Suite et fin des célébrations du 70e anniversaire de Philippe Manoury né corrèzien en juin 1952. L’EIC affiche la création de « Grammaires du sonore », commande de l’Ensemble, composée sur mesure pour ses solistes. Au fil de sa carrière, Philippe Manoury a tissé une étroite relation avec l’Ensemble intercontemporain : son Numéro 5 était au programme du premier concert de l’Ensemble en 1976. Depuis, ses « Fragments pour un portrait », inspirés des méthodes de travail du peintre britannique Francis Bacon, ont été composés selon l’identité de chaque soliste. L’idée que le peintre n’offre dans chaque œuvre qu’une manière d’esquisse, une idée première, primitive car l’œuvre définitive n’existe pas, inspire le travail de Manoury : « il existe des fascinations qui dans l’absolu sont irreprésentables dans leur achèvement ». Ainsi sur l’ensemble des 7 pièces que compose Fragments, peut se dessiner malgré tout une idée d’un « portrait » (image musicale) qui prend forme après l’écoute de chaque séquence…
Les 70 ans de Philippe Manoury
Fragments, Grammaire, Lamento…
« Concerto pour ensemble, Grammaires du sonore » est l’occasion de renouveler cette amitié : chaque soliste de l’EIC y a son quart d’heure de gloire, à la manière d’un concerto grosso dont le concertino changerait de fragment en fragment. Grammaire, structure, contenu… le compositeur varie les combinaisons selon une grammaire personnelle qui exploite la force expressive de chaque instrument ainsi exposé. Il joue aussi avec les formes instrumentales : concerto, concerto grosso, assemblages de diverses musiques de chambre, pièce d’ensemble… cela s’agrège rapidement pour se fondre, disparaître. Les instruments se meuvent, circulent, réinventent une « mobilité » inventive qui dissoud les formes déjà connues. Manoury « ose » penser l’association instrumentale, d’autres formes, de nouvelles organisations « ouvertes ». La notion de pupitres fermés se redéfinit à mesure des situations mouvantes où chaque instrument devient leader au nom du groupe. Le profil des musiciens de l’EIC permet cela : soliste aguerri et capable d’une cohérence globale absolue. En richesse, diversité, liberté…, la musique sonne individuelle et collective, comme un modèle sociétal idéal, mouvant et intelligent où chantent et se répondent comme une équipe active : flûtes et clarinettes, un hautbois baryton, tubas wagnériens, bugles, de la trompette à deux pavillons, de la trompette basse, du saxhorn…
Quant aux Vier Lieder, ils sont extraits de son opéra Kein Licht, créé en 2017, d’après un texte d’Elfriede Jelinek( 3 premiers lieder / Nietzsche pour le 4è), en réaction à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Dans le « Thinkspiel » forme d’opéra nouveau, engagé, que créée Manoury, une femme chante un lamento sur la mémoire, sur le désastre écologique ordinaire, sur l’absurdité des actes humains. Philippe Manoury a composé ce cycle de 4 chants pour la voix de Christina Daletska.
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France Musique, le 4 janv 23, 20h. Ph Manoury, « portrait » pour les 70 ans. Concert donné le 9 décembre 2022 – Salle des Concerts de la Cité de la Musique à Paris.
« Portrait Manoury »
Grammaires du sonore, création
pour ensemble de 29 musiciens
commande de l’Ensemble intercontemporain
Vier Lieder (aus Kein Licht)
pour mezzo-soprano et ensemble, sur des extraits de textes d’Elfriede Jelinek et de Friedrich Nietzsche
Création mondiale
1. Lamento – «Das Land bebt, aber nicht vor Angst“
2. Der Wind
3. «Der alte König und das Meer“
4. Lamento – «O Mensch!“
Christina Daletska, mezzo-soprano
Fragments pour un portrait
sept pièces pour ensemble de 30
1. Incantations
2. Choral
3. Vagues paradoxales
4. Nuit (avec turbulences)
5. Ombres
6. Bagatelle
7. Totem
Ensemble Intercontemporain
François-Xavier Roth, direction.