Ivry Giltis joue Paganini
Paganini/Giltis: deux artistes différents mais une même passion pour un instrument souverain, carte de la virtuosité et de la ferveur la plus explicite: le violon romantique. Philips publie le 26 février 2007, une bande inédite enregistrée en 1976 à Paris: l’intégrale des 24 caprices de Nicolo Paganini, interprétée par Ivry Giltis.
Le coeur et la passion d’un enfant
Le violoniste se rappelle que pour les séances d’enregistrement, il habitait une île à 40 km de Paris et travaillait son jeu jusque très tard dans la nuit et jusqu’au petit matin afin d’exprimer l’intensité et l’exacerbation passionnelle de chacun des 24 caprices. « En fait il s’agit presque d’un enregistrement live car la plupart ont été gravés d’un seul jet avec très peu de montages et le tout en quelques jours. Pour moi c’est d’ailleurs l’esprit même dans lequel il faut concevoir ces Caprices qui doivent jaillir du coeur de l’interprète ».
Jaillissement, spontanéité, incandescence: 31 ans après l’enregistrement, et à l’invitation de ses amis Zubin Mehta et Martha Argerich, Ivry Giltis autorise aujourd’hui la parution des 24 joyaux, même si de son point de vue de perfectionniste, pointe ici ou là une petite faiblesse. A la façon des souffleurs de verre, le violoniste saisit la matière musicale, la fait danser sur les cordes de son violon endiablé jusqu’à les chauffer à blanc, faisant pleurer, palpiter, se pâmer une sonorité ardente et vive. « Je trouve qu’il a a assez d’émotion ici pour faire comprendre que les Caprices sont bien autre chose que des notes« . A l’adresse de la génération nouvelle des violonistes et à l’attention du public, Ivry Giltis poursuit: « je laisse cet enregistrement sortir aujourd’hui pour donner le courage à certains jeunes musiciens de jouer la musique comme ils la sentent et de prendre des risques ».
Audace, risques assumés, instinct éclatant: Ivry Giltis a conservé son « coeur et sa passion d’enfant »… et un désir de transmettre la joie et le feu qui l’habitent, lesquels le rapprochent encore de Paganini.
Un archer flamboyant
Elève de Boucherit, Flesch, Enesco et Jacques Thibaud, Ivry Giltis impose une musicalité vertigineuse, où l’audace rit avec le risque, l’élégance avec la facétie, l’imagination avec la haute technicité. Son vibrato crépitant, l’intensité du jeu caractérisent un tempérament artistique de la trempe de Yehudi Menuhin, Yasha Heifetz, Georges Enesco. Au travers des 24 Caprices, l’artiste fait valoir une énergie irrésistible par sa spontanéité et la violence des climats exprimés en quelques mesures. C’est à la fois un jeu technicien où le compositeur génois recule toujours plus loin les capacités expressives de l’instrument. C’est aussi en une ample respiration, un chant d’amour, ivre et primitif. La santé du musicien est déconcertante, ses dispositions inouïes. L’enregistrement dévoile ce que tout interprète se doit d’offrir dans l’acte interprétatif. Une recréation qui a force de maîtrise et d’art, sublime la nature, revivifie la partition. Le chant exalté de Giltis incarne la jubilation du violon, et au-delà, l’énergie première de la musique. Un événement!
Nicolo Paganini
Les 24 caprices pour violon seul, opus 1
Yvry Giltis, violon
(1 cd Philips)
Lire notre critique des 24 caprices pour violon seul de Paganini par Yvry Giltis
Crédit photographique
Ivry Giltis © Pierangeli