Un premier concert en juin 2023 également à Utah Beach devant le musée du Débarquement avait révélé le tempérament dramatique du jeune compositeur FABIAN JOOSTEN inspiré par le geste héroïques des jeunes soldats américains en juin 1944… Pour les 80 ans du Débarquement, un an plus tard, en juin 2024, la Philharmonie de Baden-Baden, commanditaire, reprogramme son œuvre « Emerged from nothingness » et l’a inscrite à l’affiche de sa tournée exceptionnelle en France les 6, 7 et 8 juin 2024. Le compositeur précise le sujet de la partition, l’écriture, les choix d’orchestration…
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CLASSIQUENEWS : Quels ont été vos choix d’orchestration? Cela sonne riche ou même spectaculaire, avec 4 cors, des percussions importantes, en nombre, des cuivres aussi… dans quel but? Pour quels effets?
FABIAN JOSSTEN : Quand j’ai commencé à travailler sur la pièce, je savais que j’avais tout l’orchestre symphonique à ma disposition (NDLR : la Philharmonie de Baden-Baden). Surtout la représentation de la guerre a nécessité beaucoup de réflexion pour obtenir l’ambiance que je visais. Une atmosphère sombre, stressante, implacable. Les cuivres et les percussions sont très importants ici parce qu’ils ont les meilleures capacités non seulement à rendre la musique énergique, mais aussi d’en faire une expérience physique pour l’auditeur. Dans cette pièce, le plus important est l’utilisation du vibraphone dans la troisième partie de la pièce. Le vibraphone est un instrument unique qui modifie subtilement le son symphonique global sans détourner l’attention des éléments importants de la musique. Cela fait léviter musique un peu plus.
CLASSIQUENEWS : Votre partition suit-elle un programme spécifique qui célèbre la figure héroïque du soldat John Steele? Quelle est la direction générale de la partition, son cours dramatique? Y a-t-il des séquences fortes?
FABIAN JOSSTEN : Ce n’est pas tant que la pièce elle-même célèbre les hauts du héros John Steele, qu’elle célèbre surtout la victoire des forces alliées et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Même si la pièce commence en évoquant l’histoire unique de John Steele, mon intention était de mettre en évidence les bonnes choses qui ont suivi une fois la guerre terminée. L’occasion de ressentir profondément et sans perturbation le chagrin et le deuil des soldats perdus. Permettre à la société de pardonner, de reconstruire et de travailler pour plus de bonté, de bienveillance, de paix. « Emerged from nothingness / Jaillis du néant » suit essentiellement ces 3 séquences : I. John Steeles Story, II. Le temps de la tristesse et du pardon, III. Le soulèvement de l’humanité.
CLASSIQUENEWS : Demeurez-vous dans l’histoire ou concevez-vous aussi d’une certaine façon, une distanciation poétique, une dimension encore plus abstraite et universelle dans cette œuvre ?
FABIAN JOOSTEN : Même si la pièce dépeint beaucoup d’histoire, mon principal espoir était d’inspirer la gentillesse ; d’exprimer une perspective positive sur ce que nous, en tant que société, pouvons réaliser au milieu de toute la négativité qui est imprimée dans notre histoire et notre présent. Nous vivons malheureusement à une époque où la guerre et la division sont de plus en plus répandues, nous vivons même des parallèles avec les prémices de la 2ème guerre mondiale. Pour moi, « Emerged From Nothingness » prend tout son sens à mesure que nous questionnons la direction de la politique mondiale actuelle et les changements sociétaux.
CLASSIQUENEWS : Comment ce travail s’inscrit-il dans votre travail global?
C’est de loin mon travail le plus politique. Dans la plupart de mes œuvres récentes, j’ai exploré la nature ou les souvenirs de mon enfance. Je veux offrir aux gens un espace sûr avec ma musique. Le monde est assez stressant et j’espère que ma musique leur donne une chance de se distancer de ce stress. C’est aussi ma façon de m’éloigner de ces mêmes sentiments. « Émergé du néant » est tout à fait aberrant à cet égard.
CLASSIQUENEWS : Selon vous, quelle est la singularité de la Philharmonie de Baden-Baden ? Sur quelles qualités spécifiques de l’Orchestre vous êtes-vous appuyé pour développer et écrire votre partition ?
FABIAN JOOSTEN : J’ai une relation très spéciale avec les musiciens de l’Orchestre car j’ai pratiquement grandi avec eux. J’en connais certains depuis mon enfance. C’est un lien très spécial. Lorsque j’écris pour la Philharmonie de Baden-Baden, je n’écris pas seulement pour « un » orchestre, j’écris spécifiquement pour des instrumentistes que je connais depuis si longtemps. Je les vois jouer devant mes yeux en écrivant leurs parties. Outre mes liens personnels, l’orchestre est incroyablement diversifié en ce qui concerne son répertoire. Il peut jouer à peu près tous les répertoires : Baroque, Romantique, Opéra, Musique de film, Crossover... Il n’y a pas de limites, j’aime beaucoup ça.
CLASSIQUENEWS : Pour cette tournée FRANÇAISE de juin 2024, avez-vous modifié certains points de la partition par rapport à la création de 2023 ?
FABIAN JOOSTEN : En fait, je l’ai modifiée. Mais seulement de façon marginale. En plus d’être maintenant une pièce pour 3 bois, – ce qui n’était pas le cas dans sa première version en 2023, j’ai également fait quelques corrections mineures quand je n’étais pas heureux avec ma propre exécution d’une idée musicale. Mais le noyau de la pièce est à peu près identique à la version 2023.
Propos recueillis en mai 2024
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LIRE aussi notre présentation des concerts de la Philharmonie de Baden-Baden,les 6, 7 et 8 juin 2024, 80 ans du Débarquement, Hommahe à Fortitude :