vendredi 29 mars 2024

Dukas: Ariane et Barbe-Bleue (Denève, Liceu, 2011)

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Barcelone, juin 2011 : le Liceu accueille la production créée en 2005 à Zurich, essentiellement fermée, en un espace sans guère de porte de secours, où chaque encadrement menace. D’ailleurs, Claus Guth refuse toute échappée, y compris l’allusion à l’aube printanière au II comme à l’irrésistible empire de la lumière dans l’antre d’un tyran geôlier, collectionneur de belles femmes (ici richement parées et habillées, telles qu’elles paraissent tout au long du I). Le regard se veut aussi pathologique, inventant pour les recluses, toute une série de convulsions nerveuses, dignes d’aliénées piégées dans un asile psychiatrique. Mais la conception est moderne et affecte sans guère de poésie (au mépris de l’esthétique surnaturelle et angoissée de Maeterlinck), la stricte froideur d’un pavillon petitbourgeois d’un réalisme glaçant.
Prometteuse sur le papier, la distribution révèle ses limites : emblématique de tous les chanteurs, Jeanne-Michèle Charbonnet malgré une évidente présence dramatique (et linguistique, car est elle parfaitement intelligible), paraît souvent à côté du personnage à cause de ses aigus vibrés incontrôlés : un défaut d’éclat pour une héroïne libératrice, habitée par l’esprit de la révolte et de l’émancipation. Une féministe ardente et argumentée même. Et José Van Dam qui a l’épaisseur émotionnelle du rôle titre (Barbe-Bleue), diffuse un chant à peine audible, brumeux, sans le mordant et le trouble vocal requis.


Denève Dukasien : le chant de l’orchestre

Reste la superbe direction du roussélien Stéphane Denève, l’enfant du Nord (né à Tourcoing et ex assistant de Ozawa ou Solti) : un travail d’orfèvre qui lui, rend justice au chef d’oeuvre de Dukas. Le compositeur traversé par une inspiration sidérante vient de terminer la partition de L’Apprenti sorcier (1897). Raffinement d’une orchestration française pour une partition orchestrale fleuve, à la fois straussienne et wagnérienne où l’on retrouve toute l’imagination mélodique du Prix de Rome, déjà superbement génial avec sa cantate récemment révélée  » Vélleda « : le scintillement d’une instrumentation à la fois onirique et tragique s’y distinguait avec brio.
Toutes qualités développées ensuite dans Ariane, longue péripétie d’écritures incertaines et perfectionnistes – inaugurée dès 1905-, qui accouche du sommet lyrique en… 1907 (création à la Salle Favart) : opéra de femmes où se détachent aussi les voix enchaînées consentantes de Sélysette, Ygraine, et aussi Mélisande, Bellangère et Alladine, Ariane étire son étoffe somptueuse dont le cheminement symphonique se met déjà comme Pelléas de Debussy (1902), au diapason des sentiments ténus les moins perceptibles. A Stéphane Denève revient le mérite d’expliciter le dévoilement de la psyché, c’est à dire de suivre le labyrinthe poétique du livret inspiré par l’Ariane de… Maeterlinck (1899), venu à l’opéra grâce à sa relation avec la soprano Georgette Leblanc.

Paul Dukas : Ariane et Barbe-Bleue. Jeanne-Michèle Charbonnet (Ariane), Patricia Bardon (la Nourrice), José Van Dam (Barbe-Bleue), Beatriz Jimenez (Ygraine), Elena Copons (Mélisande), Salomé Haller (Bellangère), Gemma Coma-Amabart (Sélysette), Chœur et Orchestre du Liceu de Barcelone, Stéphane Denève. 1 DVD Opus Arte OA1098. Enregistré au Liceu de Barcelone en juin 2011.

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