte de salut…, de renaĂ®tre.

Katarina_Dalayman_Rene_Pape_Jonas_Kaufmann_Parsifal_2013_MET_Francois_Girard_wagner_KonigEfficace, la direction de Daniele Gatti sait imprimer le sens du rythme dramatique sauf au II oĂą malgrĂ© la puissance sauvage et sensuelle Ă  l’œuvre, la baguette Ă©tire au risque de diluer. Il est vrai que, – hier Ă  Bastille Brunnhilde un peu courte, Katarina Dalayman accuse une sĂ©rieuse Ă©troitesse Ă©motionnelle et langoureuse en Kundry : on reste comme Parsifal Ă©tranger Ă  sa froideur voluptueuse. Elle est, avec Nikitin trop prosaĂŻque et rustaud, le maillon faible du plateau. MĂŞme les filles fleurs sont tout sauf Ă©nigmatiques et sensuelles, … une mĂŞlĂ©e de glaçons bien ordinaires.
Les hommes en revanche sont… parfaits. René Pape familier du rôle et sur les mêmes planches métropolitaines offre son dernier Gurnemanz, racé, articulé, nuancé : un modèle dont on ne se lasse guère. Déjà honoré et salué pour un Onéguine fabuleux et un Don Giovanni non moins ardemment défendu, Peter Mattei décroche lui aussi la timbale d’or : son Amfortas exprime le désarroi d’une âme perdue, déchirée, anéantie et même le Titurel de Runi Brattaberg emporte l’adhésion par sa noblesse sans chichi : une humanité souterraine qui sait chanter sans schématiser ni caricaturer. Quels chanteurs !

Wagner : Parsifal. Jonas Kaufmann : Parsifal. René Pape : Gurnemanz. Peter Mattei : Amfortas. Katarina Dalayman : Kundry. Metropolitan Opera Orchestra and Chorus / Daniele Gatti, direction. Mise en scène : François Girard. Enregistrement live réalisé au Metropolitan Opera de New York en février 2013. 2 dvd Sony classical / Sony 88883725729

 

CD. Schubert : Winterreise (Kaufmann, Deutsch, 2013)

winterreise_jonas_kaufmann_sony-classical_helmut-deutsch-cdCLIC D'OR macaron 200CD. Schubert : Winterreise (Kaufmann, Deutsch, 2013). La frontière entre baryton et tĂ©nor est tĂ©nue ici et dĂ©voile pour le plus grand tĂ©nor actuel , Jonas Kaufmann, des trĂ©sors de nouvelles nuances et d’Ă©clats sertis dans le plus beau mĂ©tal vocal. Le diseur Ă©gale ses aĂ®nĂ©s, tĂ©nors et barytons, par le sens du verbe ; un verbe magicien qu’il Ă©claire d’une faille pudique, d’une blessure qui s’exprime sans jamais s’exhiber. Le cri dĂ©chirant surgit tel un glaive magnifiquement acĂ©rĂ© au comble du dĂ©sespoir. Le style, la musicalitĂ©, la richesse du timbre, les teintes fauves et introspectives d’un acteur nĂ© traverse chacune des 24 sĂ©quences. Ici tragĂ©dien embrasĂ©, heldentenor certes, surtout prophète d’une mĂ©lancolie naturellement musicale qui chante l’impuissance, l’extase, l’errance d’un voyage vĂ©cu jusqu’aux trĂ©fonds des viscères. Le chant de Jonas Kaufmann, superbement chambriste, n’est pas seulement musical et hĂ©doniste, il incarne d’autant mieux qu’il sait se mesurer, contrĂ´ler. Le piano plutĂ´t que le forte, est son arme la plus efficace.

le dernier cd de Jonas Kaufmann est un sommet schubertien

Grâce schubertienne

A contrario de bien des confrères qui vocifèrent sans phraser, incapable de tenir une ligne, Jonas Kaufmann, ailleurs superbe wagnĂ©rien, et rĂ©cemment pour le disque en un rĂ©cital de toute beautĂ©, verdien inoubliable, illumine Schubert et son mystère indicible qui pourtant ne pourrait ĂŞtre exprimĂ© sans le verbe vocal. Inutile de tourner autour du pot, ce rĂ©cital en studio est un nouvel accomplissement absolu du tĂ©nor allemand. Sa capacitĂ© Ă  rĂ©inventer tout le cycle avec une intensitĂ© liĂ© Ă  l’investissement dans l’instant reste Ă©poustouflant. Le piano complice d’Helmut Deutsch (qui a prĂ©cĂ©demment jouĂ© avec Kaufmann, le cycle du Winterreise en concert), partenaire des plus grands, ajoute Ă  la valeur de l’enregistrement : voici un Schubert qui n’a jamais mieux respirĂ©, ni mieux coulĂ© comme une caresse sombre et tragique, d’un artiste Ă  l’autre. Un Schubert rĂ©inventĂ© tel qu’on n’osait plus en rĂŞver. N’Ă©coutez qu’un seul lied : la plage 5 : Der Lindebaum (Le tilleul) : une invitation palpitante, racĂ©e … un appel Ă  la plus grande paix de l’âme. Du très grand art. Evidemment l’album Schubert de Jonas Kaufmann est un immense coup de cĹ“ur de Classiquenews.com en fĂ©vrier 2014.

Franz Schubert : Winterreise D911. Joans Kaufmann, ténor. Helmut Deutsch, piano. Enregistrement réalisé à Grünwald (Allemagne) en octobre 2013. 1 cd Sony classical 88883795632

Arte. Jonas Kaufmann chante Beethoven, Weber, Wagner

kaufmann_448_jonas_kaufmannArte. Jonas Kaufmann chante la sensucht : Beethoven, Schubert, Wagner. Le dimanche 9 fĂ©vrier 2014, 18h30. Maestro cĂ©lèbre le talent du plus grand tĂ©nor actuel : Jonas Kaufmann. Il a dĂ©butĂ© dans Fierrabras de Schubert sous la direction de Claudio Abbado, et dĂ©jĂ  cet expressivitĂ© ardente et fiĂ©vreuse au service du mot, sans excès pathĂ©tique, sans enflure théâtrale : uns posture concentrĂ©e sur l’intĂ©rioritĂ© naturellement musicale du chant ; en quelques annĂ©es, le tĂ©nor a chantĂ© tout le rĂ©pertoire romantique allemand, il lui reste encore le lied Ă  parcourir mais avant il est passĂ© par plusieurs incarnations de poids et de choc : chez Wagner, Lohengrin puis Parsifal et depuis peu, pour son nouveau label Sony classical, Verdi dont on attend prochainement après un rĂ©cent Don Carlo,  Otello frappĂ© par l’intelligence et l’intensitĂ© dramatique. Arte diffuse un rĂ©cital germanique oĂą Jonas Kaufmann incarne Siegmund (La Walkyrie de Wagner), mais aussi Fidelio de Beethoven et Oberon de Weber. Style flexible et sincère, virilitĂ© sombre et subtile : il n’y pas un tĂ©nor aujourd’hui qui Ă©gale le tempĂ©rament de Jonas Kaufmann. RĂ©cital Ă©vĂ©nement.

arte_logo_175Rediffusion le 14 février 2014 à 5h10.

Jonas Kaufmann : The Verdi album (Sony)

CD. Jonas Kaufmann: The Verdi Album. EnregistrĂ© pour son nouveau label, Sony classical, en mars 2013 Ă  Parme (Italie), ce rĂ©cital Verdi affirme le talent inĂ©galable aujourd’hui de l’immense tĂ©nor munichois, Jonas Kaufmann. AU crĂ©dit de ce programme Ă©blouissant pas moins de … 11 premières pour le disque. C’est l’interprète qui le prĂ©cise, documentant dans le livret chacun des rĂ´les prĂ©sentĂ©s.
La couleur et le timbre si repĂ©rables, d’un grave et d’une intensitĂ© essentiellement romantique, s’allient Ă  une rare intelligence dramatique qui couplĂ©e Ă  l’expertise d’un diseur, produit in fine cet abattage incarnĂ© d’une finesse inouĂŻe.

 

 

CD coup de coeur
Récital Verdi de Jonas Kaufmann

Jonas Kaufmann, ténor verdien au sommet

 

Jonas_Kaufmann_verdi_ album_Sony classicalA priori on ne l’espĂ©rait pas chez Verdi mais la conduite de la ligne (Radamès), le contrĂ´le des pianissimi (mĂŞme Radamès), l’accentuation ciselĂ©e de chaque mot, l’Ă©tonnante flexibilitĂ© des nuances et accents renouvellent de bien des façons notre approche des rĂ´les concernĂ©s : exactement comme son prĂ©dĂ©cesseur Jon Vickers, Kaufmann rĂ©gĂ©nère aujourd’hui la comprĂ©hension et l’approfondissement dramatique de chaque rĂ´le investi : Kaufmann serait-il en passe (lire ensuite) de renouveler le rĂ´le d’Otello comme l’avait fait son royal aĂ®nĂ© ?

Les rôles pour ténor verdien sont ici parfaitement défendus dans un programme équilibré ... : des courts mais expressifs Duc de Mantoue (Rigoletto) et Radamès (Aida) aux caractères ambitieux, aussi dramatiques que vocaux tels Don Carlo, Alvaro (La force du destin), et bien sûr Otello.
Mais son souci du verbe et le raffinement des intentions tĂ©nues du texte sont tout autant remarquablement ciselĂ©s pour Gabriele (Simon Boccanegra) et en particulier un Rodolfo sanguin, tragique, tout Ă  fait schillĂ©rien (Luisa Miller)…

A quoi tient le miracle Kaufmann ? Sa technique vocale est mise au service d’un jeu dramatique d’une exceptionnelle acuitĂ©. Il exprime toutes les failles et les blessures Ă  peine tues puis l’allant d’un dĂ©sir irrĂ©pressible qui Ă©treignent l’esprit de Riccardo (Un Bal masquĂ©) ; du Trouvère (Trovatore), sa fĂ©linitĂ© en filigrane, Ă  la fois mordante et tendre Ă©blouit et embrase le caractère entier et passionnĂ© de Manrico (quel tempĂ©rament et quelle Ă©vidence …) ; notre prĂ©fĂ©rence va Ă©videmment Ă  son Rodolfo (Luisa Miller) de braise et d’Ă©clats idĂ©alement SchillĂ©riens : la passion sauvage, l’intensitĂ© de l’ardeur juvĂ©nile sont saisissantes de sincĂ©ritĂ© et de vĂ©ritĂ© dans l’ivresse Ă  pleine voix, comme dans les piani gorgĂ©s de douleur amère, d’innocence sacrifiĂ©e et trompĂ©e (Oh! fede negar potesi … Quando le sere al placido, plage 6)… une couleur troublante et si riche comparable Ă  son approche du rĂ´le de Macduff (Macbeth) en fin de programme ; l’urgence panique, le chant embrasĂ© font toute la valeur de ses Gabriele et Don Carlo qui suivent.

Le sommet attendu Ă©tant Otello (qu’il prĂ©pare pour une prochaine prise de rĂ´le) : il connaĂ®t comme il le dit lui-mĂŞme dans la notice et le livret de l’album, idĂ©alement documentĂ©s, la partition ayant chantĂ© depuis longtemps le rĂ´le de Cassio ; pour le rĂ´le-titre, la densitĂ©, l’Ă©paisseur terrassĂ©e du personnage, entre folie et tendresse, sensualitĂ© impuissante et sauvagerie du sentiment de soupçon surgissent en un feu vocal digne d’un immense acteur. Voici “Le Kaufmann” qui mĂ»rissait depuis quelques annĂ©es : justesse de l’intonation, style impeccable, souffle et contrĂ´le dynamique, surtout intensitĂ© et couleur font ce chant habitĂ©, dĂ©sormais Ă  nul autre comparable. Avec une telle prĂ©sence, un tel naturel dramatique, cet Otello exceptionnel, bigarrĂ©, multiforme, d’une imagination et crĂ©ativitĂ© de première classe, confirme Ă  quel niveau d’intelligence artistique et vocale est parvenu le tĂ©nor munichois. Ayant dĂ©jĂ  un agenda plus que complet pour les 10 ans Ă  venir, Jonas Kaufmann, offrant le rĂ©cital verdi le plus bouleversant qui soit, aiguise encore notre dĂ©sir de le voir et de l’Ă©couter. Son Otello Ă  venir devrait ĂŞtre le prochain grand Ă©vĂ©nement de la scène lyrique des mois Ă  venir.
Soutenant et dialoguant avec le chant clair obscur d’un interprète nĂ©, l’orchestre parmesan sous la direction de Pier Giorgio Morandi sait rester Ă  sa place, trouvant souvent de vives et fines couleurs. Le travail des musiciens et du chef fait aussi la rĂ©ussite du programme.
Voici au registre des nouveautés, le disque convaincant que nous attendions cette année Verdi 2013. Récital événement, coup de coeur de classiquenews.

 

Jonas Kaufmann, tĂ©nor. The Verdi Album. Orchestre de l’OpĂ©ra de Parme. Pier Giorgio Morandi, direction. 1 cd Sony classical. Enregistrement rĂ©alisĂ© en mars 2013 (Parme, Italie).

 

 

CD. Jonas Kaufmann, ténor (Best of, 1 cd Decca 2013)

CD. Jonas Kaufmann, tĂ©nor : best of, rĂ©cital Verdi, Puccini, Wagner, Bizet, Massenet … 1 cd Decca 2013   …

Quelle ivresse vocale et quelle splendeur dramatique … Kaufmann est bien le tĂ©nor allemand, mozartien, schubertien, wagnĂ©rien d’une totale conviction Ă  ce jour. Le rĂ©cital Decca Ă©ditĂ© en septembre 2013 laisse … Ă©merveillĂ© par tant d’intelligence stylistique. Son Don Carlo de Verdi exprime le dĂ©sarroi d’un prince dĂ©fait et dĂ©truit ; comme son Werther est d’une Ă©toffe noire, tragique et tout autant digne, blessĂ©e mais intense. Son italien comme son français (Faust de Gounod, immĂ©diat, saisissant) sont plus qu’acceptables : racĂ©s, mordants, incarnĂ©s.

 

Irrésistible Kaufmann

 

4786029L’Ă©quilibre rĂ©gnant sur ce rĂ©cital Ă©tonnant, on y retrouve autant de germanisme que de … vĂ©risme. Ses Puccini (Cavaradossi excellent), dans le sillon des Verdi (stylĂ©s), font aussi place aux non moins très bien dĂ©fendus : Giodano (Fedora), surtout Cilea (L’Arlesiana : superbe lamento de Federico : lyrique et Ă©pique, tendre et habitĂ©, Ă©perdu et amer)… tant de versatilitĂ© assumĂ©e et crânement caractĂ©risĂ©e (psychologiquement et dramatiquement) laisse sans voix.
Comme il est envisagĂ© dans le choix du visuel de couverture, Jonas Kaufmann cultive volontiers son cĂ´tĂ© bad boy, un travers marketing sur lequel surfent aussi ses confrères barytons basses chez DG, RenĂ© Pape ou Bryn Terfel … mais sous le regard noir et l’oeil fixateur du tĂ©nor se dĂ©voile aussi un âme entière et passionnĂ©e taillĂ©e pour les rĂ´les les plus romantiques voire dĂ©sespĂ©rĂ©s. On aurait du mal Ă  le croire foncièrement mauvais et malĂ©fique tant son timbre exige naturellement l’embrasement des hĂ©ros ivres et passionnĂ©s, amoureux et dĂ©sirants.

CĂ´tĂ© inĂ©dits, propres au programme : Apri la tua finestra d’Iris de Mascagni laisse s’Ă©panouir ce feu sombre et noir du tĂ©nor allemand (va-t-il suivre les pas d’un Domingo durable et mĂŞme ressuscitĂ© depuis son nouveau timbre de baryton ?). Et Cäcilie de Strauss dans sa somptueuse version orchestrale scintille elle aussi d’un feu, ou plutĂ´t d’un torrent d’effluves portĂ© par un pur dĂ©sir : Kaufmann nous promet-il ainsi un prochain rĂ©cital straussien ? Nous en somme dĂ©jĂ  impatients.

Le tĂ©nĂ©breux sait aussi sĂ©duire d’une voix languissante, d’une nostalgie suspendue murmurĂ©e : comme sa consoeur RenĂ©e Fleming elle aussi dans son dernier rĂ©cital titre (Guilty Pleasures), Jonas Kaufmann choisit Ombra di Nube de Licinio Refice, une mĂ©lodie qui convient idĂ©alement Ă  son timbre passionnĂ© de jeune hĂ©ros sacrifiĂ©.
Son Tamino mozartien puis Huon wébérien ont une grâce et une légèreté irrésistibles. Mais le ténor sait autant mordre et accrocher excellemment chaque mot du texte.
S’il n’Ă©tait qu’un rĂ´le qui le rend Ă  nos yeux inĂ©galable, c’est Ă  dire bouleversant, gardons au sommet, son Siegmund (Walkyrie de Wagner) que nous connaissions dĂ©jĂ  sous la direction (si limpide et liquide) de Claudio Abbado (l’air Ă©tait prĂ©cĂ©demment au programme de son prĂ©cĂ©dent album rĂ©cital chez Decca) : sens du verbe, Ă©loquence lyrique, ivresse sentimentale, palpitation de chaque instant, voici un Wagner idĂ©al servi par un interprète en Ă©tat de grâce : il est vrai en fusion totale avec la baguette envoĂ»tante d’Abbado. Dans la diversitĂ© rĂ©ussie de chaque rĂ´le, Jonas Kaufmann est bien le plus grand tĂ©nor actuel. RĂ©cital Ă©vĂ©nement.

The best of Jonas Kaufmann, ténor. Récital best of : Verdi, Puccini, Leoncavallo, Ciliea, Mascagni, Bizet, Gounod, Massenet, Strauss, Weber, Mozart, Wagner. 1 cd Decca 478 5943

Ténors wagnériens: le match. Kaufmann ou Vogt ?


Match Klaus Florian Vogt / Jonas Kaufmann

actualité cd (Sony, Decca)

Vogt versus Kaufmann

2 ténors wagnériens au disque

WAGNER_VOGT_cd_sonyL’annĂ©e Wagner produit ses premiers effets. Deux majors Ă©ditent simultanĂ©ment en fĂ©vrier 2013,  deux nouveaux rĂ©citals lyriques mettant en avant les qualitĂ©s de leur champion respectif: Sony classical sans traduction française dans le livret (anglais et allemand essentiellement) cĂ©lèbre le beau chant Ă©lĂ©giaque voire rien qu’angĂ©lique de Klaus Florian Vogt, tandis que Decca joue la carte du bad boy (lumière jaune, frontale et bilieuse sur sa face diabolisĂ©e) avec l’immense Jonas Kaufmann: la parution des deux rĂ©citals titres est d’autant plus passionnante qu’il s’agit lĂ  de deux styles diamĂ©tralement opposĂ©s.
Cependant les deux interprètes, chacun dans deux styles diffĂ©rents, partagent ce goĂ»t, ce style, cette finesse souvent absentes des performances wagnĂ©riennes. La comparaison quant Ă  elle s’impose dans le choix des morceaux retenus  : on y retrouve Rienzi et Siegmund, ici et lĂ  bien prĂ©sents, diversemment dĂ©fendus.

Chacun Ă©crit et rééclaire Ă  sa façon l’histoire du chant wagnĂ©rien, finalement peu connu et souvent schĂ©matisĂ© jusqu’Ă  la caricature, oĂą les dĂ©cibels l’emportent sur toute intonation et nuance. Ici le studio aidant, la ciselure prosodique en gagne un relief et une nouvelle prĂ©cision: chant articulĂ©, chant surtout intimiste que les conditions alĂ©atoires des salles de théâtres ou de concerts ne rĂ©alisent pas toujours. Le studio et l’enregistrement rĂ©tablissent donc le chambrisme proche du texte, rĂ©vĂ©lant la qualitĂ© de diseur plutĂ´t que celle du stantor. L’un Vogt, par la clartĂ© du timbre illumine le texte de Wagner s’intĂ©ressant apparemment moins Ă  la situation dramatique ; le second aspire, concentre, intĂ©riorise toute la force dramatique du personnage, n’hĂ©sitant pas a contrario de son collègue, la noirceur, les couleurs les plus brumeuses de sa tessiture… de barytĂ©nor ?

VOGT WAGNER (Sony classical, Bamberg 2012)

WAGNER_VOGT_cd_sonyApothĂ©ose du chant extatique et clair, voire d’angĂ©lisme blanc… Klaus Florian Vogt s’impose surtout dans le rĂ´le qui lui va naturellement, et qu’il a chantĂ© en 2012 Ă  Bayreuth, celui de Lohengrin dont il exprime la grâce active, comme la caresse du hĂ©ros Ă©lu par sa mission salvatrice, cultivant cette couleur adolescente voire garçon du personnage chevaleresque: le texte n’a jamais Ă©tĂ© aussi limpide, les aigus prĂ©cis, l’accentuation juste, l’intensitĂ© dĂ©clamatoire sans excès, et cette couleur ineffable mais bien prĂ©sente d’une langueur mĂ©lancolique qui n’appartient qu’Ă  Wagner (et que les D’Indy, Franck, Chasson, Vierne sauront si justement adapter la gravitĂ© tragique, le poison substantiel, en produire d’autres parfums sans en perdre l’esprit). RĂ´le touchĂ© par la compassion, plus complexe et moins lisse que Lohengrin, Parsifal ne met pas plus en difficultĂ©s le tĂ©nor allemand. La blessure qui affleure, celle essentiellement de Amfortas mourant, paraĂ®t dans un chant frappĂ© par la vĂ©ritĂ© comme le mystère. Le chant devient passion lacrymale: acte d’une rĂ©vĂ©lation et d’un accomplissement d’une superbe clartĂ© d’Ă©mission. La musicalitĂ© du timbre sa finesse est Ă  l’opposĂ© du texte touchĂ© par l’expĂ©rience de la douleur et de la souffrance ; de ce contraste naĂ®t la forte expressivitĂ© et l’impact de Vogt: voix transparence et cristalline pour chant ardent et embrasĂ©. Jamais en force et toujours nuancĂ©, Vogt rĂ©forme Ă©videmment notre idĂ©e reçue du chant wagnĂ©rien. Il s’inscrit Ă©videmment dans la tradition des diseurs habitĂ©s, d’une cĂ©leste grâce, Ă©lĂ©gant jusque dans les affres de la passion la plus dĂ©lirante ou traumatique, celle d’un Helge Brilioth, si proche du texte, dĂ©nichĂ© et mis en lumière par Karajan dans sa TĂ©tralogie absolument incontournable.
Avec Rienzi, Wagner Ă©labore sa première vision du hĂ©ros providentiel: un ĂŞtre marquĂ© par l’abnĂ©gation et le sacrifice vertueux pour le bien collectif mais comme Lohengrin, Siegfried, soit trop parfait ou trop naĂŻf, condamnĂ© Ă  l’Ă©chec. Seul Parsifal, ĂŞtre suprasensible et fraternel, rĂ©ussit oĂą tous ont Ă©chouĂ©. Difficile de rĂ©sister Ă  la langueur suspendue du duo central du II de Tristan, ici chantĂ© avec Camilla Nylund… dont le timbre de KF Vogt souligne et relance la vapeur Ă©tirĂ©e, comme un oratorio d’amour pur.

Pour autant, Tristan frappĂ© par une superbe intensitĂ©, son Siegmund dans la Walkyrie paraĂ®t trop lisse, presque terne proche de l’asthĂ©nie, prĂ©cautionneux : (et c’est lĂ  que la comparaison avec Kaufmann se prĂ©sente, incontournable dans ” Ein Schwert verhieĂź mir der Vater”…): Vogt prend le texte avec une Ă©locution minutieuse qui freine tout Ă©panchement expressif, comme distanciĂ© et dĂ©sincarnĂ©, plus narratif que sujet traversĂ© par une ardeur croissante ; puis, dans le second extrait de La Walkyrie, il est vrai que Nylund partage ce manque de fièvre, plus vaporeuse et d’une ligne plus inĂ©gale que celle de son partenaire: le duo Sieglinde/Siegmund est l’un des plus poignants jamais Ă©crit Ă  l’opĂ©ra, et certainement l’expression de l’humanisme wagnĂ©rien Ă  son sommet. Le serment et l’Ă©vocation de l’Ă©pĂ©e Notung sonne Ă©trangement appliquĂ© et pincĂ©: le rĂ´le ne sied pas Ă  KF Vogt. HĂ©las l’orchestre de Bamberg mĂŞme impliquĂ©, s’agite plus qu’il n’articule le texte symphonique, contredisant de facto l’Ă©locution transcendante du tĂ©nor Ă  son meilleur (Lohengrin, Parsifal, Rienzi…).


KAUFMANN WAGNER (Decca, Berlin 2012)

WAGNER_KAUFMANN_CD_DECCAKaufmann apporte un tout autre souffle Ă  l’interprĂ©tation wagnĂ©rienne: on ne lui connaĂ®t pas de prĂ©dĂ©cesseur Ă  ce jour: sauf peut-ĂŞtre John Vickers; son timbre cuivrĂ©, traversĂ© par la passion volcanique apporte le sanguin et le latin dans le chant germanique. En tĂ©moigne, le premier air, “Ein Schwert verhieĂź mir der Vater“, Ă©galement sĂ©lectionnĂ© par Klaus Florian Vogt, et qui dans le rĂ©cital de Jonas K, ouvre le rĂ©cital: couleurs sombres, Ă  la fois schubertiennes et weberiennes, le tĂ©nor aborde l’air Ă  la façon d’une incantation infernale oĂą l’effort pour se libĂ©rer du poison de la malĂ©diction s’exprime avec ardeur. A l’heure oĂą les Siegfried manque terriblement, capables d’un chant de force, hĂ©roĂŻque mais aussi Ă©motionnel et subtil, Kaufmann montre Ă  quel point dans le second air, il est prĂŞt pour chanter le rĂ´le: le hĂ©ros vainqueur du dragon Fafner, s’ouvre miraculeusement aux sons de la nature, rĂ©vĂ©lant sous l’armure du preux valeureux, la puretĂ© d’une âme sensible dont la fragilitĂ© secrète s’exprime dans la quĂŞte des origines (qui Ă©tait sa mère?). La richesse des nuances, l’ambivalence expressive de l’incarnation, le sens du texte (et lui aussi, quel fabuleux diseur qui sait son Bach et son Schubert) promet l’un des Siegfried les plus captivants Ă  Ă©couter bientĂ´t sur la scène.

Plus gĂ©nĂ©reux que Vogt dans son rĂ©cital Sony, Kaufmann nous offre Allmächt’ger Vater de Rienzi, dans tout son dĂ©veloppement: l’occasion sur la durĂ©e de pĂ©nĂ©trer dans ce premier portrait de figure admirable: Wagner y aborde pour la première fois, avant Lohengrin, Siegfried et Parsifal,  l’homme providentiel, sujet d’une irrĂ©sistible carrière au service de la vertu politique Ă  laquelle rĂ©pond inĂ©luctablement son pendant tragique et noir: sa solitude, son exil, sa mort finale. Donald Runnicles et l’Orchestre der Deutschen Oper de Berlin savent Ă  l’exemple du soliste, affiner et colorer dans la subtilitĂ© le lyrisme pluriel de la musique (superbe entrĂ©e par l’orchestre)… VoilĂ©, brumeux, flou mais terriblement prĂ©sent comme le chant d’une âme maudite aspirant Ă  la perfection, le style de Jonas Kaufmann s’impose Ă  nous dans sa force, sa justesse, sa touchante vĂ©ritĂ©. Son Lohengrin moins lisse que celui de Vogt, porte toutes les tempĂŞtes endurĂ©es: le fils de Parsifal s’y dĂ©verse en rancĹ“ur, frustration, imprĂ©cation, telle une transe Ă©motionnelle qui en impose par ses teintes et ses nuances expressives. Un immense acteur, interprète accompli se dĂ©voile Ă  nouveau ici.

Lyrique selon une sĂ©lection choisie, le rĂ©cital de Kaufmann gagne davantage de poids encore dans sa seconde partie, d’autant qu’il est accompagnĂ© par un orchestre aux accents et nuances complices, d’une richesse poĂ©tique exemplaire.
Diseur embrasĂ© et hallucinĂ© mĂŞme, chantre de l’âme romantique qui en terres germaniques fait surgir ses accents Sensucht, entre nostalgie et mystère impĂ©nĂ©trable, le tĂ©nor relève encore le niveau dans les 5 mĂ©lodies d’après Mathilde Wesendonck, l’amour inaccessible de Wagner… alors en pleine crise.  S’il ne devait rester qu’un seul titre, la 3è s’impose, prĂ©figuration de Tristan: Wagner est alors le hĂ©ros qui s’efface, dĂ©truit par une langueur amoureuse inguĂ©rissable, emprisonnĂ© tragique Ă  la douleur d’une passion avortĂ©e… Ă  la fois sombre et magnifiquement articulĂ©, le chant de Jonas Kaufmann demeure irrĂ©sistible.