samedi 26 avril 2025

ENTRETIEN avec LEIF OVE ANDSNES : Mozart réinventé… 1/2

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andsnes-leif-ove-mozart-concertos-critique-reveiw-concerts-classiquenews-MOZART-opera-concert-Leif-ove-andsnes-piano-mozart-concertos-classiquenewsENTRETIEN avec LEIF OVE ANDSNES : Mozart réinventé… plus romantique et moderne que vraiment « classique ». Le pianiste Leif Ove Andsnes questionne pendant quatre ans avec les instrumentistes du Mahler Chamber Orchestra, l’écriture concertante de Mozart, à travers son nouveau projet musical intitulé « MOZART MOMENTUM 1785/1786 ». Après un cycle dédié aux Concertos de Beethoven, le pianiste Leif Ove Andsnes interroge le sens et la modernité des Concertos de Mozart dont il éclaire l’écriture personnelle, classique certes, mais surtout pré romantique. Un témoignage qui passionne l’interprète dont les compétences s’élargissent à la direction d’orchestre car il retrouve le MAHLER CHAMBER Orchestra, en une série de concerts et de propositions musicales d’un nouveau genre… Entretien exclusif pour classiquenews.com

 

 

 

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CNC : Beethoven est considéré comme l’ultime figure du triumvirat classique à Vienne, après Haydn et Mozart. Suite à votre « Beethoven Journey » avec le Mahler Chamber Orchestra, pourquoi aujourd’hui (re)venir à Mozart ?

Leif Ove Andsnes : Cela a beaucoup à voir avec ma collaboration avec le Mahler Chamber Orchestra / MCO : notre travail autour du Beethoven Journey, s’est traduit par plusieurs enregistrements et concerts. C’est une sensation unique de travailler exclusivement avec un ensemble pendant des années. Pour les concerts, je dirigeais l’orchestre depuis le piano. J’ai senti pour la première fois de ma vie ce que les grands chefs accomplis doivent ressentir : une sorte d’osmose, de complicité totale avec l’orchestre par rapport aux émotions, aux couleurs, dans la plus grande spontanéité et une liberté totale. En tant qu’artiste en résidence chez MCO, on s’est questionné par rapport aux projets et dans le contexte, il nous a paru tout a fait naturel et logique chez Mozart, voire encore plus que chez Beethoven, de diriger l’orchestre depuis le piano.

A LA CHARNIERE DES ANNEES 1785 – 1786… Ceci est d’autant plus légitime qu’il y a ce dialogue entre le piano et l’orchestre chez Mozart, qui est vraiment parfait pour ce contexte, comme une sorte de musique de chambre augmentée, même s’il y a quand même un soliste. Donc on a décidé Mozart, et j’ai proposé de choisir une période précise de la vie de Mozart, les années 1785 / 1786, qui sont très particulières. Je crois que quelque chose de remarquable s’est passé en 1785, avec son Concerto pour piano n° 20, qui est, d’abord, son premier dans une tonalité mineure, très dramatique, aux couleurs sombres, par rapport aux précédents, mais au-delà de ça, encore plus remarquable est le fait que l’orchestre commence avec une musique complètement différente par rapport au piano. L’orchestre débute de façon exubérante et le piano, lui, entre en une voix à la fois intime et solitaire ; c’est la première fois que cela arrive dans le genre. L’usage est que l’orchestre commence le concerto, puis le piano reprend la même musique et la développe ensuite. Cela a dû être très surprenant pour l’audience de Mozart, et je pense il a bien aimé l’effet, parce qu’il a continué à utiliser ce procédé dans ses concertos ultérieurs.

 

 

 

L’intimité, la solitude…

MOZART invente un nouveau canevas dramatique pour le Concerto pour piano

 

 

 

andsnes-leiv-mozart-concerts-annonces-critique-entretien-mozart-classiquenewsLes compositeurs après lui, de toute évidence, ont bien aimé cette idée, comme Beethoven, qui fait des choses de plus en plus radicales par rapport à l’entrée du piano dans ses concertos. C’est un peu la graine du futur concerto « héroïque », plutôt romantique, où le soliste s’exhibe « Here I am ! » (Je suis là), comme chez Schumann. Mozart fait ainsi grandir la narration, l’histoire… le concerto pour piano devient quelque chose de beaucoup plus complexe, avec l’apparition d’un drame psychologique où l’individu (le soliste) parle à la société… Et il a aussi donné des rôles importants aux instruments, notamment aux vents, ce qui révèle davantage, bien sûr, l’influence de l’opéra. Mozart était alors en train d’écrire Les Noces de Figaro.

 

 

 

CN : Mozart est l’icône par excellence du Classicisme musical ; pourtant les années 1780 dévoilent une grande diversité et complexité dans sa création. En particulier les pièces écrites entre 1784 et 1786. A ce titre, certains musicologues estiment que Mozart est le premier compositeur romantique. Qu’en pensez-vous ?

LOA : Oui, d’une certaine façon cela se voit déjà dans les inventions de Mozart à cette époque, par exemple dans le Concerto n° 20, l’entrée du piano avec une voix très individuelle, c’est un peu le germe du romanticisme musical. Et cette voix est vraiment très particulière, très personnelle, très touchante. Il y a plein des moments dans les concertos de Mozart où l’on peut entendre cette voix sensible, sentimentale, mais Mozart ne tombe jamais dans une démarche d’exploitation romantique pleine de douleur et de souffrance exacerbée comme chez… Schumann ou Wagner. Ces derniers le font de façon délibérée ; chez eux, c’est formellement fantastique, mais parfois un peu trop écœurant. On peut être touché au plus profond de soi avec Mozart, par exemple dans le mouvement lent du Concerto en La, sans que cela ne soit jamais indigeste. C’est un de morceaux les plus poignants dans la vie, et pourtant il y a une pureté dans l’harmonie, tout à fait classique. Au final qu’est-ce que c’est le romanticisme ? Il y a des gens qui trouvent Mozart romantique grâce à toutes les émotions présentes dans sa musique… Il y a quelque de cet ordre. Son développement est impressionnant. J’aime bien quand on se sépare un peu de l’image du génie précoce et immaculé ; ce qu’il était bien évidemment, mais il y a une progression et une maturation évidente chez Mozart tout au long de sa vie. C’est tout autant impressionnant l’assurance qu’il a dans ces gestes créateurs, le début de la Symphonie Prague par exemple, est inattendu, d’un formidable impact, et sans le moindre doute. Quelle maîtrise ! Par rapport à la question émotionnelle, une chose m’a toujours interpellée : la capacité qu’a Mozart à bouleverser de façon soudaine ; on croirait que tout est lisse, que tout va bien, et là il y a une surprise, souvent courte, où quelque chose d’inattendu se présente ; tu ressens alors ton cœur se serrer sans avertissement. Tous ces bouleversements font partie de la richesse de sa musique, et plus il y a des voix, plus il est capable d’exprimer les contrastes, comme d’éclairer la complexité.

 

 

 

CN : Liszt est souvent considéré comme la première rockstar de la musique classique, voire de la musique tout court. Mozart, quant à lui, serait-il alors le premier auto-entrepreneur de la musique populaire ?

LOA : (rires) Peut-être ! J’aurais tout fait pour assister à l’un de ses concerts de son vivant. Parfois il nous est difficile à notre époque de mesurer à quel point ses pièces sont virtuoses… comparées à Rachmaninov ou Bartok qui ont écrit des pièces extrêmement difficiles. On peut s’imaginer le moment juste avant le début d’un Concerto de Mozart, disons le 21ème par exemple, … comment il a du se faire plaisir, page après page ; dans la partition se voit clairement la volonté de plaire à son auditoire, une claire ambition d’affirmer ses compétences. Comment il a fait avancer le piano, c’est impressionnant, notamment en comparaison avec Haydn. Il y a une grande joie chez Mozart, y compris dans sa virtuosité. Je dois aussi dire qu’il y a une joie physique pour le pianiste à interpréter ces concertos. Un vrai plaisir pour les mains de les jouer. Je pense qu’il était un pianiste tout à fait spectaculaire !

 

 

 

ENTRETIEN 2… suite de notre entretien avec Leif Ove ANDSNES, entretien 2/2

 

 

 

LIRE AUSSI notre annonce du cycle de concerts MOZART MOMENTUM par Leif Ove Andsnes

Propos recueillis en avril 2019 par notre envoyé spécial Sabino PENA ARCIA

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