Du Second Empire la Troisième République, festivalPalazzetto Bru Zane, du 12 avril au 5 juin 2011

Presque un siècle nous contemple… Du Second Empire (1852-1870) à la IIIè République (1870-1940), la France vit une succession de régimes politiques dont l’instabilité montre les atermoiements de l’époque… une période de turbulence institutionnelle qui cependant artistiquement s’avère stimulante. Les régimes passent: les créateurs se dépassent.
Parfois les essais politiques sont trop fugaces: ils durent pour disparaitre, ainsi le très court épisode libéral du pouvoir impérial, institué en 1869, … emporté par la guerre de 1870.
Puis Bordeaux accueille la nouvelle République tandis qu’à Paris redouble la révolte des communards et que la chambre parlementaire s’accroche à l’idéal monarchiste comme un ancien réflexe conservateur (République des ducs 1871-1876). Curieuse époque où les députés sont majoritairement royalistes.

Les Républicains ne s’imposeront vraiment qu’à partir de 1879, et la coalition dont ils sont porteurs gagne progressivement du terrain jusqu’à concentrer tous les courants d’ idée au moment de la première guerre.

La France de la fin du siècle ne semble affirmer son visage que dans sa relation au voisin allemand. D’ autant qu’avec la défaite de 1870, la déculottée a été cinglante et amère : la Lorraine devenant germanique jusqu’en 1918: ce que l’on peut encore voir à Metz par exemple… (dans l’ordonannce du quartier impérial de style prussien tout autour de la gare…). Il faudra un second choc guerrier pour inverser l équilibre douloureux produit par 1918.

L’art et en particulier la musique suit ce canevas : tous les compositeurs d’importance se définissent par rapport à… Wagner. Être wagnérien, faire le pèlerinage à Bayreuth … Ou s’opposer et se détourner du wagnérisme? Tout est là Mais la question qui taraude reste qu’écrire après Tristan? Même Debussy ou Claude de France , pourtant indépendant et si singulier adopte quelques traits furieusement wagnériens dans les dernières musiques de scènes pour les changements de décor de Pelléas et Mélisande (1902).
Et les français se montrent particulièrement féconds voire chauvin à tout le moins nationalistes (1871: création de la société nationale de musique) dans le registre de la musique symphonique et de la musique de chambre: le défi est d’ autant plus difficile à relever qu’il faut ici rivaliser avec les grands viennois Mozart, Haydn Beethoven, Schubert… Et même prolonger ou dépasser leurs travaux.
Mais Paris demeure inégalable aussi par la créativité de ses théâtres lyriques : tout en reconnaissant les vertus spectaculaires du grand opéra de Meyerbeer destiné spécifiquement pour les planches et la nouvelle vastitude de l’Opéra Garnier (ce grand vaisseau de mer et la célèbre « grande boutique » fustigée par verdi), les spectateurs de l’Empire aiment surtout s’encanailler chez Offenbach, maître incontesté du divertissement parodique, où l’art fait rimer décadence avec insouciance…

Y aurait-il pendant ces années capitales ou l’art français résiste, reflux du lyrique (malgré la permanence spectaculaire d’un Massenet sur la période) et essor inédit (encore méconnu) de la musique pure?
C’est toute la riche question (si captivante) que pose et éclaircit la programmation du prochain festival « Du Second Empire à la troisième République », présenté a Venise par le Centre de musique romantique française à partir du 12 avril 2011. L’essor des symphonistes y sera en particulier dévoilé, mesuré, réinvesti, réestimé.

La France n’a pas à rougir face aux auteurs pour l’orchestre que sont les grands germaniques, encore aujourd’hui incontournables dans les salles de concerts: de Beethoven à Brahms et Bruckner… sans omettre Mendelssohn et Schumann. C’est toute une constellation de symphonistes français qui se précise devant nous d’Hérold à Berlioz; mais aussi Franck, Saint-Saëns (Concerto pour violoncelle nº 1) et Lalo (Symphonie en sol mineur) sans omettre Chausson (Symphonie en si bémol majeur, Poème pour violon et orchestre) … Jusqu’à Dukas menant à Ravel… Ainsi est définitivement tirée de l’ombre, la Symphonie Romantique (si bien nommée) de Victorin Joncières (portrait ci contre)... La musique pure, chambriste ou symphoniste innove, ose, porte l’avenir, quand l opéra cherche toujours sa forme la plus équilibrée, produisant d’incomparables pépites depuis Carmen, avec Samson (Saint-Saëns) ou Louise (Charpentier). La forme du quatuor et son extension symphonique restent donc le cadre des expérimentations les plus décisives …

Et comme le démontre magistralement le cycle de concerts au Palazzetto Bru Zane et aussi à la Scuola San Giovanni Evangelista, le passage d’ un siècle à l’autre est un âge d’ or musical incarné par la désormais « sainte » trilogie: Fauré, Debussy, Ravel… Festival événement, du 12 avril au 5 juin 2011. Le festival s’exporte aussi partout dans le monde, faisant entendre les fleurons de la musique française aux quatre coins de la planète…