vendredi 29 mars 2024

Bientôt, trop de salles à Paris?

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Trop de salles à Paris?

Pleyel rénové avec succès a retrouvé ses publics depuis le 13 septembre 2006, offrant chaque soir 1900 places dans une acoustique régénérée. A l’horizon 2012, une nouvelle salle au « grand nord » de Paris, intitulée « Philharmonie de Paris » (2400 places) verra le jour. Auparavant, la Maison de Radio France aura redessiné son propre auditorium, gagnant en confort et en sièges… pour 2011 (1500 places).
L’avenir des salles parisiennes et les réaménagements ou nouveaux chantiers vont bon train. Mais aux côtés des offres déjà existantes comptant entre autres, Gaveau, la Cité de la Musique, et les cycles symphoniques des théâtres de musique et d’opéra (Châtelet, Champs-Elysées, Opéra de Paris) sans omettre les auditoriums des musées (Louvre et Musée d’Orsay), les Bouffes du Nord, et les salles émergentes telle l’Archipel ou l’auditorium coeur de ville de Vincennes, n’y-aura-t-il pas bientôt trop de concerts à Paris et dans sa périphérie? Une richesse qui annonce une concurrence accrue pour des spectateurs qui font déjà le plein des offres actuelles… En résumé, le public suivra-t-il toujours l’augmentation sensible de l’offre?

Acteurs publics et privés

Un nouvel équilibre se précise. Autour de l’axe Cité de la musique et Salle Pleyel, deux institutions publiques, s’organise aujourd’hui l’offre des concerts parisiens. La répartition géographique est une nouvelle donne, soulignant la forte attractivité du nord : le pôle Conservatoire/Cité de la musique aimante l’attention des spectateurs selon un phénomène qui ira croissant jusqu’à l’ouverture du chantier local de la grande salle symphonique à venir dite « Philharmonie de Paris ». Ce qui reste imminent. A moins que les résultats des urnes, lors de la Présidentielle de 2007, ne contredise ce qui a été annoncé.
Aujourd’hui Pleyel et la Cité de la Musique, dirigés par Laurent Bayle, -un temps pressenti pour succéder à Gérard Mortier à l’Opéra de Paris, avant que Nicolas Joel ne soit finalement nommé-, font figure de modèles. Grâce à des moyens importants, mais surtout une politique artistique équilibrée et pertinente, la diversité de l’offre, en matière de répertoires comme de formes musicales, est exemplaire. Thématisés autour d’une période, d’un genre, d’une personnalité, les concerts sont aussi remarquables que riches en découvertes.
Or la clé est là. La diversité de l’offre et la qualité, l’audace, l’originalité des programmations font la différence. Il est réjouissant que tant de qualités puissent être satisfaite par les institutions publiques. D’autant que la politique des prix reste continûment exigeante, favorisant l’accès au plus grand nombre.
Les producteurs privés qui engagent souvent leurs fonds propres pour assurer une bonne affiche, ne peuvent peser face aux poids lourds comme Pleyel aujourd’hui. Question de moyens, bien sûr. C’est pourquoi, souvent leur spécialité concerne des solistes ou de petits ou moyens ensembles, quand la Cité de la musique, Pleyel et bientôt, la Philharmonie de Paris, s’intéresseront aux orchestres.
Voilà qui précise le pré carré de chaque structure, répartissant les activités selon la taille des salles et les budgets alloués : les théâtres feront de l’opéra; les salles ambitieuses, du Symphonique; et les indépendants continueront d’accompagner (souvent de façon exclusive), l’éclosion, l’essor et la consécration des talents individuels.

Des maux, leurs remèdes

Vu sous cette angle, tout ira dans le meilleur des mondes. Or il reste une donnée capitale: le coût de la place pour le consommateur. En période de crise, où quoiqu’on dise le passage à l’euro n’a pas stabilisé le cours des prix (bien au contraire), c’est la culture et le poste concert et opéra qui en pâtissent.
A cela s’ajoute la difficulté de se distinguer, dans une diversité de l’offre de plus en plus foisonnante, la capacité des productions à émerger. Dans ce domaine, la manière avec laquelle les producteurs communiquent et font la promotion de leur « saison’ ou de leur événement, reste désespérément classique.
Enfin, le public mélomane qui reste l’un des plus fidèles, retourne volontiers dans un lieu dont la programmation correspond à ses attentes. En plus de la question de l’accès tarifaire aux salles de concert, il faut aussi réussir l’image et la communication du classique auprès du grand public. Ces deux aspects sont essentiels pour le renouvellement des audiences. De ce côté, l’image de la musique classique a encore un sacré chemin à parcourir. Quand elle n’est pas taxée de ringarde ou de conservatrice, on l’a dit ennuyeuse ou surtout élitiste!
Les préjugés sont tenaces par définition. Nous savons assez combien le classique et la « grande musique » tendent à rebuter les plus jeunes. Question de culture et de génération.
Ah, s’ils savaient combien Mozart pourrait leur être agréable! Non par doses homéopathiques, mais au quotidien! Fort heureusement la popularité du Wolfgang ne faiblit pas… Il suffirait que les producteurs réapprennent à communiquer, en s’appuyant aussi sur une politique de prix accessible, tout en offrant une qualité de programmation fondée sur la découverte, l’audace, l’actualité, l’invention (il y a quelques années des publicitaires justement avaient inventé ce slogan mémorable « en France, nous n’avons peut-être pas de pétrole mais nous avons des idées »)… Des idées, de l’audace, du rêve et des petits prix! Equation plus idéale que réaliste? Pas si sûr.
Les chiffres de remplissage des théâtres d’opéra montrent de leur côté combien la machine lyrique fait encore rêver, captive, transporte. En 2007, le genre lyrique fête ses 400 ans (les 16, 17 et 18 février précisément, dans le cadre des Journées Européennes de l’Opéra). Qui avait prédit cet essor constant? Quand depuis ses origines, chacun a annoncé sa mort lente ou décrété qu’il était un spectacle impossible! Directeurs et programmateurs faîtes-nous rêver!
Le dernier succès du Bourgeois Gentilhomme de Molière/Lully revisité par le trio Dumestre/Lazar/Roussat montre combien la féerie fascine, fidélise, convainc. Le spectacle vivant s’il réussit ce qui le caractérise: la magie et l’émotion, a encore des beaux jours à vivre.

Changer leur offre en besoin

Alors, demain trop de salles, plus assez de spectateurs? La question est peut-être mal posée. Les lois du marketing nous éclairent assez: toute offre peut trouver son marché en fidélisant sa cible. Et même si le spectacle ne peut se vendre comme un banal produit commercial, les salles devront comme toute entreprise commerciale émerger dans le brouillard des offres, captiver, surtout fidéliser. Les faiseurs d’images et les responsables de la communication sont certainement les métiers de l’avenir du culturel. Une belle image, créative, risquée, surprenante séduit les publics: elle rassure mécènes et sponsors. Aux salles de savoir nous solliciter et de changer leur offre en besoin.
Accessibilité des prix, audace et qualité de la programmation, communication inventive et marquante: telles sont pour nous les recettes qui gagneront leurs publics!

Crédits photographiques
(1). Salle Gaveau, joutes pianistiques devant l’orgue du fond de scène (DR)
(2). Salle Pleyel, la nouvelle salle rénovée (DR)

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