vendredi 19 avril 2024

FESTIVAL CLASSICA : l’événement au Québec, classique et populaire. Bilan 2019 et 10è édition en 2020

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Marc-BOUCHER baryton festival classica-200x300COMPTE-RENDU, festivals. Québec, Festival CLASSICA à Saint-Lambert – 9è édition 2019 : portant la déjà 9è édition de son festival CLASSICA, événement majeur au sein de l’agenda des festivals du printemps au Québec, le baryton Marc Boucher confirme un rare talent, capable de concilier musique classique et grand public, concerts en salles fermées et événements en plein air, partitions hyperconnues et joyaux oubliées… C’est une vision large et légitime, aux équilibres exemplaires, qui cultive l’éclectisme et l’accessibilité des répertoires, la diversité des formes choisies, telles les fondamentaux d’une offre à présent inscrite dans le paysage musical québécois. En terres francophones, l’événement fédérateur situé en Montérégie, soit sur la rive sud du Saint-Laurent, fidélise à présent un très large public canadien ; il a toutes les chances d’attirer aussi à Montréal, un nombre de plus en plus importants de visiteurs et touristes français, depuis l’autre rive de l’Atlantique. Mais l’édition 2019 n’est qu’un prélude à la grande édition 2020, … celle des 10 ans du Festival et des célébrations Beethoven (250ème anniversaire en 2020).

 

 

 

I
RÉCITAL – CONCOURS DE MÉLODIES : LA PASSION DE LA LANGUE FRANCAISE…
 
Mais l’événement – nous le disions déjà en 2018, pourrait marquer tout simplement l’histoire des festivals francophones : l’interprète directeur défend la langue française et la culture québécoise comme peu (les deux notions ne sont-elles pas liées?) ; d’où son idée depuis 3 ans déjà, d’organiser une compétition pour les chanteurs qui chantent en français : ainsi est née le RÉCITAL-CONCOURS international de mélodies françaises (3è édition en juin 2019). Son originalité est dans son titre : c’est d’abord un récital en public, avant d’être une compétition. Ici, chaque interprète chante l’intégralité de son programme : pas de coupures ni de commentaires expéditif de la part d’un jury narquois et arrogant. Le public comme les 6 « juges » présents dans la salle jaugent, analysent, et notent enfin les interprètes les plus méritants : ceux qui articulent un texte et qui savent en exprimer l’intensité émotionnelle. Celles et ceux qui savent emporter avec eux, les auditeurs dans une histoire qui se vit au moment de la prestation, à travers les images de textes souvent très poétiques. Rien de moins.
CONCOURS-MELODIES-FRANCAISES-annonce-2019-quebec-2019Quoi de plus naturel en vérité que d’expliquer et faire rayonner l’art si difficile de la mélodie française au Québec ? : articulation, prononciation, intonation… le français y est plus qu’ailleurs, une passion régionale ardemment défendue ; de la même façon, n’y a-t-il pas depuis des décennies, et même bien avant, une école de chanteurs francophones Québécois, dont la maîtrise et l’intelligibilité, la musicalité et l’engagement dépassent bien souvent les chanteurs français eux-mêmes ? Voilà expliquées deux réalités indiscutables qui légitiment aujourd’hui l’initiative depuis le Québec.
Son fonctionnement est moderne et devrait inspirer moult compétitions françaises, rigidifiées par des pratiques d’un autre âge. Le concours est ici d’abord, un récital : c’est un concert à l’adresse du public, dans lequel l’interprète est invité à défendre son propre programme (5 mélodies françaises dont une canadienne pour la demi finale – puis, un cycle intégrale, quelle que soit sa durée… pour la finale).
A chaque séance, le public vote comme les 6 juges : au total, chaque vote compte pour 50% de l’évaluation globale. Il s’agit de distinguer les chanteurs professionnels ou en professionnalisation qui défendent leur interprétation ; qui sont capables de raconter leur conception de l’histoire, à niveau de technique égale. L’art du diseur, l’articulation naturelle et l’intelligibilité sont ici des qualités essentielles dont la maîtrise fait les plus grands chanteurs. En défendant cette conception du beau chant français, Marc Boucher, émule d’un Philippe Martinon, grand spécialiste de diction au milieu du XXè, devient un défenseur incontournable de la mélodie, laquelle favorise et enrichit l’expérience du chanteur lyrique.

Demain, le RÉCITAL-CONCOURS qui a lieu à Saint-Lambert, épicentre du festival depuis ses débuts, reconnaîtra les tempéraments les plus convaincants, le temps de ce récital unique au monde, comme une étape décisive et obligée pour qui veut affirmer sa maestria et sa légitimité dans le genre. Et lorsque l’on songe au vivier impressionnant de chanteurs francophones au Québec, tous les espoirs pour de prochaines éditions passionnantes sont désormais possibles. A l’issue de la Finale 2019 (16 juin 2019), c’est la soprano Caroline Gélinas qui a obtenu le Premier Prix (fusionnant les votes du jury et du public).

DU CONCERT AU DISQUE. Des romances de Berlioz aux mélodies de Massenet. Marc Boucher sait aussi conserver la trace de programmes défricheurs qui ont fait l’événement du festival CLASSICA. Lors du grand week-end à Saint-Lambert, étaient recrées les 25 romances de Berlioz, pour voix et guitare ; un dispositif original et intimiste qui après avoir été réalisé en concert (samedi 1er juin 2019) était dans la foulée enregistré (prochaine parution prévue à l’automne 2019 chez Atma / avec la soprano Magali Simard-Galdès, lauréate 2018 du Récital Concours de mélodies françaises, et le ténor Antonio Figueroa, avec le guitariste David Jacques). Un programme qui en s’inscrivant dans l’année des célébrations Berlioz 2019, dévoile un pan méconnu de l’écriture du Romantique français.

faure integrale melodies marc boucher olivier godin pour ATMA classique 4 cd par classiquenews la critique du cd En novembre 2019, un nouveau projet au long cours occupera Marc Boucher : une nouvelle intégrale… de mélodies bien sûr, celles de Jules Massenet, soit plus de 300 airs restitués avec une pléiade de chanteurs diseurs triés sur le volet, et avec la singularité sonore (mais si légitime, et même bénéfique pour la ligne vocale des solistes) du piano historique, un Erard 1854 (avec lequel s’est d’ailleurs déroulé le dernier Récital-Concours de mélodies françaises : la nuance est d’importance car elle révèle aussi le souci du format sonore le plus proche de l’époque des salons parisiens où ont été chantés la majorité des mélodies françaises). Visionnaire, infatigable défricheur, surtout interprète et perfectionniste, Marc Boucher ne cède rien à la qualité artistique de chacun de ses projets. C’est d’ailleurs ce qui avait fondé la réussite de sa précédente intégrale, dédiée aux mélodies de Gabriel Fauré, somptueux et délectable somme artistique, aujourd’hui de référence (4 cd Atma, CLIC de CLASSIQUENEWS, paru à l’été 2018).

 

 

 

II
SUR LES TRACES DE BERLIOZ : REINVENTER L’EXPÉRIENCE ORCHESTRALE DU XXIE SIECLE… UNE CERTAINE IDÉE DU PLEIN AIR.
 
En visionnaire, Marc Boucher devance aussi l’évolution des orchestres, telle qu’elle se manifeste déjà en France. Le temps des phalanges routinières, souvent fonctionnarisée, qui demeurent dans le seul cadre fermé du concert en salle (souvent dans les théâtres d’opéra dont ils assurent aussi la saison symphonique), est révolu, dépassé. Le classique souffre de son image élitiste, cloisonnée, confinée, poussiéreuse. A l’heure numérique et des réseaux sociaux, l’expérimentation, le renouvellement des formes du concert, le déroulement et la réalisation des programmes sont un chantier désormais ouvert, qui permet aux orchestres 2.0 de toucher les jeunes publics, naturellement connectés. Les formations sont bien inspirées de vouloir réinventer à l’adresse des audiences, l’expérience musicale et la relation aux instruments.

classica-festival-plein-air-concert-bee-gees-classica-2019-concerts-festivals-annonce-critique-festivals-crtiique-concerts-opera-classiquenews-plein-airCette année, anniversaire BERLIOZ 2019, Marc Boucher offre un avant goût de ce qui pourrait devenir une expérience orchestrale digne de ce qu’inventait au XIXè, le grand Hector. Sur les pas de l’auteur de La Damnation de Faust et du Requiem, – réformateur de l’expérience orchestrale dès 1845 avec ses concerts géants au Cirque Olympique-, Marc Boucher tente le pari du tout symphonique en plein air, réalisé par presque 100 musiciens d’orchestre regroupés sur une scène, sous arabesque (vaste podium fermé protégeant les instrumentistes en cas de pluie). On sait les puristes, recroquevillés et plutôt rétifs à l’idée d’écouter un orchestre hors des salles acoustiques. Mais tout l’enjeu du classique pour demain n’est-il pas là justement ? Exposer le plus grand nombre à une expérience orchestrale inouïe, où la spatialisation, les effets visuels, le choix rythmé des œuvres (composant une thématique) suivent un programme unifié, orchestrent un spectacle mémorable. Ouvert pour tous.

Toutes les institutions musicales en France souffrent d’un trop faible renouvellement des publics. Les plus grands orchestres menacés d’isolement et de moins d’adhésion citoyenne, cherchent à tout prix à séduire le plus grands nombre : concerts bébés, concerts connectés, opéras et symphonies dans les stades, dans les gares ou dans les musées… Ce décloisonnement de mieux en mieux pensé constitue pour les années à venir un vaste et décisif laboratoire dont l’enjeu concerne les orchestres et leur faculté à fédérer.
En proposant demain aux orchestres canadiens de s’exposer le temps d’une soirée hors normes chaque année à CLASSICA, Marc Boucher rencontre cette évolution inéluctable qui pourrait bien assurer le futur du classique orchestral. D’autant qu’au Québec, les orchestres dignes de ce nom de manquent pas.

Le Festival CLASSICA organise depuis ses débuts de grands concerts de rock symphonique (hommage sur instruments classiques et avec la coopération de choristes préparés, aux Rolling Stones ; aux Bee Gees, cette année ; en 2020, il s’agira de David Bowie). La ville de Saint-Lambert et son parc de la Voie maritime accueilleront bientôt un grand orchestre, des choristes et des solistes pour une soirée exceptionnelle, avec arabesque et grands écrans, où les grands noms de la variété française côtoient des airs d’opéra français, où le classique montrera sa forte attractivité quand il est intelligemment métissé. Tout est affaire de goût et de dosage ; de ce point de vue, le directeur de CLASSICA maîtrise les équilibres.

 

 

 

III
2020, L’ANNÉE DE TOUS LES DÉFIS : De Beethoven à Miguela…
 
Cycle BEETHOVEN sur Arte les 2, 9, 16, 23 et 30 octobre 2016 En 2020, un cycle supérieur en nombre devrait marquer la programmation (entre 3 et 5 grands concerts symphoniques sous les étoiles, alternant rock symphonique et programme purement classique), de quoi séduire de nombreuses phalanges, soucieuses de renouveler leur image et de conquérir de nouveaux spectateurs.
Mais l’édition CLASSICA 2020 élargit encore son champs d’activité. Intitulé de « Beethoven à David Bowie » (comme il y eut « De Schubert aux Rolling Stones » et « De Berlioz aux Bee Gees »)  : un très riche cycle BEETHOVEN est annoncé afin de célébrer l’anniversaire du grand Ludwig. Au programme d emai et juin 2020 : intégrale des Sonates pour piano, Sonates pour violoncelle, pour violon, lieder et aussi Bagatelles (joyaux méconnus), sans omettre en grand format justement et sur la grande scène en plein air : la Missa Solemnis, l’oratorio Le Christ au mont des Oliviers (en partenariat avec l’Atelier Lyrique de Tourcoing), les Symphonies n°3 et 5…

 

 

MIGUELA DE DUBOIS, UNE CRÉATION MONDIALE TRES ATTENDUE.
CLASSICA comme tous les grands festivals internationaux cultive les genres symphoniques et populaires, les récitals chambristes, mais aussi le goût du chant, mélodies et opéra. CLASSICA n’est rien sans la présence de la voix. Les Festivaliers retrouveront la 4è édition du Récital-Concours de mélodies françaises (juin 2020, édition programmée comme chaque année comme conclusion de l’événement). Enfin, l’année prochaine est celle de tous les défis car y sera réalisée aussi la création du dernier opéra de Théodore Dubois, compositeur romantique français récemment ressuscité ici et là, mais de façon trop disparate pour juger pleinement de son écriture comme de son tempérament lyrique. Marc Boucher prolonge ainsi le travail pionnier, réalisé dans un véritable esprit de famille et de troupe, avec son mentor, le regretté chef, fondateur de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, Jean-Claude Malgoire. Le chef français avait le souci de jouer les œuvres de Dubois : à Tourcoing furent ainsi créés en première mondiale, l’oratorio Le Paradis perdu (dans une version orchestrale restaurée), puis l’opéra ABEN HAMET, éblouissante production qui réunissait Marc Boucher, Guillaume Andrieux, Ruth Rosique, Hasnaa Bennani, Nora Sourouzian…).

LE VERDI FRANCAIS
dubois_theodoreRétablir la création de ce qui serait bien le dernier ouvrage de Théodore Dubois, Miguela, dans le sillon de ces œuvres déjà recréées est d’autant plus pertinent que son livret souligne les mêmes thèmes que Aben Hamet (1884) : l’élan amoureux ici entre une espagnole et un officier français (dans Aben Hamet, il s’agit d’un arabe et d’une princesse catholique) confronté à la violence de la guerre, du terrorisme, des armes. « Théodore Dubois est pour moi, le Verdi français », précise Marc Boucher. « Comme Verdi, Dubois connaît la voix ; il choisit les tessitures selon le profil dramatique des personnages ; sa prosodie est parfaite : chanter Dubois, c’est parler et respirer ; il n’y a aucun arrangement à concéder, aucune transposition à envisager : tout coule de source, en parfaite connexion avec la situation dramatique, et les ressources de chaque tessiture ».
Le baryton en parle avec d’autant plus d’assurance qu’il a interprété ses œuvres et chantera aussi lors de la création de Miguela (le rôle du méchant, Fernandes, l’agent de la barbarie et de la haine, celui qui ne cesse de rappeler Miguela à son devoir…). La haine des autres contre l’amour de tous. Voilà un schéma déjà passionnant qui suscite la plus grande attente d’ici au printemps 2020 au Québec. Déjà, le directeur de CLASSICA, heureux de poursuivre l’enthousiasme et la curiosité de Jean-Claude Malgoire par delà l’Atlantique, prépare le matériel musical laissé par Théodore Dubois. L’auteur du livret de Miguela est Jules Barbier, d’après les dernières découvertes : Dubois a pu ainsi s’appuyer sur un homme d’expérience.
C’est Marc Boucher qui dans les cahiers constituant l’inventaire des œuvres déposées à BNF avait repéré et identifié le dernier opus lyrique de Théodore Dubois, probablement composé en 1891 : un ouvrage ambitieux (en trois actes et six tableaux), dans le style du grand opéra français qui témoigne des dernières évolutions lyriques du directeur du Conservatoire, au début des années 1890.
Miguela serait-il ce grand opéra romantique oublié, jalon essentiel de l’opéra français de la fin du XIXè et au début du XXè, à l’époque du dernier Verdi et des opéras de Massenet ? L’idée est séduisante. Pour Marc Boucher, Miguela se rapprocherait « de Manon de Massenet, dans une forme en route vers Falstaff où le récit accompagné est prédominant et où l’intrigue bien qu’ayant ses protagonistes principaux, est soutenue par les rôles secondaires. »
A l’heure des résurrections plus ou moins heureuses révélant souvent de façon tronquée, des partitions exhumées que l’on croyait connaître, Marc Boucher a décidé de tout jouer : Miguela pourra ainsi être jugée dans sa continuité originelle. A la BNF, de fait, tout le matériel existait (le conducteur, la partie chant / piano, les parties d’orchestre…) ; ils attendaient d’être ressuscitées pour une création intégrale. Probablement pour une réalisation partielle décidée pour la Palais Garnier en 1916. « la genèse de l’opéra demeure mystérieuse ; beaucoup d’éléments de la genèse restent dans l’ombre » précise Marc Boucher. Et d’ajouter en interprète connaisseur :  « Il y a 12 rôles : 2 pour voix de femmes dont un soprano lyrique pour le rôle-titre ; et 10 voix masculines, le héros amoureux étant ici chanté par un ténor ; fait assez surprenant quand on sait le goût de Dubois pour la voix de baryton – comme Verdi : Aben Hamet est chanté par un baryton ». En somme, Miguela est le sommet lyrique de Théodore Dubois, et certainement une prochaine révélation majeure pour notre connaissance de l’opéra romantique français.

 

 

 

 

 

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classica-festival-canada-logo-vignette-classiquenews-annonce-concerts-festivals-operaRéservez dès à présent votre séjour au Québec, au moment du festival CLASSICA : concerts chambristes, grands événements symphoniques en plein air, opéra en création, mais aussi le cycle Beethoven 2020… promettent une nouvelle édition mémorable, celle des 10 ans (« de Beethoven à David Bowie »). Le rendez-vous est d’ores et déjà pris.

 

 

TOUTES LES INFOS sur le site du FESTIVAL CLASSICA
https://www.festivalclassica.com

 

 

 

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