samedi 12 octobre 2024

ENTRETIEN avec la violoncelliste ESTELLE REVAZ. A propos de son dernier album « Inspiration populaire »

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ENTRETIEN avec ESTELLE REVAZ. Son dernier album « Inspiration populaire » a obtenu notre CLIC de CLASSIQUENEWS : en complicité avec la pianiste Anaïs Crestin, Estelle Revaz affirme la somptueuse sonorité de son violoncelle XVIIè dans un programme qui cultive les métissages. L’interprète rappelle combien en se mêlant, le populaire et le savant s’électrisent au rythme du pittoresque, de la danse, de l’amour aussi… Perle de cette collection de pièces idéalement investies, la Sonate de Ginastera qui délivre ses climats poétiques à la fois mélancoliques et salvateurs. Estelle Revaz commente le parcours de ce programme inédit…

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CLASSIQUENEWS : D’une façon générale comment fonctionne votre duo avec Anaïs ? Sur quelles qualités s’établit votre complicité ?

ESTELLE REVAZ : Nous nous connaissons depuis plus de 10 ans. Nous avons un parcours assez similaire à travers les écoles française et allemande, qui nous rapproche sur le plan musical. Nous avons aussi vécu plusieurs tournées mémorables que ce soit en Europe ou en Amérique du sud. Celles-ci nous ont permis de nous rapprocher humainement. Nous sommes devenues de vraies amies dans la vie ce qui nourrit bien sûr notre complicité sur scène. Nous répétons très intensivement avant les tournées puis laissons mûrir, et ainsi de suite. Pour le disque, nous avons énormément travaillé ensemble afin de peaufiner notre programme qui avait pourtant déjà été bien expérimenté sur scène. Nous avons fait un vrai travail de musique de chambre où toutes les décisions musicales ont été prises à deux. Un telle sonorité artistique est précieuse.

 

 

Estelle Revaz © Batardon

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment définiriez-vous le son et le caractère de votre instrument ? Dans quels morceaux cela se manifeste le plus ?

ESTELLE REVAZ : Je surnomme mon Grancino de 1679, « Louis XIV ». Comme le Roi Soleil, il est rayonnant, majestueux mais aussi profond et plein de caractère. Il a un son très chaleureux, (surtout dans les graves) et un timbre fruité à souhait. Un programme comme « Inspiration populaire » lui convient particulièrement bien parce qu’il lui permet de mettre en avant sa riche palette de couleurs.

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment, sur quels critères avez-vous établi le programme du cd « Inspiration populaire » ?

ESTELLE REVAZ : Le programme s’est construit petit à petit. Nous voulions mettre en valeur la Sonate de Ginastera pour violoncelle et piano qui est un vrai petit bijou… mais qui est malheureusement encore trop rarement jouée. Anaïs a gagné le concours Ginastera de Buenos Aires il y a quelques années ; et moi, j’ai toujours été très sensible à la musique pleine de caractère du compositeur argentin. Lors de notre toute première rencontre, nous avions joué la Pohadka de Janacek. Le fil rouge de l’inspiration populaire nous est alors apparu comme une évidence. La Rhapsodie hongroise de Popper fait partie de mes pièces fétiches. Je l’ai jouée pour la première fois à l’âge de 13 ans et elle ne m’a plus quittée depuis. Ici cette pièce nous a séduites parce qu’elle permet de clore le programme sur un esprit de bis. Les chansons populaires espagnoles de De Falla et les 5 pièces sur un ton populaire de Schumann ont coulé ensuite de source. Nous voulions jeter notre dévolu sur des pièces complémentaires qui puissent proposer un voyage équilibré au coeur de l’inspiration populaire de différents pays. Et puis le fait que toutes pièces soient aussi sous-tendues par la thématique de l’amour nous a paru intéressant sur le plan expressif.

 

CLASSIQUENEWS : La Sonate de Ginastera est emblématique de ce regard rétrospectif : mélancolie mais sensibilité amoureuse. Comment ressentez-vous cette Sonate ? Pourquoi l’avoir choisie ?

ESTELLE REVAZ : Comme je l’ai dit, il s’agit d’une petite merveille qui est malheureusement trop peu jouée. L’épouse de Ginastera, qui était violoncelliste et dédicataire de l’oeuvre, avait exigé l’exclusivité d’exécution de la pièce. Elle considérait la sonate comme l’enfant qu’elle n’avait pas pu avoir avec son mari. Le problème est que du coup l’oeuvre n’a pas pu entrer au répertoire. C’est donc à notre génération de faire le nécessaire pour la faire connaître. Cette sonate est très variée. Le premier mouvement est truffée de rythmes folkloriques argentins. La partie centrale en pizz apporte un contraste saisissant. Le deuxième mouvement est un duo d’amour entre le compositeur et son épouse. C’est très touchant de pouvoir lire les mots d’Amor inscrits sur la partition. Le 3ème mouvement est une course poursuite de mouches. Arrivées à un point donné, elles reviennent en arrière note pour note. C’est très drôle comme effet, même si ce n’est pas nouveau. Et puis le final est une explosion de fougue, d’énergie et de virtuosité. On peut facilement imaginer les gauchos sur leurs chevaux qui sillonnent la pampa.

 

 

CLASSIQUENEWS : Une anecdote sur l’enregistrement ? Un épisode qui vous a marqué pendant les sessions de l’enregistrement ?

ESTELLE REVAZ : Nous avons enregistré ce disque à la sortie du 2ème confinement. Pour répéter, il a fallu user d’ingéniosité et faire très attention à ne pas attraper le covid. En allant à Villefavard, je me suis faite fouillée de la tête aux pieds par la police qui était à l’affût du moindre déplacement.

 

 

CLASSIQUENEWS : Quels sont vos projets pour l’enregistrement et le concert en 2023 et 2024 ?

ESTELLE REVAZ : Un nouvel album solo autour des 11 caprices de Dall’Abaco plusieurs tournées dont une au Canada et puis une surprise… mais qui est encore secrète.

 

Propos recueillis en janvier 2023

 

 

 

Photo grand format : Estelle REVAZ © Pucciarelli

 

 

 

CD

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LIRE notre critique du cd  » Inspiration populaire » / Estelle REVAZ / Anaïs CRESTIN (1 cd Solo Musica) : https://www.classiquenews.com/critique-cd-inspiration-populaire-ginastera-schumann-de-falla-estelle-revaz-violoncelle-anais-crestin-piano-1-cd-solo-musica/

Quelle soit propre au folklore familier européen, ou d’inspiration plus exotique (ici jusqu’en Argentine), chaque musique dite savante gagne à puiser dans les cultures populaires, à cultiver les métissages et l’aventure de la curiosité comme de la rencontre. Le pittoresque voire le fantasque, la danse et ses rythmes assumés, et aussi le retour aux sources – sorte de mélancolie salvatrice, dans le cas de l’argentin Ginestera se révèlent particulièrement stimulants….

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