mardi 19 mars 2024

César Franck: Symphonie en ré, 1889. Jean-Yves OssonceTours, Grand Théâtre. Les 12 et 13 janvier 2013

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Orchestre Symphonique Région Centre Tours
saison 2012-2013
Jean-Yves Ossonce, direction

César Franck

Symphonie en ré

Samedi 12 janvier 2013, 20h

Dimanche 13 janvier 2013, 17h


Tours, Grand Théâtre

Rien n’est comparable au monument qu’est la Symphonie de César Franck (1889): une synthèse des dernières évolutions symphoniques en France à la fin des années 1880, surtout un commentaire extrêmement personnel et original du symphonisme germanique de Beethoven à Wagner, auquel Franck (1822-1890), wagnériste motivé et aussi membre de la Société nationale de musique à Paris, entend apporter une sorte de démenti: « il y a bien une autre façon de composer pour l’orchestre après Wagner (et ajoutons aussi Liszt) », semble nous dire le génial liégeois.

Monument symphonique de 1889

En pratique, la ré mineur (créée non sans rebondissements et résistances à Paris en 1889) succède aux jalons du genre: Symphonie espagnole de Lalo (1875), Symphonie romantique de Joncières (1876, hommage wagnérien personnel), Symphonie avec orgue de Saint-Saëns (1885), Symphonie Cévenole de D’indy (1886)… Franck, critiqué, vilipendé même par ses contemporains, trop antiwagnériens, sont aveuglés par dogmatisme et ne trouvent ici que pédantisme et épaisseur, surtout wagnérisme non dépassé.
Or c’est tout l’inverse: dédié à son élève Duparc, la Symphonie de Franck dès le début développe ce caractère profond et empoisonné (tristanesque) et excelle dans l’art ténu et si subtil de la modulation et du développement cellulaire, offrant surtout une leçon d’écriture cyclique: les motifs étant réitérés tout au long des mouvements mais dans une formulation métamorphosée constante, soulignant dans l’écriture cette fluidité structurelle que doit diffuser l’orchestre. La cellule paraît et réapparaît, ses réitérations n’étant jamais identiques au premier énoncé; chacun de ses avatars jalonne les progrès et les avancées du flux dramatique. Chacun des trois thèmes développés séparément dans chacun des trois mouvements est exposé dès le début; leur combinaison superposée relève de la résolution libératrice qui structure encore l’architecture globale de l’œuvre.

Unité organique, symphonie en épisodes. Comment préserver l’unité et la cohérence du flux orchestral, en un tout organique malgré la nécessité du plan en quatre parties, c’est à dire par épisodes, de mise depuis les Viennois classiques et romantiques: Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert…?
Par le principe cyclique très largement exploité et avec quelle finesse et intelligence par Franck. Un concept magistralement défendu par Berlioz dans sa Symphonie Fantastique de 1830. Alors le cycle c’est à dire la réitération des thèmes précédemment écoutés, emblème du romantisme symphonique français? : très certainement. Franck au moment de la création de son chef d’œuvre est personna non grata parmi les plus conservateurs, ceux qui dans le sillon orthodoxe de Saint-Saëns considéraient le musicien belge comme un traître au nationalisme musical défendu par la Société nationale de musique. Depuis 1870, il reste patriotique de détester l’art germanique. En élargissant l’inspiration et la composition vers le style allemand, celui de Beethoven et de Wagner, Franck avait provoqué une vague d’opposition sans pareil, qui se traduit très vite par une incompréhension de son œuvre. Ambroise Thomas, Gounod épinglent sans nuance la Symphonie de Franck, la jugeant maladroite, aride, dogmatique,… c’est à dire insupportablement germanique (lisztéenne et wagnérienne).

Or, maître des climats les plus contrastés, Franck émerveille littéralement entre la gravité lizstéenne du lento-allegro non troppo initial, et le pastoralisme lumineux et mélancolique de l’Allegretto (à la fois andante et scherzo)… C’est en particulier dans le Finale-Allegretto on troppo où sont récapitulés tous les thèmes moteurs et leurs combinaisons souterraines que gonfle une voile orchestrale d’un nouveau souffle, quasi mystique quand la harpe se joint aux cordes, dialoguant avec les cuivres de plus en plus solennels et profonds.
L’œuvre est traversée par l’expérience des gouffres désespérés puis, à l’instar des constructions lisztéennes, s’élève à mesure de son développement, en une arche puissante et très texturée mais jamais épaisse ni lourde…
Lisztéenne et wagnérienne, beethovénienne et poétiquement totalement originale, comme structurellement façonnée selon le principe cyclique, la Symphonie suppose une maîtrise idéale sur le plan musical et artistique.

La Symphonie en ré de César Franck est couplée avec :
Suite en fa opus 33 d’Albert Roussel
Concert pour trompette d’Henri Tomasi
(Romain Leleu, trompette)

Illustrations: César Franck (DR), Jean-Yves Ossonce (© Benjamin Dubuis)
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