vendredi 11 octobre 2024

ENTRETIEN avec le compositeur Laurent PETITGIRARD, à propos de son 2ème opéra « Guru » – à l’affiche du TNT à Nice, pour sa création française (les 20, 22, 24 février 2024)

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CLASSIQUENEWS : Quel est le sujet central de votre opéra « Guru » ?

Laurent Petitgirard : J’ai écris l’opéra entre 2006 et 2009. A l’époque j’avais été frappé par la tragédie de Jonestown. En particulier par la manipulation psychologique qu’un homme (en l’occurrence Jim Jones) est capable d’exercer sur un groupe d’individus, jusqu’à les mener vers la mort. De la même façon, j’ai suivi aussi la tragédie du Temple solaire. Mon opéra Guru évoque l’emprise toxique d’un fanatique sur les esprits ; il y est question d’enfants martyrs, de viols, d’actes ignobles… l’opéra fait la synthèse des deux affaires : le discours idéologique du Temple solaire et la violence de Jim Jones.

 

CLASSIQUENEWS : Sur le plan de l’écriture orchestrale, quelles sont les spécificités ?

Laurent Petitgirard : L’orchestre ne suit pas un personnage en particulier. J’ai surtout veillé à la fluidité générale, de sorte que les instruments, – ici en grand effectif, soient en parfaite accointance avec l’action. 

Les percussions ont un rôle continu : ils entretiennent sans discontinuer la pulsion rythmique qui est primordiale, du début à la fin du drame. 

Mon obsession est l’intelligibilité. Mon souci de la compréhension des chanteurs est plus proche de Ravel que de la prosodie de Debussy. Dans mon opéra précédent « Elephant Man », je discutais avec Nathalie Stutzmann qui chantait le rôle principal de contralto ; je soulignais alors combien était essentiel le principe d’une note par syllabe. Cela apporte la clarté nécessaire.

C’est d’autant plus significatif pour le personnage de Marie, un personnage clé qui est le seul à résister au gourou. Le personnage ne chante pas mais il parle tout du long. La partie est écrite et suit une grille rythmique stricte. Cela exige une discipline particulière qui doit sonner naturel et fluide sur scène. Il faut une comédienne accomplie qui soit aussi musicienne. C’est Sonia Petrovna qui incarne le personnage. Elle y est d’autant plus légitime que Sonia a déjà réussi un défi semblable en interprétant le rôle parlé de Jeanne au Bûcher d’Honegger.

 

CLASSIQUENEWS : Comment s’inscrit Guru vis à vis de vos autres ouvrages lyriques ?

Laurent Petitigirard : Je dirai que c’est le plus militant. Il dénonce les dérives sectaires. A l’époque où je composais l’opéra, j’ai contacté pour mes recherches la « Miviludes » (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Son président était tout à fait informé de mon travail et m’a confirmé que l’opéra abordait le sujet avec une grande exactitude. Avec aux côtés des actes abjects commis au nom du rituel et de l’idéologie, l’idée centrale de la « conjuration des imbéciles » car bien souvent les disciples adhèrent aux thèses complotistes les plus délirantes. J’ai toujours été très inspiré par les faits d’actualité et ce qui affecte nos sociétés. « Elephant Man » traite de l’exclusion ; après Guru, mon troisième opéra, qui évoque les dernières années de la vie du magicien Houdini, aborde le thème de la mort.

 

CLASSIQUENEWS : Si nous devions distinguer deux ou trois scènes particulièrement emblématiques de votre travail sur Guru, quelles seraient-elles ?

Laurent Petitgirard : C’est toujours très difficile d’isoler une séquence plutôt qu’une autre. Si je devais citer un tableau particulier, il s’agirait de la dernière scène de l’acte I, quand Guru est seul et délire (« je suis l’éternité »). L’orchestre qui semble tourner sur lui-même, exprime et dévoile la démence du personnage, l’absolu de sa folie.

Je pense tout autant à la scène 3 de l’acte II où s’affrontent les deux forces en présence : Guru qui chante et Marie qui parle. La mise en place est un défi ; la violence de cet affrontement est l’un des temps forts de la partition. 

Je citerai aussi la première scène de l’acte III, la mort d’iris pour laquelle j’ai composé un air complet en respectant la tradition d’un air d’opéra classique ; et puis il y a la scène 7 du même acte III quand Marie tente d’empêcher les disciples de boire le poison ; elle se confronte aux nouveaux fidèles (les plus fanatiques) soit un groupe vocal de 6 chanteurs qui entonnent les chants du rituel bien huilé (un cantique apocalyptique).

Propos recueillis en février 2024
Photos Laurent Petitgirard – DR

 

 

Agenda

Guru de Laurent Petitgirard, à l’affiche du TNT NICE, présenté par l’Opéra de Nice, en création française, les 20, 22 et 24 février 2024.

LIRE ici notre présentation annonce de Guru de Laurent Petitgirard: https://www.classiquenews.com/nice-opera-de-nice-tnn-laurent-petigirard-guru-creation-francaise-les-20-22-24-fevrier-2024/

 

OPERA DE NICE / TNN : Laurent Petitgirard : Guru, création française (les 20, 22, 24 février 2024)

 

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