jeudi 28 mars 2024

En Vendée, William Christie dirige Actéon de Charpentier

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titien-diane-acteon-580Thiré (Vendée). William Christie dirige Actéon de Charpentier, les 29,30 août 2014. Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704) continue d’être régulièrement entendu grâce au début de son te Deum qui sert toujours de générique aux diffusions en eurovision. Rares les connaisseurs qui savent que Charpentier fut à l’époque de Lully, donc sous le règne de Louis XIV, l’un des auteurs français baroques les plus importants, les mieux inspirés, comme en témoignent sa musique sacrée, surtout ses drames et opéras dont le raffinement harmonique, le sens supérieur du drame, appris entre autres pendant sa formation romaine auprès de l’immense Carissimi, excellent dans le genre théâtral. Médée, la descente d’Apollon aux enfers, et Actéon témoignent d’une sensibilité rare et exceptionnelle qui trouve de l’autre côté de l’Atlantique, en Angleterre, son pendant musicien, aussi doué et subtil que le Français, Purcell lui-même – ou l’Orphée britannique : on remarque chez les deux compositeurs contemporains, ce même sens du drame, cette économie expressive qui découle directement du modèle carissimien, le don pour la langueur, la sensualité, les contrastes saisissants, dans le sillon du maître pour tous, Claudio Monteverdi. A l’époque où Charpentier écrit Actéon, Purcell compose pour un lycée de jeunes filles, son chef d’oeuvre absolu : Didon et Enée (vers 1689).  Purcell est hanté par la mort et fasciné par la fragilité humaine : ce qui transparaît aussi dans le drame de Charpentier où face à la puissance de l’amour, la rage de Diane et la jalousie de Junon, se dresse, fierté dérisoire, la frêle ambition d’Actéon dont le seul défaut fut ici de surprendre dans son bois, Diane et ses compagnes…
Après la brouille de Molière avec Lully, Charpentier qui demeure écarté de la Cour de Versailles même s’il est particulièrment apprécié du roi, compose les parties musicales de ses dernières comédies-ballets, La comtesse d’Escarbagnas et Le Malade imaginaire.  Maître de Musique du Grand Dauphin, puis de la Sainte Chapelle, Charpentier est une figure majeure de la musique française du XVIIème : ses fins chromatismes, son architecture harmonique soulignent quel audacieux créateur il fut à l’époque où la France Baroque invente son vocabulaire et sa langue propres, à partir de la source italienne.

Charpentier est Actéon…

Mis à distance par le surintendant Lully qui avait bien percé le génie de ce rival potentiel, Charpentier est d’abord le directeur des spectacles à la cour de Marie de Lorraine, duchesse de Guise : il y échafaude sa propre conception des spectacles, divertissements, cantates, histoires sacrées ou drames mythologiques comme cet Actéon, véritable opéra de poche, vraissemblablement créé au début des années 1680 à Paris, à l’hôtel de Guise, où le compositeur a certainement chanté le rôle titre. La mythologie offre de nombreux sujets sur l’amour tragique voire sanglant : le bel Actéon chasse dans les bois lorsqu’il tombe sur Diane et ses suivantes au bain. Outragée par cette incursion, la déesse le transforme en cerf : il sera dévoré par ses propres chiens.
Fils du dieu mineur Aristée qui est le fils d’Apollon, et de la fille de Cadmos, Autonoé, Actéon est élevé par le centaure Chiron et devient un chasseur expérimenté. Diodore de Sicile puis Euripide apportent une autre version expliquant le châtiment de Diane, elle aussi déesse de la chasse et souveraine des bois : orgueilleux, Actéon se serait vanté d’être meilleur chasseur que la déesse qu’il aimait pourtant… C’était un défaut de trop que Diane prend soin de châtier. Enfin Pausanias évoque le culte dont il faisait l’objet à Orchomène en Béotie. Dans l’opéra de Charpentier, Actéon est le prince de Thèbes, adoré de ses sujets et tragiquement pleuré par ses compagnons de chasse à la fin de l’action.

Marc-Antoine Charpentier : Actéons, vers 1684.
Festival Dans les Jardins de William Christie
Thiré (Vendée), les 29 et 30 août 2014. Sur le Miroir d’eau, à 20h30.

Marc-Antoine Charpentier
[1645-1704]
Actéon (H 481), pastorale, ou opéra de chasse, en cinq scènes
créé vers 1684. Livret de Marc-Antoine Charpentier, d’après Les Métamorphoses d’Ovide

 

 

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Personnages :
Actéon
Diane
Daphné
Hayle
Arthebuse
Junon
Choeur des Chasseurs
Choeur des Nimphes de Diane

Résumé, synopsis :
Le charme de cette tragédie pastorale et cynégétique tient à la subtile correspondance entre les paysages de la nature mis au diapason des sentiments éprouvés par les protagonistes. Du bain de Diane, évocation idyllique d’un bois réconfortant… au ténèbres de Thèbes endeuillée par la mort de son prince Actéon, Charpentier peint comme un peintre doué d’une exceptionnelle sensibilité panthéiste, les passions humaines les plus ténues.
D’abord, dans la scène d’ouverture, Charpentier souligne l’entrain des chasseurs conduits par Actéon, poursuivant l’ours qui ravage les bois de Diane. A l’action des hommes répond la langueur partagée de la déesse et de ses compagnes qui établissent dans un bocage reculé, le lieu de leur bain. Daphné, Hyade, Arthébuse célèbrent la douceur de l’endroit préservé du regard humain comme des flammes dévorantes de l’amour (ce « tyran des cœurs »). La nature apaise des tourments amoureux : par le chant d’Arthébuse, Charpentier dévoile les vertus apaisantes des bois secrets de Diane. les nymphes confessent qu’il est doux de mépriser les ardeurs d’un dieu trompeurs…
A midi, Actéon épuisé abandonne ses compagnons pour faire retraite à l’ombre des bois. Le jeune chasseur si fier de sa liberté surprend et observe Diane en son bocage tranquille. Mais la déesse démasque l’espion et jure de se venger : malgré la défense d’Actéon, elle le transforme en un magnifique cerf qui est chassé par ses propres compagnons et dévoré par ses chiens.
C’est Junon outragée (l’infidélité de son époux Jupiter) et solidaire de Diane qui explique aux chasseurs qu’ils viennent de tuer le prince Actéon, héros adulé à Thèbes. La partition s’achève sur le choeur de déploration des chasseurs, endeuillés par la perte de leur prince.

acteon-diane-580-380-Livret :
Le Choeur des Chasseurs
Allons, marchons, courons, hastons nos pas.
Quelle ardeur du soleil qui brusle nos campagnes;
Que le pénible accès des plus hautes montagnes
Dans un dessein si beau ne nous retarde pas.

Scène I
Actéon
Déesse par qui je respire,
Aimable Reyne des forêts,
L’ours que nous poursuivons désole ton empire
Et c’est pour immoler à tes divins attraits
Que la chasse icy nous attire.
Conduis nos pas, guide nos traits,
Déesse par qui je respire,
Aimable Reyne des forêts.

Deux Chasseurs
Vos vœux sont exaucés et par le doux murmure
Qui vient de sortir de ce bois
le ciel vous en assure,
Suivons ce bon augure.
Allons, marchons, courons, …

Scène II
Diane, Daphné, Hayle, Arthébuse,
Choeur de Nymphes

Diane
Nymphes, retirons-nous dans ce charmant Boccage.
Le cristal de ses pures eaux,
Le doux chant des petits Oyseaux,
Le frais et l’ombrage sous ce vert feuillage
Nous ferons oublier nos pénibles travaux.
Ce ruisseau loin du bruit du monde
Nous offre son onde,
Délassons-nous dans ce flots argentés,
Nul mortel n’oserait entreprendre
De nous y surprendre,
Ne craignons point d’y mirer nos beautés.

Le Choeur de Nimphes
Charmante fontaine,
Que votre sort est doux,
Notre aymable Reyne
Se confie à vous.
D’un tel avantage
L’Idaspe et le Tage
Doivent estre jaloux.

Daphné et Hyale
Loin de ces lieux tout cœur profane;
Amants, fuyez ce beau séjour,
Vos soupirs et le nom de l’amour
Troubleraient le bain de Diane.
Nos cœurs en paix dans ces retraites
Goustent de vrais contentemens.
Gardez-vous, importuns amans,
D’en troubler les douceurs parfaites.

Arthébuse
Ah ! Qu’on évite de langueurs
Lorsqu’on ne ressent point les flammes
Que l’amour, ce tyran des cœurs,
Allume dans les faibles ames.
Ah ! Qu’on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.

Le Choeur de Nimphes
Ah ! Qu’on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.

Arthébuse
Les biens qu’il nous promet
N’en ont que l’apparence,
Ne laissons point flatter
Par ses appas trompeurs
Notre trop crédule espérance.
Ah ! Qu’on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.

Le Choeur de Nimphes
Ah ! Qu’on évite de langueurs,…

Arthébuse
Pour nous attirer dans ses chaines
Il couvre ses pièges de fleurs,
Nimphes, armez-vous de rigueurs
Et vous rendrez ces ruses vaines.
Ah ! Qu’on évite de langueurs
Lorsqu’on ne ressent point les flammes
Que l’amour, ce tyran de nos coeurs,
Allume dans les faibles ames.
Ah ! Qu’on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.

Le Choeur de Nimphes
Ah ! Qu’on évite de langueurs,…

Scene III

Actéon
Diane,
Choeur de Nymphes

Actéon
Amis, les ombres raccourcies
Marquant sur nos plaines fleuries
Que le soleil a fait la moitié de son tour,
Le travail m’a rendu le repos nécessaire;
Laissez moi seul resver dans ce lieu solitaire
Et ne me renvoyez que sur la fin du jour.
Agréable vallon, paisible solitude,
Qu’avec plaisir sur vos cyprès
Un amant respirant le frais
Vous feroit le récit de son inquiétude;
Mais ne craignez de moy ny plaintes ny regrets.
Je ne connois l’amour que par la renommée
Et tout ce qu’elle en dit me le rend odieux.
Ah ! S’il vient m’attaquer, ce Dieu pernicieux,
Il verra ses projets se tourner en fumée.
Liberté, mon cœur, liberté.
Du plaisir de la chasse,
Quoy que l’amour fasse,
Sois toujours seulement tenté.
Liberté, mon cœur, liberté.
Mais quel objet frappe ma vue ?
C’est Diane et ses sœurs, il n’en faut point douter.
Approchons nous sans bruit, cette route inconnue
M’offrira quelqu’endroit propre à les écouter.

Diane
Nimphes, dans ce buisson
quel bruit viens-je d’entendre ?

Actéon
Ciel ! Je suis découvert.

Le Choeur de Nimphes
Oh ! Perfide mortel,
Oze tu bien former le dessein criminel
De venir icy nous surprendre.

Actéon
Que feray-je, grands Dieux ?
Quel conseil dois-je prendre ?
Fuyons, fuyons !

Diane
Tu prends à fuyr un inutile soin,
Téméraire chasseur, et pour punir ton crime
Mon bras divin poussé du courroux qui m’anime
Aussi bien que de prez te frappera de loin.

Actéon
Déesse des chasseurs, escoutez ma deffence.

Diane
Parle, voyons quelle couleur,
Quelle ombre d’innocence
Tu puis donner à ta fureur.

Actéon
Le seul hazard et mon malheur
Font toute mon offense.

Diane
Trop indiscret chasseur,
Quelle est ton insolence !
Crois-tu de ton forfait déguiser la noirceur
Aux yeux de ma divine essence ?
Que cette eau que ma main fait rejaillir sur toy
Apprenne à tes pareils à s’attaquer à moy !

Le Choeur de Nimphes
Vante toy maintenant, profane,
D’avoir surpris Diane
Et ses sœurs dans le bain,
Va pour te satisfaire,
Si tu le peux faire,
Le conter au peuple Thébain.

Scene IV

Actéon

Actéon
Mon cœur, autre fois intrépide,
Quelle peur te saisit ?
Que vois-je en ce miroir liquide ?
Mon visage se ride,
Un poil affreux me sert d’habit,
Je n’ay presque plus rien de ma forme première,
Ma parole n’est plus qu’une confuse voix.
Ah ! Dans l’estat ou je me voys,
Dieux qui m’avez formé du noble sang des Roys,
Pour espargner ma honte
Ostez moy la lumière.

Scene V

Actéon, transformé en Cerf,
le Choeur des Chasseurs

Le Choeur des Chasseurs
Jamais trouppe de chasseurs
Dans le cours d’une journée
Fut-elle plus fortunée,
Jamais trouppe de chasseurs
Reçut-elle un jour du ciel plus de faveurs.
Actéon, quittez la resverie,
Venez admirer la furie
De vos chiens acharner sur ce cerf aux abois.
Quoy ! N’entendez-vous pas nos voix ?
Que vous perdez, grand prince, à resver dans un bois,
Croyez qu’à nos plaisirs vous porterez envie,
Et dans tous le cours de la vie
Un spectacle si doux ne s’offre pas deux foix.

Scene VI

Junon,
Choeur des Chasseurs

Junon
Chasseurs, n’appelez plus qui ne peut vous entendre.
Actéon, ce héros a Thèbes adoré,
Sous la peau de ce cerf a vos yeux déchiré
Et par ses chiens dévorés
Chez les morts vient de descendre.
Ainsi puissent périr les mortels odieux
Dont l’insolence extrême
Blessera désormais les Dieux,
La puissance suprême.

Le Choeur des Chasseurs
Hélas, Déesse, hélas !
De quoy fut coupable
Ce héros aymable
Pour mériter l’horreur de si cruel trépas ?

Junon
Son infortune est mon ouvrage
Et Diane en vangeant l’outrage
Qu’il fit à ses appas
N’a que presté sa main à ma jalouse rage.
Ouy Jupiter, perfide espous,
Que ta charmante Europe au ciel prenne ma place
Sans craindre mes transports jaloux.
Mais si jusqu’à son cœur n’arrivent pas mes coups,
Actéon fut son sang et je jure à sa race
Une implacable haine, un éternel courroux.

Elle s’envole.

Le Choeur des Chasseurs
Hélas, est-il possible
Qu’au printemps de ses ans ce héros invincible
Ayt vu trancher le cours de ses beaux jours.
Quel cœur, à ce malheur, ne seroit pas sensible.
Faisons monter nos cris jusqu’au plus haut des airs,
Que les rochers en retentissent,
Que les flots écumans des mers,
Que les aquilons en mugissent,
Qu’ils pénètrent jusqu’aux enfers.
Actéon n’est donc plus,
Et sur les rives sombres
Le modelle des souverains,
Le soleil naissant des Thébains
Est confondu parmy les ombres.

 

 

 

Festival-William-Christie-2013-9_gallery_fullLe festival imaginé et accueilli par William Christie dans ses jardins de Thiré en Vendée, s’adresse au plus large public ; il veille à l’enchantement des sens comme aux vertus de la transmission : en jardinier musicien pédagogue, « Bill » que tout un chacun pourra croiser dans son domaine, les jours de concert, se soucie de la professionnalisation et de la transmission aux jeunes interprètes ; ainsi, les opéras en plein air, les mini concerts et les promenades musicales (qui invitent les auditeurs à parcourir les allées et bosquets du domaine) permettent aux jeunes talents de réaliser et accomplir leur cheminement artistique : rien n’est comparable aujourd’hui pour un jeune, à l’expérience des Arts Flo. Les festivaliers familiers des lieux (d’une beauté il est vrai à couper le souffle) y retrouvent les jeunes tempéraments, fougueux, vifs, prometteurs, du Jardin des Voix, l’Académie vocale fondée par William Christie : ceux de l’année en cours, ceux des promotions précédentes (cette année : Elodie Fonnard, Rachel Redmond -sopranos-, Emilie Renard -mezzo-, Sean Clayton, Reinoud Von Mechelen, Zachary Wilder – ténors… ). Jeunes chanteurs et instrumentistes, musiciens accomplis des Arts Flo offrent l’espace d’une semaine l’une des programmations les plus raffinées dans un cadre unique au monde. C’est un festival majeur de l’été qui fait de la Vendée, un lieu désormais incontournable en France au mois d’août.

 

 

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Réservations par internet sur les sites :
www.vendee.fr
www.festivalchezwilliamchristie.vendee.fr

Par téléphone : 02 51 44 79 85

Festival-William-Christie-2013-7_gallery_fullDes prix particulièrement accessibles. L’ensemble des activités musicales offertes pendant le festival affiche des prix plus que raisonnables, uniques mêmes comparés à d’autres manifestations aux affiches pourtant moins prestigieuses.  Ce critère permet une accessibilité totale pour tous et fait de Thiré, un festival qui n’a rien d’élitiste (un autre argument pour le défendre totalement). Jugez plutôt : Les Promenades musicales (8/5 euros), Concerts sur le Miroir d’eau (18/10 euros), Miroir d’eau + Méditations (20/12 euros)… Ne tardez pas à réserver car dates et places sont limitées.

 

 

Illustrations : Acteon surprend Diane au bain, Diane chasseresse se venge d’Acteon par Titien (DR)

 

 

 

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