Le chanteur qui s’est taillé une belle et légitime réputation dans l’opéra baroque surprend et convainc dans un nouveau programme faussement léger ; en chantant chansons, opérettes, comédies musicales italiennes, françaises et anglo-saxonnes… le ténor Marco Angioloni ressuscite le profil habituel des chanteurs d’opéras abordant le répertoire populaire des années 1930 à 1950. Outre la volubilité séduisante d’un timbre enivré et tendre, le jeune ténor trouve style et intonation justes. Un charmeur lyrique s’affirme ici, d’autant plus qu’il a su bien s’entourer…
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CLASSIQUENEWS : Selon quels critères avez-vous sélectionné les airs et chansons de ce programme ?
MARCO ANGIOLONI : Tout d’abord selon des critères musicologiques de ce répertoire « entre genres » qui, au début du 20ème siècle, était souvent interprété par des chanteurs d’opéras comme par des chanteurs plus populaires. Il faut rappeler que l’opéra était alors le genre musical principal, en quelque sorte la pop music de notre époque, ce qui fait que ces airs ont pu être interprétés par Beniamino Gigli, Alberto Rabagliati ainsi que Luis Mariano, qui étaient respectivement chanteurs d’opéra, de variétés, et enfin d’opérette ou de comédie musicale. La preuve que ces chanteurs, malgré leurs parcours artistiques différents, avaient les mêmes bases, le même bagage en termes de technique vocale classique et d’émission vocale. Ce n’est donc pas un programme « crossover », car il y a une écriture vocale très lyrique et une esthétique commune à tous les morceaux choisis, que j’ai voulu défendre en tant que chanteur classique.
CLASSIQUENEWS : Quelle voix cultivez-vous pour chanter ces airs, tous suaves ou nostalgiques ? Quelles différences avec le chant baroque des XVII et XVIIIème siècle où l’on vous connaît davantage ?
MARCO ANGIOLONI : De manière générale j’essaie de garder la même émission vocale et donc la même voix dans tous les répertoires que je chante. Pour moi, il est très important d’utiliser son instrument de la manière la plus pure et naturelle possible. Ce qui change c’est le style, que j’adapte selon le répertoire que je dois chanter. Que je chante Monteverdi, Haendel, Rossini ou Puccini, mon émission vocale reste la même. Cela peut peut-être surprendre, mais je pense que c’est le meilleur moyen de préserver son instrument et son identité vocale et artistique.
En termes de style en revanche, nous sommes effectivement dans un autre monde par rapport à l’opéra du 17ème ou 18ème. Dans un répertoire comme celui de cet album, l’une des caractéristiques est l’utilisation des « portamento » (port de voix), propre à ce genre d’écriture musicale et qui donne ce côté lyrique et nonchalant, typique de l’opérette du début du 20ème ou de Puccini. Et aussi bien sûr, un chant très « legato » et « sul fiato » (sur le souffle)… mais en y réfléchissant, ces caractéristiques de styles, ne les retrouvons-nous pas également dans le répertoire baroque ? Il suffit de chanter quelques lignes de Stradella ou de Lully pour se rendre compte que ces éléments étaient déjà présents, et que sans legato, on n’arriverait pas à la fin de la représentation !
CLASSIQUENEWS : Vous écrivez que dans ce choix d’airs, se dessinent votre propre parcours, vos passions et vos racines ; comment s’inscrit cet album par rapport à vos précédentes réalisations ? Y aura-t-il une suite ?
MARCO ANGIOLONI : Oui, certains airs et chansons ont une connexion très personnelle à mes souvenirs les plus anciens. Je les ai entendus depuis petit, parfois fredonnés par ma mère ou ma grand-mère à la maison, ou dans la rue au quotidien. Et puis j’ai terminé mes études en France il y a douze ans et c’est devenu ma culture d’adoption. C’est donc un album qui présente un répertoire à la frontière entre les genres, conçu à mon image d' »italo-français » qui rend aussi hommage à ces deux pays – mes deux pays, la France et l’Italie.
CLASSIQUENEWS : Avez-vous en tête à ce stade un rôle, un projet non encore réalisé que vous aimeriez produire ?
MARCO ANGIOLONI : Si vous saviez ! (rires) En termes de rôles j’adorerais commencer à me pencher sur un répertoire belcantiste, du Bellini et Donizetti (je rêve de chanter Nemorino dans L’elisir par exemple) ou du Rossini serio, sans forcément abandonner le baroque, que bien sûr j’espère chanter jusqu’à mes 70 ans !
Côté discographique, pour tout vous dire, j’ai une petite dizaine de programmes d’album déjà construits et prêts à être gravés, dont beaucoup en première mondiale, que j’espère pouvoir présenter dans les prochaines années.
CLASSIQUENEWS : Une anecdote, un souvenir lié à l’enregistrement de ce programme « Dolce Vita »?
MARCO ANGIOLONI : Je me rappelle le dernier jour d’enregistrement, juste après avoir terminé la session : nous étions très fatigués avec mes collègues de l’ensemble Contraste et mon ami Johan Farjot m’a dit « je vais m’asseoir 5 minutes« . Je me suis retourné juste après : il dormait profondément. Je me suis dit que ce projet l’avait vraiment achevé ! C’était probablement la séance d’enregistrement la plus intense que j’ai vécu mais aussi l’une des plus enrichissantes côté humain et artistique… pour moi c’était un rêve que d’enregistrer avec l’ensemble Contraste.
Propos recueillis en mai 2024
Portrait de Marco Angioloni © Benoît Auguste
CD & CONCERT
Dolce Vita – Par Marco Angioloni & friends (1 cd Glossa) – concert exceptionnel au Bal Blomet le 8 mai 2024, 20h : LIRE ici notre présentation : https://www.classiquenews.com/concert-et-cd-dolce-vita-marco-angioloni-lensemble-contrastes-paris-bal-blomet-mercredi-8-mai-2024/
CRITIQUE CD
LIRE ici notre critique complète du CD DOLCE VITA par Marco ANGIOLONI & FRIENDS / CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2024 : https://www.classiquenews.com/critique-cd-dolce-vita-marco-angioloni-tenor-ensemble-contraste-1-cd-glossa/
Portrait de Marco Angioloni © Benoît Auguste