samedi 26 avril 2025

En direct du Metropolitan de New York. Samedi 20 décembre 2008. Jules Massenet: Thaïs, 1894. Renée Fleming, Thomas Hampson. Jesus Lopez-Cobos, direction

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Méditation salvatrice

Nouvel épisode cinématographique qui mêle sur le grand écran, haute technologie de l’image et du son, et … opéra: samedi 20 décembre 2008 à 18h, heure européenne, le Met diffusait en direct dans les salles des cinéma partenaires, sa production lyrique événement, Thaïs de Jules Massenet, avec Renée Fleming dans le rôle de la courtisane alexandrine (Thaïs) et Thomas Hampson dans celui d’Athanaël, le moine cénobite, fou d’amour pour elle.
La création américaine de l’ouvrage français représenté pour la première fois à l’Opéra de Paris en 1894, remonte à 1917. Curieuse partition qui piétine un peu en début d’action, révèle ses splendeurs spirituelles au cours des deux derniers actes; où le moment crucial de la métamorphose de Thaïs, la conversion de son âme jusque là perdue, se réalise en une « pause » purement musicale, intitulée depuis « la méditation de Thaïs », dont le seul violon dans la fosse, indique l’embrasement spirituel de l’héroïne et son éveil spirituel (superbe prestation du premier violon de l’Orchestre du Met, sous la direction de Jesus Lopez Cobos: David Chang).
Comme le dit au second entracte Renée Fleming, « c’est surtout l’évolution des personnages, la progression de leur âme qui se révèlent passionnant ». De fait, les deux êtres qui se rencontrent ne vivront pas la même chose, plus précisément leur course respective dessine chacune deux destins opposés, deux directions contraires: alors que l’actrice pécheresse s’élève d’acte en acte, jusqu’à l’extase sainte, le jeune moine cénobite qui veut ainsi s’activer dans le monde des hommes, ne se remettra jamais de sa rencontre avec la déesse tentatrice et finit même sa route, totalement anéanti par le doute, le remords, le désir purement physique que la belle Thaïs ne cesse de lui inspirer. Toute la force et la violence de l’opéra de Massenet repose sur ce parallèle contrasté, dramatiquement captivant.

Fleming, super diva

Dire que Renée Fleming excelle vocalement et scéniquement dans un rôle qui semble dans le sillon tracé par sa créatrice, l’illustre Sybil Sanderson (soprano californienne et muse de Massenet), taillé pour elle, reste une évidence: sur le plan psychologique, la cantatrice traverse pas à pas, les étapes d’un cheminement spirituel parfaitement construit: insouciance et provocation de la courtisane dans les appartements de Nicias (Acte I), beauté inquiète et solitaire, ivre d’éternité devant son miroir et dans sa chambre; (II) nouvelle convertie marchant jusqu’à l’épuisement dans le désert, jusqu’à son extase finale (III) où l’ancienne sirène d’Alexandrie meurt en véritable Sainte… physiquement (et dans les robes dessinées par Christian Lacroix – artiste invité par le Met pour fêter en 2008, les 125 ans de l’institution lyrique), Renée Fleming affiche une silhouette idéale, souple, élégante, provocante. Sur le plan vocal, le chant se parfait en cours de représentation: distillant ses sons filés, et ses aigus caressés avec une maîtrise dont elle a le secret: en reine des nuits chaudes, puis en illuminée bienheureuse, la diva s’impose sans réserves (à partir de la scène du miroir et jusqu’à son dernier air, – apothéose-), « La » Fleming nous offre un chant souverain, en classe, en vraisemblance, en style. Et même quand elle réapparaît dans l’esprit du pauvre Athanaël, en figure vénéneuse, tel un poison sensuel, lançant ses rires de sirène triomphatrice, la diva trouve le ton juste…

A ses côtés, Thomas Hampson relève le défi du rôle le plus écrasant : il s’obstine, invective, rudoie même celle qu’il pourchasse et harcèle au nom du Christ; Heureux artisan de la conversion de Thaïs, il se montre enchanté puis tendre pour celle qui a décidé de se retirer dans un monastère; puis, pris de remords pour avoir laissé filer cette trop belle proie, rongé par le désir qui le brûle, le baryton exprime les affres d’une âme qui a perdu toute force morale, qui est vaincue face à la tentation de la chair. Français impeccable, accentuation juste, ardente activité intérieure (la bataille dont il s’agit est moins celle entre une âme pécheresse et son mentor, que le conflit latent qui atteint et plonge l’homme contre lui-même): le baryton américain offre du rôle, un visage émouvant et tendu, toujours humain et sincère.
On reste moins convaincu par le Nicias de Michel Schade dont l’aigu tranchant, la raideur du style, contredit par son manque de nuances, la prestation jubilatoire du couple vedette.


Magie de l’opéra, confort du cinéma



Soulignons l’intérêt des captations cinématographiques du Metropolitan, intitulées « Met HD live » (les directs du Met en haute définition): le spectateur bénéficie de conditions de confort optimales (celles des meilleures salles de cinéma d’Europe: nous étions pour notre part au Gaumont des Champs Elysées): les moyens techniques dépassent l’entendement: multiples caméras, dans la fosse, surplombant la salle du Met, sur la scène, surtout dans les coulisses (pas moins de 15 ! lesquelles permettent de suivre le moindre geste des machinistes pour les déplacement des décors). Les spectateurs peuvent suivre ainsi sur la scène,chaque personnage de très près (expressions du regard, gestes, accessoires…) et dans la fosse, découvrir la battue du chef (en l’occurrence pour cette Thaïs américaine, le chef espagnol Jesus Lopez Cobos, aux gestes précis, carrés, vifs, abandonnant sa baguette pour mieux se plonger dans le vertige lyrique de la Méditation de Thaïs, épisode clé du II) : pendant les entractes (en moyenne 20 mn chacun) les premières minutes sont consacrées à des entretiens avec les protagonistes (Renée Fleming et Thomas Hampson expliquent ainsi la progression dramatique et les défis vocaux de leurs rôles…)… et en présentateur vedette, Placido Domingo présente, explique, fait chauffer l’ambiance.

Jamais cinéma et opéra n’ont mieux diffusé et fait vivre la magie du genre lyrique. Qualité supérieure des images en direct, son présent (quoiqu’un peu plaqué et serré dans l’écran, manquant de largeur comme de profondeur… infirmes réserves), moelleux des fauteuils, et même pauses bienfaitrices de 20 mn pour se rafraîchir et reprendre ses esprits entre chaque acte afin d’en mieux suivre étapes et enjeux…. Que demander de plus? Spectacle total!
Notre conseil: choisissez bien votre salle de cinéma pour profiter du grand écran en HD dans les meilleures conditions. Mais ne tardez pas trop pour réserver votre fauteuil car la plupart des séances suscitent un très fort succès d’audience.

New York. En direct du Metropolitan Opera. Samedi 20 décembre 2008. Jules Massenet: Thaïs, 1894. Avec Thaïs: Renée Fleming. Nicias: Michael Schade. Athanaël: Thomas Hampson. Palémon: Alain Vernhes. Metropolitan Opera chorus and orchestra. Jesús López-Cobos, direction.

Prochain opéra de l’opération Met HD live:
La Rondine de Puccini
avec le couple vedette: Robert Alagna et Angela Georghiu, le samedi 10 janvier 2009, dans toutes les salles partenaires de l’opéra (Lire notre dossier l’opération MEe HD Live, l’opéra au cinéma, en direct du Met de New York).

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