dimanche 16 février 2025

ENTRETIEN avec Xavier-Marie GARCETTE à propos de son roman « La Vierge Noire et le voyou », Francis Poulenc

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A l’occasion des 60 ans de la mort de Francis Poulenc – ce 30 janvier 2022, l’auteur Xavier-Marie Garcette publie son nouveau roman « La Vierge Noire et le voyou » (éditions des auteurs des livres), immersion passionnée et historiquement très bien documentée dans la vie du compositeur Francis Poulenc. Les Litanies à La Vierge, le Stabat Mater, Dialogues des Carmélites sont l’expression d’une ferveur singulière, sincère et secrète dont la dévotion personnelle chaque été à la Vierge Noire dans la Chapelle de Rocamadour est la manifestation lumineuse… Clé de compréhension et enjeux d’un texte particulièrement opportun au moment des 60 ans de la disparition de Francis Poulenc. Entretien pour classiquenews.com

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CLASSIQUENEWS : Pourquoi avoir indiqué en couverture « roman » ?  Quelle est la part fictionnelle dans votre texte ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : La plupart des biographies de musiciens sont écrites par des musicologues et font la part belle à une analyse détaillée des œuvres. Tel n’était pas mon propos. Pour autant, je me suis astreint à une prise de connaissance la plus exhaustive possible de la vie et de la personnalité de Poulenc, essentiellement à travers une bibliographie très abondante.
Mais inévitablement les éléments recueillis laissaient des parts d’ombre, des interstices dans lesquels l’imagination du romancier a pris le relais. Et pour rendre l’ouvrage plus vivant, bien des dialogues et des anecdotes sont inventés, mais dans la plus grande fidélité possible à ce que fut le personnage.

 

 

CLASSIQUENEWS : Pouvons-nous parler de foi en évoquant le sentiment religieux de Poulenc ? Comment caractérisez-vous la nature de sa croyance et de sa pratique religieuse ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : C’est une vraie question ! On peut avoir l’impression chez lui d’une forme de superstition : il est vrai qu’il se sentait plus proche d’expressions populaires de la foi, comme de mettre un cierge au pied d’une statue, que d’une réflexion théologique profonde. Mais qu’est-ce que la foi ? N’est-ce pas avant tout une rencontre intime avec Dieu, la conviction d’une présence ? Nul doute dans ce cas qu’il a vécu avec Notre-Dame une relation très intime et très profonde.

 

 

CLASSIQUENEWS : Pourquoi s’être ainsi fixé sur la figure de la Vierge ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : La question s’adresse-t-elle à Poulenc ou à moi ?

Si vous parlez de Poulenc, sans vouloir faire de la psychanalyse de comptoir, comment ne pas faire le lien avec la grande blessure qu’a représentée la perte de sa mère quand il avait 16 ans ? Il me semble évident qu’il a trouvé dans la Vierge Marie une figure maternelle de substitution !

Si vous parlez de moi, j’ai abordé la vie de Poulenc par ce prisme, outre le fait que sa « rencontre » avec la Vierge a été particulièrement déterminante dans sa vie, car c’est aussi la façon dont j’ai fait la connaissance de Poulenc. Ayant « planté ma tente » en Quercy il y a 25 ans avec une maison à une demi-heure de Rocamadour, j’ai découvert Poulenc par le biais de sa conversion, qu’on ne peut ignorer lorsqu’on fréquente régulièrement ce lieu. De là l’envie d’en savoir davantage sur le personnage…

 

 

CLASSIQUENEWS : Pensez-vous que Poulenc se soit accompli ? A-t-il trouvé la paix au terme d’une vie de doutes profonds ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : Il est permis d’en douter. D’un point de vue strictement médical, il semble exister chez lui un fond de neurasthénie qui ressort périodiquement, et sa conversion n’y a rien changé. Néanmoins, il est évident que sa rencontre avec la Vierge noire vient combler un grand manque chez lui, tant affectif qu’existentiel. Très profondément marqué par les nombreux deuils qui jalonnent son existence depuis la mort de ses parents, il demeure hanté pendant des années par le sentiment de la vanité de l’existence, jusqu’à ce que sa découverte de la foi vienne donner un sens à sa vie et le rassurer en profondeur. Mais cela ne l’empêche pas de connaître après 1936 encore de nombreuses heures d’angoisse. Et tel le psalmiste, sa musique religieuse peut exprimer tantôt une joie séraphique tantôt une lamentation poignante. Mais après tout, même les plus grands mystiques ont aussi vécu des nuits de la foi très éprouvantes…

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment vous figurez-vous Poulenc ? Quel serait l’aspect que vous aimez évoquer chez lui ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : Malgré tous ses défauts, c’était l’être le plus attachant qui soit. C’est étonnant de constater, chez un être aussi dual, qu’il n’y a pas la moindre trace de duplicité ! Il est incapable de méchanceté, incapable de se brouiller avec qui que ce soit, et il est d’une sincérité et d’une franchise naïves et désarmantes. Comment ne pas l’aimer ?

 

 

CLASSIQUENEWS : Quelles sont les partitions favorites de son œuvre ? Pour quelles raisons ? Une interprétation particulière que vous appréciez ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : Quelle question difficile ! J’aime autant les œuvres du moine que celles du voyou ! Je l’ai découvert par le biais de sa musique de chambre, qui m’a séduit à la première écoute, et j’ai eu d’emblée l’intuition que l’humour, voire l’autodérision qui s’en dégagent étaient comme l’élégance avec laquelle se déguise un être torturé…

J’ai un faible particulier pour son concerto pour piano, et je n’ai jamais compris la raison pour laquelle la création de cette œuvre en France a suscité une telle cabale ! J’ai eu plus de mal, j’avoue, à entrer dans les Dialogues des Carmélites. La première fois où j’ai écouté l’opéra au disque, j’ai été dérouté par l’austérité de la musique. Mais, par principe, les opéras sont des œuvres faites pour être vues autant qu’écoutées, et c’est ainsi que j’ai découvert et aimé cette très grande œuvre. Oserai-je recommander la version disponible sur Youtube de la mise en scène de 2013 par l’Opéra d’Angers Nantes ? C’est absolument bouleversant.
Mais mon œuvre préférée reste sans doute son Salve Regina. Je veux qu’elle accompagne mon enterrement !

 

 

CLASSIQUENEWS : Avez-vous découvert des éléments que vous ne connaissiez pas en écrivant le texte ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : Mais j’ai tout découvert ! En y repensant a posteriori, je me dis que j’étais moi aussi d’une grande naïveté en me lançant dans l’aventure de cette biographie : je ne savais absolument pas où je mettais les pieds – mais je n’ai pas été déçu !

 

 

CLASSIQUENEWS : Une anecdote liée à l’écriture de votre roman ?

XAVIER-MARIE GARCETTE : J’ai eu l’impression que Poulenc me poursuivait ! Durant toutes les années où j’étais parisien, je vivais comme lui près du Luxembourg. J’ai aussi vécu pendant sept ans à Brive-la-Gaillarde, une ville à laquelle il était très lié, et comme je vous l’ai dit j’habite maintenant non loin de Rocamadour. Enfin, j’ai découvert en rédigeant mon roman que mes beaux-parents sont quasiment des voisins de campagne de sa chère maison tourangelle, dans laquelle j’ai ainsi pu facilement aller me recueillir. Décidément Poulenc est partout !

Propos recueillis en février 2023

 

 

Approfondir

LIRE aussi notre critique de Dialogues des Carmélites, Angers Nantes Opéra, oct 2013 :
https://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-dialogues-des-carmelites-a-angers-nantes-opera/

 

 

 

 

LIVRE événement

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CRITIQUE, LIVRE événement. « La Vierge et le voyou, Une brève histoire de Francis Poulenc », par Xavier-Marie Garcette (roman, Éditions des auteurs des livres) – CLIC de CLASSIQUENEWS février 2023

 

« Le moine et le voyou » : l’équation énoncée par Claude Rostand, synthétise comme un oxymore miraculeux, une réalité ambivalente; laquelle ainsi définie, identifiée, semble comme conjurée, définitivement résolue. Or dans le cas du compositeur, cette situation complexe prend racine dans un sentiment plus profond et vivace qui loin de s’adoucir, grandit, dévore, à mesure qu’il est révélé. Diverse, faussement éparpillée mais singulière – comme c’est le cas de beaucoup de compositeurs, la personnalité de Francis Poulenc est ici remarquablement évoquée, éclaircie, à travers 14 chapitres dont certains prennent le titre de ses œuvres musicales. LIRE notre critique complète ici

 

 

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