mardi 19 mars 2024

Edouard Lalo: Symphonie Espagnole. Nikita Boriso-Glebsky1 cd Fuga Libera (2011)

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cd, critique, compte rendu
Lalo: Symphonie espagnole
Sinfonia Varsovia, Augustin Dumay (direction)

Nikita Boriso-Glebsky, violon

Du Lillois, Edouard Lalo (823-1892), la Symphonie espagnole est l’oeuvre d’un authentique compositeur virtuose pour le violon, membre du fameux Quatuor Armingaud. C’est sa femme, talentueuse contralto bretonne, Julie (par ailleurs héritière richement dotée) qui encourage Lalo à reprendre le travail de composition: ainsi, à 42 ans, Lalo écrit l’opéra Fiesque, splendeur toujours mésestimé (1866), Le Roi d’Ys (1875-1887), le ballet Namouna de 1883, merveille d’orchestration, admirée de Messager et Debussy!). Avec l’essor de la Société nationale de musique, fer de lance de l’ambition des compositeurs français après l’écroulement du Second Empire, Société dont il est membre fondateur, Lalo privilégie surtout la musique de chambre d’une exquise qualité, aux côtés de laquelle figurent quelques massifs symphoniques tout autant raffinés.

Ainsi la Sonate pour violon et piano opus 12 (d’esprit 1850 et nettement classique voire schubertienne), mais surtout la Symphonie Espagnole qui montre l’éclectisme européen du compositeur capable ensuite d’écrire un opus clairement russe puis norvégien: sa curiosité semble large et plurielle. C’est l’expression la plus accomplie de son amitié avec le violoniste Pablo de Sarasate, rencontré dès 1873. Dans l’enthousiasme applaudi de son Concerto (très symphonique), Lalo écrit sa Symphonie Espagnole, en fait, œuvre concertante pour violon dont le 3è mouvement (Intermezzo) semble synthétiser toute la fierté et le déhanchement si altier de la pose ibérique; la vague hispanisante enflamme alors Paris qui découvrira bientôt en 1875, Carmen de Bizet sans en mesurer toute la sauvage et entêtante modernité.
Crée en février 1875, la Symphonie de Lalo, en 5 mouvements, chacun parfaitement caractérisés, impose un maître compositeur dans l’art pourtant apparemment factice ou strictement décoratif, des inspirations  » folkloriques « . Rien de tel en vérité avec Lalo car le génie de l’orchestrateur sait éviter toute vulgarité; l’inventivité y est maîtresse, la fantaisie souveraine, l’audace du geste soliste et l’ambition même de renouveler le genre concertant: Lalo avec Saint-Saëns partage ce tempérament défricheur recréant une titulature qui dit beaucoup sur son œuvre: Fantaisie norvégienne (dédiée aussi à Pablo, qui inspirera à Bruch, sa propre Fantaisie écossaise), Romance-Sérénade, Concerto Russe… et donc Symphonie Espagnole… jusqu’à placer l’andante en avant dernière position, après l’éclat scintillant et si plein de panache du 3ème Intermezzo.
La liberté de ton, l’intensité des climats contrastés, la versatilité et surtout cette fausse légèreté d’une orchestration virtuose autant que géniale, évitant toute kitcherie, rappelant aussi le Delibes de Coppelia (autre sommet du romantisme français de cette époque (1870), qui fera les beaux soirs de l’Opéra Garnier flambant neuf à partir de 1875), voilà qui impose la trempe de Lalo: un immense auteur auquel Augustin Dumay sait restituer l’ampleur, l’ambition, la finesse; et aussi une certaine violence par des accents très affirmés voire autoritaire… Accompagnant avec une sensualité colorée, le soliste requis dans ce programme militant et très habité (le jeune russe Nikita Boriso-Glebsky mis en avant en couverture du présent disque), le chef encourage son protégé dans l’accomplissement d’un jeu solistique qui ne manque ni de caractère ni de précision.

C’est Tchaïkovski qui résume les facettes scintillantes de ce joyau concertant (dans une lettre à sa meilleure amie et protectrice, Nadejda von Meck: « C’est si frais, léger, cela contient des détails de rythme si piquants, des mélodies si joliment harmonisées…  » : l’hommage n’est pas mince venant de l’auteur de tant de pages éblouissantes, elles aussi si vivement colorées et raffinées, du Lac des Cygnes à Casse Noisette). Symphonie très convaincante.

Edouard Lalo: Symphonie Espagnole (1875). Nikita Borisco-Glebsky, violon. Sinfonia Varsovia. Augustin Dumay, direction. couplée avec Sonate, Arlequin, Guitare. 1 cd Fuga Libera 2011.

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