Livres. Compte-rendu critique. CHARLES GOUNOD : Mémoires d’un artiste (Actes Sud / Pal. Bru Zane). Biographe du compositeur dont 2018 marque le bicentenaire de la naissance, Gérad Condé rédige l’intro de cette nouvelle édition qui souligne qu’il n’est pas si rare qu’un compositeur maîtrise la langue de Voltaire, heureux artiste, aussi convaincant par le texte que par sa musique. Et de citer aux côtés de Gounod, d’autres maîtres qui ont laissé des écrits plutôt convaincants voire engagés, provocateurs : Berlioz, Saint-Saëns. Si Berlioz organise ses Mémoires, 20 ans avant de mourir, Gounod envisage les siennes pour clore de vains débats suscités dans la presse, après sa « fuite » en Angleterre après la chute du Second Empire (1870 – 1874). Persuadé d’apporter ses propres éclaircissements, entre 1876 et 1877, l’intéressé rédige donc sa biographie ; il aborde avec respect et déférence la genèse de son talent de compositeur, ce qu’il doit à son milieu et surtout à sa mère (qui l’inscrit au Conservatoire dans la classe de Reicha, Lesueur, puis Cherubini…) ; il y reprécise les raisons de son exil, et aussi sa vraie relation avec son hôtesse à Londres, la cantatrice (un rien « entreprenante et protectrice, directive et dévouée », voire plus, certainement envahissante, et in fine à l’influence dangereuse…) : Georgina Waldon.
A travers une prose parfois trop polie et qui relève de la simple anecdote, le lecteur désormais avisé sait détecter sous la plume enjolivée, le fier romantisme d’une âme indépendante, dont l’ouverture et la sensibilité le conduisent à goûter d’autres disciplines dont la peinture et la sculpture (Raphaël et Michel Ange). Gounod est de surcroît sincèrement croyant, plus fraternel et humaniste que véritablement spirituel. Prix de Rome 1840, Gounod, caractère aimable, est un travailleur assidu, parfois dépressif et qui ne s’en laisse jamais démontrer.
Quoiqu’il en soit, le texte de « Mémoires d’un artiste », est une compilation orchestrée par ses descendants et proches car après sa mort en 1893, Gounod ne laisse pas un cycle complet prêt à la publication ; plutôt un ensemble de chapitres à relier les uns aux autres dont « Mémoires d’un artiste » (1876), « A ma mère » (1884). C’est le peintre Guillaume Dubufe (1853-1909) qui réalise un travail de marqueterie habile, restituant l’ensemble en un tout relativement cohérent. Plusieurs atouts fondent la valeur du texte ainsi parvenu : l’évocation de la famille artistique à Rome que le jeune académicien rejoint en 1840 (Ingres qui fait son portrait est alors le directeur de la villa médicéenne) ; les coulisses qui créent la vie quotidienne du compositeur au chevet de Faust, Sapho, Roméo et Juliette (composé à Fréjus), etc… Plus intéressantes car très engagées voire passionnées, sur ce ton de la confirmation d’un opinion affirmée à l’adresse de possibles et tenaces détracteurs, les pages qui réalisent une défense appuyée et argumentée du génie wagnérien (« Les fastes de Wagner », p 299). La dernière partie, « Ephémérides » – où le lecteur chercheur trouve toutes les dates des événements de la vie, complète astucieusement ce tableau du compositeur par lui-même.
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LIVRES, compte-rendu critique. CHARLES GOUNOD : Mémoires d’un artiste (Actes Sud / Pal. Bru Zane). Ouvrage illustré de nombreux portraits de Charles Gounod.
Collection Palazzetto Bru Zane — Parution : Janvier, 2018 / 11,0 x 17,5 / 368 pages / ISBN 978-2-330-09280-1 / Prix indicatif : 11€